Miscellanees.net - blog prolixe pub, marketing & conso, high tech, innovations - Mot-clé - Google Democratie2023-11-09T22:14:23+00:00urn:md5:e7ec1fbd7729b619d22bab365af406cbDotclearOù sont les bioluddites ? (Du luddisme à la technophobie)urn:md5:5e252c0e78e87167ee6d25625d810c822016-03-20T12:12:00+01:002016-03-20T17:56:31+01:00Capucine CousinCulture numériqueBoston DynamicsElectrosensibleFrançois JarrigeGoogle DemocratieLuddismeRobots <p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.luddites-cover2-h500_m.jpg" alt="luddites-cover2-h500.jpg" title="luddites-cover2-h500.jpg, mar. 2016" /></p>
<p><strong>A</strong> quand une révolution contre les machines ?
Pourrait-on assister un jour à une manifestation, un boycott de thuriféraires
du tout-techno ? Cela faisait un certain temps que je me posais la
question, d'autant plus que certains sujets liés à la place de plus en plus
importante que prennent les technologies dans notre quotidien, nos vies,
émergent. La question de la déconnexion volontaire, qui pourrait devenir un
luxe, est devenue une lapalissade.</p>
<p>Essayez juste de vous souvenir comment était votre quotidien avant
l'apparition d'internet et des emails (donc avant 1997 - cela fait bientôt 20
ans !), et avant le smartphone, consacré, devenu un bien commun (70% de ses
utilisateurs vont désormais tous les jours sur internet depuis leur mobile)
depuis le lancement de l'iPhone, en novembre 2007. Qui a créé de nouvelles
dépendances, de nouveaux comportements dans notre quotidien <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2014/10/20/7-ans-avec-mon-iPhone">comme je le racontais ici</a>.</p>
<p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/clip_image001_thumb_5.gif" alt="clip_image001_thumb_5.gif" title="clip_image001_thumb_5.gif, mar. 2016" /></p>
<p><strong>I</strong>l y a quelques années, le néologisme de
<strong>bioluddisme</strong> a commencé à apparaître. Je l'ai lu pour la
première fois en 2011 dans <strong><em>Google Démocratie</em></strong>
(éditions Naïve), récit dystopique d'un monde du futur régi par quelques
multinationales tech, signé par David Angevin et Laurent Alexandre. Il mettait
en scène un nouveau combat, celui des "bioluddites" (ou bioconservateurs)
opposés au tout-technologique: soit au développement technologique, aux
technologies émergentes, et aux débuts de l'humain augmenté . <em>"Nous serons
tellement submergés par les technologies qu'il y aura forcément des clivages
entre pro et antitechno"</em>, m"expliquait alors David Angevin, son
co-auteur.</p>
<p>La ressortie cette semaine en éditions poche de cet essai passionnant de
François Jarrige, <strong><em>Technocritiques. Du refus des machines à la
contestation des technosciences</em></strong> (ed. La Découverte, à feuilleter
<a href="http://widget.editis.com/ladecouverte/9782707178237/#page/1/mode/1up">ici</a>),
accompagné de cette <a href="http://rue89.nouvelobs.com/2016/03/14/trop-robots-trop-decrans-sont-passes-les-casseurs-machines-263435">
interview foisonnante</a> sur Rue89, était l'occasion rêvée de revenir sur le
sujet. Rien de tel que l'histoire économique, parfois, pour éclairer le
présent.</p>
<p><strong>Luddites vs ingénieurs au XIXème siècle</strong></p>
<p><strong>P</strong>etit retour en arrière. En 1811, en pleine première
Révolution industrielle, apparaissent les premières manifestations "luddites",
du nom de Ned Ludd, chef légendaire des artisans du textile qui, en Angleterre,
protestaient alors contre la mécanisation de leur métier en cassant les
machines. Un terme déjà associé à une crainte irrationnelle des technologies.
Les jennies, ces machines à filer mécanique remplaçant les rouets, sont
accusées de prendre le pain des pauvres et les priver d’emplois. Comme le
retrace François Jarrige, les technoprophètes de l'époque affirment alors que
<em>"le progrès des machines est un progrès vers la liberté, vers l’égalité,
vers la concorde"</em> (p. 129). Comme les créateurs de start-up dans les
médias aujourd'hui ;) <strong>l’ingénieur et le technicien sont les stars de
l'époque</strong>, les héros modernes, grâce aux outils de pédagogie
industrialiste du progrès, comme l’association pour la promotion de
l’industrie, les fêtes industrielles.</p>
<p>A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, plus encore durant les Trente
Glorieuses, le processus de modernisation par le progrès devient un impératif.
