Miscellanees.net - blog prolixe pub, marketing & conso, high tech, innovations - Mot-clé - Spike Jonze2023-11-09T22:14:23+00:00urn:md5:e7ec1fbd7729b619d22bab365af406cbDotclear"Men, women & children", liaisons dangereuses par écrans interposésurn:md5:eb3ba42508ca10725036f68b88fef9752014-12-10T22:51:00+01:002014-12-11T08:38:47+01:00Capucine CousinCulture numériqueFacebookiPhoneMMORPGSpike JonzeTwitterwomen childrenYouPorn <div class="external-media" style="margin: 1em auto; text-align: center;">
<object type="application/x-shockwave-flash" data="http://www.youtube.com/v/lR_lKig3toQ?version=3&hl=fr_FR&feature=player_embedded&version=3" width="425" height="350"><param name="movie" value="http://www.youtube.com/v/lR_lKig3toQ?version=3&hl=fr_FR&feature=player_embedded&version=3" />
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<p><strong>C</strong>ela commence par ces plans de foules, dans le métro, dans
la rue, dans un centre commercial, dans une cantine de lycée, où se superposent
des images d'écrans - des extraits de tweets, de chats, puis plus tard, de
pages Facebook. Ces enchevêtrements de mots parfois très intimes des
personnages du film qui tweetent, textotent, hésitent en écrivant des des
messages sur Facebook. C'est le cœur du film, une de ses originalités. Ces
images frappent déjà dans la bande annonce, il faut y voir <strong>une manière
nouvelle, qui casse les codes du cinéma classique, de mettre en scène notre
société numérique</strong>. Au passage, on notera <a href="http://www.slate.fr/culture/79106/gravity-affiche-twitter">cette mode</a>, sur
les affiches de films - dont du nôtre, évidemment - de citer des tweets en lieu
et place des extraits de critiques de films classiques.</p>
<p>Dans <strong><em>Men, women & children</em></strong>, sorti en salles
mercredi 10 décembre, Jason Reifman esquisse un état de lieu désenchanté des
effets de la culture Internet sur la société d'aujourd'hui. On y voit des
extraits de la vie - trop - numérique sur des habitants d'une banlieue
pavillonnaire américaine. Un brin moralisateur, Jason Reifman est tenté de
laisser entendre que ses personnages sont en partie malheureux à cause de cette
vie numérique. Un peu facile, certes. Le pitch donc: un ado accro au porno en
ligne, ce que son père (lui aussi adepte des Youporn cheap ;), découvre en se
connectant à son ordinateur dans sa chambre, un autre ado accro aux MMORPG, ces
jeux vidéo multijoueurs en ligne, une jeune fille qui suit de trop près les
conseils de sites "pro-ana", une mère parano adepte du cyber-espionnage de sa
fille, une autre mère qui, elle, met en ligne des images aguichantes de sa
fille adolescente...</p>
<p>Le réalisateur illustre ces faits de manière très concrète: la mère qui
flique littéralement sa fille (avec son consentement) en la géolocalisant sur
son smartphone, en parcourant régulièrement sa page Facebook et son profil
MySpace, et même les tréfonds de son ordinateur, l'ado anorexique qui se fait
conseiller sur un forum pro-ana lorsqu'elle est tentée de manger...</p>
<p><strong>Ultra moderne solitude "sociale"</strong></p>
<p><strong>De</strong> manière assez classique au cinéma (un peu à la manière
de l'excellent <em>Short cuts</em> de Robert Altmann), on y voit donc une
multitude de vies, d'histoires, qui s'entrecroisent. Avec un point commun, le
sujet du moment, <strong>le <em>Zeitgeist</em></strong> dont Jason Reifman
tente de s'emparer: les conséquences du tout-numérique, où comment les réseaux
sociaux multiples (Twitter, Facebook, les réseaux de gamers adeptes des MMORPG,
