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mercredi 18 septembre 2013

Publireportages nouvelle génération

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Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas penchée sur les nouvelles formes de publireportages (ou plutôt, de publicités de plus en plus intégrées) que l'on voit fleurir sur le Web et dans la presse. Je m'étais déjà prêtée avec une certaine gourmandise à l'exercice, ici, ou encore là avec ce florilège historique de Grazia.

Les choses se sont encore accélérées cette année, pour le domaine prometteur des publis, brand journalism et autres formes de brand content. En début d'année, M Publicité, la régie pub du Monde, annonçait ainsi le lancement de M Publishing, "nouvelle activité de conseils en création et édition de contenus à destination des marques", pour "accompagner les marques, sociétés ou institutions dans leur conception et production de contenus, à destination de leurs supports print, web et mobiles". Au passage, on apprend que cette entité "bénéficie de l’expertise de Franck Nouchi, directeur du développement éditorial du Monde" - initialement journaliste au quotidien.

Quelques semaines après, en avril, la régie pub FigaroMedias lançait à son tour Les Ateliers Figaro, "une équipe regroupant tous les métiers du groupe Figaro, mis à la disposition des marques pour créer des solutions de communication originales", et "pour proposer des solutions de publishing print ou digital, de portage/échantillonnage géolocalisé ou d’événementiel... afin de scénariser les histoires de marque, amplifier les messages et engager la conversation avec nos audiences". CQFD. En cette rentrée, voilà une nouvelle sélection de ce que j'ai picoré ça et là dans les médias. Bien sûr, comme toujours pour ce "marronnier" de mon blog, si vous repérez d'autres publis dignes de ce nom, n'hésitez pas à le mes signaler en commentaires à ce billet, je me ferai un plaisir de les ajouter :)

couv Echos

Couv' brandée des Echos

Déjà début septembre, il y a eu cette Une des Echos, avec cette pub pour Porsche bien étrangement mise en avant, à la présence dans la maquette assez incroyablement intrusive. Le slogan et le texte publicitaire suivent carrément la même charte graphique que les différents appels de Une du quotidien économique. Et avec ce slogan qui peut sembler lui-même provocateur, "Peut-on concilier l'inconciliable ?". C'est en tous cas un format publicitaire événementiel, fait sur-mesure pour l'annonceur, jamais vu jusque là... Une brèche est ouverte ?

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Publi Esso de 4 pages

Il y a aussi ce publireportage de 4 pages pour Esso publié dans le numéro de septembre de Wired US. Il faut vraiment le regarder et le lire de près pour s'aperçevoir que c'est un publi, tant la charte graphique et la police de caractères est proche de celle des articles du mensuel. Tout juste le petit logo en haut à droite, les liserés jaunes et la petite mention "Wired Promotion" en haut nous signalent qu'il s'agit bel et bien d'un objet publicitaire. Habile, cet "article" présente les travaux d'une équipe de chercheurs de l'université d'Oxford sponsorisés par Shell, des prototypes de voitures, dans le cadre d'un "eco-marathon". En tous cas, l'article est bien écrit, citations à l'appui, et précis.

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Infographie sponsorisée

Dans le même numéro, quelques pages après, on trouve cette magnifique infographie sur 2 pages, qui illustre le "Big Data dilemma", et vise en fait à promouvoir les solutions de Business intelligence CDW. Dans chaque numéro de Wired, ces publis nouvelle génération et autres objets publicitaires peu identifiables abondent. Logique: le groupe Conde Nast a toujours utilisé ce magazine comme labo d'expérience de nouveaux formats publicitaires, auquel serait particulier captif son lectorat d'entrepreneurs CSP+. Xavier Romatet, de Conde Nast France, ne disait d'ailleurs pas autre chose dans cet article que j'avais consacré aux 20 ans de Wired il y a quelques mois.

