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dimanche 17 juin 2012

Tank, Geek le mag, Usbek & Rica, WE Demain... L'éternel mythe d'un Wired à la française

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Cela faisait un certain temps que je voulais me pencher sur ce thème, le dernier-né dans la galaxie des magazines technos à la maquette très léchée m'en donne enfin le prétexte.

Il y a quinzaine de jours, le premier numéro de la revue Tank était lancé en librairies et certains kiosques (14 euros, 150 pages). La "revue de toutes les communications" d'après son sous-titre, qui "fait jaillir une multitude de perspectives et de regards sur la société, la communication, les médias et les cultures numériques".

Au feuilletage, le contenu et à la hauteur de ce que ce claim laisse promettre: sélection de bouquins, certes plus ou moins heureuse, entre la très réussie Encyclopédie de la web culture de Diane Lisarelli, et le (tout-à-fait oubliante à mon sens) dernier opus Dominique Wolton, Indiscipline, un dossier très nourri (près de 40 pages) sur le jeu vidéo, entre points de vue sociologiques, philosophiques, business & conso (focus intéressants sur le social gaming, ou encore une start-up prometteuse dans le sillage de Rovio), un portfolio chronologique (Ah, Pacman, Tetris et Mario)...

S'ensuivent un focus sur le boycott à l'ère numérique, avec interview de Marc Drillech, auteur d'une somme sur le sujet (nous nous étions penché dessus il y a quelques mois), une enquête (assez attendue) sur le thème vertigineux "L'homme est-il soluble dans la technologie ?" (mythe du cyborg etc), un focus sur le thème "Cerveau, nouvelles technologies et publicité" (mais qui contourne pudiquement le sujet brûlant du neuromarketing... dommage), et in fine un focus sur le parcours de Tim Burton, avec un joli portfolio.

Un premier numéro prometteur donc, avec une maquette élégante, entre nombreuses illustr, quelques infographies, et de rares photos. Il faut préciser que l'équipe des fondateurs-investisseurs est un peu particulière: on retrouve derrière ce projet de gros pontes de l'univers de la publicité et de la communication. A savoir Sébastien Danet (président de Vivaki/Publicis Groupe) Olivier Covo (Brandy Sound), Bruno Fuchs (Image & Stratégie), Laurence Houdeville (Réputation VIP), Philippe Lentschener (McCann France), Bruno Paillet (Conseil & Annonceurs Associés) et Thierry Wellhoff (Wellcom).

C'est par ailleurs l'agence-conseil en communication éditoriale All Contents qui en est l'initiatrice. D'où la difficulté à qualifier cet objet: est-ce vraiment un média ? Il est en fait entre la publication professionnelle pour communicants et le mag grand public. Contrairement à XXI et autres Usbek & Rica qui ont été fondés par des journalistes, c'est ici une agence de com' éditoriale qui est derrière. Quand bien même on trouve quelques journalistes parmi les contributeurs, l'immense majorité sont philosophes, sociologues, directeur d'études en institut de sondages...

Au passage, ce mook est à ma connaissance le seul à être aussi clairement ouvert à la publicité: avec 15 pages de pub sur 150 pages, et des annonceurs essentiellement issus de l'univers de la com' (régies publicitaires, agences médias, presse écrite,, audiovisuel...), plusieurs étant proches des fondateurs ;)

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Le dernier-né, donc, dans le genre très en vogue des mooks (comprenez mag books), genre initié il y a quelques années avec brio par la revue XXI (j'en parlais ici lorsqu'elle a décroché son premier prix Albert Londres), ces livres-magazines en papier glacé et maquette très travaillée, qui ont créé un nouveau réseau de distribution : les librairies, mais auxquelles plusieurs, malins, commencent à ajouter les Relay et certains gros points presse (en fait, les kiosques disposant d'un rayon livres) - s'offrant ainsi un double réseau de distribution.

Plusieurs qui ont opté pour le format mook ont lancé des revues dédiées à l'anticipation, l'innovation, les sciences, la culture geek, les produits tech. Peut-être parce que le format du mook, avec un tarif assez élevé mais des possibilités de maquette bien plus larges qu'en presse mag classique (portfolios, infographies, dessins, superposition de photos...) est particulièrement adapté au traitement de ces thèmes. A la réserve près que ce genre très en vogue du mook a ses fragilités, dont au niveau économique (ie il inclut très de publicité): un des derniers, le mook sportif Hobo a ainsi été interrompu sur ordre du groupe Amaury, avant même la parution du numéro 2. Mais mooks, magazines diffusés en kiosques, tous ont toujours ce Graal, cet idéal, sortir enfin LE Wired à la française, magazine qui répercute depuis les années 90 les préoccupations des accros du Web et des technologies. Ce qu'ont déjà tenté, il y a une dizaine d'années, Transfert, Futur(e)s, Newbiz, Minotaure, Blast, Influx (petit aperçu dans mes archives perso)... Alors que la maison-mère, le groupe Conde Nast, non content d'avoir lancé des Wired locaux en Italie, UK... renâcle toujours à le lancer en VF.

