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dimanche 23 novembre 2014

Quel Paris pour demain ?

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Il y a cette image surprenante dans un couloir qui précède l'expo, d'une Tour Eiffel protégée, tel un monument du passé, et encastrée entre des gratte-ciels immenses. Première image saisissante, en préalable à un ensemble de croquis, illustrations, et autres planches de BD d'anticipation où auteurs, dessinateurs et architectes ont imaginé le Paris de demain, dans le futur. Où en est le Paris du XXIème siècle, quel est son avenir, comment va y évoluer l'organisation de l'espace, et donc de la manière des gens d'y cohabiter vivre ensemble ?

J'ai dégusté ce matin l'expo Revoir Paris, qui vient d'ouvrir à la Cité de l'Architecture, sise au Palais de Chaillot. Dans celle-ci, François Schuiten et Benoît Peeters donnent des visions, des esquisses du Paris de demain. Ils étaient parfaitement bien placés: amis d'enfance, le premier issu d'une famille d'architectes, passé par l'institut Saint-Luc à Bruxelles, touche-à-tout scénographe, auteur et encore (parfois) architecte ; le second écrivain et scénariste, et tous deux déjà auteurs de la monumentale saga BD rétrofuturiste Les cités obscures, où ils imaginaient déjà les villes au futur antérieur, comme Paris sous le nom de Pâhry... François Schuiten a par ailleurs conçu un des derniers succès architecturaux de Paris, la rénovation de la station de métro Arts et Métiers en 1994, véritable Nautilus souterrain avec ses parois en plaques de cuivre. Les planches préparatoires de la station de métro sont aussi exposées, comme s'il s'agissait là aussi d'un projet de littérature d'anticipation...

La Tour Triangle, projet (trop) futuriste ?

Cette exposition prend un certain relief avec l'actualité de cette semaine même, alors qu'un des projets architecturaux les plus osés - et futuristes - pour Paris, le projet de la tour Triangle, vient d'être retoqué pour des raisons surtout politiques (le Conseil de Paris a voté contre lundi 17 novembre), donnant ainsi l'image d'un pays frileux, à l'arrêt. Imaginez : il s'agissait d'un projet de gratte-ciel de 180 m de haut, qui devait s’élever Porte de Versailles, dès 2017.

"Il y a eu, bien sûr, le traumatisme de la tour Montparnasse inaugurée en 1973, mais aussi de "l'urbanisme sur dalle". On a voulu faire des quartiers où il n’y aurait pas de rues et où l’on construirait en hauteur, par exemple aux Olympiades (13e arrondissement), ou à Beaugrenelle (15e arrondissement). Ce fut un échec et les quartiers bâtis sont plutôt décevants", rappelle à juste titre l'architecte Christian de Portzamparc dans cette interview. "Nous avons besoin de repères visuels qui peuvent se remarquer de loin, depuis Créteil Val-de-Marne ou Le Bourget Seine-Saint-Denis, pour se dire que là-bas aussi nous faisons partie de Paris. Les perceptions physiques sont nécessaires. La tour marquera les contours du "ring", l'anneau périphérique, comme un lieu de transition entre la ville historique et la ville moderne".

Dans les années 60, en pleine effervescence économique, le premier projet de "gratte-ciel" (oui j'exagère ;) la Tour Montparnasse, vit le jour, alors que 4 gratte-ciel de forme trapézoïdale sont annoncés à Pleyel, rappelle l'expo.

L'expo s'inscrit aussi dans les projets (avortés ?) de Grand Paris, pour lequel les deux commissaires avaient conçu des illustrations en 2009, jusque là inédites, dévoilées dans cette expo.

Ici, ils ont eu l'idée d’articuler l'expo autour des planches de leur nouvelle BD prospective, Revoir Paris (ed. Casterman, 15 €), qui narre comment, au milieu du XXIIème, siècle, la jeune Kârinh, qui vit dans une lointaine colonie spatiale, qui rêve du Paris d'antan, va se voir confier pour mission d'aller explorer la Ville Lumière, ou du moins ses fragment tels que conservés...

Quelle cité du futur ?