les sites de rencontres...) son devenus omniprésents dans nos vies. Au point de
créer de <strong>nouvelles formes d'ultra moderne solitude</strong> que
dénonçait Alain Souchon, et nos difficultés à communiquer avec ces réseaux
sociaux qui nous isolent autant qu'ils nous connectent partout dans le
monde.</p>
<p>On avait déjà vu Jason Reifman faire dans la satire féroce (super <em>Thank
you for smoking</em>) ou l'analyse sociologique un peu gnangnan (l’ambigu
<em>Juno</em>, ou le désir de maternité d'un adolescente), il fait de nouveau
dans l'analyse sociétale. Un peu simpliste et cliché. Avec, pèle-mêle, l'ado en
proie à se fantasmes à la sauce Youporn, un autre ado isolé par son jeu
vidéo... Sans compter les parents quadras las qui trouvent de nouveaux moyens -
sur ce maudit Web, toujours ;) - pour contourner leurs frustrations de couple,
soit ces nouveaux sites de rencontres extraconjugales - on note au passage le
<strong>placement de produit sur mesure</strong> qu'offre Jason Reifman au site
<em>Ashley Madison</em>, qui <a href="http://www.strategies.fr/actualites/marques/198163W/ashley-madison-ou-l-extra-pub.html">
a tenté son lancement</a> en France avec un coup de pub provoc'.</p>
<p><strong>Si</strong> l'ironie des débuts du film cède ensuite le pas à une
romance plus sage, ce qui m'intéresse ici est la manière innovante dont Reifman
tente de narrer les affres de notre nouvelle société numérique, rythmée par les
Twitter, Instagram, Facebook, YouPorn, et autres Tinder. <a href="http://www.strategies.fr/etudes-tendances/tendances/235009W/robots-series-tv-human-trop-human.html">
De rares fictions</a> ont mis en scène jusqu'à présent ce tournant : cela
a surtout été le cas de films d'anticipation, comme le remarquable <em>Her</em>
de Spike Jonze (que <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2014/03/19/%22Her%22%2C-quelle-voix-%28d%C3%A9sincarn%C3%A9e%29%2C-%C3%A8re-de-l-ultra-moderne-solitude">
je chroniquais ici)</a>, ou, dans une certaine mesure, <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2013/04/03/Des-%22hubots%22-plus-vrais-que-nature">la série</a> <em>Real
Humans</em>.</p>
<p><strong>Texto sur grand écran</strong></p>
<p><strong>Alors,</strong> comment représenter en images ces nouvelles manières
qu'ont les êtres humains de communiquer entre eux?__ Que faire du texto à
l’écran ? Comment l'intégrer le texto dans une fiction ? Après tout,
rien qu'en France, on envoie en moyenne 8 sms ou mms par jour, et même jusque
80 pour un adolescent. Le classique champ-contrechamp ne suffit plus. Pour
représenter cette société où l'on a nos regards fixés sur les écrans de nos
téléphones, tablettes et ordinateurs, Reifman ouvre donc <em>Men, Women &
Children</em> avec cette superbe scène de foule avec en "nuage" ces mini-écrans
de textos et messages sur Facebook que s'envoient les personnages. Un gadget
visuel qu'il abandonne au bout d'une bonne demi-heure, mais qu'il a donc été un
des premiers à tenter dans une fiction.</p>
<p>Le texto en surimpression, on l'a déjà vu, notamment, dans le film politique
<em>L’exercice de l’Etat</em> (Pierre Schoeller, 2011), ou encore la série
politique <em>Les hommes de l'ombre</em> (France 2, 2013/2014). On le vit
ensuite dans la série <em>House of cards</em> de Netflix, ainsi que la série
britannique <em>Sherlock</em> (2010) de la BBC. Au passage, une fois de plus,
la surimpression du texto permet de faire du placement de produit: non plus
simplement la pomme d’Apple, mais une interface, celle de l'iPhone, désormais
