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samedi 3 octobre 2015

"Mr Robot", & les hackers, super-héros des temps modernes (et pourquoi Hollywood les adore)

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Voix off sur fondu noir. "Bonjour mon ami. Bonjour mon ami? C'est faible. Peut-être que je devrais te donner un nom, mais c'est une pente glissante. Tu es seulement dans ma tête. Tu dois t'en rappeler. Merde! C'est en train d'arriver. Je parle à une personne imaginaire". Petit uppercut dès l'entrée en matière, révélatrice...

Durant ces derniers jours, j'ai dégusté, puis dévoré, dans un de ces accès de binge-watching qui deviennent la norme dans notre "consommation" de la culture, la première saison d'une nouvelle série, dont bon nombre de geeks de mon entourage parlent en cette rentrée, alors qu'elle n'est même pas (pas encore ?) diffusée en France. Mr Robot : c'est la plongée dans l'enfer psychotique d'un nerd absolu, un hacker révolté, radical. En juin dernier, USA Networks a commencé à diffuser la première saison de cette série, Mr Robot, récompensée au très hype festival SXSW. La série a été réalisée par Sam Esmail, et produite par United Cable ainsi que Anonymous Content (admirez le clin d'eil)...

Le pitch: un jeune new-yorkais réservé, entre anxiété sociale et dépression, Elliot Alderson (Rami Malek, acteur méconnu, génial) développeur hyperdoué dans une grosse société de sécurité informatique (Allsafe) le jour, hacker-voyeur-justicier la nuit, va se retrouver embringué par une bande de hackers radicaux, par ailleurs militants hacktivistes (qui renvoient bien sûr aux Anonymous) au sein d'un mystérieux groupe, Fsociety. Un groupe dirigé par Edward Alderson, alias "Mr Robot" (Christian Slater). Ils veulent détruire les infrastructures des plus grosses banques et entreprises du monde, notamment le conglomérat tentaculaire E Corp (qu'il surnomme Evil Corp), où l'on peut voir un mélange de Enron, Microsoft et Google. Avec cet idéal volontiers libertaire, "casser" le système informatique de la multinationale, et ainsi libérer tous les particuliers de leurs dettes... Cela va marcher, bien au-delà de leurs espérances, au point d'entraîner des soulèvements populaires. La série multiplie les références geeks : comme chez Tarantino, les pirates de Fsociety ont des dialogues truffés de référances pour initiés ("je dois naviguer à travers un répertoire de structure en mode Tron", "Mon subconscient tournant en tâche de fond me faisait douter de ce que j'avais fait croire à tous les autres", lâche Elliot). Voilà pour résumer. Je ne vais pas jouer les spoilers sur cette série que j'ai trouvée brillante, radicale, provocatrice (peut-être trop pour qu'elle trouve un diffuseur chez nos diffuseurs française ?), malgré quelques facilités dans le scénario.

Assurément, Mr Robot consacre un nouveau type de super-héros des temps modernes, équipé de sa cape et son épée virtuels : le hacker. Et j'y reviendrai, mais Hollywood adore : il a besoin en permanence de nouveaux héros autour desquels broder des storytellings qui vont faire rêver les foules... De quoi ringardiser les vieux super-héros qui donnent des films cheap à (trop) gros budget. Qu'est-ce qui colle mieux à notre époque déstabilisée q'un héros solitaire, rebelle, névrosé, et shooté à sa vie numérique ?

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C'est bien le personnage de Elliot qui est au cœur de la série : tout se déroule de son point de vue, il commente parfois en voix off, voire, semble prendre à témoin nous, les téléspectateurs, dans certaines séquences. Elliot donc, est en résumé "différent", n'accepte qu'a minima les codes de la vie en société et en entreprise, a une vie numérique cachée, solitaire, a ses névroses (qui deviendront centrales au fil de la série), ses addictions, a des opinions politiques radicales (tendance gauche libertaire)... Mais il se veut justicier, appliquant la justice à sa manière dans la vie numérique. Car il dispose de compétences rares et peu connues, comme prodige de l'informatique, capable d'accéder aux profondeurs du Dark Net - de quoi faire fantasmer le commun des mortels, et, là encore, Hollywood...