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Un peu dans la même veine que Tank, Influencia, à la base newsletter lancée par Isabelle Musnik (ex-journaliste de CB News) a ainsi été décliné pour la première fois en luxueux mook (co-brandé par Le Figaro), vendu en librairies pour 20 euros.

Autre petit nouveau en la matière, le mook WE Demain, fondé par les frères Siegel, qui ont dirigé VSD pendant 30 ans. Sorti en librairies et en partie en kiosques en avril dernier,comme je le détaillais alors dans cet article, il se présente comme "une revue pour changer d’époque", et "accompagner l'émergence d'un nouveau monde". Après VSD qui a incarné la civilisation de l'entertainment... De quoi sera fait l’avenir… Avec donc, au menu, l’émergence de nouveaux métiers (euthanalogue, cultivateur vertical, manipulateur de climat, créateur de membres humains, courtier en pollution…), la 3e révolution vue par Jérémy Rifkin,..

On notera au passage qu'il est en train de développer un modèle publicitaire original, comme je l'évoquais dans mon article : il passera surtout par des partenariats de marque et du parrainage. Le numéro 2 de la revue, qui sortira le 11 octobre, aura ainsi un supplément, un magazine de 80 pages, We Demain Initiatives, ouvert aux marques, aux entreprises et aux institutionnels "qui partagent les mêmes valeurs que la revue", dixit ses fondateurs. Lesquelles marques pourront donc parrainer une des 8 sections de la revue (une page en ouverture de section pour expliquer ses engagements) ou acheter des espaces publicitaires réservés (2ème, 3ème et 4ème de couverture).

La revue Usbek & Rica avait déjà anticipé cette tendance, en se lançant sous forme de mook (voir mon billet à l'époque). Mais - autre preuve de la fragilité économique du modèle du mook ? - après une parenthèse au second semestre 2011, elle set revenue cette année sous forme de magazine trimestriel, vendu en kiosques pour 5 euros. Au menu pour le n°2 du magazine qui explore le futur": actu, infographie, enquête de fond (ici sur le sujet plutôt attendu de la "génération hacker"), et beaucoup d'anticipation: entre un chouette scénario futuriste ("La Seine Saint Denis en 2072"), tendance naissante ("le jour où un robot gagnera un prix Pulitzer", allusion au robot journalism), un sujet vertigineux (en rubrique Utopie) sur les débuts de la géo-ingénierie, le sportif génétiquement modifié...

Autre acteur de ce secteur de la presse à la Wired, Geek le mag. Là aussi, j'aime bien l'effort sur la maquette, les infographies et les enchaînements de photos, même si le magazine se disperse peut-être un petit peu: après l’enquête éco sur Ubisoft, les sujets d'acte (les sites de rencontres, Aca), le dossier TV connectée, les gadgets high tech, quelques pages de chroniques culture (ciné, DVD, jeux vidéos)... Puis il se clôture en beauté sur une publication exclusive d'une version comics de Batman.

Des parutions qui restent souvent limitées, relativement confidentielles (10 à 15 000 exemplaires en moyenne chacune, d'après mes informations, exceptées pour Tank et Influencia, pour lesquelles les chiffres ne sont pas encore disponibles). Elles font pourtant la différence avec la multitude de sites d'information dédiés à la high-tech côté conso et culture numérique (de 01net à Les Numériques) avec des maquettes qui tuent, et un traitement fouillé, plus proche de l'anticipation et de la prospective. Pas assez mainstream peut-être...

dimanche 6 juin 2010

Usbek & Rica/Snatch/Megalopolis/L'Imparfaite: ils sont jeunes, ils en veulent...

Ils sont jeunes, et sortent tout juste d'école de journalisme ou de Sciences Po, voire sont encore étudiants. Leur premier réflexe en se frottant au monde du travail ? Lancer leur propre canard. Coup sur coup, plusieurs nouveaux journaux ont été lancés ces derniers mois. Pas de simples feuilles de chou distribuées aux potes ou dans les travées des amphis, non, de vrais canards, avec parfois un budget de lancement conséquent, ou de nouveaux circuits de distribution. J'ai connu quelques précédents, comme celui de Terra Eco, initialement lancé uniquement sur le Net et sur abonnements avant de franchir le pas de la sortie en kiosques, pour lequel j'avais participé au lancement les premières années.

