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samedi 14 février 2015

Les robots sexuels dans la science-fiction (et l'amour dans le futur)

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Oui je sais, je publie ce billet le jour de la Saint-Valentin. Simple concours de circonstances. Ou presque ;) J'ai eu envie de revenir sur la représentation du futur du sexe, voire de l'amour, dans les films d'anticipation, et plus précisément autour des robots sexuels qui alimentent depuis longtemps les récits de SF...

Depuis moins de 10 ans, déjà les sites de rencontres ont bouleversé les modes d'interaction (à vocation sexuelle, ou avec un peu de chance, amoureuse), entre les hommes. J'avais écrit sur cela en 2007-2008, après Meetic, il y a eu une nouvelle génération de sites de rencontres, des expériences, comme ce formidable site à la Second Life, "Come in my workd", avec un système de voix sur IP, un temps incubé chez Orange... Aujourd'hui, après les sites de rencontres ciblés, la prochaine révolution pourrait résider dans les applis mobiles de rencontres basées sur la géolocalisation, telles Tinder et Happn.

Même si on peut parfois se demander si le genre de la science-fiction existe encore réellement au cinéma, quelques joyaux de SF ont très bien représenté comment pourrait évoluer l'amour, les interactions humaines dans le futur. Notamment dans le film Her, que j'ai adoré, où Spike Jonze met donc en scène un écrivain solitaire, en mal d'amour, qui tombe amoureux de son assistant(e) vocal, un logiciel...

Mais au-delà, comment les films de science-fiction représentent le sexe du futur ? J'ai déjà eu l'occasion d'en parler ici, en 2008, il y a eu cet étrange projet artistique, Sexlife of robots de Michael Sullivan, où l'on voit dans une galerie photo et un docu des androïdes de toutes sortes s’adonner de façon débridée aux plaisirs de la machine,

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La série TV Real Humans de Lars Lundsdröm, sortie en 2013, met en scène une société très contemporaine, mais où chacun s'achète son "hubot", des robots androïdes à l'apparence terriblement humaine (mais une prise USB fichée dans la nuque). Ils jouent les auxiliaires de vie, assistants aux personnes âgées, nurses pour enfants, employés modèles en usines, serveurs dans des restaurants... Et même des robots sexuels, de plusieurs types: des jolies humanoïdes que le quidam peut acheter dans des boutiques dédiées - quitte à trafiquer leur programme par la suite. On y voit aussi un étrange "marché noir" de robots sexuels prostitués, au programme trafiqué pour cela, et dont les services sont proposés par des humains.

La série insinue même que de nouvelles formes de relations sentimentales pourraient se nouer entre humains et robots. Tobias, un ado dans la série, tombe ainsi amoureux de Mimi, le hubot familial. C'est littéralement "Love at first sight", il a un coup de foudre. Tobias est" transhumain sexuel", une nouvelle forme de sexualité apparue avec les robots imaginé dans la série: il est excité par des machines. Dans un tel univers où les robots sont omniprésents dans le quotidien des gens, il est inévitable que des humains confrontés à ces hubots veuillent faire l’amour avec eux. C’est pourquoi dans la série, les fabricants des robots les ont rendus séduisants. C’est une question de business. Une femme humaine quitte son mari pour vivre avec son hubot: pour rajouter du piquant, elle a téléchargé un programme pirate pour doper ses capacités sexuelles.

Plus troublant (et humain) encore, dans la même saison, une "hubot" rêve de se marier et d'avoir des enfants: elle parviendra à séduire et épouser un homme.

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Le personnage de Gigolo Joe, un des "mécas", ces robots androïdes créés eux aussi pour répondre aux besoins des humains dans le monde futuriste de A.I. (Intelligence artificielle, Steven Spielberg, 2001), est aussi affolant : un très bel humanoïde (sous les traits parfaits, et donc si troublants, de Jude Law) a une fonction, un métier: il est escort-robot auprès d'humaines... Il fournit donc des services sexuels auprès de clientes femmes. A mon avis, en bon puritain ;) Spielberg est assez peu à l'aise avec ce personnage: donc il ne décrit pas le processus par lequel un robot séduit des femmes, mais on y voit tout de même Joe recourir à des techniques de séduction suaves et classiques, entre les pas de danse pour lesquels il est programmé, et l'art d'écouter se clientes. Troublant, Joe semble lui-même doté de sentiments humains, tout comme le petit garçon-méca qu'il protège, lorsqu’il avoue espérer rencontrer la femme de sa vie.

