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mardi 26 août 2014

Hype Cycle 2014: c'est officiel, l'Internet des objets est la technologie la plus "type"

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Une fois n'est pas coutume, je me suis penchée en cette rentrée sur ce qui est devenu un des marronniers de ce blog ;), le Hype cycle pour les technologies émergentes de l'institut Gartner, cette fameuse courbe accompagnée d'une étude en accès libre. Elle a pour avantage de saisir, en un coup d’œil, les innovations de rupture d'aujourd'hui et de demain, et surtout, leur degré d'adoption par le grand public et les industries.

Or c'est une consécration. Cette année, dans la dernière édition de son Hype cycle pour les technologies émergentes, l'institut Gartner distingue l'Internet des objets ("Internet of things") au sommet, de ce qu'il appelle "peak of inflated expectations". Il remplace ainsi le Big data, placé au top dans la courbe de Gartner de l'an dernier, mais rétrogradé cette année au niveau de "trough of disillusionment". En 2012 et en 2013, les analystes de l'Institut pensaient pourtant que l'Internet des objets mettrait plus de 10 ans à atteindre le "plateau of productivity", mais ils lui donnent cette année 5 à 10 ans pour atteindre ce niveau de maturité. Tout comme des innovations distinguées encore l'an dernier, telles la gamification, la réalité augmentée, le Machine-to-Machine, et le NFC, se trouvent dégradées.

Pour mémoire, Gartner a adopté une méthodologie où sa courbe de l'innovation est découpée en 5 étapes-clés, par niveaux d'attente : cela va des technologies naissantes ("technology trigger") à la phase d'industrialisation et d'adoption par le grand public ("Plateau of productivity" ), en passant par le trou d'air inévitable ("Trough of disillusionment"). A partir de l'analyse de services, technologies et disciplines qui ont le plus changé entre 2013 et 2014, Gartner les a positionnés sur le Hype cycle.

Pas vraiment surprenant que Gartner distingue l'Internet des objets, ainsi que cette nouvelle génération d'objets connectés greffés au corps ("Wereable user interfaces"), eux aussi placés au sommet, tant les objets connectés se sont imposés de manière accélérée: chez les constructeurs, de Samsung à Apple, des start-ups en vue telles que Withings, l'industrie du sport (de Nike à Adidas). Cela fait plus d'un an que l'on parle des segments de marché conquis par les objets connectés, entre la santé, la domotique, le sport... Pour preuve, les ambitions déployées en la matière par Samsung, Apple et Google, plus encore ces derniers mois: ils commencent à développer des écosystèmes dédiés, voire des nouvelles générations d'Appstores. D'ailleurs, Gartner cite le ''quantified self'' parmi les technologies naissantes. A coup sûr, cela va changer notre quotidien, où l'électronique, le quantified self (cette automesure constante de soi) seront omniprésents, comme je le racontais dans ce récit d'anticipation.

Machines autonomes

Dans les innovations de demain, en phase "Innovation trigger", Gartner distingue les assistants virtuels personnels (à leurs tous débuts), les technologies de questions-réponses en langage naturel ("Natural-language question answering"), ou encore les services de "speech to speech translation", soit des nouveaux logiciels de reconnaissance de la voix, de traduction et de conversion du texte au discours (en plusieurs langues). Un ensemble de services qui font partie d'un même écosystème, à mon avis, basé sur des assistants vocaux intelligents: une nouvelle génération d'OS mobiles, déjà incarné par Siri sur l'iPhone, que Spike Jonze a très bien cerné dans son film d'anticipation Her, comme j'en parlais ici.. Gartner rattache cela à une étape ultime de l'innovation, encore plus passionnante et vertigineuse, celle de technologies autonomes, définies par "la capacité d'une entreprise à développer ses technologies pour qu'elles fournissent des capacités se rapprochant de celles de l'homme". Il cite aussi en ce sens les Biochips, les Smart robots, ou encore l'humain augmenté.

