Miscellanees.net - blog prolixe pub, marketing & conso, high tech, innovations - Mot-clé - Narrative Science2023-11-09T22:14:23+00:00urn:md5:e7ec1fbd7729b619d22bab365af406cbDotclearRobot-journalisme: y a-t-il un humain derrière cet article ?urn:md5:8e18b0451a67f1256462dc01022fc3262012-05-22T22:46:00+02:002012-05-23T15:25:41+02:00Capucine CousinJournalismeAutomated InsightsForbesMarketBriefNarrative ScienceOptaStats Monkey <p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.METROPOLIS--robot-008_m.jpg" alt="METROPOLIS--robot-008.jpg" title="METROPOLIS--robot-008.jpg, mai 2012" /></p>
<p><strong>D</strong>es prévisions de résultats de plusieurs sociétés, sur
l'actualité boursière d'Abercrombie & Fitch, Limited Brands ou encore Saks,
<a href="http://blogs.forbes.com/narrativescience/">publiés</a> sur Forbes.com,
dans un style très factuel, que n'auraient pas dénié les agences AP ou Reuters,
signés... par un certain Narrative Science. Et écrits par un robot, ou plus
exactement par un algorithme complexe. Bienvenue dans l'ère du journalisme du
futur ?</p>
<p>En tous cas, ces prémisses en ont fait frémir plus d'un, alors que
l'annonce, la semaine dernière, a fait bruisser la Toile, bien plus que les
médias traditionnels - pas vraiment surprenant, on y reviendra. Car oh Gosh, le
vénérable <em>Forbes</em> a lancé une petite bombe en recourant le premier à
cette étrange signature, comme <a href="http://www.guardian.co.uk/media/2012/may/13/robot-journalist-apocalypse-news-industry?CMP=twt_fd">
le relevait</a> le <em>Guardian</em>. Narrative Science, c'est donc le nom
d'une start-up basée au nord de Chicago, fondée en 2010 par Larry Barnbaum et
Kris Hammond, spécialistes en intelligence artificielle ET journalistes - leur
double spécialité n'a absolument rien d'anodin.</p>
<p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.Forbes_m.jpg" alt="Forbes.jpg" title="Forbes.jpg, mai 2012" /></p>
<p>Concrètement, cet algorithme met en forme des données - puisées dans des
résultats sportifs, rapports financiers de sociétés... - "enrobées" avec un
corpus de mots, de tournures de phrases et d'expressions fréquemment employés
par des journalistes. En clair, ce logiciel <em>"transforme des données en
article, de telle sorte que le résultat soit indiscernable d'un article écrit
par un journaliste"</em>, résume la société sur son site Internet.</p>
<p>Certes, l'activité de Narrative Science n'est pas tout à fait
nouvelle : la start-up, née en 2010, commencé ses activités sous le nom
<a href="http://infolab.northwestern.edu/projects/stats-monkey/">Stat
Monkeys</a>, avec un robot qui reprend les scores de matchs sportifs pour en
faire des dépêches, de manière très élaborée, comme <a href="http://abonnes.lemonde.fr/actualite-medias/article/2010/03/09/l-ere-des-robots-journalistes_1316608_3236.html">
le décrivait</a> alors <em>Le Monde</em>:</p>
<blockquote>
<p>Pour déclencher Stats Monkey, il suffit qu'un humain lui indique quel match
il doit couvrir. Une fois lancé, il travaille automatiquement de A à Z. Il
commence par télécharger les tableaux chiffrés publiés par les sites Web des
ligues de base-ball, et collecte les données brutes : score minute par
minute, actions individuelles, stratégies collectives, incidents... Puis il
classe cette masse d'informations et reconstruit le déroulé du match en langage
informatique. Ensuite, il va puiser son vocabulaire dans une base de données
contenant une liste de phrases, d'expressions toutes faites, de figures de
style et de mots-clés revenant fréquemment dans la presse sportive. Il va alors
rédiger un article.</p>
</blockquote>
<p>Les choses ont évolué depuis. <a href="http://www.nytimes.com/2011/09/11/business/computer-generated-articles-are-gaining-traction.html?_r=3&ref=start-ups">
D'après</a> le <em>New York Times</em>, Narrative Science compterait une
vingtaine de clients, mais dont peu osent encore révéler leur identité,
exceptée, par exemple, la chaîne de télévision sportive américaine The Big Ten
Network, qui y recourt pour couvrir davantage de compétitions locales.Elle
compte aussi une grand société de fast food, pour "réadapter" en rapports
