Miscellanees.net - blog prolixe pub, marketing & conso, high tech, innovations - Mot-clé - tranhumanisme2023-11-09T22:14:23+00:00urn:md5:e7ec1fbd7729b619d22bab365af406cbDotclear"Implant party": une puce NFC sous la peauurn:md5:63af7d199818631951f4e11ad8d8d0832015-06-14T23:05:00+02:002015-06-19T17:46:53+02:00Capucine CousinR&D, innovationsbiohackingBionyfikenBody hackingImplant partytranhumanisme <p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.unnamed-3_m.jpg" alt="unnamed-3.jpg" title="unnamed-3.jpg, juin 2015" /></p>
<p>Awa, première "implantée" / Photo Capucine cousin</p>
<p><strong>E</strong>lle a tenu à rester anonyme devant les quelques
journalistes venus ce samedi soir, précisant tout juste qu'elle travaille
<em>"dans le numérique"</em>. Pour elle, se faire poser un plant sous-cutané
c'est <em>"expérimenter, comme tester un nouveau logiciel ou une appli mobile.
Je pourrai le retirer comme je retirer une appli"</em>. Elle s'est portée
volontaire sans hésitation. Lors de la courte opération, en quelques secondes
sous l’œil du public de l'amphithéâtre, elle n'a pu s'empêcher de dégainer son
smartphone et de prendre quelques photos avec sa main droite restée libre. La
jeune femme, Awa, 24 ans, a été la première en France a avoir une implantation
sous la peau d'une puce NFC. <em>"It's in !Call me a cyborg now ! "</em>,
tweetait-elle quelques minutes plus tard, en plaisantant. A moitié.</p>
<p>Samedi 13 juin au soir, l'auditorium de la Gaité Lyrique à Paris, dans le
cadre de Futur en Seine, un festival de quatre jours dédié au numérique,
accueillait la première édition française de l'<strong>Implant Party</strong>.
Un rassemblement au cours duquel des participants volontaires se sont fait
greffer sous la peau des puces électroniques minuscules.</p>
<p><strong>Puce NFC sous la peau</strong></p>
<p>L'opération ne prend que quelques secondes : après une désinfection
minutieuse du bras, Urd, perceur professionnel, injecte avec une sorte de
grosse seringue une puce NFC de la taille d'un grain de riz. L'injection, sous
la peau, se fait sur le dos la main, entre le pouce et l'index. La décision n'a
pas été forcément mûrement réfléchie, à voir la foule compacte qui se presse
pour se faire "implanter" sitôt la conférence-débat achevée. Tout juste les
participants ont-ils signé obligatoirement, auparavant, un "Contrat de
transplantation", pièce d'identité à l'appui, par lequel l'association suédoise
se dégage, au passage, de tout risque de poursuites en cas d'effets
indésirables (j'y reviendrai plus bas). Mais à la clé, il y a <strong>cette
promesse vertigineuse</strong>: une puce qui leur permettra d'ouvrir leur
parking, leur porte d'entrée, de se "badger" au bureau, de remplacer les cartes
de visite, cartes de fidélité, un jour les cartes d'identité...</p>
<p>Ces fameux implants sont donc des <strong>puces NFC</strong> (ou puces
RFID), comme celles des passeports ou des cartes de crédit ou celles implantées
sous la peau de nos animaux de compagnie. Concrètement, la norme NFC
(Communication en champ proche), une technologie de communication sans contact
de courte portée, permet à deux périphériques de communiquer entre eux
sans-fil. La plupart des smartphones dernière génération en sont aujourd'hui
équipés sous la forme d'une puce, tout comme certaines cartes de transport ou
moyens de paiement.</p>
<p>Alors, vous imaginez les perspectives, à partir du smartphone...