Certaines des innovations qui ont atteint l'étape Plateau of productivity (phase d'industrialisation et début d'adoption par le grand public) sont dans la même veine : le pilotage des machines par le geste (gesture control), qui permet de zapper d’une chaîne à l’autre ou faire glisser un contenu de son smartphone à son téléviseur d’un geste, et la reconnaissance par une machine de la voix (speech recognition).

samedi 21 décembre 2013

The Circle, dystopie horrifique où "Privacy is theft"

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Lorsqu'elle arrive sur le campus, à la vue de la fontaine, des courts de tennis et de volley, de la boutique intégrée, des cris d'enfants qui jaillissent de la crèche, "'Mon Dieu', pensa Mae. C'est le paradis". C'est la première ligne du livre, qui raconte le premier jour de travail de Mae Holland, une jeune femme lors de son arrivée dans une société appelée The Circle ("Le cercle"). On entrevoit ainsi, dès le début, que ledit paradis de The Circle, décrit dans le nouveau roman de Dave Eggers (ed. McSweeney's, 2013, disponible uniquement en V.O. pour l'instant) sera un enfer.

Dave Eggers, fondateur du magazine littéraire The Believer, de Might Magazine, et de la maison édition McSweeney's.qui a commis cette fiction, a publié entre autres A Hologram for the King en 2012, l'histoire d'un looser qui incarne la classe moyenne américaine qui combat pour réaliser ses rêves dans un monde globalisé et en récession.

Sur 450 pages, Dave Eggers nous raconte donc, sous le regard d'une jeune et naïve recrue, la toile que tisse la start-up The Circle dans la société - et plus que la vie numérique, comme on va le voir. Une sorte de meta-réseau social qui compile Facebook, Twitter, Google et Paypal, avec un réseau social d'échelle planétaire, Zing. Dans un futur proche, la start-up est devenue une des plus puissantes grâce à son système TruYou, qui a unifié tous les services sur Internet et aboli l'anonymat. Ses membres ont une seule identité et y rassemblent l'ensemble de leurs données - même personnelles. Une manière d'organiser la "big data" de tout individu... Le récit, qui se déroule dans un futur proche, n'est pas vraiment de la science-fiction: le quotidien des personnages nous semble très proche. Les trois Wise Men cofondateurs de The Circle nous rappellent tout créateur de start-up contemporain.

Dystopie

Mais le récrit est bien une dystopie, sous-genre de science-fiction qui est une sorte de contre-utopie, où l'auteur prend pour point de départ des fragilités de notre société contemporaine pour les tordre, les exagérer, dans un récit qui devient peu à peu horrifique, dans un Cercle vicieux. Comme tout ouvrage d'anticipation, il a donc une dimension d'avertissement. Son univers nous semble un peu familier: les blogs, Twitter, Facebook posent déjà des questions telles que la tyrannie de la transparence, la privacy en ligne perçue comme inutile (Vinton Cerf, vice-président et Chief Internet Evangelist de Google, déclarait récemment que "la vie privée peut être considérée comme une anomalie"), notre état d'esprit reflété par notre présence perpétuelle sur les réseaux sociaux, nos vies perpétuellement sous surveillance du gouvernement (effet NSA), la voracité de Google pour s'intégrer dans le monde de l'information...

The Circle apporte sa part à ces débats naissants. Eggers l'aborde par une fable, une sorte de conte destiné à être pédagogique, avec des personnages tels que la naïve héroïne qui va être dévorée par son ambition, les trois Wise Men, un Transparent Man, le mystérieux Kalden, qui émerge de l'ombre (seul personnage, dans cette ère de la transparence, à ne pas être traçable dans The Circle)... Le risque de tomber dans le pur récit de SF horrifique est contrebalancé par des anecdotes légères et distrayantes.

Secrets are lies, Sharing is caring, Privacy is theft

L'idée : on découvre au fil du récit que la merveilleuse start-up The Circle a formalisé une certaine idéologie : elle exige la transparence en tous domaines, ses slogans étant SECRETS ARE LIES ("Les secrets sont des mensonges"), SHARING IS CARING ("Partager est prendre soin"), et PRIVACY IS THEFT ("La vie privée c'est le vol", lointain détournement du mantra d'un certain Proudhon...). L'anonymat est banni, le passé de chacun est révélé, le présent de toute personne doit être enregistré et diffusé dans une vidéo en direct. Ce qui est enregistré et diffusé ne sera jamais effacé. Ces directives s'appliquent à l'ensemble des salariés de The Circle, mais au fil du livre, le grand public commence à les appliquer... L'objectif de The Circle est ainsi de couvrir tous les aspects de l'existence humaine, du vote aux histoires d'amour, sous forme de flot d'informations qui se déversent sur son portail en ligne.