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Les Inrocks + Renault en réalité augmentée

Dans un autre genre, il y a cette opération très particulière que propose Les inrockuptibles cette semaine (dans son n° du 18 septembre) avec Renault et l'agence Fuse (émanation du groupe média Omnicom Media Group). En utilisant l'appui mobile Les Inrocks mise à jour, et en pointant le tag 2D présent sur certaines pages, on accède à "des contenus vidéo exclusifs réalisés par la rédaction" dans les pages Culture (Cinéma, Musique, Expos, Scènes) )- je n'ai pas pu les tester à l'heure où j'écris ce billet. Mais aussi, carrément, la Renault Captur s'affiche dans 3 rubriques phares du magazine (La Courbe, Nouvelle tête, Où est le cool ?) . Et, même, en couv' du magazine. Un cap est franchi. De fait, mardi soir, en pointant l'appli Les Inrocks "version augmentée" sur la couv' ornée du tag 2D que m'a envoyée l'agence, je vois la voiture s'afficher totalement sur la couv, et se désosser pour laisser apparaître sa carrosserie, avant que ne s'affiche le slogan "Vivez l'instant présent avec Renault Capture / Les Inrockuptilbes". Cette logique de cobranding très intégrée se poursuit par un jeu-concours proposé aux lecteurs-mobinautes.

Ce type d'opération est très troublant: la marque Renault laisse ses traces bien au-delà des pages de pub du magazine : non seulement elle s'offre la couv', mais aussi des contenus interactifs, et même, elle sponsorise des vidéos et contenus journalistiques complémentaires aux articles des pages Culture. Certes, on avait déjà vu des précédents chez Les Inrocks avec Orange, qui fut lui aussi sponsor de contenus vidéos (... et présent en couv', et bien plus, lors d'un dossier high-tech, comme j'en parlais ici). Mais là, on franchit encore un cap avec cette pub en réalité augmentée. En tous cas, ces contenus publicitaires en réalité augmentée sont un modèle très prometteur pour les médias en quête d'annonceurs : ça tombe bien, plusieurs d'entre eux proposent déjà des contenus rédactionnels via des tags 2D.

Mais l'avenir réside peut-être dans le native advertising, où des sociétés (des annonceurs donc ;) sont prêts à payer une petite fortune pour signer leurs "articles" dans une rubrique dédiée. Un modèle qui a valu à Forbes une embellie - ou, peut-être, de se fourvoyer, comme le raconte cette excellente enquête des Echos. > Une fois encore, « Forbes » assure que la frontière entre les deux mondes est respectée : les articles promotionnels apparaissent dans un encart intitulé « Brandvoice ». Le lecteur avisé fera aisément la différence. Les autres, en revanche, passeront de la presse à la publicité sans même s'en apercevoir. « Les contenus publicitaires ne devraient jamais avoir le même aspect que les contenus éditoriaux. C'est un principe inscrit dans le marbre », regrette Sid Holt, président de la société américaine des éditeurs de magazines. Cette confusion est recherchée : il s'agit même d'une technique marketing qui fait fureur aux Etats-Unis et que l'on appelle le « native advertising ». Elle se monnaie à prix d'or. Pour avoir le droit d'écrire dans la rubrique « Brandvoice », les entreprises sont ainsi prêtes à payer jusqu'à 75.000 dollars par mois. Parmi elles : Microsoft, Cartier, SAP, Dell et Merrill Lynch.

mercredi 21 novembre 2012

Du publireportage au "brand journalism"

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Je m'étais déjà essayée à l'exercice, notamment dans ce billet et cette enquête (et celle-ci) pour Stratégies. Soit passer en revue la nouvelle génération de publireportages qui se développent en presse écrite (avec notamment cette série de 6 "publis" d'anthologie pour Samsung publiés par Grazia), et leurs nouveaux dérivés, cette nouvelle génération de publicités très intégrées que l'on désigne par l'expression-valise "brand content" (littéralement "contenu de marque"). Et depuis peu, on commence à parler de brand journalism (si si) - en butinant un peu sur Google, on trouve même des agences montées des ex-journalistes qui proposent leurs services à des sites de marques.

En cette fin d'année, j'ai fait une nouvelle sélection d'opérations publicitaires parues ces dernières semaines. Car ces formes de publicités, parfois discutables, parfois spectaculaires, parfois ambiguës sur le plan déontologique, servent souvent de révélateur de l'état des médias qui les accueillent. Jusqu’à où aller? A partir de quel moment la frontière entre un contenu publié par une marque (encore une fois, on est donc bien loin de la simple publicité..) et un sujet (article, reportage vidéo...) diffusé par un média ?

Comment continuer d'exister, d’être (omni)présentes auprès des consommateurs dans une conjoncture difficile, où les budgets publicitaires ont fondu ? Dans les secteurs qui investissent le plus en publicité (traditionnellement les télécoms, l'automobile, le luxe...), plusieurs marques ont décidé de donner la prime au spectaculaire.

