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jeudi 14 novembre 2013

"Aujourd'hui, un Libé sans photo"...

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Déjà, il y a ce surtitre de Libération de ce jour, presque un épitaphe. Puis une longue explication en forme d'édito, qui trouve sa suite avec deux pages dans le journal, mais aussi des tribunes signées par les photographes Sébastien Calvet, Caroline Delmotte, et une interview de Raymond Depardon.

Et surtout, en le feuilletant, il y a ces pages marquées de gros carrés blancs, trous béants au milieu des articles, où apparaissent juste les légendes et les crédits photos : quelques signatures de photographes et de collectifs (Léa Crespi, Bruno Charoy, Sébastien Calvet, Mat Jacob / Tendance Floue) et beaucoup d'agences (AFP, Joe Raedle / Getty, AFP, Marion Ruszniewski / AFP). Avec ces blancs, le quotidien semble étrangement muet. Aujourd'hui, Libération a donc fait le choix de publier une édition amputée de ses photos, néanmoins publiées sur une double page en fin de journal, un peu comme un chemin de fer. Un coup éditorial, une grève de l'image en quelque sorte.

La veille, cet ultime chemin de fer, lors du bouclage, avec ces trous béants, avait déjà filtré sur Twitter, via le compte de Jérôme Balazard.

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Libération a donc traité à sa manière l'actu photo du moment, l'ouverture, ce matin, du salon Paris Photo au Grand Palais. A contrepied. "Choisir l'ouverture du salon Paris Photo pour "installer" des images blanches dans toutes nos pages comporte, bien sûr, un engagement de notre part", insiste l'édito. Car le contraste est saisissant : on a rarement autant parlé de l'omniprésence de l'image dans nos vies numériques, où l'on partage sur les réseaux sociaux, à longueur de journée, des photos sur notre quotidien, comme j'en parlais dans ce billet. Comme le montrait le Salon de la photo en fin de semaine dernière, les appareils photo numériques connectés à Internet, et la nouvelle génération de smartphones intégrant des appareils photo perfectionnés accentue aussi cette tendance.

Paradoxe, dans les travées du très chic salon Paris Photo, des galeries photo de Russie, de Chine, de New York, de Londres et de Paris, exposent en ce moment des tirages photos à vendre - parfois très cher, sur un marché de la collection de photos qui s'enflamme. La galerie français Polka, lancée par Alain Genestar, vend ainsi une cinquantaine de tirages photo de Sebastiao Salgado. Mise à prix: de 8 000 à 50 000 €. Un "art bicentenaire auréolé par le marché", avec des chiffres de vente fous ("5,5 millions d'euros pour des tirages de Richard Avedon"), où il y a pourtant une large zone de flou, entretenue par une bulle naissante: "Désormais, quand on ne trouve plus une œuvre, on la crée. Des descendants multiplient les tirages", souligne Libération. Et cite, à ce titre, Richard Avedon, qui a multiplié les tirages à la fin de ses jours...

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Libération défend par ces blancs dans ses pages la liberté de la presse, et dénonce la situation plus que préoccupante des photographes de presse. Et de démontrer l'importance de la photo dans l'information - la photo, plus qu'une simple illustration, est une info en elle-même, avec un angle, elle "a l'oeil sur les mœurs et usages de notre monde". "C'est un Libération où la photo a été volontairement escamotée. Du blanc en hauteur ou en largeur, comme le négatif d'images invisibles et pourtant bel et bien là. (...) Nul n'ignore la situation calamiteuse où se trouvent les photographes de presse, en particulier, les reporters de guerre, qui mettent leur vie en danger pour à peine la gagner", souligne le quotidien dans un édito au ton ferme. Une radicalité qui s'affiche donc littéralement. De fait, une récente enquête de la Société civile des auteurs multimédias (Scam) soulignait qu'un photographe de guerre sur deux perçoit des revenus inférieurs ou égaux au Smic et n'est pas assuré.

Le lien paradoxal avec Paris Photo ? Dans la galerie Magnum, hier soir, j'ai vu à vendre quelques tirages de Raymond Depardon - que l'on ne présente plus - ainsi que de Jérôme Sessini, un des photojournalistes-stars français, débauché par Magnum à l'AFP. Les reporters de guerre "exposés pour quatre jours au Grand Palais par des galeries avisés, leur sort apparemment plus enviable est en réalité un miroir aux alouettes", tranche le quotidien.

Ce qu'il faut restituer dans un contexte de crise aggravée pour les agences photo : disparition progressive des agences photo historiques, telles Sygma et Rapho, face aux défis du numérique, raréfaction des photographes salariés par les rédactions - Le Monde, L'Express, Libération font partie des journaux qui ont peut-être encore une poignée de photographes et correspondants salariés fixes (et non à la pige)...

dimanche 20 mai 2012

Qui sera le photographe "officiel" du couple Hollande-Trierweiler ?

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Quel photographe sera retenu par l'Elysée comme photographe officiel ? Pour tout Président de la République, le choix du photographe officiel est éminemment politique. Il réalisera la fameuse photo officielle du Président placardée dans les lieux publics et politiques.