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Le futur siège social de Facebook

D'ailleurs, The Circle s'avère plus que paternaliste envers ses salariés : dans ce phalanstère du futur, un peu à la manière du Googleplex que nous connaissons (reflété il y a quelques mois dans cet étrange film publicitaire dont je parlais ici, Les stagiaires), ils y ont accès à une multitude de services - restaurants, courts et salles de sports, magasin, agence de voyage intégrée qui leur organise leurs vacances dès qu'ils rentrent leurs dates de congés, chambres à disposition... Ce qui sonne étrangement contemporain : le futur siège social de Facebook, situé loin de toute ville, prévoit bien des logements juste à côté pour ses salariés. Au passage, ils sont fortement incités à participer à des multiples soirées afterwork à thèmes, dans un agenda partagé - leur vie ne doit-elle pas se dérouler au sein de The Circle ?

Monitoring de soi

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Au fil des pages, on assiste donc à la plongée aux enfers de Mae. Elle est recrutée à The Circle via sa colocataire Annie. Au début simple chargée de relation client, où elle répond en ligne aux questions et plaintes de clients, ses performances en ligne s'affichent au vu de tous sur l'Intranet de The Circle, où remontent ses notes après chaque interaction. Acharnée, Mae obtient un score record dès son premier jour de travail. Elle devient vite une championne de The Circle, approchant le cercle des fondateurs de la société.

Au passage, très corporate, elle devient de plus en plus "transparente" acceptant tout ce que la société lui demande : fusionner les données personnelles de son propre PC et son téléphone avec les appareils fournis par la société, puis partager en temps réel tout ce qu'elle fait sur le feed de The Circle, s'équiper d'un bracelet connecté qui relève ses données de santé (nous sommes bien dans le quantified self) - données dont son employeur a connaissance... Si elle est silencieuse trop longtemps, ses followers lui envoient des messages urgent pour lui demander si tout va bien. Très vite, l'entreprise exige - comme de tout salarié - sa participation active à la communauté en ligne : impossible de refuser de nouveaux "friends", ou de prendre part à de nouveaux cercles. Ceux qui s'écartent de ce "réseau social" sont de facto des parias.

L'individu doit s'effacer face à cette communauté, nouvelle humanité à l'ère virtuelle. Dans le récit, salariés de The Circle, puis personnalités politiques commencent à s'équiper de petites caméras (sortes de GoPro du futur): tout ce qu'ils font doit pouvoir être capté et partagé pour la mémoire commune, au nom de la "transparence". Une forme de nouveau totalitarisme. D'ailleurs, puisque rien ne peut être effacé, The Circle retire le bouton "supprimer". Les études, questionnaires et pétitions sont diffusés sans interruption, on vote d'un simple clic.

Peu à peu, c'est le cercle vicieux. Mae travaille de plus en plus sur les réseaux sociaux pour la prochaine récompense : augmenter ses "rates" (notations) et le nombre de millions de followers. Elle trouve chaque nouvelle demande "délicieuse" et "exaltante". Une quête éperdue de notoriété et de reconnaissance numérique, qui se mesure en données chiffrées - une sorte de monitoring de soi qui nous paraît étrangement contemporain.

Mae est plutôt la méchante que la victime de l'histoire. Elle cherche à évincer Annie du Circle vers la fin du récit. Ses motivations sont celles d'une teenager à l'ère d'Internet: décrocher les notes les plus élevées, se rapprocher des cercles de pouvoir du Circle, être populaire. C'est plus une bonne élève qu'une opposante qui voudrait prendre le pouvoir.

mercredi 21 août 2013

Hype Cycle 2013: 3D Bioprinting, Smart dust, Quantified Self, Wearable interfaces, biométrie...

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C'est la rentrée (que je vous souhaite lumineuse et dynamique ;), et comme chaque année en cette fin de mois d'août, revoici un de mes marronniers préférés depuis 2010 : la nouvelle édition du Hype Cycle de l'institut Gartner, portant sur les technologies émergentes, qu'il présente ici. Une courbe qui se veut une photographie par anticipation (avec, forcément, une certaine marge d'erreurs ;) des innovations de rupture d'aujourd'hui et de demain, donc prometteuses, émergentes, en pleine ascension... ou déjà dépassées. Gartner a adopté cette méthodologie, où cette courbe de l'innovation est découpée en 5 étapes-clés, par cycles de vie de technologies, allant des technologies naissantes ("technology trigger") à la phase d'industrialisation et d'adoption par le grand public ("Plateau of productivity" ), en passant par le trou d'air inévitable ("Trough of disillusionment").