"Courts-métrages" publicitaires

Avec déjà la consécration, cette année, de fameux "brand content", notamment dans le secteur du luxe, où les marques n'ont pas hésité à produire des "court-métrages publicitaires" ou "films" de mode - admirez au passage la novlangue le vocable, directement emprunté à l'univers du cinéma... ça fait tout de suite plus chic, on se situe ainsi davantage dans la "création" presque cinématographique que dans la vulgaire promotion d'un produit.

Entre création artistique et nouvelle machine marketing, Prada, Vuitton, Dior... Se sont donc offerts des "court-métrages" publicitaires durant jusque parfois trois minutes, et diffusés sur le Net. Et donc beaucoup moins chers que s'ils étaient diffusés en télé. Ils empruntent parfois fortement à l'univers du cinéma: des réalisateurs, des acteurs (tel A therapy, court réalisé pour Prada par Roman Polanski avec Helena Bonham Carter et Ben Kingsley), la mise en ligne du making-of...

Forme de consécration pour ce nouveau format publicitaire aux atours parfois clinquants, le Centre Pompidou accueillait du 9 au 11 novembre un Festival de "court-métrages de mode", A shaded view of fashion film, organisé par la blogueuse mode Diane Pernet, comme le relatait M le mag.

pub VW

Côté opérations qui en mettent plein la vue, il y a eu aussi cette publicité Volkswagen sous forme d'affiche (!) dans le Journal du Dimanche du 4 novembre. Au milieu du journal, On trouvait une double page dépliable en une sorte d'affiche. L'annonceur s'est donc offert l'équivalent de 4 pages plus la double . A ma connaissance, c'est la première fois qu'une marque s'offre carrément un "format-affiche" dans un quotidien.

pub Vrai

Dans le très chic M le Mag daté du 10 novembre, avec ces 4 pages de rédactionnel et d'élégants portraits en noir et blanc, on aurait eu du mal à distinguer qu'il s'agissait d'une publicité (certes clairement mentionnée comme telle en haut à droite), pour la marque de produits laitiers bio Vrai. Avec donc un "article" très informatif sur l'histoire de l'entreprise familiale Triballat-Noyal, maison-mère de la marque Vrai, et des portraits de producteurs de lait qui revendent leur production à Vrai. Résultat: on a l'impression d'une marque transparente, et tellement authentique. Au passage, on découvre que les photos de Gwenaël Saliou ont fait l'objet d'un livre de portraits édité par la marque. Tout est dans tout...

Elle

Dans Elle de cette semaine, on découvre une opération qui mêle carrément publi-communiqué et cobranding. L'hebdo féminin a donc apposé sa marque sur une bagnole (ce qui n'est certes pas la première fois), la Nissan Micra. ce qui est relayé par un "communiqué" dans le magazine, qui met en scène la "Chronique d'une journée réussie" d'une certaine Liza B. On en est cette semaine au chapitre 3, ce qui laisse penser que c'est une série publicitaire (désolée, je ne lis pas régulièrement Elle...).

On nous raconte donc comment, grâce à sa voiture, elle mène à un bien un projet essentiel, passer "Noël, en famille et sans souci". Voilà voilà... Au passage, on notera les discrètes légendes en bas à gauche, avec les marques des vêtements qu'elles porte - exactement comme dans un article classique en rubrique mode, un étrange procédé que Elle a déjà utilisé pour un publi avec Volkswagen pour sa Golf, dont je parlais dans ce billet.

trois couleurs

Même dans le dernier numéro du mensuel culturel gratuit Trois Couleurs, diffusé dans la chaîne de cinémas parisiens MK2, on découvre ce publi pour CanalPlay (page de droite), dont la maquette le distingue bien peu d'un article classique (à gauche)... Même la typo de la légende en bas à droite est très proche de celle utilisée pour les fiches techniques en bas des pages des critiques de films.

14 couv' de Conde Nast aux couleurs de Windows 8

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Autre exemple intéressant, cette opération du groupe Conde Nast, signalée par Advertising Age (et un grand merci au passage à Delphine Soulas pour le repérage), presque un publi géant - même s'ils affirment que Windows n’a rien payé. 14 titres US de Conde Nast datés de décembre, dont Wired, The New Yorker, Vogue et Glamour, auront des couv' semblables aux écrans d'accueil d'appareils sous Windows 8; Une initiative de Microsoft "pour informer les lecteurs des contenus disponibles sur sa nouvelle plateforme", explique benoîtement Conde Nast à Ad Age.

