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mercredi 18 septembre 2013

Publireportages nouvelle génération

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Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas penchée sur les nouvelles formes de publireportages (ou plutôt, de publicités de plus en plus intégrées) que l'on voit fleurir sur le Web et dans la presse. Je m'étais déjà prêtée avec une certaine gourmandise à l'exercice, ici, ou encore là avec ce florilège historique de Grazia.

Les choses se sont encore accélérées cette année, pour le domaine prometteur des publis, brand journalism et autres formes de brand content. En début d'année, M Publicité, la régie pub du Monde, annonçait ainsi le lancement de M Publishing, "nouvelle activité de conseils en création et édition de contenus à destination des marques", pour "accompagner les marques, sociétés ou institutions dans leur conception et production de contenus, à destination de leurs supports print, web et mobiles". Au passage, on apprend que cette entité "bénéficie de l’expertise de Franck Nouchi, directeur du développement éditorial du Monde" - initialement journaliste au quotidien.

Quelques semaines après, en avril, la régie pub FigaroMedias lançait à son tour Les Ateliers Figaro, "une équipe regroupant tous les métiers du groupe Figaro, mis à la disposition des marques pour créer des solutions de communication originales", et "pour proposer des solutions de publishing print ou digital, de portage/échantillonnage géolocalisé ou d’événementiel... afin de scénariser les histoires de marque, amplifier les messages et engager la conversation avec nos audiences". CQFD. En cette rentrée, voilà une nouvelle sélection de ce que j'ai picoré ça et là dans les médias. Bien sûr, comme toujours pour ce "marronnier" de mon blog, si vous repérez d'autres publis dignes de ce nom, n'hésitez pas à le mes signaler en commentaires à ce billet, je me ferai un plaisir de les ajouter :)

couv Echos

Couv' brandée des Echos

Déjà début septembre, il y a eu cette Une des Echos, avec cette pub pour Porsche bien étrangement mise en avant, à la présence dans la maquette assez incroyablement intrusive. Le slogan et le texte publicitaire suivent carrément la même charte graphique que les différents appels de Une du quotidien économique. Et avec ce slogan qui peut sembler lui-même provocateur, "Peut-on concilier l'inconciliable ?". C'est en tous cas un format publicitaire événementiel, fait sur-mesure pour l'annonceur, jamais vu jusque là... Une brèche est ouverte ?

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Publi Esso de 4 pages

Il y a aussi ce publireportage de 4 pages pour Esso publié dans le numéro de septembre de Wired US. Il faut vraiment le regarder et le lire de près pour s'aperçevoir que c'est un publi, tant la charte graphique et la police de caractères est proche de celle des articles du mensuel. Tout juste le petit logo en haut à droite, les liserés jaunes et la petite mention "Wired Promotion" en haut nous signalent qu'il s'agit bel et bien d'un objet publicitaire. Habile, cet "article" présente les travaux d'une équipe de chercheurs de l'université d'Oxford sponsorisés par Shell, des prototypes de voitures, dans le cadre d'un "eco-marathon". En tous cas, l'article est bien écrit, citations à l'appui, et précis.

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Infographie sponsorisée

Dans le même numéro, quelques pages après, on trouve cette magnifique infographie sur 2 pages, qui illustre le "Big Data dilemma", et vise en fait à promouvoir les solutions de Business intelligence CDW. Dans chaque numéro de Wired, ces publis nouvelle génération et autres objets publicitaires peu identifiables abondent. Logique: le groupe Conde Nast a toujours utilisé ce magazine comme labo d'expérience de nouveaux formats publicitaires, auquel serait particulier captif son lectorat d'entrepreneurs CSP+. Xavier Romatet, de Conde Nast France, ne disait d'ailleurs pas autre chose dans cet article que j'avais consacré aux 20 ans de Wired il y a quelques mois.

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Les Inrocks + Renault en réalité augmentée

Dans un autre genre, il y a cette opération très particulière que propose Les inrockuptibles cette semaine (dans son n° du 18 septembre) avec Renault et l'agence Fuse (émanation du groupe média Omnicom Media Group). En utilisant l'appui mobile Les Inrocks mise à jour, et en pointant le tag 2D présent sur certaines pages, on accède à "des contenus vidéo exclusifs réalisés par la rédaction" dans les pages Culture (Cinéma, Musique, Expos, Scènes) )- je n'ai pas pu les tester à l'heure où j'écris ce billet. Mais aussi, carrément, la Renault Captur s'affiche dans 3 rubriques phares du magazine (La Courbe, Nouvelle tête, Où est le cool ?) . Et, même, en couv' du magazine. Un cap est franchi. De fait, mardi soir, en pointant l'appli Les Inrocks "version augmentée" sur la couv' ornée du tag 2D que m'a envoyée l'agence, je vois la voiture s'afficher totalement sur la couv, et se désosser pour laisser apparaître sa carrosserie, avant que ne s'affiche le slogan "Vivez l'instant présent avec Renault Capture / Les Inrockuptilbes". Cette logique de cobranding très intégrée se poursuit par un jeu-concours proposé aux lecteurs-mobinautes.