D'abord, du côté des innovations juste naissantes, "Innovation trigger" (intéressant de noter que Gartner parlait jusqu'à présent de "technology trigger") : sans surprise, on retrouve comme dans la Hype Cycle de l'an dernier l'"augmentation humaine", l'humain augmenté de demain (de puce sRFID insérées, etc), annoncé pour dans plus de 10 ans qui se dotera de puces RFID, etc, comme en parlait Cyril Fiévet dans son livre Body hacking.

Et de nouveau, y figure le 3D Bioprinting , l'application médicale de l'impression 3D, soit un système basé sur l'exploitation de "data" en imagerie médicale, mais aussi le service d'impression 3D qui permettra de créer des organes humains (et même un cœur humain...) à partir des cellules d'un individu. On va le voir plus loin, l'impression 3D est décidément l'innovation-star pour Gartner cette année, récurrente dans cette courbe.

En résumé, pour Gartner, c'est sûr, on va en venir aux "humains augmentés par les technologies". "Les technologies permettent d'augmenter les performances humaines dans les domaines physiques, émotionnels et cognitifs". Et l'institut de louer les avantages pour les entreprises d'avoir des salariés "augmentés", et donc plus productifs (cela fait un peu froid dans le dos)...

Gartner annonce l'arrivée, dans plus de 10 ans, des Smart dust, ces "poussières intelligentes", soit des micro-capteurs invisibles qui serviront à surveiller les déplacements des gens ou des objets, les puces étant discrètement placées sur les objets à protéger, et les capteurs répartis dans les murs, plafonds et planchers... Pour la première fois aussi, il évoque l'electrovibration (ou "virtual touch"), une technologie de réalité augmentée qui facilite la transmission électronique du sens humain du toucher, permettant aux utilisateurs finaux de percevoir les textures et contours d'objets éloignés. En la matière, il y a par exmeple le projet REVEL de Disney Research de Pittsburgh. Il annonce aussi, d'ici 2 à 5 ans (mais on y est déjà...) l'explosion des usages liés au quantified self, qui permet à chacun de mesurer et partager ses données personnelles liées à sa santé, alors que pullulent déjà des objets connectés, développés par des start-up telles que Withings, qui a levé 23,5 millions d'euros cet été.

Parmi les innovations attendues à un plus court terme, et qui suscitent énormément d'attentes en ce moment ("Peak of inflated expectations"), figurent les scanners 3D, les véhicules autonomes (soit les voitures connectées... avec de nouveaux projets attendus à l'IFA à Berlin le mois prochain), forcément les objets connectés, et dans leur lignées, les Wearable user interfaces (avec les Smartwatches et lunettes connectées, on y est déjà...), le Big data (et toutes les attentes qu'il suscite notamment dans le marketing)...

En revanche, des innovations commencent à attendre l'étape fatidique du "trough of disillusionment" (premiers échecs à la suite d'expérimentations, même si ces innovations font encore l'objet d'investissements) : c'est le cas pour la réalité augmentée (les fameux codes-barres 2D permettant d'accéder à des contenus complémentaires), la norme NFC (censé notamment favoriser le paiement depuis un téléphone mobile), le cloud computing (effet-boomerang de PRISM, selon Wired: une entreprise ou un particulier peut-il avoir encore confiance en la protection de ses données dans un tel système ?).

En phase "Slope of enlightenment" (une seconde ou une troisième génération de produits autour de ces technologies émergent), Gartner affiche notamment l'impression 3D en entreprises, et les méthodes d'authentification biométrique : pas étonnant, alors qu'Apple pourrait faire figurer un capteur biométrique avec un lecteur d'empreintes digitales sur sur prochain iPhone 5S, attendu fin septembre. Apple avait d'ailleurs acquis l'an dernier pour 350 millions de dollars AuthenTec, start-up spécialisée dans le cryptage et des solutions de reconnaissance digitale: tous deux ont déposé un brevet commun allant dans ce sens.