"Je ne sais pas comment parler aux gens"

Portrait-robot de notre jeune (anti)-héros donc, qui possède nombre de caractéristiques du hacker (et nerd)-type: l'adaptation au monde du travail et la vie sociale n'ont rien de naturel pour lui. Son boss, plutôt bienveillant à son égard, l'enjoint à ôter son hoodie (costume-type du nerd depuis Mark Zuckerberg) pour être sagement en chemise sur son lieu de travail. Sa meilleure amie, dans la même boîte que lui, tente vaimeent de le convertir au bases de la vie sociale en l'invitant régulièrement aux pots after-work avec d'autres jeunes dans le bar du coin. Souvent, il renonce au moment de franchir la porte du bar. D'ailleurs, Elliot l'avoue: "je ne sais pas comment parler aux gens".

Sa vision de la société est radicale : il n'a pas de page Facebook, qu'il hait, car "les réseaux sociaux gros plan sur un fil Twitter consistent à se spammer les uns les autres avec nos communautés de m***, en se faisant passer pour un fake, sur les réseaux sociaux qui nous volent notre intimité". Steve Jobs, héros des geeks, "s'est fait des millions de dollars sur le dos d'enfants" images d'une keynote de Steve Jobs,.... "C'est pas parce que les Hunger Games nous rendent heureux, mais parce qu'on veut être sous sédatifs. (...) J'emmerde la société!", lâche Elliott à sa psy.

Il y a d'ailleurs des fulgurances dans la série, sous le prisme de la dénonciation de la fausse transparence des réseaux sociaux : à un moment donné (épisode 3), il lâche: "Et si on affichait le code-source pour les gens aussi ? Les gens aimeraient-ils voir?..." Et cette séquence surréaliste où il imagine les employés de son bureau portant des pancartes sont placardés leurs secrets inavouables... Des fulgurances qui rendent la série radicale, en se référant clairement à Fight Club de David Funcher (1999).

Il a une haine certaine des multinationales, de 'Evil Corp', des puissants, qui forment à ses yeux une secte secrète, "un groupe puissant de gens secrètement en train de contrôler le monde".

Il a un secret obsessionnel, une addiction: il hacke tous les gens de son entourage: amis, collègues... Evidemment, il excelle dans le hacking, ce qui lui servira au de Fsociety, allant jusqu'à hacker un parking, à se créer une fausse page Wikipedia pour intègre le siège des serveurs de E Corp, ou encore une prison en piratant à distance le portable t'un flic posté à l'entrée... Parfois pour jouer les justiciers - autre caractéristique de la culture hacker (référence aux Anonymous...), comme menacer l'amant infidèle de sa psy. C'est d'ailleurs pour jouer les justiciers qu'il s'embarquera dans l'aventure Fsociety, pour mettre à genoux 'Evil Corp'. A un moment donné (épisode 3), il fixe le téléspectateur, affirmant "J'ai bien droit à quelques erreurs, je suis sur le point de changer le monde". Avec ce côté noir et blanc propre à tout hacker ( Black hat & White hat), à la fois "gentil" qui veut améliorer la sécurité informatique pour le bien de l'Humanité (car le hacher est souvent idéaliste), et "méchant" qui utilise se compétences à des fins criminelles.

Le hacker, ce rebelle du Dark Net qu'Hollywood adore

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Assurément, le hacker est hype. Un reflet de la société, et d'un certain syndrome de Stockholm auquel semble être en proie l'industrie de l'entertainment US. En novembre 2014, alors que USA Network commandait à Sam Esmail les 10 épisodes de la série, Sony Pictures était victime d'un piratage des mails de ses dirigeants par le collectif Guardians of Peace, dévoilant caprices de stars et blagues de mauvais aloi. Quatre mois plus tôt, les comptes iCloud de dizaines de people étaient hackés par un sale gosse, et les photos de Kate Upton et autres Kirsten Dunst circulaient sur 4chan et Reddit... La série Mr Robot est aussi imprégnée des mouvements comme le Printemps arabe en 2010 - 2011 et le rôle des réseaux sociaux (le réalisateur Sam Esmail est égyptien), Occupy Wall Street en 2011 qui fustige le monde de la finance, ou encore le piratage du site de rencontres extraconjugal Ashley Madison en juillet 2015.

