Par Capucine Cousin le dimanche 29 novembre 2009, 16:05 - Journalisme
C'est sans doute un des formats journalistiques les plus prometteurs pour la
presse en ligne de demain, et les plus excitants, en terme d'exercice
journalistique, pour les journalistes. Le web-documentaire,qui
mêle photo (sous forme de portfolio en ligne par exemple),
son (audio), vidéo, et bien sûr
écrit, voire accompagné d'un blog, est une forme de
documentaire, donc de récit journalistique, qui exploite simultanément
plusieurs ressources propres au web.
Premiers web-docus, Visa pour l'image...
Le premier, en France, qui avait fait parler de ce nouveau format était
LeMonde.fr, avec "Le
corps Incarcéré", sur la vie en prison en France. L'idée : on a
un documentaire de 15 minutes (une durée très longue pour le web), séquencé par
des tags (mots-clés) qui permettent au lecteur-internaute de s'orienter, voire
d'aller directement à la séquence qui l'intéresse.
"Le corps incarcéré"
Cette année, le web-journalisme a fait une incursion remarquée au
festival Visa pour l'image de Perpignan (où "Le corps incarcéré" a été
primé : une forme de consécration, qui le situe donc à la lisière du
reportage et du photojournalisme. Puis au Festival européen Les 4 écrans, qui se tenait la semaine
dernière à Paris, chapeauté par l'agence Capa (dont on imagine bien, comme
beaucoup de sociétés de prod' classiques, qu'elle va chercher à se positionner
sur ce nouveau créneau).
"Prison Valley"
Les premiers web-docus ? L'un des plus attendus pour 2010 en France est
"Prison Valley", un webdoc dans le couloir de la mort. "Prison Valley", co-produit par
Arte.tv et Upian.com, passe au crible l'"industrie carcérale" aux Etats-Unis.
Réalisé par les journalistes David Dufresne et Philippe Brault, ce docu
multimédia nous entraîne dans les couloirs d'un complexe carcéral du Colorado
constitué de 13 prisons, dont Supermax. A la clé, un budget de 200 000 €... et
donc similaire à celui d'un docu télé classique. Un site trailer (ici, donc) et une bande-annonce en présentent déjà un
avant-goût.
On devrait aussi voir arriver un web-doc sur les 25 ans de Tchernobyl,
"Pripyat" (voir le
blog dédié), réalisé par Bruno Masi, ancien journaliste de
Libération, et le photographe Guillaume Herbaut.
Précédents
Comme le rappelle ce
bon papier de L'Express, quelques web-docus ont déjà été tournés.
On peut déjà voir aussi "La
Cité des mortes", une enquête sur la disparition de femmes à
Ciudad Juarez, au Mexique, produit en 2005 (mais pourquoi n'en n'avait-on pas
parlé avant ?) par l'agence Upian.com. Outre le docu en ligne, on peut accéder
à une carte interactive de Ciudad Juarez, des fiches sur les protagonistes... A
signaler aussi, cet autre web-docu du Monde.fr (je suis jalouse de
leur avancée dans ce domaine...), "Voyage
au bout du charbon", d'Abel Ségrétin et du photographe Samuel
Bollendorff (2007), qui porte sur les conditions de travail des gueules noires
dans les mines chinoises.
Outre-Atlantique, je porte votre attention sur" In Shadows", un
web-documentaire qui se penche sur un sujet délicat, les maladies mentales. Un
docu tourné par Chris
Carmichael , ancien étudiant en photojournalisme devenu journaliste
multimédia complet, qui maîtrise les outils de la vidéo, le son et le
web-design. Sur son site, e vous invité à découvrir ses micro-reportages (en
anglais). Dont le dernier en date, In Shadows, qui traite des
maladies mentales, un sujet lourd qui concerne une famille sur cinq aux
Etats-Unis. Le reportage, tourné en Caroline du Nord, montre le supplice des
familles concernées par cette maladie face à un système de santé inadapté.
Un modèle économique ?
Le web-documentaire est, à mon sens, un des formats les plus prometteurs
pour exercer un journalisme haut de gamme sur la Toile, et proposer des sujets
de fond. A l'instar de ce que tente LeMonde.fr, je rêve que l'on puisse
proposer un jour, au sein du groupe de presse où je travaille, des docus
similaires. Pourquoi ne pas imaginer, en éco, un portrait de boîte, de créateur
d'entreprise, ou encore le process d'un produit (de sa fabrication à sa vente)
retracés par ce biais ?
Reste la question qui tue : quel business model derrière ? Comme
le souligne L'Express, les réalisateurs de ces docus d'un nouveau
genre rêvent parfois qu'ils soient ensuite adaptés... pour la télé. Ce qui leur
apporterait une visibilité et une audience plus fortes. Certains docus, comme
"Prison Valley", bénéficient de subventions du CNC comme pour des docus
classiques. C'est un début. Mais ensuite, il faudra forcément greffer
de la pub au début ou à la fin de ces web-docus (comme c'est déjà le
cas pour les vidéos sur Dailymotion ou de Wat.tv). Ou encore les rendre
accessibles selon un modèle payant, à l'unité ou sur abonnement. Mais même pour
des contenus interactifs haut de gamme, il n'est pas sûr que l'internaute, déjà
(trop) habitué à l'info gratuite, accepte de payer...