Enfin, pour Gartner, des innovations ont atteint l'étape Plateau of productivity (phase d'industrialisation et début d'adoption par le grand public) : la reconnaissance vocale, soit cet écosystème de services de traduction et reconnaissance vocale, consacré par Siri sur iPhone. Troublant d'ailleurs, la société Mobile Technologies, spécialisée en reconnaissance vocale et en traduction, à l'origine de l'application Jibbigo (service de traduction vocal d'une quinzaine de langues), vient tout juste d'annoncer son rachat par Facebook. L'institut table aussi sur les Predictive analytics (analyse prédictive), qui permettrait de faire des hypothèses prédictives sur des évènements futurs, à partir de "data" historiques et transactionnelles, surtout dans le secteur bourse-finances.

mardi 23 octobre 2012

Memoto: Big Brother is watching you (toutes les 30 secondes)

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Un appareil photo de la taille d'un pendentif que l'on peut arborer au cou, et qui prend une photo toutes les 30 secondes. Et génère une sorte de flux visuel continu de votre vie de tous les jours.

L'info est sortie hier dans The Verge, Techcrunch, Tuaw... hier. La crème des sites technos. Avec un ton presque extatique.

C'est une start-up basée à Stockholm, Memoto, qui a développé cet étrange produit. Une sorte de compagnon - Tamagoshi des temps modernes, qui va vous permettre de cataloguer, "ranger", tous les instants de votre vie, image par image.

Elle a lancé une campagne sur la plateforme de crowdsourcing Kickstarter, avec cette injonction, "Remember every moment".

L'appareil, de 5 megapixels, comporte aussi une puce GPS , qui permet de localiser l'endroit où sont prises les photos, et xx horodatages. Dotée d'une batterie rechargeable, elle a 2 jours d'autonomie. Donc, muni de votre caméra, vous serez même traçables en permanence.

Ce mini-appareil photo devrait être vendu à partir de 2013 pour 279 dollars, accompagné d'un abonnement à un service Web pour 199 dollars. Lequel permettra, une fois les images téléchargées, de les classer par ordre chronologique et lieux. Le soir, en branchant son Memento Lifelogging Camera à un ordinateur, les photos sont en effet traitées sur les serveurs de Memoto. Les photos sont regroupées en plusieurs "moments" quotidiens : on peut cliquer sur un moment pour le revivre, ou le partager sur Facebook. Une forme de mémoire photographique, en somme, censée être constituée au fil d'une vie.

Le moteur de recherche de Memoto permet de chercher une date ou un lieu, et de revoir les "moments" associés. L'app mobile iOS ou Android permet aussi d'accéder à ces "moments". Et rassurez-vous, si seule une toute petite partie des photos est organisée en "moments", aucune photo n'est effacée : elles sont toutes stockées et accessibles sur les serveurs de Memoto. Toutes les données sont chiffrées et privées.

Quantified self et "lifelogging"

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Elle surfe ainsi en plein sur la tendance du quantified self, qui consiste à collecter des données personnelles liées à la santé et à les partager, grâce à des appareils électroniques basés sur des capteurs, couplés à des applications mobiles ou services en ligne, comme j'en parlais dans ce billet.

Mais surtout, sur cette habitude que l'on a prise ce dernières années sur les réseaux sociaux, de manière presque additive: partager à tout instant ce que l'on fait, où l'on est, de plus en plus à travers la photo. La tendance du lifelogging, qui consiste à enregistrer et archiver le maximum d'informations autour de votre vie — textes, images, vidéos, interactions sociales

C'est bien pour cela que Facebook, par exemple, a mis l'accent sur l'image, la photo, dans son univers (allant jusqu'à créer une appui mobile idoine). Encore la semaine dernière, la start-up Lightt se lançait avec une promesse similaire : son app mobile "sociale" permet de capturer des instants de vie, par séries de 10 photos, puis de les partager avec ses amis.

Alors que les individus n'ont jamais autant pris en photo - et partagé sur les réseaux sociaux - les instants les plus anodins de leur quotidien. Un sondage Ipsos, commandé à l'occasion du Salon de la photo, révélait aujourd'hui que 55% des Français déclarent posséder au sein de leur foyer au moins un appareil photo numérique. Et parmi les photographes amateurs, 89% possèdent un appareil numérique et 77% un téléphone portable avec prise de vue intégrée.

