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lundi 23 avril 2012

Radio Londres, ou l'impertinence de Twitter face à la loi

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Le Schtoumpf Bleu, le Fouquet's, Flamby, la Hongrie versus les Pays-Bas, le printemps Vert, le bleu marine... On se doutait que, inévitablement, des estimations du premier tour des élections présidentielles fuiteraient sur Internet et les réseaux sociaux avant le délai fatidique de 20 heures. C'est surtout sur Twitter que les internautes ont rivalisé d'inventivité, dès vendredi, pour contourner la loi. Certains "twittos" ont pris l'initiative de lancer un vocabulaire et des métaphores dédiées, et même un hashtag spécifique, #RadioLondres, au délicieux goût d'impertinence et de résistance ("Ici Londres. Les Français parlent aux Français"...). Et aussi, certes, une certaine manie de l'entre-soi dans Twitterland, avec "ce côté très énervant 'nous on sait avant les autres'", me soulignait à juste titre Emmanuel Tellier hier matin sur Twitter.

Ce qui s'est confirmé dans la journée de dimanche, où RadioLondres était certes en tête des trending topics sur Paris... Mais nullement en France (merci @krstv pour cette très bonne info), ce qui reflétait le décalage évident entre les préoccupations des élites twittos parisiens... et des autres utilisateurs de Twitter en France en ce jour d'élections.

Une manière aussi de signifier par le jeu l'archaïsme du CSA - ie l'interdiction pour tout média de mentionner avant 20 heures toute estimation après la fermeture des premiers bureaux à 18 heures, sous peine d'une amende de 75 000 euros, conformément à la loi de 1977. Une loi qui s'appliuque aussi - et c'est là la nouveauté - aux quelques millions de citoyens-internautes ((25 millions de Français inscrits sur Facebook, 5 millions sur Twitter) désormais habitués à partager en temps réel des infos sur les media sociaux. Ce qui a fait débat dès jeudi, au point que la Commission des sondages a dû organiser précipitamment, dès vendredi, une conférence de presse pour sonner le rappel à l'ordre, aussi destiné aux instituts de sondage.

Web & réseaux sociaux 1 - TV 0

Dès vendredi donc, des twittos ont organisé la riposte: je ne vais pas épiloguer sur cela, c'est déjà très bien résumé entre autres dans ce billet et cet article. Mais au long de ce dimanche après-midi, une évidence s'est imposée: le décalage entre le Web et la télévision, avec une multitude d'informations sur le Web, notamment - comme redouté par la Commission des sondages - des informations et premiers résultats de sondages publiés sur des sites étrangers (dont Rtbf.be, surchargé une partie de l'après-midi) et Twitter, où les twittos jouaient à #RadioLondres, tandis que les chaînes de télévision en ont été réduites à meubler jusque l'heure fatidique, 20 heures... D'ailleurs, faute de mieux, vers 18 heures, la radio Nova s'y met aussi et nous annonce, citant Twitter (joli paravent...) un "sirop de fraises qui recouvre la coupe bleue"...

Embargo explosé

La question sur Twitter était: qui allait craquer ? Un old media allait-il lâcher les premières estimations avant 20 heures ? Dans un édito publié deux jours avant, Libération avait donné rendez-vous à ses lecteurs à 18h30 sur son site. Las, trop risqué... Nicolas Demorand expliquait dimanche après-midi pourquoi Libé y renonçait finalement.

A 18h46, craquage en direct: l'AFP balance les résultats du premier tour de "sources concordantes" - uniquement à son fil d'abonnés, en les intimant de ne pas les divulguer auprès du grand public. Ou comment jouer sur le fil rouge... Et exploser la loi non-écrite de l'embargo. Aussitôt après la RTBF publie la dépêche presque in extenso sur son site. Contrefeu de l'AFP suite aux résultats partiels (premières estimations, résultats partiels des DOM-TOM...) publiés par des sites étrangers (comme la radio-télé francophone publique (RTBF), le journal Le Soir, la radio-télévision suisse (RTS), le site 20minutes.ch, ou Radio Canada) ? Coup de pression face à ce qui fuitait sur Twitter ?... Elle se justifie en ce sens sur sa page Facebook. Au passage, dans un papier du JDD de ce dimanche 22 avril, signé Camille Neveux, on apprend que "Dans une note diffusée à ses clients, l'AFP a indiqué qu'elle 'mettrait à disposition les informations dont elle dispose' dans le cas où un média, en France ou à l'étranger, 'briserait ce qui s'apparente à un embargo'". Depuis, une enquête ouverte par le Parquet sur la publication des résultats avant l'heure, par ces media étrangers et par l'AFP.