Il y a quelques années encore, le hacker vu par Hollywood était cet ado boutonneux et bidouilleur à lunettes, cantonné à des seconds rôles. Puis il devient un héros, tant dans la société que les médias. Edward Snowden (consacré dans le documentaire Citizenfour, sorti en 2014), est devenu la star intègre des lanceurs d'alerte (une nouvelle race de hackers intègres qui risquent leur vie au nom de la vérité...), comme le plus ambigü Julian Assange. Dans le dernier James Bond, Skyfall, on a vu réapparaître Q (vous savez, l'inventeur) sous les traits d'un jeune geek hacker sexy.

"Black hat, white hat", hacker freak, et cyber justicier

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Le hacker le plus connu est bien sûr Lisbeth Salander (une femme, enfin), personnage central de la saga Millenium (dont le tome 4 cartonne): la punkette gothique sombre, un brin hardcore, passée par la case hôpitaux psychiatriques, aide le journaliste dans son enquête par sa propre investigation en ligne grâce au hacking. Elle aussi, elle a ce côté un peu freak où elle a une difficulté à interagir avec l'autre, et manie donc mieux le clavier que les relations humaines. Comme Elliot de Mr Robot. Ou encore comme Jess dans la série TV dystopique The Code (diffusée par Arte ce printemps), dont on comprendra au fil de la série qu'il est atteint du syndrome d'Asperger, une forme d'autisme qui serait propre aux nerds.

C'est justement un hacker que Michael Mann a mis en scène dans son dernier polar subtil, Hacker (Blackhat, en VO, sorti en mars 2015), Nicholas Hathaway, un pirate informatique qui purge une peine de prison, et est libéré s'il accepte de collaborer avec le FBI et le gouvernement chinois pour démasquer le coupable d'une attaque informatique contre une centrale nucléaire chinoise... Le héros solitaire est donc confronté à un ennemi virtuel, une nouvelle Mafia numérique qui menace de détruire une centrale. Michael Mann représente comme personne ce nouveau virus virtuel, qui circule dans une multitude de circuits informatiques...

Cela fait longtemps que Hollywood représente le hacker comme justicier masqué, tel un nouveau Batman. Depuis la mythique saga 80s Tron, ou encore Matrix, et bien sûr Guy Fawkes dans V for Vendetta, ce collectif de justiciers - bientôt rattrapé par la réalité, lorsque les Anonymous, au début des années 2000, en viennent revêtir son masque. Masque de justicier grimaçant qui est réapparu dans Mr Robot.

dimanche 27 mars 2011

Pirat@ge: du hacktivisme au hacking de masse

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Ils sont quatre, dont trois frères, jeunes et (à première vue ;) innocents, et leur clip, "Double Rainbow song", bidouillé non pas au fond d'un garage mais dans le salon familial, avec un piano, a attiré plus de 20 millions de visiteurs. Un clip parodique qui a généré un buzz énorme, à partir d'une simple vidéo amateur d'un homme à la limite de la jouissance devant un phénomène rare : deux arcs en ciel.. Au point - le comble - que Microsoft a recruté le "Double Rainbow guy" pour sa nouvelle pub pour Windows Live Photo Gallery. Ou quand l'industrie pirate les pirates...

Les Gregory Brothers ont réalisé sans le faire exprès quelques tubes par la seule voie numérique grâce à un petit outil, Auto-Tune the News (Remixe les infos en français dans le texte), qui permet à tout un chacun de détourner des reportages TV en y superposant des montages de sons, avec le logiciel de correction musicale Auto-Tune. Comme "Bed intruder song", un remix de reportage qui montre Antoine Dodson interviewé par une chaîne TV suite à un fait divers (l’intrusion d’un inconnu dans la chambre de sa sœur). Un témoignage qui va le propulser en superstar du web lorsque les Gregory Brothers transforment ses paroles en une mélodie hip-hop vraiment efficace. Plein d'internautes ont été prêts à la voir - et la payer en ligne - une fois qu'elle était disponible sur iTunes - CQFD. Je vous laisse le plaisir de déguster cette mise en bouche...

"La propriété c'est le vol"

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De détournement satirique à piratage, il n'y a qu'un pas. J'ai eu la chance, cette semaine, de voir en avant-première le documentaire "Pirat@ge", réalisé par les journalistes Étienne Rouillon (magazine "Trois couleurs") et Sylvain Bergère, diffusé le 15 avril sur France 4 (1). Pour la première fois, un docu retrace l'histoire du piratage, avec un parti-pris du côté des hackers, parfaitement assumé. "A quoi ressemblerait Internet sans les pirates ? Au Minitel ! Depuis cinquante ans, des petits génies ont façonné le web, souvent en s’affranchissant des lois. Des pirates ? Ils sont à la fois grains de sable et gouttes d’huile dans les rouages de la grosse machine Internet". Voilà le postulat des auteurs de ce docu.