familier à tous, décidément entré dans notre quotidien.</p>7 ans avec mon iPhoneurn:md5:d71f26bb258785f595b79cc9aa1219dc2014-10-20T22:00:00+02:002014-10-23T08:12:02+02:00Capucine CousinCulture numériqueAssistant vocaliPhoneNicholas CarrPhubbingSiriSpike JonzeTwitter <p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.iphone-addiction_m.jpg" alt="iphone-addiction.jpg" title="iphone-addiction.jpg, oct. 2014" /></p>
<p><strong>C</strong>'était le 27 novembre 2007: les premiers iPhone étaient
mis en vente en France. J'ai eu la chance de pouvoir tester, ces premiers
jours, un de ces étranges appareils "<em>combinant un téléphone, un baladeur
iPod et un terminal internet"</em> (comme on disait à l'époque), sous Edge, et
où on pouvait accéder à des contenus et services en effleurant du doigt des
applications mobiles.</p>
<p>Quelques mois avant, Steve Jobs présentait l’iPhone à un parterre de
journalistes médusés, laissant entendre qu’il allait présenter trois produits
différents, un pour naviguer sur le web, un autre pour lire de la musique et un
autre pour téléphoner, avant de préciser qu’il parlait bien d'un seul et même
appareil : l’iPhone.</p>
<div class="external-media" style="margin: 1em auto; text-align: center;">
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<p>Bien sûr, en l'absence d'AppStore, cet iPhone "1" ne pouvait pas encore
profiter des jeux ou des applications tierces, et arrivait juste avec les
applications que Apple avait pré-installées dessus. Au fil des années, Apple a
intégré à ses appareils la 3G, un GPS, une caméra, l'écran Rétina, un programme
d'assistance à reconnaissance vocale (Siri), un lecteur d'empreintes
digitales...</p>
<p>Mais ce qui est fascinant est que avec ce premier iPhone, il y a (seulement)
7 ans, j'ai découvert peu à peu des nouveaux usages, qui sont déjà entrés dans
notre quotidien. Au point qu'on a du mal à se rappeler comment était notre vie
"avant". Ca faisait quoi de pouvoir lire ses mails uniquement sur son PC ?
C'est devenu tellement naturel. L'iPhone a façonné une multitude de nouveaux
comportements. Lui, puis tous les smartphones suivants, ont rendu notre vie
réellement numérique, à portée de main, dans notre poche, et plus seulement sur
l'ordinateur posé sur le bureau.</p>
<p><strong>Ecran tactile, apps, réseaux sociaux mobiles</strong></p>
<p>L'iPhone était le premier appareil de geeks pour le quidam. Plus besoin de
manuel, autant pour la phase de démarrage que pour son utilisation, tant il
était intuitif, avec un design d'interface facile à utiliser et rassurant, et
joli. L'Apple touch, comme sur les Mac.</p>
<p>Déjà, il y a eu l'<strong>écran tactile</strong>, grand, tout lisse, sans
clavier, où on adresse des commandes non plus en appuyant sur des touches
physiques, mais en l'effleurant. Plus de touches pour taper des SMS ou composer
un numéro - touches que j'avais connues toute ma vie, du Minitel au PC - mais
un "clavier virtuel" qui s'affichait en bas de mon écran. La révolution: en
2007, il n'y avait que quelques start-ups et Microsoft avec sa table tactile
Surface qui testaient déjà ce nouveau mode d'interaction avec une machine. La
commande tacite, prémisse à la commande gestuelle, puis vocale...</p>
<p>L'iPhone c'était aussi la <strong>naissance des applis mobiles</strong>, ces
petites icônes qui permettaient d'accéder à un contenu ou un service en
effleurant l'écran. C'est grâce à elles que l'iPhone est devenu un couteau
suisse, avec une multitude de fonctions. Des applis bien plus ergonomiques et
légères (y compris en consommation de datas) que les sites web pour mobiles:
