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vendredi 11 mai 2012

Le téléphone sert-il (encore) à téléphoner ?

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Est-ce que le téléphone portable sert encore (beaucoup) à téléphoner ? Les Free Mobile, Sosh et autres B&You ont consacré une tendance déjà émergente chez certains opérateurs (notamment les MVNO), avec des forfaits dits "tout illimité" (ou presque - le sujet a déjà largement fait polémique il y a quelques mois, voir par exemple par ici). Et à prix réduits: avec à la clé SMS, MMS illimités, navigation sur Internet mobile à haute dose (au pire limitée à 500 méga-octets ou 1 giga-octet). Et un forfait "voix" (pour des appels téléphoniques) réduit à 1 à 4 heures.

Des forfaits sur mesure pour les ados et les jeunes adultes, addicts à l'envoi en masse de SMS, au "chat mobile", mais beaucoup moins aux longues conversations sur leur portable. Dans la lignée du Millenium, le premier forfait apparu il y a 12 ans, déjà destiné aux ados addicts à leur portable.

Parce qu'après tout, le (jeune) utilisateur de portable a-t-il vraiment besoin de téléphoner beaucoup. Prenez Adam (notre stagiaire maison à Stratégies), 20 ans, doté d'un iPhone depuis 3 ans... Certes, il téléphone souvent, mais envoie en moyenne "10 à 50 SMS par jour". Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, les Français sont peu nombreux à téléphoner beaucoup depuis leur téléphone portable - cela reste un usage réservé au téléphone fixe. Un sondage commandé récemment par l'opérateur indépendant Prixel à Ipsos révélait que 40% du panel téléphonait moins d'une heure par mois, 37% de 1 à 3 heures par mois, seuls 10,3% dépassant les 3 heures par mois.

De plus en plus, le téléphone sert à envoyer des SMS, et surfer sur Internet et les réseaux sociaux - surtout chez les jeunes donc, soit les générations de demain. Ce qui s'accentue certes avec la généralisation des smartphones - "couteaux suisses" dotés d'une multitude de fonctions. Car si 70% des sondés par Prixel ont un accès à l'Internet mobile, les 16-24 ans sont les plus connectés: 57% d'entre eux surfent tous les jours. Et notre "jeune" post-ado envoie beaaaucoup de SMS: plus de 500 par mois pour 67%, tandis que 64% du panel en envoie moins de 100.

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Donc, le téléphone sert-il encore à téléphoner ? L’essayiste Tom Vanderbilt, relayé par ce papier de Xavier de la Porte, développe aussi cette idée dans The Wilson Quaterly: serait-ce "la fin du téléphone, en tant que transmission d’informations par la voix" ? Il relève que le temps de la communication vocale est en forte baisse, la conversation est remplacé par le coup de fil très minimaliste : 1 minute et 47 secondes en 2010 pour un coup de fil, contre 3 minutes en moyenne en 2003.

Pourtant, les prémices du marketing télécoms étaient bien parvenus à rendre le téléphone indispensable, à se débuts, comme le rappelle Vanderbilt, cité par Xavier de la Porte:

Il a fait son entrée sur la scène de l’Histoire en 1876, sans répondre en rien à un désir clair des masses. Il était pourtant porteur d’un changement radical : pour la première fois, les gens pouvaient se parler à distance. Certes, mais pour quoi faire ? Et l’auteur de rappeler à quel point les hommes d’affaires, pourtant les plus prompts à utiliser le courrier et les télégrammes pour transmettre des informations importantes, étaient sceptiques quant à l’apport de cette nouvelle technologie. Ils n’y voyaient au mieux qu’une version parlante du télégramme. C’est ensuite la société Bell qui a réussi à créer le besoin de téléphone grâce à un gros travail marketing. D’abord dans les entreprises, puis dans les foyers, pour les conversations intimes, dans le but de garder contact avec ses proches.

Pour Vanderbilt, cela est lié par essence au modèle économique des forfaits, dans lesquels envoyer des textos est moins cher que de téléphoner. Mais aussi des "raisons de convenance", où il semble moins intrusif d'envoyer un SMS que d'appeler son interlocuteur.

Mais même la conversation téléphonique, autant norme sociale qu'outil d'échange à distance, certes une des premières formes d’échanges virtuel, mais qui laisse une trace, s'ancre dans la mémoire, pourrait s'effacer, au profit des chats et autres visioconférences, qu'Apple par exemple tente d'installer avec son outil FaceTime.