La couv' de la semaine : l'International Herald Tribune et sa rétrospective de photos d'amateurs sur l'Iran
Par Capucine Cousin le dimanche 2 août 2009, 21:08 - Journalisme - Lien permanent
Photo C. C.
La couv' de la semaine sera un peu moins légère et estivale que celle de la semaine dernière, mais permet d'illustrer de nouvelles pratiques au seil des illustrations. Et qui ne sont pas forcément bon signe.
Jacques Rosselin le signalait sur son fil Twitter tout à l'heure, pour sa Une du jour, l'International Herald Tribune de mettre en avant la "JPEG revolution" de la guerre en Iran, en publiant une sélection de photos d'amateurs sur l'Iran. Des photos réduites en petits carrés, recadrées, parfois violentes visuellement, parfois d'un intérêt limité.
Une manière pour l'IHT de mettre en avant l'importance des photos amateurs dans le conflit iranien, qui ont abondamment circulé ces dernières semaines via les réseaux sociaux (notamment Twitter). Mais aussi, en filigrame, le quotidien new-yorkais consacre une pratique que l'on craint de voir se répandre : exploiter des photos d'amateurs (de facto libres de droits, les crédits photos éventuels n'étant même pas publiés pour illustrer sa Une. Plutôt que de publier des photos de photographes professionnels. J'ai d'ailleurs entendu dire qu'un grand quotidien français sollicitait les internautes pour qu'ils envoient leurs propres photos, susceptibles d'être publiées sur le site web dudit quotidien (sans que les amateurs touchent quoi que ce soit, cela va sans dire !).
Un choix éditorial peut-être pervers, qui prend ici une teneur particulière, à l'heure où Gamma, une des plus grandes agences photos, est en très grande difficulté...
Commentaires
Ce n'est pas un phénomène nouveau à la mobilisation en Iran et il est vrai qu'en France, des journaux encouragenant des photographes amateurs à envoyer leur photographie gracieusement (Libé avait fait sa une une comme l'IHT que tu montre pendant le mouvement dit "CPE"). Pire, parfois ils ne demandent même pas et vont piquer des photos sur des grandes banques d'images comme FlickR pour illustrer leurs articles. C'est notamment le cas de Marianne2.fr
Concernant ces appels aux amateurs, un texte a été envoyé récemment aux rédactions pour dénoncer ces pratiques. C'est une lettre soutenu par l'UPC, Freelens, le JDL, l'ANi. A lire ici : http://www.photojournalisme.fr/?p=2...
Qui plus est, je ne pense pas qu'il faille blâmer les gens qui envoient leurs photos gratuitement ou que cette politique d'appel aux amateurs soit la cause principale des difficultés à vivre comme photojournaliste aujourd'hui.
D'une part parce que les amateurs ne sont pas forcément conscient de la nécessité de revendiquer une rémunération de leur travail et des modalités pour se faire payer (à ce titre un gros travail pédagogique doit être entrepris vis à vis de tout les photographes amateurs) et d'autre part parce que les mutations de la presse induisent des baisses de budgets et donc des baisses de rémunérations pour les photojournalistes.
Enfin, l'image d'information provenant d'amateur a toujours existée et tant mieux. De nombreuses images célèbres qui font notre histoire commune on été réalisées par des amateurs ou des anonymes. C'est nécessaire et bienvenu. L'enjeu aujourd'hui est que cela ne devienne pas une pratique courante au mépris des règles de vérifications de l'information, de déontologie, etc... et que l'on puisse, pour les photographes amateurs, les amener à être professionnalisé (afin qu'ils ne deviennent pas des concurrents déloyales).
@Pierre : merci pour cette réaction et ces précisions, très bienvenues de la part d'un photojournaliste :)
Alors oui, tout à fait d'accord quant au fait que ce ne sont pas les photographes-internautes-amateurs qu'il faut blâmer. Mais je pense, comme tu le dis dans ton commentaire, qu'il serait dangereux que cette pratique devienne 'habituelle' au sein des médias, il vaut mieux que cela reste à l'état de concours ponctuels.
le lien avec la situation actuelle du photojournalisme, je l'évoquais comme contexte particulier dans lequel s'inscrit cette initiative de l'IHT. Même si évidemment, la situation des agences photo ne s'explique pas par le recours par les médias aux photos amateurs.