Parmi les favoris, on entend les noms de Raymond Depardon, connu pour son travail humaniste, et récemment exposé au siège de campagne du PS, à l'initiative de Valérie Trierweiler, d'après Europe1, Marc Chaumeil, auteur d'un recueil de clichés, François Hollande, Président élu, ou encore le photographe Stéphane Ruet, qui a été retenu comme conseiller «image» couple Hollande-Trierweiler, à en croire Renaud Revel.

Il rejoindrait ainsi le staff de "communicants" qui entourent le nouveau Président, entre Christian Gravel, qui s’est occupé de la communication pendant la campagne aux côtés de Manuel Valls (dont il était directeur de cabinet), qui reste chargé de relations presse à l'Elysée, Patrick Biancone, ex-éditorialiste et journaliste politique à RFI, qui accompagnera plus particulièrement Valérie Trierweiler à l’Elysée, ou encore David Kessler, jusque là DG des Inrockuptibles et du Huffington Post, qui intègre le cabinet de François Hollande en tant que conseiller à la culture et à la communication.

Précisément, Stéphane Ruet, publiera le 21 juin prochain François Hollande, Président, là encore un beau livre, alors qu'il a suivi de manière presque exclusive le candidat pendant 400 jours, de sa déclaration à l’investiture le 31 mars 2011 jusqu’au soir du second tour de l’élection présidentielle. Comme le révélait Livres Hebdo, François Hollande en signera la préface, tandis que tous les clichés seront commentés par Valérie Trierweiler - sous son étiquette de journaliste politique.

L'ex-photojournaliste de l'agence Sygma, devenu indépendant en 2001, qui a travaillé un temps pour la société de production Story Box ("Dimanche +"), avait déjà eu l'occasion de travailler de manière privilégiée avec un candidat socialiste: en 2002, il a couvert de près la campagne de Lionel Jospin, pour publier un livre, Les 60 jours de Jospin (éd. de La Martinière), rappelle Polka Magazine,

Une manière aussi d'imprimer sa personnalité, et de donner le ton de sa communication: en 2007, Nicolas Sarkozy retenait pour sa photo officielle Philippe Warrin, photographe people de Sipa, alors que son prédécesseur Jacques Chirac avait retenu Bettina Rheims, On avait d'ailleurs droit à un petit choc visuel: certes, Nicolas Sarkozy reprenait la tradition - rompue par Jacques Chirac - de poser dans la bibliothèque, mais avec un filtre légèrement jaune à l'image, et en délaissant la queue de pie, le grand cordon (et la raideur...) de De Gaulle et Pompidou.

Dans son sillage, Carla Bruni choisissait elle aussi son propre photographe officiel, Claude Gassian, connu pour ses clichés rock, des Rolling Stones à Miossec), qui expose justement, depuis quelques jours, à la Galerie A. D'ailleurs, on se demande si Valérie Trierweiler choisira son photographe attitré, formalisant du même coup sa "fonction" de Première Dame.

L'autre question sera de voir quels photojournalistes suivront de manière privilégiée François Hollande, alors qu'il est classique chez les dirigeants politiques d'être "suivis" par d'un nombre très réduit de photographes en lesquels ils ont confiance, telle Elodie Grégoire, qui a suivi de nombreuses années Nicolas Sarkozy.

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Mise à jour lundi 4 juin: et voilà, cela avait été officialisé mardi dernier, c'est finalement Raymond Depardon qui a réalisé la photo officielle mardi dernier, dans les jardins de l'Elysée... Un cliché qui se veut "normal", forcément. Photo repérée ce lundi via @jeromegodefroy.

dimanche 3 juillet 2011

L'agence Sipa en difficulté, dernier fleuron d'un photojournalisme qui périclite ?

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Goksin Sipahioglu – Paris, France – 10 et 11 Mai 1968

Tout un symbole. L'annonce a été officialisée cette semaine: l'agence photo Sipa Press est sur le point d'être vendue à une agence allemande, DAPD, au prix de 34 licenciements sur les 92 salariés, dont 16 des 24 photographes, d'après Le Monde. Une véritable saignée à blanc, où l'activité de photojournalisme d'une des dernières prestigieuses agences survivantes est sacrifiée. A terme, toujours d'après le quotidien, l'agence DAPD (deuxième agence de presse outre-Rhin), contrôlée par un fonds d'investissement, vise à transformer Sipa en agence filaire généraliste, donc en concurrence directe avec l'AFP et autres Reuters.

L'annonce est loin d'être anecdotique, et révèle une fois encore l'évolution (la disparition annoncée ?) dans la douleur des fleurons du photojournalisme, en déconfiture depuis une dizaine d'années, pêle-mêle face au média Internet, la montée en puissance des agences filaires, la crise de la presse, et la dégringolade des prix de la photo. Alors que la plupart des titres de presse magazine mettent fin peu à peu à leurs services photo internes.

Une annonce de mauvais augure, à la veille de l'ouverture de deux des rendez-vous photo les plus cotés pou la profession, les Rencontres de la photo d'Arles - ouvertes demain le 4 juillet, elles porteront sur la photo au Mexique et la guerre d'Espagne vue par Robert Capa- et le Festival Visa pour l'image de Perpignan, qui ouvrira fin août.