Blade Runner (1982)

Dans le mythique Blade Runner (Ridley Scott, 1982), nul robot sexuel, mais un des "replicants", Pris (Daryl Hannah), est pourtant spécialisée dans le domaine militaire... et le plaisir. Elle a d'ailleurs pour mission de séduire le timide chercheur J.F. Sebastian, pour le convaincre de reprogrammer les réplicants afin d'allonger leur durée de vie.

Dans Star Trek : the next generation, l'androïde Data est programmé pour effectuer un éventail de techniques sexuelles.

Bien sûr, tout cela n'est (presque) que de la science-fiction. D’ailleurs, si vous avez d'autres exemples de sex-robots mis en scène dans des films de Sci-Fi, n'hésitez pas à m'en faire part, je mettrai à jour ce billet. Mais les robots sexuels existent déjà: quelques start-up ont créé d'étranges poupées gonflables nouvelle génération, ces love dolls , comme celles vendues au Japon par la société Orient Industry. Aux États-Unis, la firme True Companion est allée plus loin en commercialisant, en 2010, le premier robot sexuel, répondant au doux surnom de Roxxxy.

Et cela pose des questions vertigineuses. Que deviendront le couple, la famille, si ces compagnons artificiels envahissent le champ de l'intime? Tromper son conjoint avec le robot sera-t-il adultère? L'amour romantique persistera-t-il?...

mercredi 3 avril 2013

Des "hubots" plus vrais que nature

Une sorte de fable très contemporaine, une nouvelle forme de science-fiction contemporaine. Cela se passe dans une ville moyenne de Suède d'aujourd'hui, avec ses pavillons bourgeois, ses familles banales... Pourtant, on voit dans les familles, les usines, les restaurants d'étranges créatures, à première vue des "real humans", tout juste trahies par leur regard un peu trop fixe, leurs expressions sur le visage un peu figées, les gestes un rien mécaniques. C'est une des séries les plus troublantes du moment que diffuse Arte à partir de ce jeudi soir, Real Humans (100% humain), Akta Människor en VO, pour laquelle la chaîne s'est d'ailleurs offert, fait rarissime, une vaste campagne de pub en radio, cinémas et affichage - vous n'avez pas pu rater ces étranges affiches dans le métro, avec ces personnages au regard fixe...

"Hubots" auxiliaires de vie

C'est donc l'histoire d'une société ordinaire, où il est devenu naturel que les humains cohabitent avec des "hubots", nouveau néologisme pour désigner ces "humans-robots", une nouvelle génération de robots, encore plus perfectionnés que les traditionnels robots androîdes qui peuplent les films de science-fiction classiques... Pas de fusées ni de monde futuriste dans la série suédoise ultra réaliste, écrite par Lars Lundström: tout est très contemporain, à part donc ces hubots multifonctions, qui ne sont jamais las ni fatigués, auxiliaires de vie, assistants aux personnes âgées, nurses pour enfants, aides au ménage, employés modèles en usines, serveurs dans des restaurants... Et même auxiliaires très sexuels. Dans cette fiction, ils sont devenus indispensables aux humains, et semblent presque se fondre dans cette société. Dans cette série que j'ai eu la chance de dévorer en avant-première (et que j'ai chroniquée dans le dernier numéro de Stratégies), le réalisateur s'attache à mettre en scène les diverses et étranges formes de cohabitation qui naissent entre humains et robots. Et les conflits que cela va provoquer.

Les robots de service, ils sont devenus omniprésents au cinéma (forcément), mais aussi dans des expos, livres, débats sur l'avenir de l'humanité (voire des transhumains), l'industrie de la robotique de services fait débat, ils ont un salon dédié, Innorobo... C'est intéressant de les voir mis en scène dans une série télé grand public. Le sujet fait débat, alors qu'un jour, les robots de services débarqueront inévitablement dans notre quotidien.