mensuels les résultats des franchises.</p>
<p><strong>E</strong>t ce n'est pas fini: d'après cette <a href="http://www.wired.com/gadgetlab/2012/04/can-an-algorithm-write-a-better-news-story-than-a-human-reporter/all/1">
passionnante enquête</a> de <em>Wired</em>, la start-up, qui compte une
trentaine de salariés, a son appli iPhone, <a href="http://www.gamechanger.io/">GameChanger</a>, qui convertit automatiquement sur
l'iPhone du client les résultats d'un jeu sportif en article. Mieux, Narrative
Science permet à ses clients de personnaliser le ton, l'angle de leurs
articles. Brrr...</p>
<p><strong>Journalisme Web</strong></p>
<p>Rien de bien surprenant que ce soit l'univers du Web et des media sociaux
qui se soient intéressés le plus près, la semaine dernière, à cette initiative
de <em>Forbes</em>. Car après tout, <strong>le journalisme Web est le premier
concerné</strong> par cette mutation potentielle. Dans les rédactions Web, on
apprend déjà (Google dispense des formations en la matière..) comment écrire
des articles adaptés au référencement par les moteurs de recherche (et une
bonne audience) : placement des mots-clés en tête d'article, utilisation
d'outils tels que Insights for search pour voir quels mots-clés ressortent le
plus dans les moteurs de recherches par périodes, de Keyworld Tool pour mesurer
l'impact potentiel d'une thématique...</p>
<p>Dans la foulée, un peu comme les data journalistes, de nouveaux métiers
émergent, les <strong><em>"meta writers"</em></strong>, des "journalistes
confirmés qui ont conçu un ensemble de templates, et travaillent avec des
ingénieurs pour identifier des "angles" variés à partir des data", d'après
<em>Wired</em>.</p>
<p>Assurément, l'utilisation au grand jour de Narrative Science par
<em>Forbes</em> vaut caution. Et ouvre une brèche. On imagine les perspectives
vertigineuses... Déjà, parce que Narrative Science entend s'intéresser à
d'autres secteurs, qui reposent sur de solides bases statistiques: le sport,
mais aussi la finance, l'immobilier... Ensuite, cet algorithme est d'une
efficacité diabolique: il lui faut moins de deux minutes pour produire -
j'écris bien produire - un article. Sans compter bien sûr, le coût modique (10
$ les 500 mots dans les chiffres cités). Bref, les robots travaillent beaucoup
plus vite, moins cher... et sans revendications, forcément.</p>
<p>D'autres start-ups proposent des services similaires:
<strong>MarketBrief</strong> convertit automatiquement des données boursières
en articles, Stat Sheets, rebaptisée <strong>Automated Insights</strong>, est
aussi spécialisée dans le sport. En France, la société <strong>Opta</strong> ,
spécialiste des statistiques sportives, a conçu pour RTL un "générateur" de
flux automatiques de commentaires pour suivre les matchs de Ligue 1, comme le
dévoilait <em>Stratégies</em> en début d'année <a href="http://www.strategies.fr/actualites/medias/178917W/cet-article-n-a-pas-ete-ecrit-par-un-robot.html">
dans cet article</a>, sous la plume de ma collègue Delphine Soulas.</p>
<p><strong>T</strong>out cela au détriment, évidemment, de certaines bases
journalistiques: vérification et recoupement de l'information, caractère
exclusif de celle-ci, mise en scène attractive du sujet...</p>
<p>Bien sûr, on joue en quelque sorte à se faire peur. Ce sera un peu compliqué
pour ces algorithmes de générer des interviews, mais Frankel prétend déjà que
Narrative Science peut produire 20% du contenu des journaux, alors que "de plus
en plus de data sont disponibles. S'il y a des data, on peut raconter une
histoire", affirmait-il à <em>Wired</em>. Il compte d'ailleurs sur les
communautés de fans - geeks pour enrichir ces bases de statistiques. Et
pourquoi pas décrocher un jour le Pulitzer, provoque-t-il.</p>
<p>Mais peut-être que cela ouvre d'autant plus la voie à une scission entre un
journalisme à deux voies, entre d'une part une offre abondante et gratuite
d'articles très factuels, et d'autre part une offre premium, voire luxueuse, de
reportages et d'enquêtes fouillés, très écrits, dans la lignée du journalisme à
l'état sauvage que revendiquent les héritiers de Hunter S. Thompson.</p>