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La dégringolade pour Sipa Presse avait commencé en 2001. Son légendaire fondateur, le volcanique photographe Gökşin Sipahioğlu, qui l'avait fondée en 1973 (allez lire cet entretien de folie réalisé en 2005 par Frédéric Joignot sur son blog), s'est alors résolu à la revendre à Sud Communications (groupe Pierre Fabre). Malgré ses 25 photographes, ses 600 correspondants, ses 500 reportages photo vendus chaque mois dans plus de 40 pays, elle affiche 2 millions d'euros de pertes en 2010.

Les 3 "A" rachetées, le photojournalisme périclite

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Concurrencées par les agences d’informations généralistes (dites agences filaires) comme l’AFP et AP, lâchées par une presse mag qui consacre davantage de couv' vendeuses aux people (ou politiques peopolisés) qu’au photoreportage, les trois "A" ont toutes perdu leur indépendance, avant de déposer les objectifs photo. Quant au photojournalisme, il périclite.

Les autres agences-stars des années 70, Sygma et Gamma, se sont en voie d'extinction. Sygma, fondée en 1973 par Hubert Henrotte après un conflit avec l'agence Gamma, rachetée en 1999 par le groupe américain Corbis (propriété personnelle de Bill Gates), était en cours de reconversion en avril 2001. En agence qui ne produirait plus de reportages photos, pour se concentrer sur la diffusion de ses fonds numériques.

Comme je l'écrivais alors dans cette enquête pour Les Echos: forte des fonds de 65 millions d'images issus des collections Bettmann ( photos historiques, dont celles de l'agence United Press International), de la National Gallery de Londres, du photographe Yann Arthus Bertrand, et des agences Sygma (actualité),TempSport (sport) ou Stopmarket (photos d'illustration), elle ambitionnait alors de vendre sur Internet ses prestigieuses archives une fois numérisées. Avec une facture déjà douloureuse: 90 personnes, dont 42 photographes, avaient été licenciés dans le cadre d'un plan social. Las, elle a déposé le bilan en 2010, suite à un contentieux avec un de ses ex-photographes.

Gamma-Rapho sera elle aussi emportée dans le sillage de la mise en liquidation du groupe Eyedea Presse, en 2010. Créée en 1966 par des photographes dont Raymond Depardon et Jean Lattès.où le groupe de presse Hachette Filipacchi Médias (HFM) prenait 75% de participation en 1999, en misant sur la vente de ses fonds numérisés, et sur un e-commerce BtoB, elle était rachetée par le photographe François Lochon en avril 2010, et concentrée sur la seule vente d'archives.

Tentatives de virages numériques

Il y a bien eu des tentatives pour renouveler le photojournalisme indépendant à l'ère du numérique. En 1999, Floris de Bonneville _ un des cofondateurs de Gamma _ lance GlobalPhoto, qui propose alors aux agences et aux photographes indépendants de gérer la vente de leurs images, surtout dans le secteur de la presse magazine. Une manière de trouver la parade pour maintenir l'indépendance des agences, alors que Floris de Bonneville avait proposé _ en vain _ à Gamma, Sygma et Sipa de s'unir sur Internet. Un an après, GlobalPhoto est rachetée par PR Direct, spécialisée dans la photo d'illustration. Le projet ne semble pas avoir survécu.

En décembre 2002, même le National Geographic inaugure une stratégie de commerce en ligne et tente de se placer sur le même créneau que les agences photo, en lançant en partenariat avec IBM, un site Web baptisé Ngsimages.com, dédié à la vente en ligne de son catalogue de photographies.

Alors, quel avenir pour les agences photo, face aux agences filaires géantes, telles l'AFP et Reuters, spécialisées dans la seule photo d'actualité (quitte à tirer vers le people) ? Un des seuls recours semble être la photo d'illustration. Seules les agences de photo d'illustration tirent encore leur épingle du jeu: des banques d'images en ligne gratuites ou à moins d'un dollar telles que Stock.XCHNG, ou encore Shutterstock, les magazines et autres journaux ont à disposition des photos d'amateurs ou de professionnels à des prix défiant toute concurrence.

L'agence Getty Images a tôt choisi ce virage. Fondée en 1995 à Seattle, initialement banque d'images pour agences publicitaires, elle s'est diversifiée dans la photo d'actualité à coup d'acquisitions, devenant premier fournisseur d'images (photos et vidéos) pour les agences publicitaires et groupes média. Pour contrer la concurrence d'Internet, elle acquiert en 2006 le site de vente de photos à bas prix iStockphoto, banque d'images bon marché mais de moins bonne qualité. L'agence a aussi revu ses tarifs à la baisse et proposé des ristournes sur ses photos en offrant par exemple ses photos basse résolution à seulement 49 dollars.

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Je connais quelques photographes qui œuvrent en agence filaire, et s'en tirent plutôt bien (mais se contentent de faire des photos d'actu, sans trop se poser de questions, plus de reportages...), d'autres qui galèrent. Même des signatures, comme Reza, qui semble faire moins de reportages qu'avant faute de budget alloué par les magazines.