Un docu malin, forcément un peu brouillon à force de vouloir englober tout ou presque de la culture du hacking (en effleurant l'hacktivisme et les engagements citoyens qu'il implique) en 1 heure 30, parfois en surface. Mais il offre une plongée assez passionnante dans cette culture des flibustiers des temps modernes, apparus dans les années 80 - bien avant l'Internet. Dès 1983, lorsque lorsque les premiers ordinateurs font leur apparition dans les foyers (remember l'Apple I de Steve Wozniak et Steve Jobs en 1976...), les hackers font leurs débuts en essayant de casser les protections anti-copie ou en détournant les règles des jeux informatiques. Ils font leur le dicton de Pierre-Joseph Proudhon, "La propriété c'est le vol".

Dans un esprit très post-70s, l'éthique du hack, élaborée au MIT (mais que l'on peut retrouver dans le Hacker Manifesto du 8 janvier 1986), prône alors six principes:

  • L'accès aux ordinateurs - et à tout ce qui peut nous apprendre comment le monde marche vraiment - devrait être illimité et total.
  • L'information devrait être libre et gratuite.
  • Méfiez-vous de l'autorité. Encouragez la décentralisation.
  • Les hackers devraient être jugés selon leurs œuvres, et non selon des critères qu'ils jugent factices comme la position, l’âge, la nationalité ou les diplômes.
  • On peut créer l'art et la beauté sur un ordinateur.
  • Les ordinateurs sont faits pour changer la vie.

Eh oui! Car dès ses débuts, le hacking a été théorisé au mythique MIT: "Au MIT, le besoin de libérer l'information répondait à un besoin pratique de partager le savoir pour améliorer les capacités de l'ordinateur. Aujourd'hui, dans un monde où la plupart des informations sont traitées par ordinateur, ce besoin est resté le même", résume ce billet chez Samizdat. Dans l'émission, Benjamin Mako Hill, chercheur au MIT Media Lab, ne dit pas autre chose: développeur, membre des bureaux de la FSF et Wikimedia, pour lui, "l’essence du logiciel libre est selon moi de permettre aux utilisateurs de micro-informatique d’être maître de leur machine et de leurs données".

Pour ce docu, Étienne Rouillon et Sylvain Bergère sont allés voir plusieurs apôtres du hacking, tel John Draper, hacker, alias "Captain Crunch", un des pionniers hackers en télécoms. Un détournement qui tient du simple bidouillage, mais qui a contribué à créer la légende, la blue box. Il s'agissait d'un piratage téléphonique qui consistait à reproduire la tonalité à 2600 Hz utilisée par la compagnie téléphonique Bell pour ses lignes longue distance, à partir d'un simple sifflet ! Une propriété exploitée par les phreakers pour passer gratuitement des appels longue distance, souvent via un dispositif électronique - la blue box - servant entre autres à générer la fameuse tonalité de 2600 hertz.

"Napster a ouvert la voie à l'iPod"

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Leur théorie ? Internet a été construit par des hackers pour faire circuler l'information. Mais peut-être Internet a-t-il marqué la fin du hacking et son éthique d'origine. Car avec Internet, après l'ère idéaliste d'un Internet libertaire, l'industrialisation des réseaux prend vite le dessus. Les pirates du net, cybercriminels et contrefacteurs en ligne prennent le pas sur les hackers, la confusion est largement entretenue...

1999: Napster, cette immense plateforme d'échange de fichiers musicaux en ligne à tête de chat, débarque sur la Toile. Elle est fermée deux ans après mais a ouvert une brèche: le partage de fichiers musicaux entre internautes. "Napster a ouvert la voie à l'iPod", ose le documentaire. Vincent Valade bidouillera eMule Paradise - presque par hasard, comme il le raconte aux auteurs du docu, encore étonné. Sa fermeture avait fait grand bruit - initialement simple site de liens Emule, Vincent Valade est poursuivi pour la mise à disposition illégale de 7 113 films, son procès doit avoir lieu cette année. D'autres s'engouffrent dans la brèche, comme The Pirate Bay, entre autres sites d'échanges de fichiers torrents.