une aubaine pour tous les médias et marques qui se sont tous mis à créer
furieusement leurs "apps" à partir de 2007. Et bien sûr, la pépite pour Apple,
c'est son Appstore, et son diabolique système où il prélève une commission de
30% sur les apps payantes vendues.</p>
<p>Mais attention, on est peut-être cool mais (très) prudes chez Apple: pas
question d'accepter des <strong><em>apps "pour adultes"</em></strong> dans son
univers, comme <a href="http://www.20minutes.fr/web/399647-20100422-applis-mobiles-coquines-pornos-android-versus-iphone">
l'a rappelé Steve Jobs</a> en son temps...</p>
<p>Des applis, par ailleurs, à partir desquelles le mobinaute a pu, peu à peu,
faire des <strong>m-paiements</strong> en ligne, donc directement depuis son
smartphone, depuis ses billets de train sur Voyage-Sncf à des vêtements sur
Vente-Privée.com.</p>
<p>Avec cet Appstore, la marque à la pomme a pu populariser son autre pépite:
i<strong>Tunes</strong>, et un mode d'achat dématérialisé de musique à l'unité,
au morceau: des singles numériques en quelques sorte, facturés 99 centimes
d'euro par morceau. Car si 'iPod l'avait lancé, c'est bien avec mon iPhone et
son iPod intégré que j'ai encore plus pris l'habitude d'écouter - et d'acheter
- de la musique directement depuis mon smartphone. Une facilité - là encore
sans devoir allumer mon PC - qui m'encourageait à des achats compulsifs de
titres et d'albums.</p>
<p><strong>B</strong>ien avant les objets connectés, Apple a aussi inventé,
avec ces apps, des <strong>trackers d'activité</strong> qui permettent de
récolter une multitude de données sur nos comportements - et nous suivre à la
trace. Les marques adorent. Au passage, <em>"Ces apps sont une part de la gamme
des trackers d'activité destinés à aider les gens à collecter des datas et
informations sur leurs goûts et leurs vies, les analyser, et théoriquement, les
changer"</em>, rappelle <a href="http://bits.blogs.nytimes.com/2014/10/18/trying-to-live-in-the-moment-and-not-on-the-phone/?_php=true&_type=blogs&smid=tw-share&_r=0">
dans cet article</a> le <em>New York Times</em>.</p>
<p>L'autre révolution de l'iPhone, c'est qu'il a rendu les <strong>réseaux
sociaux mobiles</strong>. C'est lorsque Twitter est apparu en version mobile,
et surtout avec des "clients" (des apps dédiées), tel Echofon, que
l'utilisation de Twitter a explosé. Logique: on pouvait enfin tweeter,
retweeter, lire son "fil" de tweets en temps réel - et en permanence. Facebook
aussi a connu une seconde vie lorsqu'il a été transposé sur mobile.</p>
<p><strong>Culture du zapping, déconcentration et phubbing</strong></p>
<p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.621876__blenderss-banksy-s-latest-sketch-is-a-terrifying-reminder-of-your-iphone-addiction_m.jpg" alt="621876__blenderss-banksy-s-latest-sketch-is-a-terrifying-reminder-of-your-iphone-addiction.jpg" title="621876__blenderss-banksy-s-latest-sketch-is-a-terrifying-reminder-of-your-iphone-addiction.jpg, oct. 2014" /></p>
<p><strong>D</strong>onc, l'iPhone a façonné une multitude de <strong>nouveaux
usages</strong>, de nouveaux comportements dans notre quotidien. Il a créé le
marché du smartphone, <strong>cet appareil sur lequel téléphoner est devenu
secondaire</strong>: avant tout, on a pris l'habitude de surfer sur Internet,
de meubler chaque temps d'attente. On s'occupe les mains et l'esprit, on se
donne une attitude, comme avec la clope naguère. Regarder ses mails, surfer sur
les sites d'actualités, jouer les stalkers à propos de ses connaissances sur
Facebook, prendre le pouls de la vie sur Twitter, jouer bêtement au 2048...