Ici, on franchit un cap. Pour promouvoir à l'échelle mondiale son nouveau système d'exploitation, Microsoft va bien plus loin que la traditionnelle surcouverture publicitaire qui tend à se développer pour certains journaux. Ici, la marque s'insère dans ce qui est au coeur d'un journal, sa couverture, sa Une. Elle impose son propre design, son identité, au média.

Pour sa couv' "sponsorisée par Windows 8", Glamour pousse ici le réalisme jusqu'à mettre en scène les fonctionnalités qu'offre la page d'accueil de Windows 8 (affichage d'un tweet, de l'heure, de grandes photos...). "Les éditeurs évitent traditionnellement d'être impliqués dans les opérations publicitaires, pour montrer à leurs lecteurs qu'ils ne sont pas sous la coupe des marketeurs. Les publicités payantes fixées à la couverture des magazines doivent généralement être signalées comme publicités, selon le code de l'American Society of Magazine Editors", souligne Ad Age. Code qui n'inclut évidemment pas le cas des écrans d'accueil d'ordinateur. Une manière, pour Conde Nast, d'exploiter un vide juridique...

"Brand journalism" chez Coca Cola

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Enfin, pour finir en beauté, ce cas d'école de "brand journalism" (nous y voilà...). Coca Cola a dévoilé il y a quelques jours (merci ici @ziadmaalouf) son magazine en ligne, "Coca-Cola Journey", du nom de l’ancien magazine interne du groupe. Tel un magazine, il comporte plusieurs rubriques: l'entertainment, l’environnement, la santé, l’innovation... On y trouvera donc l’interview d’un chef cuisinier, une tribune de la vice-présidente de General Motors sur l’innovation automobile, des articles sur la lutte contre l’obésité.. Avec, sans surprise, très souvent l'évocation de marques du groupe Coke, ou des prises de position relevant d'une sorte de "healthwashing" sur des sujets trèèès sensibles pour le groupe (comme l'obésité).

Voilà. Cette fois encore, ces repérages ne sont que quelques exemples, si vous en avez d'autres à m'envoyer, n'hésitez pas... Cette série se poursuivra dans des billets ultérieurs.

dimanche 22 janvier 2012

Huffington Post made in France: info, débats, entertainment

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Ett voilà. Lundi 23 janvier, le Huffington Post français était lancé lors d'une conférence de presse organisée dans les locaux du Monde, avec Ariana Huffington et l'équipe du jeune media, une dizaine de jeunes journalistes, Anne Sinclair pour responsable éditoriale et Paul Ackermann (ex-chef d'édition du Figaro.fr) pour rédacteur en chef.

Le débarquement dans l'Hexagone de cet étrange Ovni médiatique - on y reviendra - avait soigneusement été préparé par Ariana Huffington, entre buzz savamment orchestré et plan media réglé comme du papier à musique. Dès septembre dernier, la fondatrice du HuffPo inaugurait la session de rentrée du CFJ (Centre de perfectionnement des journalistes) - rien de tel pour asseoir sa notoriété et mettre un pied dans le journaliste traditionnel. Après tout, encore au printemps 2011, le HuffPo avait surtout une odeur de soufre à cause de la grève de ses contributeurs - blogueurs bénévoles bien malgré eux.

Plan médias pour le HuffPo français... Et pour Anne Sinclair

Dans les semaines qui ont suivi, la feuilleton s'est poursuivi: rumeurs d'arrivée de Marc-Olivier Fogiel, d'Anne Sinclair, survivance (ou pas) du Post, bruits de report du lancement, de difficultés à recruter un rédacteur en chef... Le 13 janvier, un visuel de la page d'accueil du Huffington Post français fuite sur Twitter.

tweet_Glad_2.jpg Le 16 janvier, la presse est conviée à la conférence de presse de lancement. Et a confirmation du même coup que qu'Anne Sinclair prend bien les rênes de ce media. Le fait n'est pas anodin: retour au journalisme pour celle-ci, exposée dans les media ces derniers mois uniquement en tant qu'épouse de DSK. Elle va étrangement faire office de vitrine médiatique pour le lancement du HuffPo français. Elle a conçu son propre plan media, visiblement avec Anne Hommel, conseillère en communication chez Euro RSCG, amie du couple Strauss-Kahn, déjà connue pour conseiller DSK. C'est aussi elle et l'agence Euro RSCG qui ont organisé la conférence de lancement du lundi 23 janvier.

