Miscellanees.net - blog prolixe pub, marketing & conso, high tech, innovations - Mot-clé - Marque déposée2023-11-09T22:14:23+00:00urn:md5:e7ec1fbd7729b619d22bab365af406cbDotclearPitch, Start-up Nation, Fooding, Post-it... De la privatisation de noms communsurn:md5:5bc04688a1b8154567cb79ef71a8541e2018-02-18T18:27:00+01:002018-02-18T21:23:41+01:00Capucine CousinPropriété intellectuelleFoodingIsraëlMarque déposéePitchStart-up Nation <p><strong>Pitch</strong>, une marque déposée ? Ce petit anglicisme
délicieusement jargonnant, qui figure parmi les favoris des start-uppeurs,
scénaristes et publicitaires pour désigner une présentation succincte, ne
pourra bientôt plus être librement utilisé. La marque de brioches Pasquier a
lancé des recours contre certaines entreprises qui utilisent ce terme, comme
l'a <a href="http://www.petitweb.fr/indiscrets/les-indiscrets-du-lundi-12-fevrier/">révélé</a>
le 12 février la newsletter spécialisée Petit Web. Une marque de brioches et
pains industriels ! L'affaire a un côté kafkaïen: la marque Pasquier
utilise déjà le terme Pitch pour désigner une de ses brioches depuis 1985.</p>
<p>Gaël Duval, patron de l’entreprise JeChange.fr, et fondateur de la French
Touch Conference, qui organise des événements dédiés aux entrepreneurs, avait
lui-même reçu avec incrédulité son premier courrier début 2017. Les avocats du
groupe français exigeant sans rire qu’il cesse d’utiliser sa marque "Pitch in
the plane" (pour désigner des "pitchs" de start-ups qu'il organisait à bord de
vols aériens), qu'il avait déposée auprès de l’Institut National de la
Propriété Intellectuelle (INPI) en 2015. La marque Pasquier a même lancé des
recours contre certaines entreprises qui utilisent ce terme.</p>
<p>Assurément, cela révèle la vision... décalée de certains grands groupes de
la vieille école face aux start-ups. Gaël Duval indiquait dans la presse avoir
tenté de contacter la directrice marketing de chez Brioche Pasquier, en vain. A
défaut, mardi, La marque s’est expliquée sur Twitter à ce sujet.</p>
<p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.DV7rW_9W0AAviM--1_m.jpg" alt="DV7rW_9W0AAviM--1.jpg" title="DV7rW_9W0AAviM--1.jpg, fév. 2018" /></p>
<p>Alors certes, la marque assure "Nous n'interdisons pas l'utilisation de
l'anglicisme "Pitch" dans le langage courant mais nous protégeons nos droits
sur la marque Pitch lorsque celle-ci est déposée à l'INPI par d'autres marques
à des fins commerciales". Mais c'est déjà un fait juridique: cette protection
officielle ne concerne pas l'utilisation même du mot pitch dans la vie
courante.</p>
<p>Il n'empêche, malgré ce contre-feu maladroit, les faits sont là: comme l'a
rapporté la presse, plusieurs start-ups ont déjà été contraintes d'abandonner
le mot pitch dans leur nom. Suite à des actions judiciaires intentées par le
groupe Pasquier, fabriquant des brioches Pitch depuis les années 1980.</p>
<p>Il est vrai que le droit est de leur côté: puisque la marque Pitch est
déposée auprès de l'INPI depuis les années 80, le groupe Pasquier, qui l'a
déposée, dispose d'une protection de 10 ans, dont 5 années sans preuve
d'utilisation. Durant ces cinq années, et même s'il n'utilise pas cette marque,
il peut bloquer les autres déposants éventuels. En l'état actuel des choses,
Pasquier peut contrer tout nouveau dépôt de marque avec le mot "pitch" jusqu'en
2021.</p>
<p>Dans les usages, cela est pour le moins surprenant, puisque la brioche
chocolatée n'a pas grand-chose à voir avec le fait de "pitcher" un projet, un
des rituels chers aux start-ups et publicitaires... Plus surprenant encore, en
2015, Pasquier a déposé l'expression "Pitch Académie" et a racheté la marque
"Pitch Academy". Deux expressions que l'on trouverait tout-à-fait dans
l'univers des start-ups. En 2016, peut-être en voyant cet anglicisme entrer
dans le champ de plusieurs univers, le groupe Pasquier a brutalement "déposé le
mot Pitch seul pour la quasi totalité des classes disponibles à l'INPI",
révélait <em>Les Echos</em>. Soit dans 39 des 45 catégories. Bien au-delà des
brioches industrielles.</p>
<p>C'est là un nouvel exemple des excès parfois outranciers d'ayant-droits pour
défendre leur marque. Ces dernières années, les cas se sont multipliées. Avec
des tentatives parfois outrancières de protéger en tant que marques des termes
entrés dans le langage courant. Ce qui révèle les particularités parfois
kafkaïennes du droit des marques.</p>
<p><strong>Post-it... Et Start-up nation, marques déposées</strong></p>
<p>Exemple: cette semaine encore, les correcteurs du <em>Monde</em> révélaient
sur Twitter l'interdiction d'utiliser le terme Post-it dans des articles. (Vous
savez, ces petites feuilles jaunes à l'extrémité autocollante). "Notre