Ainsi, avec ces étranges appareils, chacun pourra être filmé, même à son insu. Même dans des situations voyeuristes. Car l'appareil de Memoto ne peut jamais s'arrêter, à moins de le masquer.

Le co-fondateur de Memoto, Martin Källström, est conscient comment les médias sociaux ont changé nos comportements. Sa première start-up, Twingly, "faisait une veille sur les blogs, tweets et autres pour traquer ce que les clients disaient de produits de certaines marques", précise Techcrunch.

C'est parce qu'il voulait enregistrer des moments inattendus de sa vie, ces moments où l'on oublie précisément de dégainer son appareil photo, comme les premiers pas de ses enfants, qu'il a eu l'idée de lancer ce nouveau service. Ces moments qui peuvent sembler sans grande importance deviennent bien plus profonds à posteriori... Memoto permet ainsi de retrouver ces moments. Toute l’ambiguïté étant que Memoto ne laisse ainsi plus de place à l'improvisation, ni à l'oubli, ni au secret. Tout sera gravé en images.

jeudi 28 juin 2012

Le "body hacking", les prémisses de l'humain "augmenté" ?

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Une étrange discipline, à la croisée du hacking et du transhumanisme, qui consiste à transformer le corps humain en faisant appel à la technologie, en implantant dans le corps des composants artificiels: puce RFID, puce magnétique, caméra dans l'oeil... Bienvenue dans l'univers du "body hacking", où une poignée d'individus poussent la logique de liberté individuelle jusqu'à entreprendre sur leur corps des modifications physiques parfois radicales. Passant outre, du même coup, l'intermédiaire classique, l'autorité scientifique, qui cherche depuis quelques années à tirer parti du numérique, de l'électronique et de la robotique pour améliorer le quotidien de patients souffrant de pathologies sévères.

Le livre de Cyril Fiévet, journaliste et auteur (li fut entre autres de l'aventure de l'éphémère revue Pointblog au début des années 2000, pour ceux qui se souviennent...) , Body hacking (ed. FYP, 20 €), qui tient en 158 pages, est un condensé de cette tendance (culture?) naissante, où des individus "pirates du corps humain" mènent des expérimentations radicales (parfois dangereuses), dans une nouvelle forme de déclinaison du hacking et de transhumanisme, sur lequel j'ai écrit à plusieurs reprises ici (comme dans ce billet). Les divers témoignages de "body hackers" recueillis par l'auteur à travers leurs blogs et forums de discussion donnent un ensemble passionnant, sur plusieurs types d'expérimentations menées.

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Il ne s'agit nullement, ici, de présenter un récit de science-fiction : le livre nous laisse juste entrevoir des pratiques futures, de manières dont des individus pourront "augmenter" leurs corps de nouvelles fonctionnalités, avec des implants artificiels. Pour développer de nouveaux sens, augmenter les capacités humaines, parer à des handicaps ou déficiences (de la vue par exemple).... Et donc améliorer l'homme en en dépassant les limites fixées par la nature. Avec le spectre, pour les plus radicaux (ie les transhumanistes) de prolonger la durée de la vie. Vertigineux.... Le tout à l'aide rarement de la recherche scientifique traditionnelle ou des médecins, mais - c'est là une des ruptures induites par Internet - souvent par des "bidouillages" par des individus ayant eux-mêmes une expertise technologique plus ou moins importante, mais qui échangent avec d'autres individus qui ont le même centre d'intérêt.

Bien vu, Cyril Fiévet commence son ouvrage en citant les formes les plus répandues de "body hacking" - que beaucoup pratiquent ainsi déjà sans le savoir - le tatouage, le piercing, les scarifications, voire la chirurgie esthétique, qui ont pour point commun de s'être popularisées ces dernières années. Où l'on apprend que 40% des Américains de 26 à 40 ans sont tatoués, et 20% des Français sur la même tranche d'âge...Cette "génération Y" (l'auteur les qualifie de "Millennials") qui a grandi avec les ordinateurs, les jeux vidéos, les réseaux sociaux et Internet, où "tatouages et piercings feraient partie de leur culture décomplexée, où chacun affiche et revendique des signes distinctifs". Précisément, une génération "fin de siècle" qui a baigné dans les comics de super héros, la littérature cyberpunk et manga, les jeux vidéos, les films de science-fiction peuplés de cyborgs... Et n'est donc pas totalement insensible à cette idée d'"augmentation" par la technologie.

