Miscellanees.net - blog prolixe pub, marketing & conso, high tech, innovations - Mot-clé - Test de Turing2023-11-09T22:14:23+00:00urn:md5:e7ec1fbd7729b619d22bab365af406cbDotclear"Ex machina" : conscience artificielleurn:md5:4e278c76a2410384d0ab67cb33cec79f2015-06-03T22:40:00+02:002015-06-09T08:35:29+02:00Capucine CousinR&D, innovationsAIAlex GarlandEx MachinaHerscience fictionTest de Turing <div class="external-media" style="margin: 1em auto; text-align: center;">
<object type="application/x-shockwave-flash" data="http://www.youtube.com/embed/la8WFEKoGYA?version=3&hl=fr_FR&feature=player_embedded&version=3" width="425" height="350"><param name="movie" value="http://www.youtube.com/embed/la8WFEKoGYA?version=3&hl=fr_FR&feature=player_embedded&version=3" />
<param name="wmode" value="transparent" /></object></div>
<p><strong>L</strong>e film s'ouvre sur une brève scène très quotidienne, et
pourtant déjà un peu irréelle, qui nous situe dans un futur proche. Un jeune
homme rivé à son écran d'ordinateur, qui semble être dans un immense open
space, entouré de vitres et de miroirs - miroirs qui prendront leur importance
par la suite. Un message s'affiche sur son écran, "Vous avez gagné à la
loterie". Grand sourire de joie, toutes les "micro-expressions" de son visage
semblent passées instantanément au crible par une caméra, un oeil de robot
(comme dans <em>Terminator</em>, vous voyez...).</p>
<p>A la scène suivante, on comprend vite quel gros lot ce jeune employé a
remporté: une semaine dans la maison futuriste, perdue au milieu del a
montagne, du big boss de la multinationale pour laquelle il travaille.
Bluebook, qui doit sa fortune à son moteur de recherche, pieuvre qui détient
<em>"94% des résultats de recherches dans le monde"</em> - cela ne vous
rappelle rien ? Ce milliardaire, Nathan Bateman, qui doit sa fortune aux
technologies donc, n'est pas sans rappeler certains people tech de la Silicon
Valley.</p>
<p>En guise de semaine de vacances, le jeune développeur, Caleb, va mener un
test de Turing grandeur nature sur un robot conçu par Nathan (son boss), sur
plusieurs jours, ou plutôt en plusieurs <em>"sessions",</em> qui rythme le film
vers une escalade quasi-ineluctable (attention, *spoilers* en fin de billet).
Comment a été conçu cet androïde? "J'ai capté une multitude de
micro-expressions faciales d'humains sur leurs smartphones", assure Nathan, son
concepteur.</p>
<p><strong><em>Ex Machina</em></strong>, film sorti ce mercredi 3 juin, que
l'on doit au réalisateur britannique Alex Garland, met donc en scène un jeune
(et innocent ?) développeur avec son patron, sorte d'apprenti Victor
Frankenstein du futur, et un robot humanoïde (ou plutôt ginoïde) doté
d'intelligence artificielle. C'est <em>"la plus grande invention
scientifique"</em>, il développe une intelligence artificielle. Ava sera-t-elle
assez "humaine" pour que Caleb en tombe amoureux? Et l'inverse? L'obscur du
désir revêt les traits de l’actrice suédoise Alicia Vikander, dans un corps de
robot.</p>
<p>Une intrigue qui rappelle celle du film <strong><em>Her</em></strong> de
Spike Jonze, sorti en janvier 2014, où un écrivain esseulé, dans un futur
proche, tombait amoureux de l'assistant goal de son smartphone, accompagné de
la voix éraillée de Scarlett Johansson.</p>
<p>Mais <strong><em>Ex Machina</em></strong> va un cran plus loin. <em>Her</em>
mettait en scène un robot, un assistant virtuel qui adopte des comportements
humains (séduction, scènes de jalousie...). La série suédoise <strong><em>Real
Humans</em></strong> (que j'ai chroniquée <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2013/04/03/Des-%22hubots%22-plus-vrais-que-nature">ici</a> et <a href="https://www.strategies.fr/etudes-tendances/tendances/235009W/robots-series-tv-human-trop-human.html">
là</a>), des hublots (robots-humains,), dont certains rêvent à des
comportements humains: se mettre en couple (entre eux ou avec un humain), se
marier, avoir des enfants...</p>
<p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.4645421_7_3176_l-actrice-alicia-vikander-dans-le-role-d-ava_c8198f03686f4de22b28a3351a17dda7_m.jpg" alt="4645421_7_3176_l-actrice-alicia-vikander-dans-le-role-d-ava_c8198f03686f4de22b28a3351a17dda7.jpg" title="4645421_7_3176_l-actrice-alicia-vikander-dans-le-role-d-ava_c8198f03686f4de22b28a3351a17dda7.jpg, juin 2015" /></p>
<p>Dans <em>Ex Machina</em>, l'androïde, qui répond au doux nom d'Ava, a certes
une forme humanoïde, mais son concepteur lui a volontairement laissé une
apparence en partie robotique: si son visage imite à la perfection un visage
humain émouvant (la scène où elle observe sur un mur un masque qui reproduit
son visage placé à côté de masques africains est troublante), son corps
transparent laisse clairement apparaître les parties métalliques et les
rouages. C'est une sorte de <strong><em>Metropolis</em></strong>, déjà une
femme fatale robot de 1927... Et pourtant, malgré cette apparente physique
robotique, où seule le visage est à apparence humaine (et expressif), l'"élève"
va tomber amoureux d'elle...</p>
<p><strong>Prise de conscience de soi</strong></p>
<p><strong>A</strong>vec ce film d'anticipation qui vire au techno-thriller
(dont l'évolution de l'intrigue sera discutable, mais je ne vais pas tout
dévoiler ici), Alex Garland s'intéresse à sujet de recherches naissant, mais
aussi de plus en plus prisé par la science-fiction ces dernières années, avec
cette question : les robots peuvent-ils être dotés d'émotion ?