Anne Sinclair choisit pour son retour en journalisme - et pour tourner la page médiatique de l'affaire DSK - l'hebdomadaire Elle, où elle a bénéficié d'une couverture favorable en plein tourment, ces derniers mois. Une interview-fleuve ("l'interview-vérité", nous promet-on) de 8 pages, où elle parle de ses années de retrait du journalisme, de son bouquin à venir, du HuffPo, de l'affaire DSK, bien sûr de ce qu'est être une femme trompée, mais sûrement pas de ses sentiments (avec cette chute déjà culte, à la question "Etes-vous une femme amoureuse ? Ca - ne - vous - re - garde - pas !). Si Elle sort habituellement en kiosques le vendredi, ici, des exemplaires sont envoyés dans une poignée de rédactions dès mercredi après-midi. L'émission C'est à vous dévoile la Une de Elle en direct et sur son fil Twitter ce mercredi soir.

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Ce matin, on en a eu confirmation. Ambiance surprenante pour cette conférence de presse, qui rassemblait au bas mot 250 journalistes, à l'importance peut-être surestimée, certains osant parler ce matin d'"événement médiatique de l'année". A l'évidence, cette nuée de caméras art de photographes étaient plus là pour voir Anne Sinclair que ce nouveau projet de media. Et c'est vrai qu'entendre ce matin sa voix grave et posée, exactement la même qu'à l'époque de 7 sur 7 - que beaucoup, comme moi, n'avaient probablement pas réentendue depuis - ne pouvait laisser indifférent.

Durant une heure, parallèlement à cette conférence de presse, il y avait presque une conférence bis, rythmée par cet étrange ballet des photographes, dont les flashes ont crépité à l'arrivée d'Anne Sinclair et Ariana Huffington (effet Fashion week ?), puis les rafales de photos se sont poursuivies au moindre geste, au moindre rire, au moindre aparté des deux femmes, donnant un côté people bizarre à cette conf'.

Actu, entertainment, débat...

'"En association avec le groupe Le Monde", indique le header de la page d'accueil, il ouvre sur le discours au Bourget du candidat à la présidentielle François Hollande, sondage maison à l'appui ("sondage ViaVoice pour Le HuffPost"), et balaie l'essentiel de l'actu: RTT des médecins, Fukushima, démission du PDG de RIM, taxe Tobin, le divorce Heidi Klum - Seal, la cravate "toujours dans le vent" durant la Fashion Week... De l'actu et de l'entertainment donc, comme sur le HuffPo'' version US. D'ailleurs, le rubricage du site est simple: A la Une - Présidentielle 2012s - Economie - International - Culture.

Le Huffington Post français reprend donc les recettes du HuffPo US: des articles maison, des synthèses d'articles publiés ailleurs, et surtout une flopée de blogs alimentés par divers contributeurs, connus ou pas - et tous bénévoles. "On sera un site de débats, avec des contributions très pointues. Ce qui nous différenciera des autres médias. On a déjà plus de 150 contributeurs qui vont apporter leur tribune au HuffPo, à la fois des experts très connus, mais aussi des gens de terrain (...)", dévoilait Anne Sinclair dans Elle. Parmi ces contributeurs, Ariana Huffington annonce dans son édito le constitutionnaliste Guy Carcassonne, la reporter de guerre Anne Nivat, Rachida Dati, Julien Dray, porte-parole de Lionel Jospin en 2007, l'historien Benjamin Stora, ou encore Nicolas Bedos.

Rubrique sponsorisée

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Quid du modèle économique ? La pub déjà: ce lundi matin, le site comporte une bannière publicitaire (avec L'Oréal pour annonceur), et une seconde en bas (Les 3 Suisses). Mais on découvre aussi une rubrique sponsorisée: la rubrique, tech, "La vie digitale", qui comporte la mention "Avec Orange". Dans la lignée de ce qu'il a fait l'an dernier - le sponsoring de dossiers high-tech dans Les Inrocks notamment, évoqué ici - l'opérateur télécoms sera donc le sponsor permanent de cette rubrique. Il fournit notamment des "articles" dans cette rubrique ("Des applis mobiles à prix mini Bénéficiez de promotions exceptionnelles !", ou encore des comptes-rendus du CES de Las Vegas écrits par Eric Dupin, alias Presse Citron), pudiquement intitulés "Contenu de marque", que Corine Mrejen (responsable de la régie publicitaire du Monde) nous a détaillés ici.