Restent quelques initiatives notables, telle l'agence britannique VII (lire " Seven"), lancée en septembre 2001 lors du Festival Visa pour l'image de Perpignan en septembre 2001. Mais un projet porté par sept pointures du photojournalisme, transfuges d'agences traditionnelles _ que ce soit le président de VII Gary Knight (ex-Saba), James Nachtwey (ex-Magnum), ou la Française Alexandra Boulat (ex-Sipa - décédée depuis). Dotée d'une structure légère, l'agence opère uniquement sur Internet et mise sur une valeur ajoutée technologique. Disséminés dans différentes villes du monde, les photographes-fondateurs numérisent les sélections de leurs photos, ce qui permet de réduire les frais de gestion et d'archivage. Sans doute un des derniers vrais projets d'agence à l'ancienne, encore active, menée par des stars du photojournalisme.

On trouve aussi des collectifs désormais installés comme Tendance Floue (L'Oeil Public a fermé l'an dernier me signale un lecteur), et une fédération de pigistes comme Fede Photo. Mais pour tous, le renouveau doit inclure des activités rémunératrices -comme la publicité ou le "corporate“ pour financer les reportages. Et une patte, une personnalité face au ton photographique toujours plus standardisé des grandes agences.

jeudi 11 novembre 2010

A qui appartient une photo sur Twitter ?

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Une femme sortie des décombres dans la capitale haïtienne © AFP/DANIEL MOREL

Le droit d'auteur s'applique-t-il aussi sur une photo postée sur un réseau social tel que Twitter, ou via l'outil de publication Twitpic ? Ou appartient-elle à l'éditeur de ces réseaux ? L'affaire avait fait grand bruit en début d'année, comme j'en parlais alors, l'AFP estimant alors Tous les Twitpics nous appartiennent, après avoir gentiment piqué à un photographe indépendant une photo qu'il avait postée via Twitpic.

Tout était parti de photos postées via Twitpic par Daniel Morel, un photojournaliste qui couvrait alors les manifestations suite au séisme d'Haïti. Un autre utilisateur de Twitter, Lisandro Suero, les a alors mises à disposition. L'AFP les a alors utilisées, et carrément revendues via l'agence Getty Images. Les photos ont été créditées AFP et Lisandro Suero par un certain nombre d'autres agences.

L'affaire a tourné à la bataille juridique. Après avoir écrit à l’AFP en réclamant ses droits, l’agence s’est retournée contre Daniel Morel, en dénonçant une diffamation commerciale et demandant une déclaration d'absence de contrefaçon.

Ce que vous postez sur Twitter ne vous appartient plus (pour l'AFP)

Pour l'AFP, en mettant à disposition des photos sur Twitter ou Twitpic, un photographe accorde de facto une licence à toute personne qui voudrait utiliser ces photos, comme le spécifierait une mise à jour récente du règlement de Twitter. En clair, pour l'AFP, ce que vous postez sur les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter, ne vous appartiendrait plus. C’est la position que soutient en tous cas l’agence devant un tribunal du district sud de New York.Cela signifierait-il donc que toute photo postée sur Twitter serait automatiquement réutilisable par n'importe qui ?

ReadWriteWeb US vient de revenir sur l'affaire : les règles d'utilisations de Twitter spécifient certes qu'il peut partager des contenus avec ses partenaires... Ce que l'AFP tente de réinterpréter, comme si tout utilisateur de Twitter était un partenaire - pouvant donc réutiliser les photos.

L'AFP étrangère à l'univers des médias sociaux

Comme le souligne le RWW, en creux, cela révèle une méconnaissance profonde mauvaise compréhension par l'AFP de l'univers des médias sociaux. C'est dans l'esprit même des médias sociaux : si je retweete une photo d'un utilisateur de Twitter, c'est pour la partager - implicitement, sans exploitation commerciale par-derrière par un autre "Twittos" indélicat. Bien loin d'une entreprise de media qui doit gagner de l'argent, qui pioche une photo dans un écosystème, pour ensuite prétendre en être propriétaire, souligne le RWW.

Au passage, l'AFP vient tout juste - en novembre 2010 - de se doter de sa page Fan de sur Facebook, quelques semaines après avoir nommé un journaliste en charge du secteur des médias sociaux. CQFD.

dimanche 10 octobre 2010

"Kiss the past hello", les ados éternels de Larry Clark

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C'est sans doute la photo qui illustre le mieux l'expo de Larry Clark, qui s'ouvrait hier au Musée d'Art Moderne à Paris. Ils sont jeunes, ils sont magnifiques, et il y a un discret érotisme qui émane de cette photo, pas loin d'un Botticelli, qui nous renvoie tous à nos premiers ébats.

J'ai vu l'expo Larry Clark, qui ouvrait ses portes vendredi au Musée d'art moderne de Paris. Et non, je ne vais pas vous parler ici de la polémique autour de son interdiction aux moins de 18 ans (que je trouve absurde çà titre perso... C'est une expo sur les ados et avant tout pour les ados, comme le dit très bien Larry Clark dans cette interview au Monde), mais retour ici à l'essentiel, l'art. Que valent ces photos ?