Va-t-on pousser la finesse technologique à un point tel que l'intelligence
artificielle ira un jour un cran plus loin, en <strong>"conscience
artificielle"</strong> ? Pourra-t-on un jour <a href="http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2015/05/30/ex-machina-epouserons-jour-robots-259437">
épouser un robot</a>? Bienvenue dans la <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2011/02/11/jesuismort">Singularité</a>...</p>
<p>C'est ce que suggère le film, lorsque le maître Nathan parle à son élève ,
très naturellement, de robots dotés de <em>"conscience artificielle"</em>.
"Conscience", ce qui distinguera un jour les robots actuels comme le gentil Nao
d'Aldebaran, dépendants du programme défini par leurs concepteurs, de ceux de
l’ère de l’intelligence artificielle où ils "penseront" par eux-mêmes. Et
pourront dépasser l'homme? Eternel fantasme des films de SF, comme
<em>Terminator</em>...</p>
<p>Au fil des sept sessions, l'élève Caleb s'improvise maître et mène le test
de Turing (pour mémoire, une méthode de test d’intelligence artificielle,
fondée sur la faculté d’imiter la conversation humaine) auprès de l'androïde
censé être encore "modelable". Les règles du jeu: <em>"Le challenge est de te
montrer qu'elle est un robot et de vérifier si pour toi elle a une
conscience"</em>, précise le maître.</p>
<p><strong>L</strong>es miroirs deviennent eux-mêmes un élément troublant de la
mise en scène: Caleb s'y mire par moments en semblant se demander s'il est
vraiment humain, quand l'humanoïde s'y (ad)mire en semblant *prendre
conscience* d'elle-même. Comme un humain. Dans cette maison, en fait un bunker
de R&D, tout se déroule à huis-clos, sous l'oeil des multiples caméras de
vidéosurveillance.</p>
<p>Pourtant, le robot parvient assez rapidement à inverser la tendance :
c'est lui qui pose les questions, déstabilisant l'humain, se lançant même à le
séduire (<em>"Veux-tu être mon ami? Ce sera possible?". "Tu m'accompagneras?".
"Est-ce que tu aimerais être avec moi?"</em>...). Elle revêt des vêtements
féminins, une perruque, pour imiter au plus près l'apparence humaine. Au point
qu'il demande à son boss, "<em>L'as-tu programmée pour me séduire?"</em>.</p>
<p><strong>C</strong>'est bien là le vrai sujet qui intéresse le réalisateur.
Le dialogue maître-élève tourne au début autour du degré de développement et de
perfectibilité de ce système d'intelligence artificielle (où l'on découvre -
parenthèse scientifique - que son concepteur a opté pour une IA stochastique,
aléatoire, plutôt que déterministe).</p>
<p>Mais très vite, encouragé en un sens par le maître, l'élève se laisser
manoeuvrer par le robot, qui parvient à prendre la main sur la conversation,
l'obliger à répondre à ses questions ("Si tu mens, je le saurai")... (petit
spoiler) On découvrira ensuite que le maître a mené son propre test: la
capacité de sa "créature" à manipuler, manoeuvrer, parvenir à son objectif. Car
elle a cette terreur presque humaine: être débranchée par son concepteur.</p>
<p>Et donc: pourra-t-on un jour ressentir des émotions pour un robot, qui
saurait faire preuve d'une capacité à anticiper nos attentes, d'une empathie
"surhumaine"? Le film met en scène la question, de manière moins métaphysique
et magistrale que <em>Her</em>. La scène finale (non, nous ne dévoilerons pas
tout), où l'androïde a accompli son rêve (mais un robot a-t-il des rêves, des
aspirations? Ou des stratégies?), et voit son ombre se projeter, est
glaçante.</p>