Indéniablement, le HuffPo made in France consacre une nouvelle tendance apparue dans les nouveaux media qui ont fleuri sur la Toile ces derniers mois. Entre Le Plus du Nouvel Obs, Quoi.info, Newsring, dans une certaine mesure Le Lab... Une nouvelle génération de pure players participatifs, qui reposent plus sur le participatif, les contributions des internautes, le débat, plutôt que la publication classique d'articles. On ne sait plus trop comment les qualifier: pas vraiment médias, ni sites d'information, en quelque sorte "plateformes de contenus".

samedi 12 novembre 2011

Le couple Guetta est-il devenu une marque ?

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Vous ne pourrez pas y échapper: à partir d'avril 2012, une websérie un peu particulière, One night and one day with Cathy & David Guetta (titre provisoire) sera diffusée sur la Toile, via une page dédiée sur Dailymotion. Huit épisodes de 4 minutes, qui montreront le quotidien (supposé) so glamour du couple Guetta, entre jets privés, teufs à Paris, Cannes et Ibiza. Et accessoirement quelques placements de produits HP. Si, pour l'heure, nous n'avons pu voir des extraits vidéos de cette websérie (en cours de production), nul doute que l'on y verra David ou Cathy bosser avec leur tablette, leur smartphone ou leur laptop HP... C'est l'agence Fuse (groupe OMD) qui a imaginé cette opération, donc une websérie qui associe le couple Guetta et HP. Laquelle s'inscrit parfaitement dans ces nouvelles formes de pubs très intégrées qui prolifèrent sur les différents media, comme j'en parlais récemment dans ce billet.

Dans le milieu publicitaire, on parle de plus en plus de "brand content" (littéralement "contenu de marque") pour qualifier ces contenus où la marque est intégrée de plus en plus finement. Voire lorsqu'elle produit elle-même ces contenus. Des contenus à la frontière de la publicité, l'entertainment, et l'info. Des agences, comme Fuse chez OMD ou NewsVast/Vivaki (Publicis), nées depuis 2/3 ans, se sont d'ailleurs spécialisées dans ces contenus d'un nouveau genre, qui permettent de monter des opérations publicitaires sur mesure pour certains annonceurs.

Avec cette web-série donc, Fuse a imaginé un contenu pour deux annonceurs à la fois, le couple Guetta et la marque HP. Certes, HP n'en n'est pas à son premier coup d'essai pour se mettre en scène dans le monde de la musique - il y a deux, ans, la marque américaine faisait poser Tania Bruna-Rosso, alors chroniqueuse musique sur Canal+ et DJette dans les soirées parisiennes. Là, que l'on trouve cette "opé" des Guetta maligne ou affligeante, elle préfigure sans doute la publicité du futur. Il est d'autant plus intéressant de voir le couple Guetta y participer, et pousser un peu plus loin la pub intégrée.

Le couple Guetta devient ici annonceur autant que partenaire de HP. Et si le couple Guetta était devenu une marque ? Evidemment, les Guetta sont devenus des pros du marketing, et gèrent à la perfection leur business - et leur marque, alors que David Guetta est devenu en quelques années un DJ star, autodidacte au parcours qui laisse rêveur, devenu un des plus gros vendeurs de disques au monde, et qui compte une solide communauté de fans sur la Toile - plus de 25 millions de fans sur sa fanpage Facebook. Une nouvelle incarnation de la pop mainstream, ou l'utilisation des réseaux et le marketing comptent autant que la production musicale - comme pour Lady Gaga, dont je parlais ici et il y a quelques mois.

Un business rentable aussi, décrypté récemment par GQ dans une enquête qui lui a valu l'ire dudit concerné, et une certaine méfiance vis-à-vis de la presse. Comme je le relevais alors, fin octobre, Emmanuel Marolle (journaliste musique au Parisien), en citant implicitement cette enquête, évoquait sur son blog les nouvelles conditions fixées par David Guetta pour accepter des interviews avec la presse - comprenez une relecture préalable des citations.

