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mercredi 27 mai 2015

A qui appartiennent vos photos sur Instagram ?

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Il y avait longtemps que je ne vous avais pas parlé photo ici... L'actualité qui m'a interpellée cette semaine est intéressante car, derrière le scandale arty un rien absurde, se mêlent des questions inédites d'usages autour d'un des réseaux sociaux les plus hype (Instagram), racheté en 2012 à prix d'or par Facebook, qui doit son succès à ses photos faussement vintage, le principe du droit d'auteur foulé aux pieds, la surenchère des prix, et même le vol. Et cette question de fond : les photos que vous partagez sur les réseaux sociaux vous appartiennent-elles vraiment ?

Cela a fait scandale il y a quelques jours, bien au-delà du petit milieu arty new-yorkais, et même de la bulle des réseaux sociaux. L'artiste américain Richard Prince a organisé une exposition de photographies, à la Gagosian Gallery de New York, qui s'est tenue de septembre à octobre 2014. Mais pas n'importe lesquelles : des photos qu'il avait sélectionnées sur Instagram, et dûment retouchées à sa sauce. Avant de les revendre, au prix fort. Imaginez : 38 clichés Instagram ont été présentés à la Gagosian Gallery, et se sont ainsi écoulés aux alentours de 100 000 $ pièce. Jolie flambée des prix.

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Il y a quelques jours, on apprenait ainsi qu'il avait vendu pour 90 000 dollars un portrait de femme, Doe Deere, créatrice d'une marque de cosmétiques. Laquelle a fait savoir la semaine dernière - sur Instagram - sa stupéfaction (on peut la comprendre) en voyant son portrait vendu pour cette somme plutôt coquette. Une photo qu'elle avait vue placardée sur les murs de la galerie, sans que l'artiste ne lui ait demandé au préalable son accord. Pour autant, elle n'a aucunement déposer plainte.

Au fil des clichés, on voit souvent des femmes dénudées. Pour attirer le chaland, l'artiste aussi avait sélectionné autant des photos de people (telle Kate Moss, Pamela Anderson), de personnes influentes, et d'illustres inconnus. Il glisse des commentaires volontiers grivois, et même carrément sexistes, comme l'a pointé Artnet.

La méthode de Richard Prince : sélectionner une photo dans le "feed" de son compte Instagram, l'agrémenter de ses commentaires (sa propre légende de ladite photo, en quelque sorte), faire une capture d'écran, et l'envoyer par mail à un assistant. Le document sera ensuite recadré, agrandi, pour un tirage de 1,20 m sur 1,65 m, puis imprimé en bonne définition avant d'être accroché au mur. Comme une oeuvre d'art ?

Flambée des prix, goût du scandale

Assurément, l'artiste américain a monté son "coup" avec un art assumé du scandale, et s'est offert un joli coup de com'. Et il foule gentiment des pieds le marché - de plus en plus juteux - de la vente de photos de collection. Dans les plus grandes maisons de ventes aux enchères, telles Sotheby's, les stars de la photo classique, tels Eugene Smith, Robert Capa, Marc Riboud, Sebastião Salgado, ou plus à la mode, un Richard Avedon, affichent des prix qui plafonnent à 10 000 $.

Mais Richard Prince soulève ainsi d'abyssales questions. Un tirage papier d'une photo dégotée sur le Net, est-ce une oeuvre d'art ? Est-ce un art reflet de son époque, une mise en abyme critique de ce site de partage de photos qui repose en partie sur le culte de l'ego à travers l'auto-portrait ? Est-ce du plagiat ? Des oeuvres détournées ? Et surtout, peut-on piocher à sa guise des photos d'inconnus sur les réseaux sociaux pour en faire oeuvre commerciale ?

Propriété intellectuelle

A qui appartiennent ces photos nouvelle génération ? Certes, elles sont mises à disposition de tous sur des réseaux sociaux, mais ne sont-elles pas protégés par le droit d'auteur ou le copyright ? In fine, les clichés que vous prenez et que vous partagez sur Instagram, ou même Facebook ou Twitter, vous appartiennent-ils ? Pas si sûr... Il y avait eu en 2010 (oui, il y a longtemps...) ce précédent, à propos d'une photo récupérée par l'AFP sur Twitter.

Il faut y voir aussi une remise en cause radicale et inédite de la propriété intellectuelle, dont témoigne le cas Doe Deere.