Kiss the past hello ("Dis bonjour au passé", détournement du dicton Kiss the past goodbye - "Fais table rase du passé", référence punk qui colle assez bien à Larry Clark...), avec 300 photos et 2 films inédits, montre plusieurs représentations de la jeunesse vue par Larry Clark, en 40 années de photo. La jeunesse plutôt rock, plutôt trash, qui cherche à tester les limites de la liberté, voire qui fraye avec les bas-fonds et la marginalité. Loin des polémiques un peu stériles sur une supposée complaisance (ou des photos qui revêtiraient un caractère "pornographique"), on y voit surtout des portraits d'ados que Larry Clark a suivis, succédanés des dernières décennies.

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Et cela nous touche follement, parce que cela nous renvoie à notre propre adolescence (censée être "le bel âge"), à nos excès, aux frontières que l'on a failli franchir. Un véritable uppercut, même si j'aurais sans doute été encore plus touchée si j'avais été un mec - Kiss the past hello est l'adolescence vue par un homme photographe, donc de manière avant tout masculine (nombreux portraits de jeunes mecs), avec une sensibilité bien plus personnelle des années 60 aux années 80. Lorsque Larry Clark était encore lui-même proche de l'adolescence...

Qu'est-ce que l'on y voit ? Des années 60 à Tulsa (Oklahoma) aux années 2000, on y voit son regard sur la jeunesse américaine. On y voit la drogue, le sexe, mais aussi des bandes de potes, au sein desquels Larry Clark a travaillé en immersion, en allant jusqu'à suivre certains ados durant des années, pour montrer leur évolution. Au-delà du cinéaste provoc' habitué aux scandales (cf la sortie de Kids en 1995), on découvre là un photographe qui a une p/ù^$* de sensibilité, dans les prises de vues, la lumière, ce qui ressort de ses très nombreux portraits d'ados.

Organisée de manière chronologique, l'expo donne à voir, en creux, les formes de contre-cultures portées par les ados au fil des décennies.

Premier uppercut, les quelques photos de sa mère, Frances Clark, reflets d'une Amérique idéalisée, qui tranchent avec la première partie de l'oeuvre de Larry Clark. Le portfolio Tulsa, qui couvre les années 60 (qui avait donné un livre éponyme) révèle la vie quotidienne du jeune artiste. Entre l'ennui et la violence dans les suburbs de Tulsa, il y photographie ses potes zonards.

Alors oui, là la pauvreté va de pair avec les premiers shoots, qu'il photographie dans son entourage, avec parfois des photos très crues: une femme enceinte qui se pique, un ado qui joue avec un revolver, le visage tordu de douleur de cet homme, le premier shoot de la girlfriend, des scènes qui mêlent piqouze et sexe... Il y a aussi les dates de décès de certains potes de Larry Clark partis bien trop tôt...

Mais aussi un film muet de 16 mm de 1964, où l'on voit un jeune mec qui se shoote - film touchant et d'une tristesse absolue, qui s'affiche progressivement sur le visage de sa copine, au fur et à mesure du shoot.

Lust for life

Les années 70 donnent à voir là encore des portraits en noir et blanc d'une jeunesse qui découvre le sexe, l'amitié, parfois la drogue... Mais déjà prédominent les portraits magnifiques de ces ados, des jeunes mecs dont on se dit juste qu'ils sont beaux et sereins. Et dont on devine qu'ils ont déjà beaucoup vécu. Il y a aussi ces photos de couples, s'adonnant à l'amour (voire au triolisme) ou à la drogue, ces scènes d'ados découvrant le sexe, entre fraîcheur et expériences déjà hard..

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Pour les années 80 (portfolio intitulé avec un certain sens de la provoc' Teenage Lust - "luxure d'ados") , Larry Clark a adopté ce qui constituera la sève de son travail: il réalise des portraits au sein de groupes de jeunes dont il parvient à se faire adopter, ou avec des prostitués de la 42e rue de New York. Là, ce sont les années punks: jeunes mecs au crâne rasé et aux jeans moulants.

A partir des années 90, il s'intéresse aux jeunes skaters. Ce seront les prémices de son film "Wassup Rockers". Là, ses photos changent, on voit une jeunesse presque plus sereine. Dans ces portraits grand format, aux couleurs saturées, on y voit des jeunes punks skaters latinos qui prennent la pose, avec fierté et provocation (superbe photo de cet ado qui porte un T-shirt avec pour slogan "Let's start a war" en 1992, en pleine guerre d'Irak...).

Mais aussi, en toile de le fond, là encore la pauvreté absolue: comme ce jeune mec de 12/13 ans qui pose à poil, la clope au bec, près de son père, qui a la bouteille et son dernier-né sur les genoux... Et là, on se demande : quel avenir pour ces ados ?

dimanche 11 avril 2010

La BD, autre forme de récit journalistique

Blog brièvement laissé à l'abandon ces derniers jours, pour cause, entre autres, de changement de rédaction, de mise à jour de manuscrit pour la réédition à venir de mon livre, Tout sur le Web 2.0, de (courtes) vacances...