A 20 heures, ouf, les old media peuvent enfin donner les premières estimations à l'antenne. Plus tard dans la soirée, vers 23 heures, David Pujadas lâche sur le plateau de France 2 "Bon sur Twitter, y'a rien eu de transcendant finalement". Mais bien sûr...

jeudi 23 février 2012

Quand les candidats dévoilent leurs playlists

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Comment montrer que l'on est branché, familier avec les technologies, les réseaux sociaux et les nouvelles formes de consommation culturelle, tout en donnant l'impression de livrer - un peu - sa culture musicale ? Barack Obama a inauguré cette nouvelle tendance au début du mois, en dévoilant le 8 février sur son profil Twitter sa playlist musicale sur Spotify. Un coup de pub inespéré au passage, pour la start-up suédoise de streaming musical, qui ne boudait pas son plaisir le jour-même, et se fendait d'un communiqué de presse.

Une playlist d'une trentaine de titres, très... politique, avec un équilibre entre les groupes pour teenagers (No Doubt), indépendants (Arcade Fire, Sugarland), pop-rock 80s (U2, Bruce Springsteen)... Très majoritairement US, pas de world music ou de musique classique. Et une symbolique aussi très politique de certains titres ("Raise Up", "Stand Up", "No nostalgia", "Everyday America", "Home", "My town")...

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En tous cas, les deux principaux candidats français ont tôt fait de reprendre le concept. Après tout, Barack Obama a été à la pointe de la communication politique sur Internet en 2007, autant reprendre ses recettes... Nicolas Sarkozy annonçait ce matin sur son fil Twitter que ses "classiques sur Deezer" (on remarque ici le recours à une boîte française de streaming musical), dévoilés sur sa page Facebook. Au programme, 9 titres, tous français, excepté le classique du rock'n roll "Love Me Tender" d'Elvis Presley. Sinon, du Brassens, Enrico Marcias, Julian Clerc, Aznavour, et - seule femme - Carla Bruni (forcément). Mention spéciale pour les titres très France profonde ("Chanson pour l'Auvergnat", "Les gens du Nord").

Au passage, l’internaute curieux découvrira les goûts cinématographiques du locataire actuel de l'Elysée, qui ne prend guère trop de risques: il est (forcément) fan des films à succès Une séparation, Intouchables, l'oscarisable The Artist, Des hommes et des dieux...

Quant au candidat François Hollande, comme l'a relevé Vincent Glad sur Twitter aujourd'hui, il a été amené à dévoiler sa propre playlist, sollicité par le blog skeudsleblog. Au programme ici, 10 titres, eux aussi presque tous français (à la seule exception du tube "Rolling in the deep" d'Adele - fédérateur et sans risques...). La moyenne d'âge des chanteurs est bien plus jeunes que la playlist précédentes, et on admirera l'effort d'avoir une palette variée, entre classique 80s (Jean Louis Aubert, "Temps à Nouveau"), voire très classique (Léo Ferré, "Jolie Môme"), plus contemporain mainstream (Olivia Ruiz, "Elle panique", Nolwenn Leroy, "Ohwo"), avec forcément une dose de titres engagés (le fameux "Chant des partisans" repris par Les Motivés en 2007, ou émouvants - terriblement bobo ("Pourquoi battait mon cœur" d'Alex Beaupain, issu de la B.O. des Chansons d'amour du très parisien Christophe Honoré).

Une nouvelle arme de com' politique assez habile: rien de tel que des titres ou groupes connus pour fédérer, des internautes-électeurs sensibles à ce côté "je livre mes goûts perso, ce que j'écoute sur mon lecteur MP3". Mais peut-être et surtout le gadget politique absolu, et finalement très secondaire. Affligeant, très léger, simple accessoire séduisant. A prendre donc au second degré...