LA nouveauté, c'est donc que le hacking - cet art du bidouillage et du partage d'expériences né chez des informaticiens débrouillards et rebelles, comme évoqué dans ce billet - se transpose dans le domaine des sciences et de la biologie. Avec les débuts du DIY Biology ou body hacking , avec ses premières communautés, comme DIYbio.org, l'espace libre et non-lucratif Genspace, ou encore Biocurious, un "hackerspace dédié aux biotechnologies".

Voilà pour les initiatives "officielles". Mais l'auteur se penche surtout sur des initiatives individuelles, nées de chercheurs ou de particuliers (très) radicaux. Il revient ainsi sur les premiers exemples - souvent assez connus - d'implants corporels de puces RFID, comme par Kevin Warvick, professeur de cybernétique (avec des visées scientifiques), ou encore un entrepreneur américain, Amal Graafstra, avec des visées plus pratiques (ie être reconnu par la porte de son domicile, sa moto ou sa voiture !).

Mais il y a des démarches de body hacking plus radicales. Comme les implants magnétiques, ces pièces de métal introduites sous la chair relayée par le magazine BMEZine, dont l'implantation vise clairement à acquérir de nouvelles sensations, un "sixième sens", du fait que l'implant magnétique (qui est un aimant) réagit aux ondes et aux champs électromagnétiques, émises par divers objets (réveil, téléphone portable, chargeur électrique...). Et permet donc de percevoir physiquement des ondes invisibles, même au toucher, comme le montrent les témoignages assez fascinants. Certains imaginent même des dispositifs permettant de faire ressentir à celui qui le porte la direction du nord électromagnétique, comme dans le projet North Paw.

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On est bien là dans cette perspective de l'humain "augmenté", qui acquiert de nouveaux sens, de nouvelles capacités, par des composants artificiels. Ce qui passe aussi par des projets impliquant des caméras ou webcams ajoutées au corps humain, parois avec des visées scientifiques (comme dans le projet 3rdi), ou encore l'ajout de ^prothèses, souvent pour combler un handicap physique, mais qui devient très bien assumé par son porteur (comme pour la top model / égérie de L'Oréal / sportive Aimee Mullins).

Pour les fans de Terminator et de Mission impossible 3 (avec la fameuse lentille de contact qui offre une vision "augmentée"...), la société Innovega a dévoilé le prototype de iOptic, où un projecteur associé à des lentilles de contact offre un effet de vision en "réalité augmentée" à son porteur.

Expérimentations de quelques doux dingues? Oui, mais cette idée d'interfaces hommes-machines, de produits destinés au grand public qui visent à interagir étroitement avec le corps humain, apparaissent déjà. Et l'auteur d'évoquer le casque audio MindWave de Neurosky, qui lit les "états mentaux" de son porteur, un appareil commercialisé par la société Emotiv, qui , porté sur la tête, permet de décoder les influx électriques du cerveau,et même des applications qui permettent de déchiffrer l'état émotionnel de l'utilisateur ! Ou encore iBrain de NeuroVirgil, qui réalise un encéphalogramme complet durant le sommeil...

Ce sont là les prémisses du quantified self (voir ce papier du Figaro), un business naissant porté par des joujoux appareils électroniques ((basés sur des capteurs) destinés à mesurer et influer sur le fonctionnement du corps humain, couplés à des applications mobiles ou services en ligne. Une forme de body hacking donc, là encore sans les intermédiaires traditionnels (médecins, cliniques, etc), même s'il n'y a pas l'idée ici de modification corporelle.

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Car pour les body hackers, l'idée-clé est bien celle de modifier son corps pour dépasser les limites de l'humain, comme Cyril Fievet l'a relevé à longueur de témoignages sur le forum Biohack.me, qui rassemble "une bonne part de la branche "dure" des body hackers", ou encore avec le témoignage de la transhumaniste Lepht Anonym sur son blog. Reste une question vertigineuse esquissée dans cet article de Fast Company, et à la fin de livre : et si, à l'avenir, certains étaient tentés d’abandonner leurs membres et organes biologiques au profit de machines sophistiquées, plus performantes ?