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mardi 27 mars 2012

Assurance tous-risques (numériques): le secret, déjà un luxe

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Spot publicitaire Axa Assurances / Publicis Conseil

Une immense tâche d'encre noire qui jaillit de l'écran d'ordinateur d'une jeune femme, horrifiée, avant de se transmettre à un homme, une femme, un enfant, et cette voix off non moins menaçante: "Quand votre réputation est salie sur Internet, c'est votre famille entière qui est touchée". Il est diffusé sur TF1, M6 et Canal+ depuis le 21 mars, c'est le premier spot TV qui met en scène le sujet de la e-réputation sur Internet, et le risque de la divulgation d'informations malveillantes pouvant désormais ternir tout un chacun - un risque potentiel qui concerne désormais tout consommateur - internaute.

Toi aussi, protège ta famille "contre les dangers d'Internet"

Le service mis en avant est lui-même sans précédent: la "protection familiale intégrale, une toute nouvelle assurance qui nettoie les informations malveillantes et vous protège également des autres risques d'Internet". C'est l'assureur Axa qui vient de lancer ce service. Une assurance tous-risques en somme: assurance automobile, habitation, antivols, contre les accidents de la vie domestique, et... "contre les dangers d'Internet" (sic). Un état de fait, alors que 17,6 millions de foyers sont connectés à Internet, et donc exposés aux risques inhérents à la vie numérique: atteinte à l'e-réputation, usurpation d'identité, utilisation frauduleuse des moyens de paiements, litiges avec des e-marchands.

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Comme il le détaille sur sa page Web, l'assureur Axa propose donc une assurance qui combine pèle-même protection contre les accidents domestiques, catastrophes naturelles, assistance juridique, et... usurpation d'identité, ou encore "atteinte à la e-réputation". Dans les détails du contrat, il propose même un service de "nettoyage des données malveillantes sur internet", assuré par un prestataire dont le nom n'est pas communiqué. Il faudra tout de même compter la coquette somme de 10,40 euros par mois minimum (et encore, c'est le tarif de lancement).

C'est dire les promesses juteuses - bien plus qu'une quelconque assurance domestique classique - qu'offrent ces nouveaux services d'assistance à nos vie numériques, une double vie virtuelle où l'on s'expose à de plus en plus en plus de risques, alors que l'on y gère une bonne part de notre vie, entre réseaux sociaux, forums, sites de rencontres, voyagistes et autres e-commerçants. L'assureur pousse jusqu'à affirmer dans son communiqué de lancement qu'il veut "faire prendre conscience aux gens que leur vie virtuelle peut détruire leur vie réelle et celle de leurs proches" - CQFD. Argument imparable: si vous faites une connerie sur Internet, votre famille doit elle aussi être protégée.

D'autres assureurs commencent déjà à s'engouffrer dans la brèche. La semaine dernière, l'assureur SwissLife y allait lui aussi de son assurance anti-risques numériques, SwissLife e-réputation (ou "numérisque", comme le soulignait joliment David Abiker dans cette chronique pour L'Express), en proposant pour 9,90 euros par mois un service d'assistance juridique, de nettoyage de "traces" numériques assurée par la start-up Reputation Squad.

Reputation Squad, précisément, était jusqu'à présent connue des seules entreprises, professionnels et autres stars diffamés et à la réputation ternie pas une affaire de "bad buzz" en ligne... ces services sur mesure, jusqu'alors assurés par des avocats et start-ups pointues, existent désormais "pour le grand public, dans la flamme prêt-à-porter", souligne David Abiker, qui laisse entrevoir une autre perspective vertigineuse: demain, pourquoi notre employeur, notre banquier ou notre propriétaire ne pourraient pas nous demander un "certificat de virginité" numérique ?

Le secret, bientôt un luxe (payant)

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La Home de Personal, un outil pour gérer ses données personnelles

Et alors, avec ces premiers services commerciaux qui se tissent autour de notre toujours plus précieuse e-réputation, on en revient à cette question qui m'obsède depuis quelques mois: l'intimité, la vie privée, le secret sont-ils en train de devenir un luxe? Je l'évoquais dans ce billet sur les tendances numériques 2012, et dans cette enquête prospective dans Stratégies, je suis persuadée que, de plus en plus, le secret va devenir un luxe qui va se monnayer. Ce qu'aborde d'ailleurs Hubert Guillaud sur InternetActu. Pas faux, car les start-ups d'aujourd'hui et de demain, telles Google, Facebook et Twitter (qui a déjà vendu nos tweets), nous proposent des services gratuits, tout en sachant qu'elles ont auront une chose à monétiser demain : nos données personnelles.

Des services gratuits, mais dont nous pouvons de moins en moins nous passer. "Google et Facebook sont devenus si dominants qu’il est impossible de les éviter. Les utilisateurs qui choisissent d’éviter Google se trouvent marginalisés et contraints d’utiliser des services disjoints à partir d’une gamme de fournisseurs. Ceux qui choisissent de quitter Facebook (ou n’importe quel réseau social) sont délaissés des réseaux dont les autres profitent", rappelle Hubert Guillaud. Impossible d'abandonner son compte Gmail ouvert il y a 8 ans (et quelques méga-octets d'archives virtuelles) ou son Facebook (où l'on a quelques centaines d'"amis" virtuels) comme on changerait de banque ou de caviste, faute d'alternative...

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