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Les villes-tours vues par les frères Perret... (Crédit: Fonds Perret. CNAM/SIAF/CAPA/Archives d'architecture du Xxe siècle/Auguste Perret)

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...Et une des planches de Revoir Paris (Schuiten / Casterman)

Les esquisses et planches de la BD qui a donné son nom à l'expo sont donc au centre du parcours (au risque que cela donne à l'expo un petit goût d'auto-promo pour les deux commissaires ;), mais il ont eu intelligence de faire résonner leurs rêves de papier avec d'autres planches de BD, et d'autres projets architecturaux d'hier et de demain, de Perret, Horeau, Le Corbusier, parfois bluffants par leur audace, et la part de rêve d'alors... Après tout, le Paris de l'an 2000, on le rêvait déjà à l'époque de Jules Verne. Une manière de lancer des pistes, de poser les vraies questions sur ce que doit être une "grande" ville, qui transcende clivages et idées politiques.

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On découvre ainsi ces précieuses planches d'un des maîtres de l'anticipation, Jules Verne, Paris au XXe siècle, un de ses premiers romans, écrit en 1862, refusé par son éditeur, exhumé en 1989: il y imaginé le Paris des années 60 comme un immense port relié à la mer par un canal et dominé par le phare de Grenelle. Jules Verne y rêvait un Paris fait de lignes de métro suspendues et automatisées, de voitures silencieuses, et d'étranges machines. François Schuiten avait imaginé des illustrations pour ce livre, publié en édition de luxe (ed. Hachette) en 1995.

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Dans leur BD Revoir Paris, Schuiten et Peeters imaginent ainsi une ville que l'on parcourt en vaisseau, où les gratte-ciels immenses se sont enfin imposés : on y voie l'étrange évolution de la ville telle qu'ils l'imaginent, entre la Bibliothèque Nationale de France devenue à son tour un monument (elle est siglée "BNF 1995 - 2045), qui commence à être enserrée par des écorces d'arbres. Ou encore les quartiers centraux de Paris, tel le Quartier Latin, qui sont protégés par une sorte de globe sphérique en verre, dont les touristes peuvent encore admirer les toits depuis des vaisseaux. Un Paris aériens, ou d'immenses gratte-ciel surplombent la "veille ville", protégée par endroits par des globes en verre, que l'on contemple depuis des ponts en hauteur.

L'expo retrace aussi, de manière plus classique, l'évolution de Paris, les audaces architecturale qui l'ont façonnée dans le passé: avec pour réel point de départ le Paris bien réel du second Empire, transformé d'une main de fer par Haussmann, "éventreur de la capitale" qui a imposé ses boulevards, puis les transformations inséparables des cinq Expositions universelles, entre 1855 et 1900, avec la Tour Eiffel, le Petit Parlais et le Grand Palais qui voient le jour à cette occasion, les débuts de la "Ville Lumière" en 1900, lorsque l'électricité illumine les rives de la Seine et les façades des palais, les débuts du métropolitain...

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On s'aperçoit aussi que dans les années 60, en pleines Trente Glorieuses, les projets audacieux se multiplient pour Paris. 2000 paraît proche, dans une époque où "il existe de nouveaux matériaux, de nouveaux véhicules,; de nouvelles idées urbaines. On pense à des villes suspendues, mobiles ou démontables, des maisons en plastique et des voitures volantes", rappellent les commissaires de l'expo. Etrange rParis-Match consacre en 1976 une couv' au Paris du futur tel qu'il était alors vu.

Les commissaires de l'expo ont aussi déniché des projets d'architectes avant-gardistes, comme cette étude de Paris sous la Seine de Paul Maymont en 1962 : il imaginait une ville "cave et grenier de Paris" qui s'étendrait sur 12km sous la Seine (!), un axe de circulation permettant "l'irrigation de la capitale à où cela est impossible en surface, dans les quartiers historiques en particulier".

Il y a aussi ces esquisses des commissaires commandées en 2009 dans le cadre du projet de Grand Paris : cette esquisse futuriste de Schuiten, dans le cadre du projet de Grand Paris, d'"Evry-Orly-Rungis, La vallée des biotechnologies et l'université du corps", et du "Plateau de Saclay, Laboratoire des nouvelles technologies".

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Et ce projet du trio Jean Nouvel - Jean-Marie Duthilleul - Michel Cantat-Dupart, "Naissances et renaissances de mille et un bonheurs parisiens", dominé par quelques gratte-ciels...