tout en écoutant de la musique. L'iPhone a généré <strong>une foule de
micro-activités</strong>, qui permet à chacun de se créer sa bulle perso aussi
bien dans la file d'attente de la Sécu que dans le métro.</p>
<p>Il a changé mon quotidien. Quand je me réveille - au son du réveil de mon
iPhone, bien sûr - premier réflexe, avant de me lever, je regarde machinalement
mes derniers mails, et je prends "un shoot de tweets", comme se moquait mon
mec. De fait, comme le révélait une <a href="http://fr.slideshare.net/smobile/etude-deloitte-sur-les-usages-mobile-des-franais-en-2014">
récente étude</a> de l'institut Deloitte, 17% des mobinautes utilisent leur
téléphone dès leur réveil, et même 27% dans les 15 minutes qui suivent.</p>
<p>Il a changé ma vie (pour le meilleur?) avec une multitude de petits services
révolutionnaires, au gré des apps que j'ai téléchargées, depuis mes débuts avec
lui: Google Maps pour me repérer dans la rue avant mes rendez-vous, Shazam pour
"shazamer" (identifier) un titre de musique en cours de lecture... J'ai pris
l'habitude d'être joignable en permanence par appels vocaux, SMS, mails, tweets
et notifications diverses.</p>
<p><strong>M</strong>ais depuis que j'ai vu, en début d'année, le <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2014/03/19/%22Her%22%2C-quelle-voix-%28d%C3%A9sincarn%C3%A9e%29%2C-%C3%A8re-de-l-ultra-moderne-solitude">
brillant exercice d'anticipation</a> de Spike Jonze, "Her", où un écrivain
esseulé tombe amoureux de son assistant vocal intelligent, je me rends
davantage compte de la manière dont j'utilise mon téléphone.</p>
<p>En petit-déjeunant, en regardant la télé, et même en discutant, ou en
prenant un verre, j'en viens à le sortir machinalement, et caresser ce nouveau
doudou, au risque de faire preuve d'une nouvelle impolitesse de notre ère
numérique, le "phubbing", comme <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2014/06/09/%22Stop-phubbing%22%2C-nouvelle-r%C3%A8gle-de-vie-sociale-avec-son-smartphone-%28en-particulier-dans-les-bars%29">
j'en parlais ici</a> (je suis d'ailleurs ravie d'avoir <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20140722.OBS4357/le-phubbing-ou-l-impolitesse-des-accros-au-smartphone.html">
inspiré ma consœur</a> du <em>Nouvel Obs</em> ;). Je suis aussi souvent
distraite par les multiples vibrations et pings venus de mon iPhone : la
faute aux apps dont j'ai activé les systèmes d'alertes: alertes médias, "pings"
de notifications de mon nom dans des posts Facebook ou tweets, sans compter les
SMS.</p>
<p><strong>P</strong>arfois, je sature. Je sens le besoin urgent de
déconnecter, alors qu'être injoignable est devenu un luxe, dont pour <a href="http://www.strategies.fr/etudes-tendances/etudes/194587W/branchez-vous-sur-la-france-des-deconnectes.html">
la nouvelle caste</a> des <strong>"déconnectés volontaires"</strong>. Le
smartphone a créé une nouvelle forme de zapping, où on lit des articles plutôt
court (adaptés à l'écran du smartphone), et on passe d'appli en sites
différents. Encore plus au gré des liens que l'on butine sur les réseaux
sociaux. Depuis que je suis utilisatrice (très) régulière de mon smartphone,
spontanément, je ferais moins l'"effort" de lire des articles longs ou des
livres d'une traite. La concentration sur un temps long n'est plus habituelle,
déjà à cause de Google, comme le soulignait déjà en 2008 <strong>Nicholas
Carr</strong> <a href="http://www.theatlantic.com/magazine/archive/2008/07/is-google-making-us-stupid/306868/">
dans son article</a> Is Google Making Us Stupid?</p>
<p>Comme dans "Her", dans les transports en commun, je vois une multitude de
gens seuls avec leur smartphone, dont ils fixent l'écran en le "scrollant" (le
faisant défiler) à toute vitesse, ou semblent parler tous seuls d'un ton
enjoué: souvent parce qu'ils téléphonent avec le mini-casque audio intégré,
parfois parce qu'ils utilisent l'assistant vocal Siri. Comme le démontre le
<em>New York Times</em>, le smartphone (et les réseaux sociaux), des outils de
communication, ont accentué la solitude de leurs utilisateurs.</p>"Her", quelle voix (désincarnée), ère de l'ultra moderne solitudeurn:md5:18d6a01998749a6536369dd1e10ea2e02014-03-19T23:19:00+01:002014-03-20T08:31:50+01:00Capucine CousinCulture numériqueCinémaDystopieIntelligence artificielleRobotsScience fictionSpike Jonze <div class="external-media" style="margin: 1em auto; text-align: center;">
<object type="application/x-shockwave-flash" data="http://www.youtube.com/v/WzV6mXIOVl4?version=3&hl=fr_FR&feature=player_embedded&version=3" width="425" height="350"><param name="movie" value="http://www.youtube.com/v/WzV6mXIOVl4?version=3&hl=fr_FR&feature=player_embedded&version=3" />
<param name="wmode" value="transparent" /></object></div>
<p><strong>Sa</strong> voix sonne comme celle d'une "<em>girl next door"</em>,
immédiatement familière juste ce qu'il faut, sa tonalité légèrement éraillée de
fumeuse lui assurant un charme certain, et elle sait créer une complicité, par
son sens de la répartie et son empathie. Samantha (Scarlett Johansson), comme
elle s'est baptisée à la demande de son "propriétaire-utilisateur", est bien le
personnage principal du film, <strong>"Her"</strong>, Ovni cinématographique de
Spike Jonze, qui penche vers le film de science-fiction en version dystopie.
