Miscellanees.net - blog prolixe pub, marketing & conso, high tech, innovations - Mot-clé - Trash TV2023-11-09T22:14:23+00:00urn:md5:e7ec1fbd7729b619d22bab365af406cbDotclear"Zita dans la peau d'une femme obèse", succédané de la trash TV, de la désinformation du "docu-réalité"urn:md5:38ba89e6e0decb1eeb2e6f1a69ee20f32012-03-04T14:10:00+01:002012-03-04T19:00:04+01:00Capucine CousinMédiasM6ObésitéSuper size meTrash TVTélé réalitéZita <p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.PREVIEW-Zita-dans-la-peau-de-un-docu-realite-efficace-mais-pas-revolutionnaire_image_article_paysage_new_m.jpg" alt="PREVIEW-Zita-dans-la-peau-de-un-docu-realite-efficace-mais-pas-revolutionnaire_image_article_paysage_new.jpg" title="PREVIEW-Zita-dans-la-peau-de-un-docu-realite-efficace-mais-pas-revolutionnaire_image_article_paysage_new.jpg, mar. 2012" /></p>
<p><strong>C</strong>'est un étrange "documentaire" que diffusait M6 en prime
time mercredi soir, d'un genre en vogue chez M6 depuis peu, que la chaîne
qualifie elle-même, au choix, de "<strong>docu-réalité</strong>", reportage
"incarné", où un journaliste ou animateur entre dans la peau de quelqu'un
d'autre pour vivre, durant un temps limité, son quotidien. Un étrange objet
télévisuel, qui prend un relief particulier alors que M6, petite chaîne qui a
"monté" en partie en se lançant la première dans la télé-réalité avec
<em>Secret Story</em> il y a 10 ans - format constitutif de son ADN - fêtait
cette semaine ses 25 ans, sous les félicitations de la presse économique...</p>
<p>Au menu, donc, <em>"Zita, dans la peau d'une femme obèse"</em>. Dans ce
nouveau programme, Zita Lotis-Faure propose d'entrer dans la peau de plusieurs
personnes: une femme obèse, puis une femme de ménage, une naturiste, et une
aide-vétérinaire... Un "Vis ma vie" à la sauce M6 en quelque sorte, où la jeune
femme choisit de vivre l'"expérience", durant un mois, 24 heures sur 24, de
vivre comme une femme obèse, pour mieux comprendre leur vie. Aux manettes, face
caméra, Zita Lotis-Faure, journaliste paraît-il, visiblement spécialiste des
reportages en immersion (elle a notamment oeuvré pour <em>Marie-Claire</em>),
qui a droit à une brève <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Zita_Lotis_Faure">page Wikipedia</a>, et dont on
découvre, plus étonnamment, qu'elle était présentée il y a quelques années
comme "chanteuse" installée à Londres (sic) <a href="http://www.marieclaire.fr/,londres-une-ville-une-fille-et-ses-coups-de-coeur,20289,266.asp">
dans les pages</a> de <em>Marie-Claire</em>. Quelques extraits au zapping de
Canal+ le lendemain m'ont interloquée, j'ai presque hurlé en regardant le
replay ce matin, comme cette <a href="http://peaceofcake.blogspot.com/2012/03/super-size-her.html?spref=tw">blogueuse
téléphage</a>. On notera que l'émission a attiré 12,5% des parts d'audience,
avec 3,3 millions de téléspectateurs.</p>
<p>Durant une heure, on voit donc la jeune femme mener son "enquête" en se
mettant en condition: suivie par un nutritionniste, elle attaque un régime à 6
000 calories par jour, avec au menu une baguette pour le petit-dej (eh oui, car
elle explique calquer ainsi le régime alimentaire de Véronique , 50 ans, 140
kgs et à première vue bien dans ses pompes), pâtes, pots de Nutella... Ce
"docu" alterne séquences où Zita se rend en "reportage" chez quelques personnes
souffrant d'obésité et séquences où, face caméra, elle nous montre ses
fringales nocturnes, repas pantagruéliques qu'elle s'inflige, difficultés à
supporter un tel régime... Et évidemment, on n'échappe pas aux séquences où
elle est aux bord des larmes, effarée face au nutritionniste qui lui indique
qu'elle a pris 2 kilos en 15 jours (dur...), et où elle met en scène son
dégoût, quitte à mîmer un vomissement. <em>"Déprimée, je n'arrête pas de
m'empiffrer, de bouffer"</em>, explique-t-elle face caméra. <em>"Ca y est, je
crois que je suis droguée"</em>, nous assène-t-elle.</p>
<p><strong>A</strong>u fil de l'émission on est pris d'un certain malaise - qui
laisse place à la colère - en regardant cet ovni télévisuel, entre docu et
télé-réalité, même s'il se veut une "enquête". Déjà parce que l'expérience
elle-même est biaisée: <em>"je mettrai mon corps et mon mental à
l'épreuve"</em>, annonce Zita d'emblée. Durant 4 semaines, elle va suivre
<em>"le régime alimentaire d'une femme obèse de 140 kilos</em>", pour voir
<em>"combien de temps il faut pour verser dans l'excès alimentaire"</em>.