Agence de marketing musical créée par Cathy Guetta

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Avant cette web-série, tout un dispositif marketing associe étroitement, depuis quelques mois, le couple Guetta à la marque HP: en décembre, un jeu-concours (toujours organisé par Fuse) sera lancé sur les pages Facebook de HP et David Guetta. En septembre dernier, lors de la Technoparade, un char aux couleur d'HP défilait, diffusant un single écrit pour l'occasion (et pour la marque) par David Guetta. En juin dernier, lors des Cannes Lions (une des grand-messes annuelles du milieu publicitaire), on apprenait que HP nouait un partenariat avec David Guetta, à l'occasion du lancement de sa tablette tactile HP Touch Pad. Au menu: un dispositif plurimédia avec un spot TV de 30 secondes et du placement de produit dans ses deux prochains clips.

Par la même occasion, Cathy Guetta annonçait à la presse le lancement de sa propre agence de marketing musical, My Love Affair, avec Raphaël Aflalo (débauché à l'agence OMD Digital). Comme on parlait alors en avant-première dans ''Stratégies'', les premiers contrats publicitaires tombent alors, avec la compagnie aérienne Vueling, HP, donc, ainsi que Renault, avec un premier placement de produit (la Renault Twizy) dans le clip du morceau de David Guetta "Where Them Girls At ft. Nicki Minaj, Flo Rida". Et de fait, elle s'apprête à lancer MyProductPlacement.com, place de marché web de placement de produits dans les clips.

La boucle est bouclée, pour le couple qui, au fil des années, a progressivement su rentabiliser son image, avec quelques juteux contrats publicitaires: David Guetta avec Activision, en 2009, pour être l'ambassadeur en Europe du jeu DJ Hero, et avec la marque de casque audio Sennheiser depuis la même année, tandis que Cathy Guetta gère les nuits Unighted, qui réunissent depuis deux ans 40 000 spectateurs au Stade de France ainsi que les soirées "F*** Me I'm Famous" au Pacha, la plus grande boîte de nuit d'Ibiza.

Progressivement, David Guetta a adapté son produit (ses clips) à ses clients les plus importants (les annonceurs). Au lieu de montrer un simple panneau de publicité à l'enseigne de la marque, il va plus loin : intégrer la marque de son client dans ses clips, en écrivant le scénario autour du produit phare de la marque. Citons comme exemples Nokia, Franck Provost ou Vueling.

mercredi 29 juin 2011

La pub entre entertainment, brand content et prime à l'innovation

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Comme évoqué dans mon billet précédent, je me devais de revenir sur le Festival de la Créativité de Cannes (l'équivalent du festival de Cannes du cinéma, en presque aussi glamour ;) grand-messe annuelle du petit milieu des agences de pub qui se tenait à Cannes la semaine dernière. Laquelle tient aussi bien de la compilation de séminaires et tables rondes avec leurs stars (d'Ariana Huffington qui a confirmé le lancement prochain en France du Huffington Post à Robert Redford - sic) que du marché de la pub, networking à la clé. Mais également, une série de prix (les Lions). Cela faisait longtemps que je n'avais pas parlé publicité ici, mais cela permet de donner un coup de sonde sur les tendances publicitaires, aussi bien en termes de créativité que de plan média. Et donc comment celle-ci s'insère de manière inédite dans les media.

M-commerce + tags 2D dans le métro: prime à l'innovation technologique

Cette année, on y a donc vu l'avènement des Microsoft, Google et autres Yahoo! aux côtés des Publicis, Ogilvy et autres agences de pub. Une nouvelle toute-puissance symbolisée par leurs éphémères "plages" personnalisées sur la Croisette. Mais également de la montée en puissance des innovations technologiques dans les plans de communication. Pour preuve, dans la catégorie Media, l’agence Tesco a raflé le Grand Prix grâce à une campagne déployée par l'agence Cheil Worldwide qui proposait aux consommateurs sud-coréens de faire leurs courses en ligne en scannant, avec leurs smartphones via des tags 2D, des affiches semblables à des rayonnages sur les quais de métro. Bien sûr, cela se passe en Corée du Sud, pays ultra-précurseur comme le Japon, où les utilisateurs font tout ou presque avec leur smartphone. Mais ces usages pourraient débarquer, un jour, en France...