Les industriels de l'entertainment s'emparent aussi de ce modèle naissant. TF1 - face au piratage massif de ses séries TV ? - lance sa plateforme de vidéo à la demande - payante bien sûr, à 2,99 euros puis 1,99 euro l'épisode. "C'était un projet de marketing. C'est mon job", lance face à la caméra Pierre Olivier, directeur marketing de TFI Vidéo et Vision. Rires dans la salle.

Hacktivisme journalistique

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Et aujourd'hui? Le culture hacktiviste a imprégné plusieurs pratiques: dans le domaine du logiciel libre bien sûr, même si le docu aborde à peine ce sujet. Mais elle rayonne aussi sur de nouvelles pratiques journalistiques. Indymedia, né en 1999 pour couvrir les contre-manifestations de Seattle, lors de la réunion de l'OMC et du FMI, fut un des précurseurs: ce réseau de collectifs, basé sur le principe de la publication ouverte et du "journalisme citoyen" en vogue au début des années 2000 ("Don't hate the media, become the media"), permet à tout un chacun de publier sur son réseau.

De jeunes médias expérimentent des méthodes d'investigation en ligne, comme le site d'information Owni (dont j'ai déjà parlé ici et là notamment). Qui a pour particularité de compter dans ses équipes autant de développeurs que de journalistes - voire des jeunes geeks qui ont le double profil. Son dernier fait d'armes: cette enquête, et sa révélation selon laquelle Orange aurait "monnayé" son implantation en Tunisie en surévaluant sa participation dans une société détenue par un gendre de Ben Ali. Ici, plus d'enquête sur le terrain ou de rendez-vous avec des informateurs: le jeune journaliste Olivier Tesquet et Guillaume Dasquié (journaliste précurseur de l'investigation en ligne, qui s'est fait connaître au début des années 2000 avec Intelligence Online, une lettre professionnelle consacrée à l’intelligence économique), s'appuie sur des documents officiels (comme le rapport d''activité 2009 d'Orange), et d'autres plus confidentiels, et est illustré a renfort de copies de ces documents et de visualisations, datajournalism oblige.

Un vent nouveau dû à l'éclosion ces derniers mois de Wikileaks - là encore, son impact est effleuré dans "Pirat@ges" - dont l'ADN réside dans l'ouverture des frontières numériques - rendre accessibles à tous des données publiques, et son double, OpenLeaks. Car Wikileaks a instauré la "fuite d'informations" en protégeant ses sources, et a remis au goût du jour la transparence et le partage de données si chères aux premiers hackers. Au point que, courant 2010, les révélations de WikiLeaks ont été relayées par une poignée de grands quotidiens nationaux (dont Le Monde), qui en ont eu l'exclusivité, au prix de conditions fixées en bonne partie par Julian Assange, comme j'en parlais dans cette enquête pour Stratégies.

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Parmi les dignes successeurs des premiers hacktivistes, citons bien sûr les Anonymous, des communautés d'internautes anonymes qui prônent le droit à la liberté d'expression sur internet (j'y reviendrai dans un billet ultérieur...). Une de leurs dernières formes d'actions (évoquées sur la page Wikipedia dédiée) rappelle bien celles des premiers hackers: les attaques par déni de service (DDOS) "contre des sites de sociétés ciblées comme ennemis des valeurs défendues par le mouvement". Ce fut le cas avec le site web de Mastercard en décembre 2010, qui avait décidé d'interrompre ses services destinés à WikiLeaks.

... et hacking culture de masse

La donne a changé: le hacking n'est plus l'affaire de seuls bidouilleurs de génie. L'arrivée de plusieurs industries de l'entertainment sur le numérique, et de nouvelles barrières sur les contenus mis en ligne, implique que tout le monde est aujourd'hui concerné par le piratage numérique. Comme des Mr Jourdain qui s'ignorent, nombre d'internautes ont déjà été confrontés, de près ou de loin, au piratage numérique, en le pratiquant (qui n'a jamais téléchargé illégalement de films, de musique ou de logiciels ?), ou y étant confrontés (fishing).

De culture underground, le hacking frôle la culture de masse, avec une certaine représentation cinématographique, entre Matrix, Tron, Millenium et Lisbeth Salander, geekette neo-punk qui parvient à rassembler des données personnelles en ligne en un tournemain..