Bon... Mais cette pseudo-incarnation apparaît bien dérisoire dès lors qu'elle
ne dure qu'un mois... Même si certes, il s'agit d'éviter tout risque grave pour
sa santé, on ne s'empêcher de s'esclaffer aux mines dépitées de la jeune femme
lorsque le nutritionniste lui annonce, au bout d'un mois (fin de l'expérience
donc), qu'elle gagné... 4 kilos et 15,5 cm de tour de taille. On est loin des
30 kilos que prit Robert de Niro pour jouer dans <em>Raging Bull</em> de Martin
Scorsese, ou dernièrement Matthias Schoenaerts dans le magnifique et glaçant
<em>Bullhead</em> de Mickaël R. Roskam. Même s'il est vrai que, pour <em>Super
size me</em>, son docu-brulôt anti-Mac Do, Morgan Spurlock a lui aussi mené son
expérience durant un mois, en s'obligeant à ne manger que chez McDonald's sur
cette période, sous la surveillance attentive de trois médecins et d'une
nutritionniste, en cherchant à respecter le nombre maximum de 5 000 pas par
jour qu'il s'impose (moyenne par américain). Il avait pris 11 kilos sur la même
durée.</p>
<p><strong>Malhonnêteté intellectuelle, raccourcis, pas de sources
scientifiques</strong></p>
<p>Pire, il est truffé de raccourcis et contre-vérités. Pointons déjà la
malhonnêteté intellectuelle du casting, qui tend à nous présenter comme banals
des obèses aux parcours alimentaires spécifiques. Telle Véronique, 40 ans,
yperphage, boulimique et consomme de la nourriture dans des quantités
pantagruéliques<a href="http://leplus.nouvelobs.com/contribution/339493-l-obesite-vue-par-m6-hyperphagie-boulimie-jusqu-ou-ira-zita.html">comme
le souligne</a> <em>Le Nouvel Obs</em>. <em>"La choisir comme exemple est une
manipulation grossière ; il est en effet plus sensationnel de montrer à
l'écran une grosse qui se goinfre à heures régulières qu'une femme à
l'alimentation équilibrée"</em>, soulignent-ils.</p>
<p>La "journaliste" nous assène des affirmations et généralités sans sources,
sans caution scientifique d'un spécialiste pour préciser ses dires. Florilège:
<em>"ça y est, je crois que je suis droguée. (...) Plus ça va, moins j'ai envie
de manger des trucs qui ont du goût, je préfère du pain, des pâtes..."</em>
(avec la musique d'ambiance dramatisante qui va bien, au cas où l'on n'aurait
pas compris). Avant de nous asséner royalement, à la fin de son "enquête":
<em>"Un mois d'expérience suffit donc pour prouver que l'on peut tous
facilement basculer dans la maladie de l'obésité"</em>. C'est là qu'est révélée
la <strong>fausseté monumentale de cette émission</strong>. Elle confond
obésité et boulimie, et nous sort cette énormité: cette "maladie" peut
s'attraper du jour au lendemain, comme un virus. Pire, elle nous laisse croire
que les personnes qui sont obèses le sont forcément à cause d'un régime
alimentaire excessivement déséquilibré, où elles s'empiffreraient... En
oubliant au passage une réalité scientifique: la majorité des personnes obèses
ou en surpoids le sont à cause de problèmes hormonaux, génétiques, connexes à
d'autres problèmes de santé.Ce docu-réalité a donc un fond très réac', où il
sous-entend que si ces personnes sont en surpoids, c'est de leur faute...</p>
<p>Du coté des contre-vérités, quelques affirmations hallucinantes en voix off
parsèment le docu - le surpoids provoquerait une raréfaction de l'ovulation,
l'obésité provoquerait l'infertilité - elle réduit la fertilité, ce qui est
différent.</p>
<p><strong>Sensationnalisme et impudeur</strong></p>
<p>Enfin, les témoignages sont surtout des prétextes à un <strong>voyeurisme
dévoyé</strong>, et où l'empathie de la jeune femme est très relative, ce qui
révèle l'hypocrisie qui est l'essence même de cette émission. Sous prétexte de
dénoncer une question grave de santé publique, l'émission <del>met en
scène</del> présente quelques cas sans aucune pudeur. Lorsqu'elle va voir
Stéphanie, 24 ans, et qu'elle lui assène <em>"moi, si un mec refusait que je
perde du poids, alors qu'il le faut pour que j'aie un enfant (...) je
deviendrais dingue. Pas toi ?"</em> - avant que Stéphanie ne s'effondre en
larmes (face camera bien sûr) - on se demande si Zita ne fait pas preuve de
davantage de puant mépris que d'empathie.</p>
<p>Quant à la séquence avec Cécile, 31 ans, qui a perdu 60 kilos (ou 80, on ne
sait pas, car on a deux versions différentes données par la voix off), dans une
séquence grotesque, on a évidemment droit aux gros plans-séquences sur le
ventre déformé de la jeune femme, par une caméra totalement impudique, Zita
mîmant l'apitoiement. Elle ira jusqu'à figurer dans le plan où la jeune femme
subit une opération de chirurgie plastique.</p>
<p><em>Super Size Me</em> avait clairement des visées militantes: démontrer
preuves à l'appui la responsabilité des chaînes de fast food telles que le Mac
Do dans l'engrenage de l'obésité aux Etats-Unis, les procès intentés par des
particuliers y ayant échoué, avec en lus de son immersion un réel travail
journalistique - Morgan Spurlock interroge des spécialistes dans plus de 20
villes, un ancien secrétaire à la Santé des États-Unis, des professeurs de gym,
des cuisiniers de cantines scolaires, des publicitaires. Ici, Zita, sous
couvert de partager un message préventif, sur une cause de santé publique
majeure, surfe sur le voyeurisme le plus abjecte.</p>
<p>Zita femme de ménage, je n'ai pas pu regarder. Maintenant j'attends Zita
naturiste, Zita bonne soeur (puisque cela figure dans <a href="http://www.m6bonus.fr/videos-_missions-4/videos-zita_dans_la_peau_de_-2260/emission_du_29_02_2012/video-bande_annonce_zita_dans_la_peau_d_une_femme_obese_-106870.html">
la présentation</a> de l'émission), ou pourquoi pas Zita camée.</p>