Musique, entre pub et entertainment

Cette année fut aussi la consécration de l'advertainement (rappelez-vous, on en parlais pour les jeux vidéos il y a une dizaine d'années... On peut le remplacer aujourd'hui par le mot-valise plus branché "brand content"), ou comment les marques cherchent à produire des contenus de plus en plus éditorialisés - qui restent de la publicité. Ce qui leur permet de glisser de plus en plus vers l'entertainment, à la faveur du développement des médias sociaux et du digital.

Un exemple ? On a vu l'association de plus en plus rapprochée entre la musique et la publicité. Comme avec ce clip d'Arcade Fire, "The wilderness downtown". Visuellement, c'est magnifique, et musicalement envoûtant. En utilisant le navigateur Google Chrome, une fois son adresse postale entrée, l'internaute se rend sur la page dédiée où s'affiche le clip personnalisé. Les fenêtres multiples s'ouvrent et se ferment en rythme avec la musique et (certainement la partie la plus belle de la démonstration), votre navigateur incorpore des images Street View la ville choisie. Ces multiples images de vues aériennes et de paysages urbains apportent une certaine grâce à la ville. Seulement voilà: est-ce un clip ou une pub ?

Autre fait significatif, l'organisatrice de soirées Cathy Guetta (très bonne incarnation de l'avènement de l'industrialisation de la musique par ailleurs) lançait à Cannes, avec Raphaël Aflalo, un ancien du groupe d'achat médias OMG (Omnicom), une structure de conseil dans les contenus musicaux pour les marques, Be my guest, qui a déjà signé avec HP et Renault.

Court-métrage publicitaire

Autre tendance, celle du court-métrage publicitaire, où l'on oublie presque la marque, le produit, au profit des valeurs, d'un univers que cette dernière est censée incarner. C'était le cas avec le pharamineux spot de Nike "Write the Future", diffusé dans une trentaine de pays, d'un budget évalué à 20 millions de dollars, qui a décroché le Grand Prix dans la catégorie-star, celle des Films. Une pub-clip de trois minutes d'inspiration cinématographique, très écrite, et un montage serré, où alternent scènes grandioses de matchs et de liesse dans les stades, les bars, les foyers, avec même une séquence des Simpson. La marque est à peine citée, un simple swoosh clôt la pub.

Lequel Nike diffuse d'ailleurs dans les salles du réseau MK2 une longue publicité-clip de plusieurs minutes autour de l'univers de la glisse et du skate, qui promeut les valeurs qui vont avec - liberté, créativité, absence de craintes... Une pub co-produite par MK2.

Crowdfunding et webdocus pour les ONG

Les ONG s'efforcent quant à elles d'être avant-gardistes. Greenpeace a été primé avec son bateau virtuel en 3D, avec une opération de collecte d'un nouveau type par crowdfunding, en acquérant sur un site dédié (fermé depuis, je vous mets le lien juste par conscience professionnelle ;) des pièces d'un bateau virtuel (dont on pouvant consulter en ligne les plans et une représentation en 3D), en vue de la construction - bien réelle, elle - du futur bateau Rainbow Warrior III.

Mais de manière plus générale, même si des campagnes de ce type n'étaient étonnamment pas présentées à Cannes, plusieurs agences s'essaient au webdocumentaire pour le compte d'ONG clientes, comme j'en parlais dans cette enquête.

Publis d'un nouveau genre

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De manière immanente, au vu de divers projets dans les cartons dont j'ai entendu parler la semaine dernière, une nouvelle génération de publis et autres "contenus éditoriaux" devrait voir le jour en presse écrite. Le virage est déjà amorcé. Ce printemps, pour le lancement de la console 3DS de Nintendo, l'agence media avait prévu en presse mag *uniquement* des publis-communiqués en presse mag. Ou la charte graphique était parfois bien peu éloignée des pages d'articles...

Dans un autre genre, on a vu dernièrement Libération aux couleurs de Jean-Paul Gauthier, opération certes sympathique où la rédac était sapée en JPG version papier journal... Et où ledit couturier était presque le seul annonceur. Quelques semaines avant, Libé avait pour seul annonceur Orange. Et encore un pas a été franchi avec la publication, ce 24 juin, du gratuit Direct Matin en format carré, littéralement au format et aux couleurs de la campagne des "forfaits carrés" de SFR ! (seul annonceur dans ce numéro, cela va sans dire). Cela pose de nouvelles questions, autant sur le modèle économique des médias, les nouveaux formats publicitaires que les limites déontologiques. La brèche est ouverte...