Miscellanees.net - blog prolixe pub, marketing & conso, high tech, innovations - Mot-clé - Cannes2023-11-09T22:14:23+00:00urn:md5:e7ec1fbd7729b619d22bab365af406cbDotclearUn film doit-il sortir en salles pour être encore un film? (Netflix vs Cannes)urn:md5:8c75547c32dfa537b6c67c2442070d512018-05-13T21:22:00+02:002018-05-13T21:38:09+02:00Capucine CousinCulture numériqueCannesCinémaFestival de CannesFilmNetflixwebfilm <p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.taxi-festival-film-cannes_m.jpg" alt="taxi-festival-film-cannes.jpg" title="taxi-festival-film-cannes.jpg, mai 2018" /></p>
<p><strong>Il</strong> était censé venir au Festival de Cannes avec 5 films et
documentaires dans les cartons. Finalement, Netflix a décidé de bouder la
grand-messe du cinéma, qui bat son plein en ce moment. Tout est parti d'une
déclaration le 23 mars dernier de Thierry Frémaux, délégué général du Festival,
précisant <em>"Tout film qui souhaite concourir pour la Palme d'or devra sortir
dans les salles françaises"</em>. La règle est claire, désormais, Cannes
n’accepte en compétition que des œuvres qui sortiront en salles. Ca n'a pas
manqué, le 13 avril, Ted Sarandos, directeur des contenus de Netflix, annonce
sa décision de bouder le festival. "<em>Nous voulons être sur un plan d'égalité
avec les autres cinéastes"</em>, précise-t-il dans un entretien à
<em>Variety</em>, la Bible de la presse cinéma à Hollywood. Et d’ajouter:
<em>"Bien sûr, il y a deux visions différentes. Mais nous avons choisi de nous
inscrire dans l'avenir du cinéma. Si Cannes a choisi d'être bloqué dans
l'histoire du cinéma, c'est son choix"</em>.</p>
<p>Un premier round dans cette bataille avait été mené en mai 2017, lorsque
Netflix avait rechigné à sortir dans les salles obscures ses deux films en
sélection officielle, <em>Okja</em> et <em>The Meyerowitz Stories</em>. Pour
les diffuser uniquement sur sa plateforme de streaming. A la grande colère des
exploitants, qui y voyaient bafoué <strong>le statut roi du film projeté en
salle</strong>, protégé par l'intouchable chronologie des médias. Netflix avait
alors remporté la manche.</p>
<p>En cette année 2018, la mesure de rétorsion ne s’est pas faite
attendre : cinq films produits par la firme de Los Gatos ont été privés de
tapis rouge à Cannes : <em>Norway</em> de Paul Greengrass, <em>Roma</em>
d'Alfonso Cuarón (réalisateur de <em>Gravity), Hold the Dark</em> de Jeremy
Saulnier, <em>They'll Love When I'm Dead,</em> un documentaire de Morgan
Meville sur le cinéaste Orson Welles, et même <em>The Other Side of the
Wind</em>, le dernier long-métrage inachevé de ce même Orson Welles. Un projet
inachevé du légendaire réalisateur de <em>Citizen Kane</em>, qui avait a pu
aboutir… grâce à un investissement de Netflix.</p>
<p><strong>Les Anciens contre les Modernes</strong></p>
<p>Comme une nouvelle bataille des Anciens contre les Modernes. Même si, la
semaine dernière, au festival Series Mania à Lille, consacré aux séries
télévisées, revenant sur cette polémique, Reed Hastings se livrait à un semi
mea culpa, regrettant qu'avec le Festival de Cannes, où aucun de ses films
n'est sélectionné cette année 2018 faute d'accord, Netflix <em>"s'est mis dans
une situation plus délicate que ce que nous aurions voulu"</em>. Avant de
défendre son modèle économique: <em>"comme nos abonnés financent nos films, on
veut qu'ils y aient accès rapidement et pas trois ans plus tard"</em>.</p>
<p>Mais pourquoi ce combat entre le nouveau géant de l'audiovisuel et les