Ce type d'opération est très troublant: la marque Renault laisse ses traces bien au-delà des pages de pub du magazine : non seulement elle s'offre la couv', mais aussi des contenus interactifs, et même, elle sponsorise des vidéos et contenus journalistiques complémentaires aux articles des pages Culture. Certes, on avait déjà vu des précédents chez Les Inrocks avec Orange, qui fut lui aussi sponsor de contenus vidéos (... et présent en couv', et bien plus, lors d'un dossier high-tech, comme j'en parlais ici). Mais là, on franchit encore un cap avec cette pub en réalité augmentée. En tous cas, ces contenus publicitaires en réalité augmentée sont un modèle très prometteur pour les médias en quête d'annonceurs : ça tombe bien, plusieurs d'entre eux proposent déjà des contenus rédactionnels via des tags 2D.

Mais l'avenir réside peut-être dans le native advertising, où des sociétés (des annonceurs donc ;) sont prêts à payer une petite fortune pour signer leurs "articles" dans une rubrique dédiée. Un modèle qui a valu à Forbes une embellie - ou, peut-être, de se fourvoyer, comme le raconte cette excellente enquête des Echos. > Une fois encore, « Forbes » assure que la frontière entre les deux mondes est respectée : les articles promotionnels apparaissent dans un encart intitulé « Brandvoice ». Le lecteur avisé fera aisément la différence. Les autres, en revanche, passeront de la presse à la publicité sans même s'en apercevoir. « Les contenus publicitaires ne devraient jamais avoir le même aspect que les contenus éditoriaux. C'est un principe inscrit dans le marbre », regrette Sid Holt, président de la société américaine des éditeurs de magazines. Cette confusion est recherchée : il s'agit même d'une technique marketing qui fait fureur aux Etats-Unis et que l'on appelle le « native advertising ». Elle se monnaie à prix d'or. Pour avoir le droit d'écrire dans la rubrique « Brandvoice », les entreprises sont ainsi prêtes à payer jusqu'à 75.000 dollars par mois. Parmi elles : Microsoft, Cartier, SAP, Dell et Merrill Lynch.

mercredi 21 novembre 2012

Du publireportage au "brand journalism"

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Je m'étais déjà essayée à l'exercice, notamment dans ce billet et cette enquête (et celle-ci) pour Stratégies. Soit passer en revue la nouvelle génération de publireportages qui se développent en presse écrite (avec notamment cette série de 6 "publis" d'anthologie pour Samsung publiés par Grazia), et leurs nouveaux dérivés, cette nouvelle génération de publicités très intégrées que l'on désigne par l'expression-valise "brand content" (littéralement "contenu de marque"). Et depuis peu, on commence à parler de brand journalism (si si) - en butinant un peu sur Google, on trouve même des agences montées des ex-journalistes qui proposent leurs services à des sites de marques.

En cette fin d'année, j'ai fait une nouvelle sélection d'opérations publicitaires parues ces dernières semaines. Car ces formes de publicités, parfois discutables, parfois spectaculaires, parfois ambiguës sur le plan déontologique, servent souvent de révélateur de l'état des médias qui les accueillent. Jusqu’à où aller? A partir de quel moment la frontière entre un contenu publié par une marque (encore une fois, on est donc bien loin de la simple publicité..) et un sujet (article, reportage vidéo...) diffusé par un média ?

Comment continuer d'exister, d’être (omni)présentes auprès des consommateurs dans une conjoncture difficile, où les budgets publicitaires ont fondu ? Dans les secteurs qui investissent le plus en publicité (traditionnellement les télécoms, l'automobile, le luxe...), plusieurs marques ont décidé de donner la prime au spectaculaire.

"Courts-métrages" publicitaires

Avec déjà la consécration, cette année, de fameux "brand content", notamment dans le secteur du luxe, où les marques n'ont pas hésité à produire des "court-métrages publicitaires" ou "films" de mode - admirez au passage la novlangue le vocable, directement emprunté à l'univers du cinéma... ça fait tout de suite plus chic, on se situe ainsi davantage dans la "création" presque cinématographique que dans la vulgaire promotion d'un produit.

Entre création artistique et nouvelle machine marketing, Prada, Vuitton, Dior... Se sont donc offerts des "court-métrages" publicitaires durant jusque parfois trois minutes, et diffusés sur le Net. Et donc beaucoup moins chers que s'ils étaient diffusés en télé. Ils empruntent parfois fortement à l'univers du cinéma: des réalisateurs, des acteurs (tel A therapy, court réalisé pour Prada par Roman Polanski avec Helena Bonham Carter et Ben Kingsley), la mise en ligne du making-of...

