Miscellanees.net - blog prolixe pub, marketing & conso, high tech, innovations - Mot-clé - eG82023-11-09T22:14:23+00:00urn:md5:e7ec1fbd7729b619d22bab365af406cbDotclearUne (contre-)histoire de l'Internet - et de ses défricheursurn:md5:eb75956838ff1b3beb0b54291fbc65a62013-06-02T17:45:00+02:002013-06-03T14:16:11+02:00Capucine CousinCulture numériqueAltern.orgArteContre-histoireDarpaeG8FranceNetInternetJohn Berry BarlowMITWorldne <p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.une_contre_histoire_des_intert_m.jpg" alt="une_contre_histoire_des_intert.jpg" title="une_contre_histoire_des_intert.jpg, juin 2013" /></p>
<p><strong>Ç</strong>a commence par un torrent d'extraits de vidéos, de
lolcats, de l'armée nord-coréenne, de Barak Obama sur scène, un énième
détournement vidéo de "La chute" avec Hitler... Un concentré de la culture lol
en quelques secondes. "That's Lol folks". En 1h30, dans <strong>Une
contre-histoire des Internets</strong>, Jean-Marc Manach et Julien Goez, tous
deux auparavant journalistes à feu Owni, reviennent sur la dense et jeune
histoire du Réseau Internet, et ses relations complexes avec les pouvoirs
publics, entre jurisprudences, lois floues, jusqu'aux déclarations (cultes?) de
Nicolas Sarkozy appelant à "civiliser" (sic) Internet. Un docu (que j'ai donc
enfin visionné, avec un certain retard par rapport à sa diffusion initiale sur
Arte, il y a une quinzaine de jours) dense, avec au bas mot une quinzaine
d'interviews, et des compléments Web bien pensés, dont <a href="http://lesinternets.arte.tv/">un webdocumentaire</a> complémentaire, où l'on
trouve les autres des 50 interviews réalisées par les deux journalistes. Les
internautes peuvent aussi y poster leurs propres souvenirs d'Internet. Car dans
cette "contre-histoire", loin des créateurs de start-ups médiatisées, sont mis
en avant militants et chercheurs qui y ont contribué, des "défricheurs du Net"
parfois malgré eux, que l'on recroise avec plaisir, de Valentin Lacambre à
Marie-François Marais.</p>
<p><strong>D</strong>ès les premières minutes, on entre dans le vif du
sujet : Nicolas Sarkozy soulevant, lors d<a href="http://www.strategies.fr/actualites/agences/164060W/dans-les-coulisses-de-l-e-g8.html">'un
très politique eG8 organisé (en grande pompe) avec l'agence Publicis</a> en mai
2011, "une question centrale, celle de l'Internet civilisé - je ne dis même pas
de l'Internet régulé"... vs les "internautes - barbares". <em>"4 ans plus tôt,
c'est la République de Chine, un des 10 pays ennemis de l'Internet, qui voulait
l'Internet civilisé. Bel héritage."</em>, souligne le journaliste Julien Goez
en voix off. Cela donne le ton...</p>
<p>Petit retour sur l'eG8 donc, alors organisé dans le jardin des Tuileries, où
Nicolas Sarkozy assurait son intention d'organiser, la veille du G8, <em>"avec
l'accord du président Obama, une grande réunion avec les grands intervenants de
la société virtuelle de chacun des pays du G8 "</em>.. Et "un barbare", perdu
au milieu des dirigeants de Facebook et Google, John Perry Barlow, co-fondateur
de l'Electronic Frontier Foundation (EFF, mythique ONG qui défend la liberté
d'expression sur Internet) . <em>"je crois que nous ne vivons pas sur la même
planète"</em>, lâche-t-il, aux côtés de Bruno Patino, impassible. Et de
raconter, après-coup, aux deux journalistes comment les Etats veulent récupérer
le pouvoir sur l'Internet, "devenu trop important"...</p>
<p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/piratage.jpg" alt="piratage.jpg" title="piratage.jpg, mar. 2011" /></p>
<p>Le documentaire revient sur ce paradoxe inhérent à internet : espace de