Là, à la lecture de ce très bon billet chez Chacaille, j'ai eu envie d'aborder une forme de récit journalistique (voire de "format") pas tout à fait nouvelle certes, mais riche, en constante évolution : la BD journalistique. Un genre riche, longtemps méconnu, qui permet de mêler l'image sous forme de dessins (voire de photos) et l'écriture, le tout avec une structure narrative qui permet littéralement de raconter une histoire au lecteur.

Certes, à première vue, cette forme de récit journalistique est moins innovante que le web-documentaire, dont j'ai notamment parlé ici. A voir, soit dit en passant, l'excellent nouveau web-doc du Monde interactif sur le sujet très tabou du handicap.

Tintin, les croquis...

Tintin

La bande dessinée liée au journalisme, c'est de l'histoire ancienne. On pense bien sûr au reporter Tintin ;) dont les reportages sont prétextes aux récits bédéesques de Hergé. Dès le début du 20ème siècle, les croquis ou caricatures publiées dans les quotidiens, tel Le Petit Journal, permettaient d'y introduire une dose de BD. Rien de tel qu'un dessin bien affûté pour résumer une actu, un angle. Ce que fait d'ailleurs depuis de nombreuses années Plantu dans Le Monde, par exemple, et bien sûr, les journaux satiriques.

Photojournalisme + BD

Mais depuis quelques années, c'est littéralement le journalisme de bande dessinée qui a pris son envol, et là, c'est excitant et prometteur. Les dessinateurs et auteurs de BD "engagés" ont ouvert le feu ces dernières années, avec par exemple la série Le combat ordinaire de Manu Larcenet, où un photojournaliste, bourré d'incertitudes, monte une expo avec des portraits d'anciens ouvriers d'un chantier naval en train de fermer.

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Le photographe, Tome 1, Ed. Dupuis

Dans un autre genre, avec sa série intitulée Le photographe, feu Didier Lefèvre a voulu témoigner de la situation en Afghanistan. En fait, c'est lors d'une mission de Médecins sans frontières que Didier Lefèvre, alors jeune photographe, part pour sa épopée photographique, dont il reviendra avec des centaines d’images, des notes et des souvenirs. Il vendra quelques photos à Libération, et l’aventure restera dans ses archives pendant une quinzaine d’années. C'est en s'associant à un dessinateur qu'il lancera cette BD journalistique.

Or là, on est vraiment à la lisière photojournalisme / investigation / récit sous forme de BD. Dans ces trois tomes, les dessins de BD alternent avec les photos, pour mettre en scène cette histoire - et celle des Afghans. L'écriture BD offre de manière assez inédite l'occasion de faire ressortir des émotions (sur les traits des personnages notamment), et de faire oeuvre de pédagogie, avec par exemple des cartes pour résumer la situation géopolitique locale. Mais aussi, et avant tout, de raconter une histoire (ce qu'attendent avant tout les lecteurs...) de manière linéaire, en images et en textes.

DLefebvre.jpg En progression dans les montagnes d'Afghanistan Photo © Didier Lefèvre.

Un genre à la lisière du journalisme d'investigation et du récit photographique, "Une photo racontant l’histoire, transportée par l’émotion tout en respectant la dignité. Notre démarche d’écriture est moins classique: Une approche différente alliant le reportage et le récit avec quelques fois une touche personnelle car nous faisons aussi partie de ce monde que l’on documente", comme le relate le blog photo Alpha Reporter.

A l'heure où l'on parle de la crise de la presse, d'un journalisme d'investigation réduit à minima faute de budget dans les rédactions, cette forme de récit journalistique ouvre des horizons inédits, aussi bien pour la presse écrite que pour la presse en ligne. Finalement pas très éloigné du gonzo journalisme, qui a beaucoup animé les débats sur la Toile dernièrement, ou le "Nouveau journalisme", où le reporter est présent en permanence tout au long du déroulement du récit, au point de se mettre au centre du récit, en utilisant le "Je" dans la narration, et en s'auto-représentant dans les dessins de BD.

En décembre 2005, dans un article de la revue Médias, Jean-Michel Boissier et Hervé Lavergne définissent d'ailleurs ce nouveau genre de BD, Le BD reportage, comme le "comics journalism" ou "graphic journalism". Et ce pour désigner "une nouvelle tribu de reporters qui ont troqué le clavier, l’appareil photo, le micro ou la caméra contre les crayons, les stylos et les encres – surtout noires. Le BD reportage (appelons-le comme ça) a ses héros internationaux : Art Spiegelman, le génie graphique de « Maus », descente hallucinée dans l’enfer des souris déportées et des chats bourreaux d’Auschwitz, et Joe Sacco, Maltais vivant aux Etats-Unis, qui publie avec un grand succès ses reportages puissants et engagés, de la Palestine à la Bosnie".

De même que des journalistes de presse écrite ou de médias audiovisuels commencent à s'associer à des photographes ou des JRI pour monter des web-documentaires, des journalistes-rédacteurs commencent, de plus en plus, à s'associer à des dessinateurs de BD pour monter des BD reportages. Charlie-Hebdo était déjà familier du genre (avec notamment Cabu). Des nouveaux-venus dans les kiosques s'emploient à briser la frontière et BD, notamment l'excellente revue trimestrielle XXI, qui publie,dans chaque numéro, des BD-reportages, qu'elle qualifie aussi de "récits graphiques". Polka Magazine, le trimestriel dédié à la photo lancé par Alain Genestar a lui aussi adopté le BD reportage.