Concrètement, il suffira d’approcher sa main d'un smartphone ou de tout
appareil doté d'une puce NFC pour lire les données contenues sur sa puce. Sans
compter les usages que cela promet avec les objets connectés, pour ceux qui
seront aussi sous la norme NFC.</p>
<p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.CHZalZfWgAAcNGv_m.jpg" alt="CHZalZfWgAAcNGv.jpg" title="CHZalZfWgAAcNGv.jpg, juin 2015" /></p>
<p>Les différentes cartes que l'activiste Hannes Sjoblad a concentrées sur sa
puce sous-cutanée.</p>
<p>A l'origine du projet, <a href="http://www.bionyfiken.se/">Bionyfiken</a>.
L'association suédoise a été créée en ligne l'année dernière, <em>"par un
groupe de personnes intéressées par le biohacking. Nous nous sommes inspirés
d'initiatives comme La Paillaise à Paris et BioCurious en Californie. Nous
comptons à peu près 200 membres"</em>, me précisait samedi Hannes Sjoblad, son
fondateur, lors d'une interview.</p>
<p>Des "implant parties" qui se sont multipliées en Suède depuis octobre
dernier, un peu à la manière des Botox parties qui ont fleuri en Floride au
début des années 2000. L'association revendique avoir "implanté" 700 personnes
en Suède. Ils en ont organisé aussi au Danemark, aux Etats-Unis, et au
Mexique.</p>
<p>Pour les activistes suédois à l'origine de cette soirée particulière, un
impératif : dédramatiser, <strong>banaliser cette pratique</strong>.
<em>"C'est dans la lignée du tatouage, qui existe depuis des millénaires, et
permettait d'identifier des personnes, et du piercing. (..) La puce RFID
combinée au piercing aboutit au biohacking"</em>, résume Hannes Sjoblad lors de
la conférence-débat qui suit la première implantation publique.</p>
<p><em>"On transporte beaucoup de choses dans nos poches: clés, smartphone,
portefeuille... Et on a une multitude de mots de passe que l'on n'est pas
adaptés à mémoriser"</em>, poursuit Hannes Sjoblad. Avec cette photo, il montre
la multitude de cartes (de visites, de fidélité..) et clés qu'il a déjà
intégrées dans sa propre puce sous-cutanée.</p>
<p><strong>E</strong>t là <strong>surgit le mythe</strong> : ouvrir sa
porte, prendre le métro, déverrouiller son téléphone, s'identifier à l'entrée
du bureau, faire un paiement, transférer ses datas santé ou d'identité... Le
tout centralisé dans une seule puce électronique implantée dans sa main :
est-ce que cela sera bientôt possible ? Jean, architecte informatique,
tout juste "implanté", programme déjà sa puce depuis son smartphone: il rentre
l'identifiant unique (une suite de chiffres) de sa puce, son adresse, qui
permettra à quiconque scanner sa puce d'être redirigé vers son profil Linkedin.
Pour lui, l'idée est de pouvoir communiquer avec des objets différemment, être
<em>"un explorateur"</em>, explique-t-il aux médias sur place. Lui aussi rêve
de pouvoir <em>"scanner des clés ou des cartes de visite"</em> avec son
mobile.</p>
<p>De fait, l'objectif pour l'association est de faire tester, expérimenter ces
puces sous-cutanées. <em>"On veut explorer cette technologie, avec une base de
volontaires, avant que les grosses firmes "telles que Microsoft ou Apple) ne se
lancent"</em>, précise Hannes Sjoblad.</p>
<p>Autre argument des tenants de cette technologie, ses données sont
anonymisées et non-traçables, contrairement à celles d'un smartphone : "on
met les données que l'on veut sur sa puce, et l'on n'est pas obligés de mettre
son nom", poursuit le militant.</p>
<p><strong>Interfaces hommes-machines, dépasser les limites de
l'humain</strong></p>
<p><strong>A</strong>lors évidemment, on effleure là le mythe de
l'<strong><em>homme augmenté</em></strong>, que j'évoquais notamment <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2011/02/27/%22Nous-sommes-tous-des-cannibales%22">ici</a>, qui acquiert
de nouveaux sens, de nouvelles capacités, par des composants artificiels. Ses
prémices ? <em>"L'implant est une interface simple entre le corps et la
technologie. (...) Cela s'inscrit dans la simplification des interfaces entre
les humains et les machines"</em>, poursuit Hannes Sjoblad, qui est par
ailleurs membre de la Singularity University, proche des idées du
transhumanisme.</p>
<p>Cela se rapproche aussi du <strong>biohacking</strong> et du body hacking,
qui consiste à transformer le corps humain en faisant appel à la technologie,
grâce à des composants artificiels que l'on implante dans le corps, que
pratiquent des bidouilleurs militants d'un nouveau genre. Ce dont parlait très
bien Cyril Fiévet dans <em>Body hacking</em> (ed. Fyp, 2012), que je
chroniquais <a href="https://blog.miscellanees.net/post/2012/06/28/Le-%22body-hacking%22%2C-les-pr%C3%A9misses-de-l-humain-%22augment%C3%A9%22">
dans ce billet</a>. Une pratique presque politique : au nom de la liberté
individuelle et du droit à disposer de son corps, une poignée d'individus
entreprennent sur leur corps des modifications physiques parfois radicales.
