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mardi 17 février 2015

"Kingsman": placement de produits sur mesure

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C'est une parodie de James Bond menée tambour battant pendant 2 heures, entre mise en scène exagérée de la lutte des classes, dialogues savoureux, (quelques) explosions incontournables, "méchants" mégalomanes... Un blockbuster à la sauce British, qui joue volontiers sur les codes des films d'espions, avec loufoquerie, au point que la grande agence d'espions, en façade, n’est qu’un tailleur très chic situé à Londres.

Surtout, c'est le premier film de l'histoire du cinéma qui aille aussi loin dans l'intégration de la logique du placement de produits. A croire que le film a été pensé pour mettre en scène les vêtements, bijoux et gadgets. Car Kingsman : services secrets, film de Matthew Vaughn, en salles ce 18 janvier, a pour particularité de voir presque tous les vêtements ou objets arborés par les acteurs vendus en ligne. On avait jamais poussé le placement de produits aussi loin.

Depuis des lustres, d'autres films ont initié ce placement de produits, en premier lieu James Bond, qui est en soi devenu une marque.

Le vêtement, marqueur social

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Mais dans Kingsman, les vêtements sont les principaux personnages de l'intrigue. Il narre l'histoire d'espions britanniques hors du commun en costumes trois pièces, les Kingsmen, lointains héritiers de James Bond tant dans leurs manières, leurs gadgets hallucinants, que leur mission - tout simplement sauver le monde. Leur planque : une boutique de tailleurs de Savile Rowe Habillés chez les tailleurs et bottiers de Savile Rowe, rue londonienne bien connue des élégants, ces agents hors du commun (avec pour personnage principal Colin Firth, qui a toujours ce flegme sexy) mettent donc en scène le vestiaire du gentleman anglais.

Tout au long du film, le vêtement, dont les marques apparaissent à l'envi, fait office de marqueur social. Point que le film exagère volontairement. Les "prolos" des quartiers popus de Londres (dont le jeune héros qui va s'émanciper) sont sapés en sweats, survets et baskets Adidas Heritage, polos Fred Perry (marque notoire des anciens mods anglais, j'en ai raconté la story ici), jeans Levi's. Tandis que les Kingsmen, incarnation des gentlemen de l'upper class britannique, arborent une multitude de marques de luxe : costumes Mr Porter, montres Bremont, costumes sur mesure Turnbull & Asser, accessoires Drake's, lunettes Cutler and Gross, stylos plume Conway Stewart, parapluies (dont on appréciera le détournement très Jamesbondien ;) Swaine Adeney Brigg... Là encore, cette surabondance de marques de luxe est censée incarner le positionnement post-aristocratique des Kingsmen.

La nouveauté, c'est que l'intégralité des vêtements portés par les acteurs, et nombre d'accessoires et bijoux, sont en vente en ligne. La production a même pensé le film en fonction de cela. Chacune des pièces du film est ainsi en vente sur le site de mode masculine haut de gamme, MR. PORTER. De fait, la marque a été associée au projet de Matthew Vaughn dès l'écriture du scénario. Ils ont conçu ensemble une collection de 60 pièces, des chemises blanches aux costumes sur mesure à rayures par Turnbull & Asser, ou encore les chaussures Oxford (qui sont même citées dans le film) signées George Cleverley. Toutes sont brandées Kingsman. Même les professionnels du product placement, tels Casablanca, n'auraient imaginé une telle intégration des marques dans un film au cinéma. Le film Kingsmen serait-il un défilé de mode, le scénario n'étant qu'un prétexte pour mettre en scène une multitude de produits en vente en ligne ? On ne peut s'empêcher d'y penser.

En tous cas, cela préfigure une tendance certaine: bientôt, il deviendra ordinaire de scanner puis acheter avec son mobile des vêtements ou objets apparaissent dans un film. On voit apparaitre des premières applis mobiles de "sourcing mode", qui permettent d’acheter en un clic une robe repérée sur une actrice ou les chaussures portées par une inconnue

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Exemple: l'appli The Take, qui permet de se saper entièrement comme ses héros de cinéma (américains, toujours). une sorte de Shazam de la fringue : grâce à la reconnaissance sonore, The Take identifie le film qu’est en train de regarder l’utilisateur pour lui proposer ensuite une sélection de modèles portées par les comédiens dans certaines scènes. Alors, je n'ai as pu tester cela au cinéma : normal, les portables y étaient interdits durant la séance. Et je ne serais pas (encore) capable de dégainer mon mobile en pleine séance et prendre des photos de l'écran.

On y trouve le blouson de Ryan Gosling dans Drive, floqué d’un dragon dans le dos (pièce unique fabriqué spécialement par un tailleur de Los Angeles - dommage) ; les bottes de combat de Jennifer Lawrence dans Hunger Games griffées Tory Burch. Car The Take nous informe de la provenance des objets utilisés dans une scène, comme un téléphone portable ou un couteau.

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L'appli The Take, que j'ai testée, qui répertorie des centaines de films, référence déjà tous les produits mis en scène dans Kingsman. Il y en a au bas mot une centaine. Cela va de la veste Adidas Originals du jeune acteur à la montre Bremont, en passant par les ordinateurs portables Samsung, les verres (sic) Villeroy & Boch, et même une voiture électrique Tesla (là, vous devrez aligner 64 000 $). On y voit des captures d'images du film où les acteurs arborent les vêtements, et parfois même semblent prendre la pose. L'avenir du financement du cinéma? Brrr.