liberté d'expression et de libre-circulation de l'information, porteur à ses
débuts d'idéaux tels que le bien commun, mais aussi le piratage, comme <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2011/03/25/Pirat%40ge%3A-du-hacking-%C3%A0-l-ouverture-des-fronti%C3%A8res-num%C3%A9riques-%28bof%29">
j'en ai parlé ici</a>, il fut <em>"créé par des hippies sous LSD, même s'ils
travaillaient pour la Darpa (Agence pour les projets de recherche avancée de
défense pour l'Armée des Etats-Unis)"</em>, rappelle John Berry Barlow. Des
hippies qui avaient déjà leur "vraie" communauté en 1967 à San Francisco, et
quelques années après, vont s'approprier l'informatique, ce "territoire
virtuel" qui <em>"augmente l'esprit, où on peut agir sur le code soi-même, et
on élargit son rapport au monde depuis les individus, qui vont se connecter un
par un</em>", souligne le sociologue Dominique Cardon.</p>
<p><strong>L</strong>e docu revient aussi sur les premiers pans historiques de
cet Internet libertaire, plus ou moins connus : comment le MIT embauche
des "system hackers" comme Richard Stallman, futur inventeur du logiciel libre,
les premiers hackers bidouilleurs des réseaux, auxquels les services secrets
s'intéressent de près. ... jusqu'à ce qu'un certain Jean-Bernard Condat
(redécouvert quelques années après <a href="http://www.lesechos.fr/25/02/2002/LesEchos/18601-538-ECH_jean-bernard-condat--le-traqueur-de-hackers.htm">
par Les Echos</a>), co-fondateur du Chaos Computer Club de France - il
s'avèrera être à l'origine d'un faux groupe de hackers créé en 1989 à Lyon à la
demande de la DST. Avec, à l'origine, le premier CCC créé dix ans avant en
Allemagne, avec parmi ses fondamentaux une <strong>éthique des
hackers</strong>, soit garantir l'accès à l'information pour tous, et moins de
concentration du pouvoir, ce que permet Internet, avec la libre-circulation de
l'information...</p>
<p>Naîtra alors en France une ambiguïté à propos des hackers : <em>"les
médias ont en tête (à propos du hacker) le cliché du pirate, et non du maker
qui va fabriquer, détourner les objets"</em> (Olivier Laurelli, directeur
Associé de Toonux, une société de services en logiciels, et connaisseur
historique des logiciels libre). Des contre-offensives apparaissent, comme le
logiciel PGP (logiciel public de chiffrement des données), au code-source en
accès libre et gratuit, au nom de la culture du partage inhérente au Net.</p>
<p><strong>Internet, liberté et pressions pour le contrôler</strong></p>
<p>Mais qui contrôle cet Internet ? On garde en mémoire les déclarations
Lolesques de Frédéric Lefebvre, éphémère porte-parole de l'UMP sur les
<em>"faux médicaments, adolescents manipulés, bombes artisanales, créateurs
ruinés par le pillage de leurs oeuvres..."</em> la faute à l'Internet bien sûr,
<em>"envahi par toutes les mafias du monde"</em>.</p>
<p>Qui tenir pour responsables ? Se succéderont les fournisseurs d'accès à
Internet, les hébergeurs, soit les intermédiaires techniques... Puis les
internautes. Les fournisseurs de stuyaux par lesquels passent les contenus,
d'abord : en mai 1996, une descente de police chez deux fournisseurs
d'accès à Internet indépendants, Worldnet et FranceNet, pour cause de photos
pornos mettant en scène des enfants découvertes sur les réseaux. En1999, le CSA
cherche à s'emparer du sujet, en organisant le premier sommet mondial des
régulateurs consacré à Internet. Alors que l'autorégulation s'impose de façon
collective parmi les internautes.</p>
<p>Vient ensuite une nouvelle cible, les hébergeurs, avec l'"affaire" Estelle
Halliday, dont des photos d'elle dénudée ont circulé : mais qui était
