Miscellanees.net - blog prolixe pub, marketing & conso, high tech, innovations - Mot-clé - Inde2023-11-09T22:14:23+00:00urn:md5:e7ec1fbd7729b619d22bab365af406cbDotclear"Aadhaar": 1,2 milliard d'Indiens bientôt scannésurn:md5:23020764e34cc096c99fd8a704ea46022011-09-12T22:10:00+02:002011-09-19T21:27:07+02:00Capucine CousinVie privée & données personnelles en ligneAadhaarBiométrieIndeInfosysPrivacy <p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.wired_m.jpg" alt="wired.jpg" title="wired.jpg, sept. 2011" /></p>
<p>Photo Jonathan Torgovnik / <em>Wired</em></p>
<p>Ils sont actuellement 400 millions, les plus pauvres du pays, ils n'ont pas
d'identité civile - donc pas de compte en banque, de crédit, d'assurance,
d'aides publiques. Un projet national ambitionne de les intégrer au système. En
les dotant d'une identité - biométrique.</p>
<p>Un projet aussi pharaonique que paradoxal. Imaginez ! L'un des pays les
plus grands du monde, et les plus peuplés, s'est attelé à doter tous ses
habitants d'une <strong>identité civile</strong>, mais avec un système
<strong>biométrique</strong>, à partir de relevés de leurs empreintes de doigts
et un scan de leur iris, mais sans carte d'identité. Des villageois de
l'Himalaya aux citadins de Bangalore, 1,2 milliard d'Indiens seront dans le
système, cette <strong>étrange matrice</strong> - la <strong>plus grande base
de données biométrique</strong> qui existe sur terre. Nom de code du projet:
<a href="http://uidai.gov.in/">Unique Identification Project</a> (Hindi: भारतीय
विशिष्ट पहचान प्राधिकरण), aussi appelé <strong>Aadhaar</strong> ("la
fondation", en plusieurs langues indiennes). Avec une remarquable enquête,
<em>Wired</em> US <a href="http://www.wired.com/magazine/2011/08/ff_indiaid/all/1">raconte cette
histoire</a> dans son dernier numéro.</p>
<p><strong>Identification dématérialisée</strong></p>
<p>Le sujet m'a semblé passionnant, car des projets recourant à ces
technologies d'identification, basées sur des données dématérialisées - mais
concentrées sur des cartes d’identité, à la différence du projet indien -
concernent désormais bon nombre de pays sur la planète. En France, le projet de
carte d'identité biométrique (ex-Ines) est devenu un serpent de mer: le premier
projet, dont je parlais <a href="http://archives.lesechos.fr/archives/2005/LesEchos/19440-175-ECH.htm">dans
''Les Echos'' en 2005</a>, décrié, fut retiré précipitamment. Avant de refaire
surface <a href="http://www.zdnet.fr/actualites/luc-vanneste-dg-du-registre-national-belge-pres-de-la-moitie-des-belges-ont-une-carte-d-identite-electronique-39364280.htm">
au début de cet été</a> 2011. Sans compter <a href="http://www.zdnet.fr/actualites/luc-vanneste-dg-du-registre-national-belge-pres-de-la-moitie-des-belges-ont-une-carte-d-identite-electronique-39364280.htm">
le projet belge (dès 2001</a>), et une multitude de projets biométriques: au
Canada, au Royaume-Uni, en Afrique noire (au grand bonheur de certaines boîtes
françaises, telles Thales et Safran), en Asie...</p>
<p><strong>Le "Bill Gates de Bangalore" à l'oeuvre</strong></p>
<p>En Inde, le gouvernement espère ainsi remédier à un problème jusque là
insoluble pour lui: comment implémenter des systèmes d'identification
nationaux, dans un pays immense divisé en régions quasi-autonomes, encore
déchiré par un système de castes officieux mais bien existant, et où plus de
300 langues et dialectes sont pratiqués ?</p>
<p>En 2009, le gouvernement Indien s'est plié à recourir à un système
d'identification biométrique national, raconte <em>Wired</em>. Et même en
allant jusqu'à recourir aux services d'un mécène, en la personne de Nandan