Par essence, par sa voix, elle s'impose peu à peu comme un personnage à part
entière.</p>
<p>L'histoire, <em>Her</em> donc, tournée par Spike Jonze, sur les écrans
depuis ce mercredi, se déroule dans un futur pas si lointain (supposons dans 20
ans ?), dans un Los Angeles où les gratte-ciels sont devenus plus grands, le
design des pièces et des meubles minimaliste (et impersonnalisé), et où l'on
circule dans des transports en communs et couloirs à l'ambiance ouatée.</p>
<p>Theodore Twombly (Joaquin Phoenix, devenu antisexy au possible par une
moustache et une silhouette légèrement voûtée), dont on suppose au fil du film
qu'il fut journaliste par le passé, gagne sa vie dans une start-up,
Belle-lettre-manuscrite.com. Ecrivain public du futur, il écrit des courriers
du coeur divers et variés - des correspondances très intimes - pour le compte
de clients. Mais son univers de travail est déjà en partie dématérialisé: il
dicte ses lettres à une sorte de logiciel Nuance du futur, saisies
automatiquement dans un type manuscrit (et couleur d'encre ou de stylo à
l'ancienne) prédéfinis. Ici déjà, <strong>la voix prédomine</strong>: les
écrans de PC sont comme les nôtres, plats et fins mais ornés de délicats cadres
en bois clair. Les claviers et souris n'existent plus, on commande son
ordinateur en effleurant le bureau de quelques gestes. Logique: déjà
aujourd'hui, la commande par le geste s'est imposée pour piloter nos appareils,
tels la Kinect de Microsoft, ou certains téléviseurs, comme chez Samsung.</p>
<p>En quittant le bureau, comme tous dans le métro, il s'empresse de mettre à
son oreille l'objet connecté d'alors qui cartonne, une oreillette sans fil
depuis laquelle il peut passer des commandes vocales à son smartphone glissé
dans sa poche. Un lointain héritier de Siri, l'assistant téléphonique à la voix
métallique de l'iPhone: il pilote bien ses appareils par la voix.