La société industrielle est alors source de promotion sociale, dont les
nouveaux symboles de réussite sont l’automobile, l’hygiène ou
l’électroménager,</p>
<p>François Jarrige évite donc le piège du cliché technophiles progressistes
versus technophobes passéistes. Il distingue plutôt ceux qui considèrent les
techniques comme des "outils neutres" et ceux qui y voient des outils de
domination et de pouvoir: <em>" L’opposition au changement technique ne
consiste pas dans un refus de la technique, elle vise à s’opposer à l’ordre
social et politique que celle-ci véhicule ; plus qu’un refus du changement
elle est une proposition pour une trajectoire alternative"</em> (p. 12).</p>
<p>Peter Thiel, un des magnats de la tech, gourou libertarien de la Valley,
cofondateur de Paypal, l'aborde aussi dans son livre <strong><em>Zéro à un,
comment construire le futur</em></strong> (JC Lattès): il rappelle que la
possibilité d'une <em>"intelligence artificielle forte, des ordinateurs qui
éclipsent les humains dans tous les domaines importants, terrifie les
luddites"</em>. Lesquels luddites <em>"soutiennent que nous devrions nous
abstenir de construire des ordinateurs susceptibles de se substituer un jour
aux humains"</em>. Un entre-deux est possible à ses yeux: la machine <em>"nous
aidera à réaliser ce qui était auparavant inimaginable"</em>.</p>
<p><strong>Anti-robots, électrosensibles...</strong></p>
<p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/les_robots_asimov.jpg" alt="les_robots_asimov.jpg" title="les_robots_asimov.jpg, avr. 2013" /></p>
<p>"Les robots", Isaac Asimov</p>
<p>Et donc, qui sont les techno-luddites d'aujourd'hui ? Difficile de
repérer des mouvements structurés. <em>"Il y a tout de même des mouvements
sociaux qui s’opposent aux trajectoires du gigantisme technologique et au
déferlement actuel. Je pense à Notre-Dame-des-Landes. On peut aussi penser au
mouvement de la décroissance et de la simplicité volontaire, aux Amap, à une
multitude d’expérimentations par en bas, à des initiatives comme l’Atelier
paysan, qui tente de développer des machines agricoles non
productivistes..."</em>, énumère François Jarrige dans Rue89. Il cite aussi le
<a href="http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=816">collectif</a>
Pièces et main d'oeuvre.</p>
<p>J'y ajouterais les mouvements créés par les particuliers
<strong>"électrosensibles" aux ondes</strong>, qui dénoncent l'impact éventuel
sur la santé des ondes émises par les téléphones mobiles et les réseaux Wifi.
Ils sont notamment regroupés au sein de l'association <a href="http://www.uneterrepourlesehs.org/">Une terre pour les EHS</a>
(électrohypersensibilité), et de Robins des toits. Leur revendication: la
création de "zones blanches", des portions de territoire non exposées.</p>
<p>Mais la méfiance envers les technologies se manifeste plutôt par des
questionnements inédits. En termes de défense de la vie privée, du droit au
secret, à l'intimité, la méfiance envers la vidéosurveillance et la biométrie
(avec cette initiative de destruction <a href="http://ecolesdifferentes.free.fr/JEUDES1000BORNES.htm">de bornes
biométriques</a> dans un lycée à Gif-sur-Yvette), la question du rôle à
attribuer aux robots...</p>
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<p><strong>Les robots pourraient-ils nous "piquer" notre travail</strong>
(serons-nous un jour inutiles à cause des robots? <a href="http://www.theguardian.com/commentisfree/2016/mar/08/robots-technology-industrial-strategy?CMP=share_btn_tw">
interrogeait</a> <em>The Guardian</em> cette semaine). Ou la reculade, cette
semaine, de Google envers les robots: il aurait mis en vente sa filiale Boston
Dynamics. Google, pourtant célébré pour ses choix audacieux sur les
technologies du futur: Mais voilà: cette vidéo postée le 23 février sur
YouTube, qui a fait le tour du monde (15 millions de vues !) montre la dernière
créature de Boston Dynamics, Atlas, qui tombe, se relève, marche dans la
neige... Les commentaires horrifiés sur ces robots qui "volent" leur travail
aux humains auraient-ils effrayé Google, qui veut préserver son image de
"gentil"? Rappelez-vous son mantra, <strong>"Don't be Evil"</strong>...</p>
<p>Dans <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2013/04/03/Des-%22hubots%22-plus-vrais-que-nature">la
série télé</a> <em>Real Humans</em>, des robots plus vrais que nature
commencent à piquer leur boulot aux humains: aux contremaîtres en usines, aux
serveurs... Dans les usines, ils séduisent les services RH avec "leur marge de
0% d'erreur". Au point que se développe un mouvement radical, anti-hubots,
intitulé "Real Humans", un "label" que certains humains radicaux placardent à
l'entrée de leur maison.</p>