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Ici, donc, des androïdes très ressemblants aux humains, à l'exception de cette étrange prise USB fichée dans leur nuque, par laquelle ils peuvent se recharger sur une prise électrique - comme un simple téléphone. Mais qui permet aussi, à partir d'une tablette tactile, de vérifier leur identité, leur propriétaire, les paramétrer... Mais aussi les pirater, y installer des "mises à jour" très particulières, par exemple pour les transformer en partenaires sexuels hors pair.

Le réalisateur Lars Lundsdröm met ainsi en scène les diverses formes de cohabitation qui pourraient naître entre humains et robots. Mais aussi les formes de rejet qu'ils pourraient susciter, une fois devenus trop menaçants: car ils commencent à prendre des emplois aux humains, dans les usines par exemple, où ils séduisent les services RH avec "leur marge de 0% d'erreur". Un jeune humain attiré par la hubot domestique se voit qualifié par sa psy de "transhumainsexuel". On commence à voir en ville des hubots prostitués par des humains, avec même une maison close dédiée... La, la réalité rattrape déjà la fiction : après tout, il existe déjà des robots sexuels, tel Roxxxy...

Au point que se développe un mouvement radical, anti-hubots, intitulé "Real Humans", un "label" que certains humains radicaux placardent à l'entrée de leur maison. Un vocabulaire anti-hubots apparaît: PacMan, trucs, machines...

Les trois Lois d'Asimov ; des robots plus que des objets ?

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Surtout, la série pose des questions vertigineuses, incluant les Trois lois de la robotique édictées par le maître de la SF, Isaac Asimov.

Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger.

Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première loi.

Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième loi.

Pour cela, la série met en scène plusieurs catégories de hubots: les hubots domestiques, vendus neufs ou d'occasion, diversement traités, dans des rapports maître/esclave ambigüs, parfois des objets sexuels. Mais aussi des hublots "affranchis", devenus autonomes suite à l'installation d'un code de programmation par un humain geek, David Eisner.

Au fil des épisodes, parfois au contact des humains, on voit ces hubots mîmer de mieux en mieux des émotions (or, l'émotion est le propre de l'homme..), voire apprendre à faire des blagues, à mentir. On voit ainsi un hubot affranchi se prendre de passion pour la Bible. Une hubot rêver de se mettre en couple avec un humain. Ou un hubot devenu compagnon très sexuel se rebeller lorsque sa propriétaire le débranche temporairement ("J'ai un interrupteur, donc tu me traites comme une machine ?").

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Sont-ils des objets, ou un peu plus ? Et si les hublots étaient dotés de libre-arbitre ? Impossible bien sûr, mais la série le suggère : les hubots apprennent au contact de l'homme, et mîment de mieux en mieux leurs sentiments... Après tout, récemment encore, dans les pages Technologies du Monde, Kate Darling, chercheuse en propriété intellectuelle et en politique de l'innovation au Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Boston, militait pour "donner des droits aux robots", précisant : " Je parle plutôt de quelque chose comme les lois qui protègent les animaux. A eux non plus, on n'accorde pas le droit à la vie, mais on a édicté des lois pour les protéger contre la maltraitance".

Métaphore sur l'altérité

Real Humans est une métaphore sur l'alterité, la discrimination. Un reflet de notre société, où la domination de classe se poursuit en silence, avec une certaine violence sociale et politique, terriblement contemporaine Et pose des questions : un hubot, "véhicule motorisé" d’un point de vue juridique, peut-il être considéré comme victime de discriminations, ou de maltraitance ? Une avocate se voit saisie de la question par deux femmes, qui estiment avoir été discriminées - ainsi que leurs amants-hubots - car refoulées avec ceux-ci à l'entrée d'une boîte de nuit.

Je me demandais il y a quelques temps si la science-fiction n'était pas un genre en train de disparaître. Ce n'est pas sûr... En tous cas, elle renaît avec ce nouveau genre de séries télé. Aux Etats-Unis, la chaîne SciFi diffuse depuis janvier ''Continuum'', lancée par la chaîne câblée canadienne Showcase, qui met en scène Kiera, une femme flic de 2077 renvoyée malgré elle en 2012, où elle poursuit dans leur fuite temporelle un groupe de terroristes décidés à changer, depuis le passé, la face du futur. Et il y a quelques jours, Lana et Andy Wachowski annonçaient se lancer dans la réalisation d'une série, qui sera diffusée en 2014sur la plateforme Netflix, où il sera question de robots et de science-fiction.

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