alors coupable ? Valentin Lacambre, <a href="http://www.01net.com/editorial/176217/gandi-investit-ses-benefices-dans-le-net-alternatif/">
fondateur d'Altern.org</a>, qui croisera sur sa route la magistrate
Marie-Françoise Marais (future présidente d'Hadopi, tiens donc...) qui le
condamnerai en appel à 45 000 €. <em>"On va jeter un pavé dans la mare. On ne
veut pas savoir si (Internet) c'est un espace de liberté ou pas : il y a
atteinte à la vie privée"</em>, justifie-t-telle dans le docu. L'hébergeur
plutôt que l'internaute ayant posté ces photos sur Internet était considéré
comme responsable juridiquement...</p>
<p>Autre révélation du docu, avec cette première décision juridique rendue par
le Conseil constitutionnel en 1996, à peine aux prémices de l'Internet il
censure alors un amendement présenté par le Ministre des télécoms d'alors
(François Fillon...), dans le cadre de la loi de libéralisation du secteur des
télécoms - et voté à la hussarde, en pleine nuit - qui prévoyait de
responsabiliser fortement les intermédiaires techniques. Aux Etats-Unis, Bill
Clinton avait aussi tenté, en vain, de faire passer un texte similaire. Les
gouvernements voulaient <strong>contrôler le Net via les intermédiaires
publics</strong>...</p>
<p>Nouvelle étape, les internautes sont considérés comme responsables,
"nouvelle cible à contrôler pour assainir le réseau": via Hadopi - qui a
"normalisé la surveillance des internautes par une société privée" selon
Olivier Laurelli. Le vrai objectif d'Hadopi, derrière, serait de protéger le
copyright .</p>
<p><strong>Surveillance du réseau, surveillance business</strong></p>
<p>Autre paradoxe du Réseau, on adore partager nos vies sur Facebook, on y
partage volontairement nos données (très) privées. <em>"La première personne
qui sait si vous avez une maladie grave, c'est Google"</em>. Votre carte de
crédit permet de prédire un an à l'avance votre divorce à partir de vos
habitudes d'achat, souligne Rick Falkvinge, fondateur du Parti Pirate
suédois.</p>
<p>Mais plusieurs sociétés vendent des services de surveillance à part entière
du Réseau. Le docu rappelle ainsi qu'en décembre 2007, la France signait avec
la Libye un contrat pour lui fournir un vaste infrastructure lui permettant de
surveiller l'ensemble de l'Internet libyen. Khadafi sera reçu avec tous les
honneurs à l'Elysée... Elle sert inévitablement à traquer des opposants. Amesys
sera mise en cause par le <em>Wall street Journal</em> <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/syrie-la-societe-francaise-qosmos-a-t-elle-aide-le-regime-d-el-assad_1142406.html">
tout comme la société française Qosmos</a>.</p>
<p><strong>L</strong>e docu finit sur une note d'espoir, citant un nouvel
exemple de hackers au service de la liberté d'expression : le collectif
<a href="http://telecomix.org/">Telecomix</a> en Syrie, qui aide les gens à se
connecter en contournant la censure. Hackers ? Ils ont mis à disposition
des infrastructures en contournant la surveillance. <em>"Une ONG ne peut
intervenir en ce sens, face à un états souverain. Un Etat ne peut le faire, un
service secret non plus. Mais nous, nous pouvons le faire"</em>, explique face
caméra un de ses fondateurs. Son manifeste se clôt d'ailleurs ainsi: <em>"Nous
diffusons des outils pour contourner le filtrage d'Internet, ainsi que de
puissants logiciels de chiffrement afin de contrer la surveillance
gouvernementale et la répression (...), préserver la libre circulation de
l'information. Nous venons des Internets. Nous venons en paix. Que tous les
hommes et les machines soient libres !"</em>.</p>