Et bien sûr The social network, qui a fait de la vie du fondateur de Facebook un bioptic. Qui a même sa version parodique, consacrée à... Twitter. En bonus, un petit aperçu du trailer de "The twitt network" ;).

Car Facebook, après tout, est un lointain dérivé de la culture du hacking, né d'une association de piraterie + industrie numérique: son fondateur l'avait créé en bidouillant un réseau local affichant les plus jolies filles de son campus... Mais pas sûr que Mark Zuckerberg ait retenu ces deux principes de la culture des hackers :

  • Ne jouez pas avec les données des autres.
  • Favorisez l’accès à l’information publique, protégez le droit à l’information privée.

(1) produit par MK2 TV avec la participation de France Télévisions, "Pirat@ge" sera diffusé sur France 4 le 15 avril prochain à 22h30

samedi 29 janvier 2011

Anonymous; Science-fiction still relevant?; Malbouffe; Twitter Connections; Facebook Phone; Zélium; LCI Radio...

Eh oui, j'ai quelque peu délaissé me revue de liens hebdos ici dernièrement... Donc, petite moisson non exhaustive de liens récoltés sur le web, des blogs, Twitter et d'autres médias sociaux, à propos de ce qui a fait l'actu médias, tech, innovation, culture, people (eh oui, faut bien..). Et pour mémoire, vous pouvez me retrouver sur Twitter donc.

  • En pleine révolution tunisienne, alors que d'autres pays du croissant du Moyen-Orient commencent eux aussi à s'embraser, cette déclaration de principe des Anonymous, décrypté par le RWW, prend un certain sens. On a beaucoup parlé d'eux, alors que l'un de leurs membres (jeune crack techno âgé de 15 ans) vient d'être arrêté...
  • Le bouquin s'est déjà vendu à 30 000 exemplaires, et est en cours de réédition: le brûlot de Jonathan Safran Foer, Faut-il manger les animaux ? (Stock), dont Les Inrocks a été l'un des premiers à évoquer, enquête et réquisitoire contre l'élevage industriel, cristallise sous les débats sur l'alimentation, l'environnement, la malbouffe, et pourrait tous nous faire virer veggies...
  • Suite à mon billet où je me demandais si la science-fiction est en voie de disparition (dont la reprise chez Owni a suscité une bonne dose de commentaires... et un joli débat), Wired se pose à son tour la question ("Is Science-Fiction still relevant ?"), relayant ainsi un programme de l'Australian Radio National et son émission Future Tense, dédiée à l'avenir de la SF. Ça tombe bien.
  • Une des grosses infos media sociaux de la semaine: Twitter lance "Connections", sa propre version de l'outil "Mutual Friends" de Facebook. Lequel Facebook suscite de nouveaux des frayeurs chez les défenseurs de la privacy, en lançant un nouveau service pour les annonceurs, qui leur permettra d'exploiter dans leurs pubs les "likes" et commentaires des membres de leurs fan pages.
  • Facebook encore, à l'origine d'un petit bubuzz côté produits: il aurait missionné HTC pour lancer un (deux ?) téléphone mobile "Facebook" lors du Mobile World Congress de Barcelone, qui se déroulera du 14 au 18 février.
  • Cela ne vous aura pas échappé, Orange s'invite au capital de Dailymotion, à hauteur de 49%, pour un montant de 58,8 millions d'euros. Et se veut désormais "agrégateur et diffuseur de contenus".
  • Good news côté médias: alors que Bakchich s'éteint, le premier numéro de Zélium, un mensuel satirique, sera lancé le 11 février et tiré à 70 000 exemplaires en France et Belgique sur 24 pages et dans un format identique à celui du Canard enchaîné.
  • RIP Daniel Vermeille, co-fondateur contesté, en tous cas un des premiers collaborateurs à Rock & Folk, journaliste spécialisé dans le rock californien et le punk, compagnon de route des Rolling Stones lors de l'enregistrement de leur mythique Exile on Main Streets en 1972... Il est parti cette semaine, SDF presque anonyme.
  • Plus d'1,7 million de pages vues pour la reprise très rock et un rien destroy de Smooth Criminal de Michael Jackson... au violoncelle. J'adore. Joli coup de pub pour Stjepan Hauser et Luka Sulic.
  • RIP la French Connection. LCI Radio va fermer ses portes, faute de fréquence radio décrochée par TF1. Contente d'avoir parfosi contribué à cette émission. La dernière, enregistrée vendredi dernier, c'est par ici.