Le coup de canif de la Warner à l'industrie du cinéma (des sorties en salles bientôt désuètes ?)

1588861885.jpg, déc. 2020

Le couperet est tombé hier. Aux Etats-Unis, *tous* les films WarnerBros attendus pour 2021 sortiront sur la plateforme américaine de vidéo à la demande HBO Max pour un mois, le même jour que lors de leur sortie en salles, a annoncé le studio dans un communiqué. La Warner sortira donc ses films à la fois en streaming et au cinéma. Une première.

En temps normal, dans la version US de la chronologie des médias, les grosses productions hollywoodiennes doivent être projetées uniquement en salle durant 90 jours qui suivent leur sortie avant d'être diffusées sur d'autres supports. Mais la fermeture des cinémas dans de nombreuses régions américaines, dont New York et Los Angeles, a contraint les distributeurs à trouver des solutions de repli.

Les studios tentent ainsi la recette de la dernière chance pour tenter de limiter l'impact de la pandémie de coronavirus sur leur activité, après une année catastrophique pour eux. «Nous vivons dans une période sans précédent, qui nécessite de faire preuve de créativité pour trouver des solutions», a expliqué la PDG de Warner Bros, Ann Sarnoff, en présentant cette décision. Alors que les salles ont été fermées une bonne partie de l'année aux Etats-Unis, confinement oblige - or, les US servent souvent de baromètre aux studios de cinéma pour leurs sorties de films.

Aux quatre coins du monde, la plupart des salles ont été soumises au même régime sec - en France, les cinémas ont dû fermer pendant le premier confinement, de mi-mars à mi-mai, et de fin octobre jusque vraisemblablement mi-décembre.

Au moins 17 titres concernés

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Dune de Denis Villeneuve

Absolument tous les films de Warner Bros sont concernés, y compris les blockbusters attendus, censés drainer du public en salle - tels les très attendus Matrix 4 - il devait drainer 1,6 milliard de dollars de recettes dans le monde - et Dune. Ce dernier, film à gros budget réalisé par Denis Villeneuve, remake du film de SF mythique de David Lynch, avec en tête d'affiche une star montante, Timothée Chalamet, dans le rôle du héros Paul Atréides, devait être un des grands rendez-vous de la saison cinématographique 2020, et recréer un sentiment de communion. Sa sortie avait déjà été reportée.

En tout, au moins 17 titres seraient concernés l'an prochain, parmi lesquels un «préquel» inspiré par la série Sopranos et une suite au film de super-héros DC Suicide Squad. Ce «tombeau» de films compte aussi des espoirs pour les Oscars 2021 (Judas and the Black Messiah, The Many Saints of Newark, King Richard, and Cry Macho), et des blockbusters, comme le sequel Godzilla vs. Kong.

Mi-novembre, Warner avait déjà annoncé que Wonder Woman 1984 sortirait aux Etats-Unis simultanément dans les salles et sur HBO Max le jour de Noël.

Certes, cette annonce ne s'appliquera dans l'immédiat qu'aux Etats-Unis, le service HBO Max n'étant pas disponible à ce stade dans d'autres pays, où le catalogue Warner Bros sortira normalement dans les salles de cinéma l'an prochain.

Il n'en n'est pas question en France, où de toute façon, la chronologie des médias sert de pare-feu: elle interdit la sortie simultanée d'un film en salles et sur une plateforme de streaming. Tout juste a-t-on ceu, cette année, lors des confinements, certains films sortir directement en VOD, après l'accord express du CNC.

Séisme attendu

Le problème, c'est que cette annonce de la Warner témoigne de la difficulté pour Hollywood de s'adapter à la crise sanitaire aux Etats-Unis. Et elle apporte un sérieux coup de canif aux codes et les pratiques de l'industrie du cinéma. Elle crée un précédent. Est-ce que cela ne va pas donner des idées à d'autres studios, acculés face à cette pandémie, malgré les espoirs que suscitent l'arrivée de vaccins ?

Après tout, Disney dispose lui aussi, depuis quelques mois, de sa plateforme de streaming vidéo mondiale, Disney+, qui semble plutôt bien marcher. Lui aussi a sous le coude des blockbusters dont il a dû reporter la sortie en salles à plusieurs reprises - trop risqué avec la pandémie. Et il a entamé cette logique: il a sorti son remake de Mulan sur Disney+ en septembre. Soul, dernière production des studios d'animation Pixar, «sortira» (ou plutôt sera diffusée) aussi sur Disney+ aux Etats-Unis le jour de Noël.

Est-ce que, comme le craignent certains analystes, les cinémas traditionnels vont être relégués au second plan du modèle économique derrière le streaming pour les sorties de salles, en vitesse accélérée ? Voire, comme je me posais la question hier, et déjà dans ce billet il y a quelques semaines, est-ce que aller au cinéma ne va pas devenir quelque chose de désuet ?