Nilekani, surnommé le "Bill Gates de Bangalore", milliardaire devenu héros
national depuis la création de la SSII Infosys en 1981. Et désormais à la tête
de l'entité ad hoc de ce projet, implantée à Delhi, et qui s'est entouré de
stars des start-ups, dont le co-fondateur de Snapfish, et des pointures de
Google et Intel. Le projet Aadhaar était lancé en septembre 2010. Plus de 16
millions d'Indiens ont été embauchés, pour scanner et relever des empreintes
d'Indiens à tour de bras - 600 millions de personnes devraient figurer sur la
base de données en 2014. s'y ajouteront celles de 1 million de personnes de
plus par jour (!).</p>
<p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.th01_finger_india-s_279653f_m.jpg" alt="th01_finger_india-s_279653f.jpg" title="th01_finger_india-s_279653f.jpg, sept. 2011" /></p>
<p>Les chiffres ont quelque chose de vertigineux: <em>"la base de données
comptera environ 2° perabytes de données, soit 2 X 10/16 bytes. Ce qui
représentera 128 fois la taille de la plus grosse base de données biométrique
au monde, celle du Service de la sécurité intérieure, avec les photos et
empreintes de 126 millions de personnes"</em>, d'après <em>Wired</em>.</p>
<p>Alors ce projet futuriste, qui n'est pas sans rappeler <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2011/01/02/Et-si-la-science-fiction-%C3%A9tait-has-been">certains films
de science-fiction</a>, soulève nombre de <strong>questions techniques et
éthiques</strong>, pas moins vertigineuses. Quid en cas de duplication de ces
bases de données humaines ? Surtout, le recours à ces technologies - à peu
près - imparables pour intégrer socialement l'ensemble des Indiens à de quoi
faire froid dans le dos. L'objectif est louable. On imagine en quoi cela pourra
changer la vie des Indiens les plus pauvres: même s'ils n'ouvrent pas de compte
bancaire classique, grâce à ce moyen d'identification, ils pourront déposer de
l'argent auprès d'épiciers locaux, qui auront le droit de faire office de
banques locales. C'est là l'enjeu social: la mise en place d’un programme de
transfert conditionnel d’argent (conditional cash transfers, CCT) - déjà
existant au Brésil, au Mexique ou aux Philippines. Un tel programme permettrait
de transférer aux familles pauvres une petite allocation mensuelle sur un
compte en banque. A terme, il pourrait remplacer l’actuel système public de
distribution (mécanisme permettant aux ménages d’avoir accès à des denrées de
base à des prix subventionnés).</p>
<p><strong>Privacy</strong></p>
<p>Mais le recours à la biométrie a agité les défenseurs de la vie privée.
Parce que Aadhaar reste un <strong>projet de business</strong>. Son système à
l'architecture ouverte autorisera l'implémentation d'applications par des
entreprises privées, comme un smartphone. Le numéro d'identifiant pourra
permettre d'obtenir un téléphone - voire utilisé pour identifier des passagers
d'une compagnie aérienne, des étudiants... La brèche est ouverte. Car sans
Aadhaar - dont la possession ne sera pas obligatoire - pas d'accès à ces
services...</p>
<p>Sur la question de la privacy, une petite Google search révèle une kyrielle
de sites anti-Aadhaar (comme <a href="http://thefishpond.in/anivar/2010/citizens-against-uid/">ici</a>), qui ont
violemment dénoncé le discours de Nilekani en janvier dernier devant le
National institue of advanced studies. Les projets occidentaux
<em>"s'inscrivent dans des perspectives de sécurité et de protection"</em>, a
rétorqué Nilekani - sous-entendu, pas nous... Certes, en Inde, pas de projet de
collecter des éléments sur l'ethnie ou la race des Indiens. Mais ces données
digitales seront entre les mains du gouvernement.</p>