organisateurs du Festival de Cannes ? Toute la polémique repose sur la
<strong>sortie des films en salles,</strong> indispensable pour les
organisateurs du Festival de Cannes, accessoire pour Netflix. Or, un film
projeté dans un cinéma doit attendre trois ans avant qu’une plateforme de vidéo
à la demande par abonnement puisse le diffuser. C’est la règle en France, la
"chronologie des médias".</p>
<p>Or, qu'est-ce qui définit un film aujourd'hui ? Sa sortie en salles
est-elle encore indispensable, obligatoire, pour en faire un film ? Ou un
film est-il un film par ses conditions de tournage, de production ? Alors
que se multiplient les plateformes de vidéo à la demande sur abonnement,
Netflix (qui compterait 3,5 millions d'abonnements en France), Amazon Prime
Video, et bientôt, un "Disney Flix", voire des plateformes de SVoD européenne,
chinoise, entraînant de nouveaux usages dans les modes de
<del>consommation</del> visionnage des films.</p>
<p>Netflix l'a dit à plusieurs reprises, ses 8 milliards de dollars de budget
de production de "contenus originaux" (dont 1 milliard pour l'Europe) visent en
partie à produire des long-métrages, destinés à sortir directement et
uniquement sur sa plateforme, sans passe par la case salles de cinéma.</p>
<p><strong>"Webfilms"</strong></p>
<p>Ces films nouvelle génération, <em>"ce sont des webfilms"</em>, me disait
récemment le cinéaste Radu Mihaileanu, président actuel de l'Association des
réalisateurs producteurs (ARP). Sans préjuger de leur qualité, à ses yeux,
<em>"ce n'est pas du cinéma: ces webfilms ne sont vus que sur un écran
d'ordinateur ou de télévision"</em>.</p>
<div class="external-media" style="margin: 1em auto; text-align: center;">
<object type="application/x-shockwave-flash" data="http://www.youtube.com/embed/hlE688vgoBI?version=3&hl=fr_FR&feature=player_embedded&version=3" width="425" height="350"><param name="movie" value="http://www.youtube.com/embed/hlE688vgoBIversion=3&hl=fr_FR&feature=player_embedded&version=3" />
<param name="wmode" value="transparent" /></object></div>
<p>Justement, peu avant le Festival, le 13 avril, Netflix sortait directement
sur sa plateforme <strong><em>Je ne suis pas un homme facile</em></strong>,
estampillé <strong>"premier film français Netflix original"</strong>. Réalisé
par Eléonore Pourriat, ce film, très drôle, qui imagine un monde où les femmes
auraient précisément la place sociale des hommes, a tout du film indépendant ,
entre son casting, avec à l’affiche Vincent Elbaz et Marie-Sophie Ferdane,
méconnue au cinéma mais pensionnaire de la Comédie française, aguerrie au
théâtre.</p>
<p>La réalisatrice est ravie, elle estime qu’elle n’aurait pas eu sa chance
aussi vite pour monter son premier film en France. Pour elle, c'est sûr, cela
reste un film, <em>"Nous avons travaillé dans les mêmes conditions , et une
même exigence, que si le film était projeté en salles : avec une chef
opératrice, un ingénieur du son…"</em>, m'expliquait-elle.</p>
<p>Le fait qu'il ne sorte pas en salles ne lui pose pas de problème. Elle est
déjà convaincue du bien-fondé des nouvelles formes de distribution en ligne des
films. Elle qui a acquis une "notoriété virale" avec son premier court-métrage,
<strong><em>Majorité opprimée</em></strong>, 9 millions de vues sur YouTube aux
quatre coins du monde. Et même, sur Netflix, elle estime bénéficier <em>"d'une
exposition dans 192 pays. Et il est sorti sans la pression du mercredi à 14
heures : on lui laisse le temps de s’installer par le bouche à
oreille"</em>.</p>