Forme de consécration pour ce nouveau format publicitaire aux atours parfois clinquants, le Centre Pompidou accueillait du 9 au 11 novembre un Festival de "court-métrages de mode", A shaded view of fashion film, organisé par la blogueuse mode Diane Pernet, comme le relatait M le mag.

pub VW

Côté opérations qui en mettent plein la vue, il y a eu aussi cette publicité Volkswagen sous forme d'affiche (!) dans le Journal du Dimanche du 4 novembre. Au milieu du journal, On trouvait une double page dépliable en une sorte d'affiche. L'annonceur s'est donc offert l'équivalent de 4 pages plus la double . A ma connaissance, c'est la première fois qu'une marque s'offre carrément un "format-affiche" dans un quotidien.

pub Vrai

Dans le très chic M le Mag daté du 10 novembre, avec ces 4 pages de rédactionnel et d'élégants portraits en noir et blanc, on aurait eu du mal à distinguer qu'il s'agissait d'une publicité (certes clairement mentionnée comme telle en haut à droite), pour la marque de produits laitiers bio Vrai. Avec donc un "article" très informatif sur l'histoire de l'entreprise familiale Triballat-Noyal, maison-mère de la marque Vrai, et des portraits de producteurs de lait qui revendent leur production à Vrai. Résultat: on a l'impression d'une marque transparente, et tellement authentique. Au passage, on découvre que les photos de Gwenaël Saliou ont fait l'objet d'un livre de portraits édité par la marque. Tout est dans tout...

Elle

Dans Elle de cette semaine, on découvre une opération qui mêle carrément publi-communiqué et cobranding. L'hebdo féminin a donc apposé sa marque sur une bagnole (ce qui n'est certes pas la première fois), la Nissan Micra. ce qui est relayé par un "communiqué" dans le magazine, qui met en scène la "Chronique d'une journée réussie" d'une certaine Liza B. On en est cette semaine au chapitre 3, ce qui laisse penser que c'est une série publicitaire (désolée, je ne lis pas régulièrement Elle...).

On nous raconte donc comment, grâce à sa voiture, elle mène à un bien un projet essentiel, passer "Noël, en famille et sans souci". Voilà voilà... Au passage, on notera les discrètes légendes en bas à gauche, avec les marques des vêtements qu'elles porte - exactement comme dans un article classique en rubrique mode, un étrange procédé que Elle a déjà utilisé pour un publi avec Volkswagen pour sa Golf, dont je parlais dans ce billet.

trois couleurs

Même dans le dernier numéro du mensuel culturel gratuit Trois Couleurs, diffusé dans la chaîne de cinémas parisiens MK2, on découvre ce publi pour CanalPlay (page de droite), dont la maquette le distingue bien peu d'un article classique (à gauche)... Même la typo de la légende en bas à droite est très proche de celle utilisée pour les fiches techniques en bas des pages des critiques de films.

14 couv' de Conde Nast aux couleurs de Windows 8

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Autre exemple intéressant, cette opération du groupe Conde Nast, signalée par Advertising Age (et un grand merci au passage à Delphine Soulas pour le repérage), presque un publi géant - même s'ils affirment que Windows n’a rien payé. 14 titres US de Conde Nast datés de décembre, dont Wired, The New Yorker, Vogue et Glamour, auront des couv' semblables aux écrans d'accueil d'appareils sous Windows 8; Une initiative de Microsoft "pour informer les lecteurs des contenus disponibles sur sa nouvelle plateforme", explique benoîtement Conde Nast à Ad Age.

Ici, on franchit un cap. Pour promouvoir à l'échelle mondiale son nouveau système d'exploitation, Microsoft va bien plus loin que la traditionnelle surcouverture publicitaire qui tend à se développer pour certains journaux. Ici, la marque s'insère dans ce qui est au coeur d'un journal, sa couverture, sa Une. Elle impose son propre design, son identité, au média.

Pour sa couv' "sponsorisée par Windows 8", Glamour pousse ici le réalisme jusqu'à mettre en scène les fonctionnalités qu'offre la page d'accueil de Windows 8 (affichage d'un tweet, de l'heure, de grandes photos...). "Les éditeurs évitent traditionnellement d'être impliqués dans les opérations publicitaires, pour montrer à leurs lecteurs qu'ils ne sont pas sous la coupe des marketeurs. Les publicités payantes fixées à la couverture des magazines doivent généralement être signalées comme publicités, selon le code de l'American Society of Magazine Editors", souligne Ad Age. Code qui n'inclut évidemment pas le cas des écrans d'accueil d'ordinateur. Une manière, pour Conde Nast, d'exploiter un vide juridique...

"Brand journalism" chez Coca Cola

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Enfin, pour finir en beauté, ce cas d'école de "brand journalism" (nous y voilà...). Coca Cola a dévoilé il y a quelques jours (merci ici @ziadmaalouf) son magazine en ligne, "Coca-Cola Journey", du nom de l’ancien magazine interne du groupe. Tel un magazine, il comporte plusieurs rubriques: l'entertainment, l’environnement, la santé, l’innovation... On y trouvera donc l’interview d’un chef cuisinier, une tribune de la vice-présidente de General Motors sur l’innovation automobile, des articles sur la lutte contre l’obésité.. Avec, sans surprise, très souvent l'évocation de marques du groupe Coke, ou des prises de position relevant d'une sorte de "healthwashing" sur des sujets trèèès sensibles pour le groupe (comme l'obésité).

Voilà. Cette fois encore, ces repérages ne sont que quelques exemples, si vous en avez d'autres à m'envoyer, n'hésitez pas... Cette série se poursuivra dans des billets ultérieurs.