Alors voilà, comme on parle (trop) souvent de la crise de la presse, il fallait parler de ces titres de presse papier - et encore... je ne parle pas ici de ces nouveaux pure players du web, tel Owni, alternatives aux Rue89 et autres Bakchich, dont je parlais dans ce papier pour 20minutes.fr.

Usbek & Rica, la nouvelle revue/livre vendue en librairies

C'est la dernière-née: lancée cette semaine, calquée sur le modèle à succès de la revue XXI, la revue trimestrielle Usbek & Rica est vendue exclusivement en librairies (et bien sûr par abonnements). Jolie maquette (quoi qu'un peu plus austère que celle de XXI), papiers fouillés, un peu de BD, photojournalisme et nouvelles, on est ici entre XXI, donc, mais aussi Wired, Technology Review, et les ex-Transfert et Futur(e)s.

Papier mat et épais, ce magazine pas donné (15 € le numéro) repose sur un modèle entièrement sans pub, comme XXI. Malin, son fondateur a donc misé sur un réseau de distribution particulier, les librairies, comme j'en parlais cette semaine dans ce papier. Point de détail non négligeable, Jérôme Ruskin a 26 ans. Et une bonne partie de l'équipe de fondateurs est dans la même moyenne d'âge. Pour mener ce projet a bien, il a réussi à boucler une première levée de fonds de 500 000 € auprès de plusieurs investisseurs en surfant sur la loi TEPA, et via un prêt Oséo. Pas mal. Et auprès d'investisseurs divers, comme Stéphane Distinguin, de la FaberNovel.

Snatch, "le shot culturel"

Ils n'ont pas osé "le shoot culturel" ;), j'aime bien ce bimestriel culturel qui balaie large, avec une maquette simple et élégante. Au menu de ce second numéro: sujet sympa sur "la tektonik est-elle morte?", interview Robert Hue, analyse des stratégies marketing chez les littéraires médiatiques, retour sympathique sur le Paris skinhead des années 80 (jolie portfolio au passage), portrait de Jamie Lidell, et bien sûr des chroniques ciné, musique et jeux vidéos. Juste surprise de trouver quelques pages mode dont on ne sait pas trop ce qu'elles font là...

Reste à voir s'il se distinguera dans les nombreux magazines culturels indé déjà présents en kiosques...

L'imparfaite: revue érotique assumée

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Pré-visuels - crédits image : © Victoire Desprez ; Victoire Thierrée ; Kim Buisson ; Arnaud Lajeunie ; Agathe Philbé ; Orlando Soria.

J'avoue, celui-là, je ne l'ai pas (encore) eu entre les mains, je l'ai glissé dans cette sélection de magazines lancés par des jeunes journalistes parce que ma voisine de bureau m'en a parlé... Mais on en avait déjà pas mal parlé, de ce magazine un peu cul lancé sous le manteau par des étudiants de Sciences Po, dont le numéro 1 a été lancé le 12 mai, disponible notamment dans la boutique Passage du désir à Paris, et en ligne. Ici encore, ce sont essentiellement des jeunes journalistes qui sont à l'origine du projet.

Dans cette revue vendue 10 €, entre livre et magazine, on trouve une soixantaine de photos inédites, des textes analytiques et des reportages. Au sommaire de ce premier numéro: le triolisme aquatique, le coup d’un soir, ” Youporn Wonderland”…

Mégalopolis: le Grand Paris à travers un mag

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Non, il n'est pas question d'aménagement du territoire dans ce jeune magazine "du très grand Paris", lancé notamment par des anciens de Sciences Po (à peu près tous banlieusards ;), L'équipe de Mégalopolis, conseillés notamment par Renaud Leblond, directeur de la Fondation Lagardère, et Christian Fevret, fondateur et directeur des Inrockuptibles.

Son numéro 2, qui vient de sortir en kiosques, aborde entre autres, avec un ton volontiers sarcastique, la question de "l’ennui en banlieue" (certes, le reportage se limite à Versailles, Champigny et Deuil-la-Barre), les universités en Île-de-France, comporte un sujet prospectif bien vu sur l’immigration en Île-de-France en 2050... Y a des sujets pédagos, historiques (Passé/Présent: La cité-jardin de Suresnes), politiques, ou bassement matériels ("Où pisser à Paris ?).

Vendu 3 euros, ce "magazine de la génération Grand Paris" vise avant tout un public jeune. Le premier numéro, tiré à 7 000 exemplaires, était distribué dans plus de 1 500 points de vente (kiosques, librairies...) dans toute l'Île-de-France.