rédaction vient de se voir rappeler qu'elle ne doit pas utiliser le nom
commercial d'"une petite feuille de papier autoadhésive amovible rassemblée en
petit bloc", à la demande de la marque en question". CQFD. Alors que
l'utilisation de cette marque comme un mot courant est sans doute la meilleure
publicité que l'on puisse en faire...</p>
<p>Bon en tous cas, les dirigeants de Pasquier ne sont pas très cool Start-up
nation ;) Justement, il y a cet autre exemple, de nouveau dans l'univers de la
tech: il y a quelques mois, je découvrais avec surprise que
<strong>l'expression Start-up Nation</strong> chère à Emmanuel Macron, serait
une marque déposée! Déjà en pleine campagne électorale, alors que je relayais
sur Facebook un extrait d'un discours (lors d'un sommet <em>Challenges</em>) de
celui qui était alors encore candidat à l'expression présidentielle, j'ai été
vertement reprise par un entrepreneur (d'origine israëlienne), me signalant
cela. Surprise, l<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Start-up_Nation">a
seule page Wikipedia</a> "définissant" cette expression fait la promotion d'un
livre... sur l'économie d'Israël, <em>Start-up Nation: The Story of Israel's
Economic Miracle</em>.</p>
<p><strong>E</strong>t effectivement, une petite recherche <a href="https://bases-marques.inpi.fr/Typo3_INPI_Marques/marques_resultats_liste.html">
sur la Base de marques</a> de l'INPI me révèle que l'expression Start-up nation
(et une dizaine de génériques - The start-up nation, Start-up nation central,
Hummingbird feeder (?) Start-up nation...) ont été déposées en tant que marque
de l'Union européenne <strong>par... une société israélienne</strong>, une
certaine Start-Up Nation Holdings Israel Ltd. Un particulier ayant tout de même
réussi à déposer la marque Start-up nation pour la France.</p>
<p>Un autre exemple avait fait grand bruit en 2016. <strong>L'expression
Fooding</strong>, qui désigne une nouvelle tendance alimentaire, a été elle
aussi déposée en tant que marque ! En 2000, le Fooding naissait, c'était
alors un guide internet, très parisien, créé sous l'égide de Jean-François
Bizot et de son Nova Magazine: il proposait des adresses, bars et restaurants
dans les futurs quartiers "bobos". Ce que l'on ignorait: en 2000, pas fou,
lorsqu'il emploie l'expression dans Nova Mag, le journaliste Alexandre Cammas
dépose l'expression Fooding en tant que marque auprès de l 'INPI. Puis cela est
devenu une expression, incarnant la découverte et le bistro, avec même une
Semaine du fooding organisée à Paris.</p>
<p>En 2016, surprise, plusieurs sites spécialisés, tel 7detable.com, qui le
raconte <a href="https://www.7detable.com/article/en-7-minutes/fooding-crie-famine-marque-affamee-pas-d-oreilles/422">
ici</a>, ou Arte Radio, reçoivent cet étrange mail:</p>
<blockquote>
<p>Je m’occupe de la communication du Guide Fooding, j’espère que cet email
vous trouve au mieux. J’allais vous écrire hier pour vous parler de notre
prochain évènement Foodstock, mais l’actu fait que je dois vous contacter à un
autre sujet. J’ai vu dans votre article sur les lattes colorés que vous aviez
utilisé le terme Fooding, qui est malheureusement une marque déposée.
Pourriez-vous retirer la mention Fooding ou la remplacer par un mot plus
approprié (comme « food » par exemple) ? Je suis sincèrement désolée
de vous ennuyer avec cela mais nous devons rester attentifs sur ce sujet pour
ne pas « perdre » notre marque Fooding… Je suis bien évidemment à
votre entière disposition si vous souhaitez des précisions.</p>
</blockquote>
<p>Amusant ou ridicule... D'autres exemples d'expressions utilisées en tant que
marque, on pourrait en citer.</p>
<p><strong>J</strong>uste un dernier exemple, pour la route: comme le relève
l'excellente <a href="https://www.numerama.com/tag/copyright-madness/">newsletter</a> Copyright
Madness, reflet de ces absurdités du <em>trademark</em>, même un ancien
secrétaire d'Etat, Thomas Thevenoud, est parvenu à déposer une expression qui
reflétait une de ses principales "incivilités"! <a href="https://www.lesinrocks.com/2018/02/08/actualite/thomas-thevenoud-avait-depose-lexpression-phobie-administrative-linpi-111044375/">
La presse révélait</a> cette semaine que l’ex-secrétaire d’État condamné pour
fraude fiscale a déposé dès 2014 la marque <strong>"phobie
administrative"</strong> qui l'a rendu mondialement connu - de cette excuse que
l’intéressé avait avancée pour justifier ses non-paiements de ses impôts. Pas
fou, il a déposé l'expression pour des catégories telles que ventes de
produits, conseils juridiques ou publicité. CQFD. Ca n'a pas loupé: il a été
relayé sur Twitter avec le hashtag #DéposeTaMarque. De quoi rappeler le cas
d'école de Nabilla et son dépôt de "Non mais allô quoi !" en tant que
marque.</p>