L'intelligence artificielle appliquée à la voix, <a href="http://www.strategies.fr/etudes-tendances/tendances/177800W/ici-la-voix.html">comme
déjà aujourd'hui avec Siri</a> . En arrivant chez lui, les lumières s'allument
automatiquement à son passage. Durant sa soirée, ses loisirs consisteront à
jouer à un jeu vidéo en réalité augmentée, puis ils s'autorise, depuis son lit
et par son oreillette connectée, quelques "chats" coquins avec des inconnues
depuis un réseau social vocal. L'ultra-moderne solitude que chantait Alain
Souchon, avec quelques artifices virtuels pour la combler...</p>
<p><strong>D</strong>e fait, Theodore Twombly se remet difficilement de son
divorce. Il décide, pour combler le vide autour de lui, d'acheter un tout
nouveau système d'exploitation (OS) ultra-intelligent qui vient de sortir,
installé sur son smartphone et son PC. Un Siri en version ultra-améliorée,
donc. Une forme d'_intelligence artificielle<strong>, qui a - comme tout robot
-</strong> la redoutable capacité d'apprendre au fur et à mesure depuis l'être
humain<strong>, de s'adapter. Et de mîmer au mieux les émotions, jusqu'à
l'empathie totale. Theodore va progressivement tomber amoureux de cette très
virtuelle Samantha. C'est cette situation absurde, un humain qui tombe amoureux
d'une intelligence très artificielle, que Spike Jonze tourne. Le réalisateur de
<em>Dans la peau de John Malkovich</em> plonge une nouvelle fois dans le
cerveau masculin et explore à la fois notre rapport à la machine et les
rapports humains. Il souligne délicatement le contraste entre cette situation
extrême propre à la science-fiction - de</strong> nouvelles formes
d'interaction__ qui naissent entre des humains et des machines, comme dans la
formidable série <em>Real Humans</em>, que j'avais chroniquée <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2013/04/03/Des-%22hubots%22-plus-vrais-que-nature">ici</a> et <a href="http://www.strategies.fr/actualites/medias/209391W/trop-humains.html">là</a> -
et l'histoire d'"amour" très banal de cet homme pas moins banal, accompagné par
la musique délicate d'Arcade Fire.</p>
<p>Sa vie bascule. C'est tellement plus confortable, et moins douloureux que
dans une "vraie" relations amoureuse avec un être humain <em>"dont il faut
accepter les évolutions"</em>, avoue-t-il. La précision de la perception de
"Samantha" (même si elle ne voit que par la caméra du téléphone), ses facultés
de calcul (arithmétique, psychologique, social) font d'elle la présence idéale,
qui manquait à la vie du solitaire. A un moment, lors d'un dîner avec une
nouvelle rencontre (bien réelle, elle), il renonce lorsqu'elle lui demande de
s'engager: il croit avoir le choix entre la réalité de l'imperfection humaine
et la perfection numérique, qui avance sous le masque de la voix complice de
Scarlett Johansson.</p>
<p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.Spike-Jonze-Her-ss-02_m.jpg" alt="Spike-Jonze-Her-ss-02.jpg" title="Spike-Jonze-Her-ss-02.jpg, mar. 2014" /></p>
<p>Plus troublant encore, au fil du récit, "Samantha" sort de son rôle de
logiciel pratique et perfectionné : elle trie ses dossiers, ses contacts,
ses mails, lui rappelle ses rendez-vous avec une bonhomie apparente. Très vite,
elle connaît très bien son propriétaire en parcourant ses films et le disque
dur de son PC. Elle prend des initiatives. Elle le divertit, lui fait la
conversation dans l'oreillette. Il la présente à ses amis comme sa petite amie
officielle, l'"emmène" en vacances. Puis, programmée pour évoluer, elle en
vient à réclamer de l'attention, et revendique elle-même des comportements et
des émotions très humains, allant jusqu'à "jalouser" ouvertement l'ex-femme de
Theodore (<em>"elle est très belle, a une carrière... Moi, je n'ai pas de forme
humaine"</em>). Les écahnges entre les deux sont vifs et intelligents. On a peu
à peu <strong>ce sentiment dérangeant qu'ils sont faits l'un pour l'autre
l'autre</strong>, et forment le couple idéal. C'est finalement une comédie
romantique à l'ère de la dématérialisation.</p>
<p>Comme d'autres avant, tel Spielberg dans <em>A.I.</em> en 2001, où un robot
voulait être aimé - et avoir une couverture charnelle - comme un enfant
ordinaire, Spike Jonze effleure le sujet des rapports homme-machine, et la
capacité pour des machines du futur de mîmer toujours au plus près les
comportements d'humains. Et cette question vertigineuse: le futur de l'amour
passe-t-il par l'absence de corps? L'amour ne peut-il être que cérébral pour
durer?</p>
<p>A un moment donné, Theodore revendique de déclarer à des amis qu'il
<em>"sort avec son OS"</em>, vante le fait d'être <em>"avec quelqu'un qui adore
la vie"</em>(sic)... Jusqu'à découvrir qu'il n'est pas le seul, et que nombre
de personnes, comme lui, dans la rue ou le métro, à converser et plaisanter
avec quelqu'un de virtuel par oreillette interposée, dans un bourdonnement de
monologues.</p>