Passant outre, du même coup, l'intermédiaire classique, l'autorité
scientifique. Pour ces body hackers, l'idée-clé est bien celle de
<strong>modifier son corps pour dépasser les limites de l'humain</strong>,
comme Cyril Fievet l'a relevé à longueur de témoignages sur le forum <a href="http://forum.biohack.me/">Biohack.me</a>.</p>
<p><strong>Ethique et transhumanisme</strong></p>
<p>D’ailleurs, les biohackers mêlent <em>"des scientifiques, des hackers, des
activistes transgenre, des artistes du body art, des DIY-enthusiasts. Pour moi,
nous devrions considérer cos corps comme une plateforme. Cela peut sûrement
être vu comme un point de départ transhumaniste. Le transhumanisme est pour moi
moins une philosophie qu'un insight : bien ou pas, <strong>nous changeons
déjà nos corps et nos esprits de manière massive avec les
technologies</strong>"</em>, me confiait Hannes Sjoblad.</p>
<p><img src="https://blog.miscellanees.net/public/.unnamed_m.jpg" alt="unnamed.jpg" title="unnamed.jpg, juin 2015" /></p>
<p>Contrat d'implantation / Capucine Cousin</p>
<p><strong>M</strong>ais cette pratique naissante pose plusieurs questions
inédites d'éthique et de sécurité. Quelle régulation? Quelles limites poser à
ces pratiques? Et en termes de santé, quid des risques d'allergie (cf les
nombreux cas d'allergies aux boucles d'oreille fantaisie chez les femmes), de
réactions sous-cutanées, de rejet?... Avant l'"implant party", les participants
aux festivités ne doivent pas dégainer leur carnet de santé ou leurs
antécédents de santé. Tout juste, pour se dégager de risques juridiques,
l'association Body R-Evolution a monté un <strong>"contrat
d'implantation"</strong>, dont plusieurs parties rassemblent à celle d'un
contrat de tatouage ou de piercing.</p>
<p>En le lisant dans les détails, on constate que le futur implanté confirme
<em>"avoir été informé des risques éventuels de rejet de l'implant,
d'infection, d'allergie à un produit utilisé, etc"</em>. Il est censé se rendre
"chez un professionnel" <em>(un des pierceurs qui l'a implanté) pour le suivi
de la cicatrisation, et bien sûr</em> "être d'accord avec la démarche de
l'implantation dans son ensemble"''.</p>
<p>Pour retirer son implant, il pourra se rendre chez un pierceur. Le pierceur
Urd me montrait qu'il reste en effet à la surface de la peau, en faisant rouler
sa minuscule puce sous la peau sur son poignet.</p>
<p>Ce n'est que le début. L'association suédoise inaugurait il y a quelques
jours dans le Makerspace de Stockholm son biohackerlab.</p>