Encore plus sujet à caution, le fait qu'il fasse commerce de ces clichés Instagram. Par le simple fait qu'il les commente et les tire sur papier, ces clichés instagram deviennent-ils des oeuvres d'art ? Le malaise, le sentiment d'impudeur absolue et d'opportunisme tient aussi au fait qu'il vend ces "œuvres". Les 38 clichés Instagram qui ont été présentés à la Gagosian Gallery se sont ainsi arrachés pour des prix disproportionnés (le goût du scandale aurait-il créé une explosion des prix ?). Sans qu'un seul centime ne soit reversé aux auteurs de ces photos.

lundi 21 juillet 2014

Bientôt une clause "réseaux sociaux" dans les contrats de mariage ?

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Imaginez, une clause "réseaux sociaux" stipulée noir sur blanc dans votre contrat de mariage, qui nous rappelle que oui, la vie numérique fait désormais bien partie de notre vie tout court. Donc, nos usages des réseaux sociaux pourraient bientôt être encadrés juridiquement - et votre cher(e) et tendre pourrait bientôt avoir son mot à dire en la matière. Ce qui donne, au passage, un joli coup de vieux au mythique film Quatre mariages et un enterrement (20 ans, déjà...), qui se devait pourtant d'illustrer ce billet nuptial.

Même durant les moments les plus romantiques ou personnels, les smartphones sont devenus omniprésents, pour capter, filmer, photographier, puis partager en temps réel des "moments" (c'est ainsi que l'iPhone qualifie désormais, par défaut, vos albums photos). On rit, on se moque, on s'indigne, en quelques clics et effleurements d'écran. Rien de plus facile. Au risque de partager un peu trop vite des moments intimes sur la Toile. Ou de les utiliser à mauvais escient, dans la douleur d'une rupture.

"Social media prenuptial agreement"

Même dans ce domaine, la judiciarisation se développe. Aux Etats-Unis, on voit ainsi apparaître les premières clauses "réseau social" dans les contrats de mariages, soulignait récemment ABCNews. Une clause très carrée, juridique, destinée à encadrer les différents aléas liés au divorce, aux côtés des volets séparation des biens, infidélité, ou garde partagée des enfants. Le “social media prenup” , un document écrit ou une simple conversation, fixe donc ce qui est acceptable de partager en ligne à propos de l'un et l'autre. Ann-Margaret Carrozza, une avocate new-yorkaise citée par ABC News, a ainsi vu ce type de clause apparaître ces derniers mois, et affirme en rédiger cinq par semaine.

L’ambiguïté étant que ces clauses prévoient à priori tout ce qui est susceptible de nuire à la réputation professionnelle du conjoint, de l'embarrasser, de salir son e-réputation, et donc faire l'objet de poursuites. Une sorte de principe de précaution appliqué aux réseaux sociaux, alors même qu'une séparation n'est nullement envisagée.

Après tout, la judiciarisation commence à toucher aussi le "revenge porn" ces photos compromettantes pour se venger, aux US, et même en France, où la première condamnation a eu lieu.

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Didido, théorie des jeux amoureux sur Facebook

L'idée ? Protéger la e-réputation des conjoints : photos peu avantageuses, détails croustillants sur la vie commune passée, post vengeur ou même simples manifestations de désespoir et autres émotions ne pourront être partagées sur Facebook et Tswitter. Seul le "No comment" sera autorisé. Une notion politiquement correcte très américaine, à l'image du très marketé neutre statut de «conscious uncoupling» partagé en ligne par l'actrice Gwyneth Paltrow et Chris Martin lors de leur divorce, ce printemps.

Lors du divorce, «chaque partie accepte de ne pas poster, tweeter ou d’aucune manière partager sur les réseaux sociaux des images ou tout contenu positif, négatif, insultant, embarrassant ou flatteur sur l’autre» . Bref, les photos, posts et vidéos des enfants et d'une vie familiale idéalisée quand tout va bien sont autorisés (quand bien même ils sont parfois bien impudiques...), mais pas question de régler ses comptes par des insultes et photos compromettantes en public. Car les réseaux sociaux (Facebook en premier lieu, qui compte au moins 26 millions d'utilisateurs actifs en France, mais aussi Twitter, Instagram, voire les blogs, etc) sont devenus le nouvel espace public virtuel, la nouvelle place du village.

Si l'un des deux craque, l’amende prévue peut aller jusqu’à «50 000 dollars (par post ou par tweet) si l’on poste une photo peu flatteuse de son épouse», précise Ann-Margaret Carrozza. Alors que des études démontrent - ça tombe bien - un lien entre procédures de divorce et utilisation de Facebook. Une étude britannique démontrait ainsi récemment que 33% des procédures comportaient le terme "Facebook". Du grain à moudre à venir pour les avocats spécialisés en divorce.