On le sait, XXI cartonne. Car le grand public (certaines CSP, certes), est encore prêt à mettre de l'argent dans un bel objet, un journal/magazine qu'il conservera. Le genre de la BD-reportage s'y rattache parfaitement, transformant d'ailleurs l'actu relatée par ce biais en récit journalistique, intemporel.

mardi 8 septembre 2009

Le photojournalisme, "en soldes" ou engagé ?

Je parlais récemment, dans ce billet, de la situation préoccupante que connaît actuellement le photojournalisme, mise en exergue par le festival Visa pour l'image, qui se déroule en ce moment à Perpignan.

Mon confrère Gilles Klein, journaliste indépendant (il collabore notamment à Arrêt sur images, en version web), qui a un long passé de photographe de presse, dresse un constat dans ce billet,, qui n'est guère optimiste sur l'évolution du métier. Et d'écrire :

Les journaux négocient des forfaits mensuels ou annuels pour accéder aux images d’actualité. Certaines agences soldent tandis que des journaux demandent, en fin d’année, une ristourne, un pourcentage sur le chiffre d’affaires qu’ils ont apporté à telle ou telle agence. Une sorte de rétro-commission. Entre les photographes maison payés au mois, et les forfaits, plus les banques d’images à bas prix pour les photos d’illustration (photos hors actu) il reste très peu de place pour les commandes, les sujets originaux, du coup ceux qui étaient dans des agences et n’y sont plus (ex Gamma, ex-Sygma et autres) souffrent. Gagnent peu ou très peu. Font moins de sujets et doivent se débrouiller pour les financer.

De fait, j'avais entendu des échos similaires. Au sein du groupe où je travaille, non seulement L'Express, comme il l'écrit, mais aussi les sites L'Express.fr et L'Expansion.com on négocié des contrats sous forme de forfaits pour accéder au fil d'images (en plus du fil d'actus) de Reuters, pour des tarifs qui ont bien changé ces dernières années... Et dont les photographes n'ont sans doute pas connaissance.

Du coup, on croise de plus en plus de photographe d'agences qui, pour certains, ont réussi à obtenir un CDI avec un salaire confortable. Ils travaillent en shootant le plus vite possible, restent quelques minutes sur le lieu d'un événement, d'une conférence de presse, et repartent aussitôt. On est loin du reportage d'antan... J'ai eu l'occasion de discuter avec un photographe d'agence dernièrement : no comment sur ces conditions, il gagne bien sa vie et préfère se poser le moins de questions possibles.

La plupart des "vrais" photojournalistes sont, soit au sein d'une agence classique pour les quelques chanceux, soit travaillent en indépendants, au sein d'un collectif (comme Tendance floue, ou le collectif plus général Fédéphoto), ce qui leur permet d'avoir un pouvoir de négociation plus important auprès des journaux.

Certains continuent d'avoir de vrais projets journalistiques de fond. En la matière, un des ouvrages les plus excitants et les plus attendus du moment à mon sens est Un nouvel art de militer (sortie octobre 2009), fruit d'une enquête du journaliste Sébastien Porte et du photographe Cyril Cavalié, connu notamment pour son travail sur les divers mouvements et réseaux militants (à voir, le blog dédié à cet ouvrage).

Jeudi Noir, Déboulonneurs, Brigade activiste des clowns, Désobéissants, Anonymous... Il passe en revue pas seulement les divers mouvements militants, mais les formes de militances même, au-delà des formes traditionnelles que sont la grève ou la manifestation : une nouvelle génération de militants, ayant un goût prononcé pour l’humour et les mises en scènes spectaculaires, et un sens manifeste de la créativité dans l’action.

Cyril m'a fait l'amitié de me transmettre quelques-unes de ses photos issues de cet ouvrage. Que je dévoile donc ici, en avant-première.

Stagiaires Cyril Stagiaires - Photo Cyril Cavalié

Poesie_verte.jpg Poésie verte - © Cyril Cavalié

Plaquage cyril Plaquage - © Cyril Cavalié

cyclonudiste Cyril Cyclonudiste - © Cyril Cavalié

RESF Cyril RESF - © Cyril Cavalié

dimanche 2 août 2009

La couv' de la semaine : l'International Herald Tribune et sa rétrospective de photos d'amateurs sur l'Iran

couv IHT Photo C. C.

La couv' de la semaine sera un peu moins légère et estivale que celle de la semaine dernière, mais permet d'illustrer de nouvelles pratiques au seil des illustrations. Et qui ne sont pas forcément bon signe.

Jacques Rosselin le signalait sur son fil Twitter tout à l'heure, pour sa Une du jour, l'International Herald Tribune de mettre en avant la "JPEG revolution" de la guerre en Iran, en publiant une sélection de photos d'amateurs sur l'Iran. Des photos réduites en petits carrés, recadrées, parfois violentes visuellement, parfois d'un intérêt limité.

Une manière pour l'IHT de mettre en avant l'importance des photos amateurs dans le conflit iranien, qui ont abondamment circulé ces dernières semaines via les réseaux sociaux (notamment Twitter). Mais aussi, en filigrame, le quotidien new-yorkais consacre une pratique que l'on craint de voir se répandre : exploiter des photos d'amateurs (de facto libres de droits, les crédits photos éventuels n'étant même pas publiés pour illustrer sa Une. Plutôt que de publier des photos de photographes professionnels. J'ai d'ailleurs entendu dire qu'un grand quotidien français sollicitait les internautes pour qu'ils envoient leurs propres photos, susceptibles d'être publiées sur le site web dudit quotidien (sans que les amateurs touchent quoi que ce soit, cela va sans dire !).

Un choix éditorial peut-être pervers, qui prend ici une teneur particulière, à l'heure où Gamma, une des plus grandes agences photos, est en très grande difficulté...

vendredi 24 juillet 2009

La fin pour l'agence photo Gamma, quel avenir pour le photojournalisme ?

retinette012.jpg

Ce fut une des plus prestigieuses agences de photojournalisme, cofondée par Raymond Depardon, qui a vu passer dans ses rangs des photographes tels que William Carel, Gilles Caron, Françoise Demulder et Sebastiao Salgado. Pourtant, Gamma déposerait le bilan le 30 juillet, annonçait Rue89 hier soir.

La fin pour une des plus prestigieuses agences, qui avait déjà connu des évolutions inquiétantes ces dernières années, comme l'a montré son rachat en 2006 à Hachette Fillipachi Médias (groupe Lagardère) par Eyedea, filiale du fonds d'investissement Green Recovery. Ce dernier, qui possède aussi notamment l'agence Rapho et l'important fonds Keystone, aurait d'emblée cherché à la couler, laisse fortement entendre l'article de Rue89.

Auparavant, ses dirigeants auraient fait des erreurs monumentales, comme laisser partir l'année dernière Elodie Grégoire, une de leurs dernières signatures, qui suivait Nicolas Sarkozy depuis des années (comme j'en parlais ).

Mais de fait, avec 55 photographes licenciés dans le cadre de cette opération de dépôt de bilan, Eyedea n'y perd pas grand-chose, si ce n'est couler Gamma. Avec cynisme : "ce n’est qu’une identité sur trois qui dépose le bilan et un bon moyen pour eux de licencier 55 personnes en ne donnant que 35 000 euros par personne", me faisait remarquer par mail ce matin, fataliste et réaliste, un confrère, (talentueux) photographe de presse.

Sans baigner dans une nostalgie désuète, le dépôt de bilan de Gamma constitue une nouvelle étape, hélas, dans la disparition plus ou moins annoncée des agences de photojournalisme à l'ancienne, à l'ère d'Internet et de la suprématie des agences filaires telles que Reuters, AP ou l'AFP. Déjà en 2001/2002, le sujet commençait à faire débat, je me souviens avoir écrit des papiers pour Les Echos (par exemple , ou encore à propos de National Geographic... ) sur comment Internet bouleversait le modèle des agences classiques : Bill Gates rachetait l'agence Corbis en rêvant de numériser tous ses fonds d'archives, et en misant sur la vente de photos d'actualité, d'illustration et d'archives via Internet.

Et encore, phénomène qui s'accentue avec la crise, les agences filaires sont obligées de consentir de fortes réductions sur leurs tarifs d'abonnements aux flux de dépêches auprès de leurs clients (les groupes de presse) pour être sûres de conserver ces clients...

Je ne sais pas si les agences 'alternatives' lancées ces dernières années par des grandes signatures, comme l'agence VII, lancée en 2001, ou encore l'agence Noor, lancée en 2007, pourront assurer la relève en termes de vrai photojournalisme.

Cette année, je serai très probablement au festival de photojournalisme Visa pour l'image de Perpignan, début septembre, où le climat sera sans doute assez particulier. Faites-moi signe si vous y venez...

jeudi 19 février 2009

Le Point lâche ses photographes en régions

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Lu sur le très informé blog collectif Les invisibles des médias, tenu par des journalistes pigistes, le magazine Le Point se séparerait des photographes pigistes avec lesquels il travaillait pour ses numéros régionaux. Il aurait passé un accord avec différentes agences photo, soi-disant pour baisser les coûts de production. Mais aucun photographe n’a été prévenu officiellement ; aucune mesure de licenciement n’est donc prévue pour l’instant...

Un nouveau révélateur de la précarisation du journalisme, dans ses différents secteurs, y compris le photojournalisme. Mais c'est aussi un cercle vicieux, alors que les agences photo classiques (Getty, Corbis-Sygma...) sont dans une situation délicate face aux agences filaires, rattachées aux agences de presses idoines (AP, AFP, Reuters). D'après ce que j'ai lu sur un forum de discussion très bien informé, certaines agences photos qui passent des accords avec les news dont Le Point leur mettent une certaine pression commerciale. Et d'un autre côté, baissent leurs tarifs pour être sûres de conserver leurs clients....