Y a-t-il (déjà) overdose de 3D ?
Par Capucine Cousin le jeudi 9 septembre 2010, 09:58 - R&D, innovations - Lien permanent
Les films en 3D seraient-ils déjà condamnés ? Ou plutôt, n'y aurait-il pas overdose de productions de films exploitant ce nouveau format ? On en parle plus que jamais, à tel point qu'il commence à envahir les écrans télé, potentiellement les joujoux high-tech qui pourraient cartonner en ces fêtes de fin d'année. En tous cas c'est ce qu'espèrent les constructeurs, qui se démènent pour imposer leurs tous jeunes écrans télés 3D, les stars de la dernière édition de l'IFA, le salon de l'électronique de Berlin, qui fermait ses portes mercredi. Comme j'en parle longuement dans cette enquête parue dans ''Mediapart'' (en accès réservé aux abonnés, sorry).
"If you can't make it good, make it 3D"...
La 3D était aussi une des stars du dernier Comic-Con de San Diego (une convention spéciale pour fans de BD), outre-Atlantique. Mais pas tout à fait de la manière attendue: elle semble bien avoir provoqué un début de polémique à Hollywood, relayée lors de ce dernier Comic-Con.
Il y a cette image, qui circule en ce moment sur le Net, un photomontage où l'on voit des lunettes bicolores pour voir en relief, et, au-dessus en flou, ce slogan qui s'affiche: "Votre film n'est vraiment pas bon ? Faites-le en 3D". Une image parodique qui ressemble furieusement à une contre-campagne...
La 3D, pépite pour les studios
Dommage, il y a encore quelques mois, dopé par
l'effet ''Avatar'', Hollywood était persuadé que le spectacle des films en
3D relancerait les entrées en salles, freinées par le home
cinema et le téléchargement. Entre parenthèses, avec un bon sens du
business curieusement, en cette rentrée, James Cameron a ressorti en
salles Avatar 3D
en une sortie de version reloaded, avec "quelques minutes inédites".
Mieux, pour les studios et les exploitants, cette pépite permettait de majorer les prix des tickets d'entrée. Seulement voilà, au Comic Con, plusieurs cinéastes se sont exprimés contre la 3D, demandant le retour du "plat", approuvés par la foule, comme le relatait le ''New York Times''| (traduction ici) , relayé par Télérama la semaine dernière.
Ce sont pourtant des représentants de la fine fleur Hollywood qui ont mené cette fronde anti-3D, raconte le NY Times: J.J. Abrams, auquel on doit 24 Heures chrono et Star Trek, Jon Favreau (Iron Man), Edgar Wright (qui vient de terminer Scott Pilgrim vs. the world, tiré d'une BD).
Prouesse technique
James Cameron a tourné son film dans les règles de l'art avec une véritable caméra à double objectif, après avoir développé avec l'ingénieur Vince Pace une gamme de caméras 3D dernier cri en haute définition, comme le raconte ce passionnant papier paru dans ''Le Figaro''. Une prouesse technique qui rend les images d'Avatar d'autant plus bluffantes (même si on peut ne pas être fan du scenar, ce qui fut mon cas ;), et préfigure le cinéma à grand spectacle de demain. Du même coup, il a consacré - et industrialisé - la 3D au cinéma.
Au vu de son succès, plusieurs studios hollywoodiens ont choisi d'adapter, dans la précipitation, en phase de post-production, leurs films déjà tournés en 2D pour une diffusion en 3D. Erreur fatale : le rendu était loin d'être le même. Exemples: Alice au pays des merveilles de Tim Burton, Le Dernier Maître de l'air de M. Night Shyamalan, et Le Choc des Titans de Louis Leterrier. A la grande fureur de James Cameron, qui a brocardé ce dernier, un film en "2,5D, voire en 1,8D ".
Certains réalisateurs ont d'ailleurs dû lutter contre leurs producteurs pour ne pas se voir imposer la 3D: ce fut le cas de Christopher Nolan, avec son exigeant film fantastique Inception. Il a d'ailleurs exprimé à plusieurs reprises ses réserves pour tourner en 3D relief. Son film en 2D a (pourtant) cartonné en salles.
Passage trop rapide à la TV 3D ?
Du coup, les spectateurs vont-ils accepter d'adopter ce format encore balbutiant sur leur télé ? Le rendu 3D sur les télés est loin d'être parfait, avait un certain nombre d'imperfections. En vrac, comme me le citait @replikart dans un commentaire très détaillé à mon papier publié dans Mediapart, on a "une purge de la colorimétrie, une purge du contraste, une réduction drastique du piqué, un aplatissement des nuances/teintes, des problèmes de profondeur souvent liés à un mauvais ajustement en post-prod', des angles de vision dérisoires que les dalles TN ne font qu'empirer"... Voilà pour les imperfections techniques.
Image Philips
Et sur la question des usages (là, c'est davantage mon rayon ;), alors que le consommateur lambda s'habitue à peine à la haute définition (HD) et au Blue-Ray, n'est-ce pas un peu tôt ? Il y a ce chiffre issu du Japon que l'on m'a cité plusieurs fois à l'IFA ("10% des utilisateurs auraient des problèmes oculaires avec la 3D")... Sans compter les nombreux astigmates, ou personnes ayant des problèmes oculaires plus complexes (une bonne part de la population mine de rien), qui ne peuvent regarder plus de 2 heures d'un programme en 3D sans avoir mal à la tête - ou, carrément, ne peuvent voir l'effet de relief inhérent à la 3D.
Un sacré saut technologique, où en plus le cerveau doit s'habituer à ce mode de vision. Il faudra voir si la 3D est entrée dans les foyers d'ici quelques années. Rendez-vous dans dix ans ;)
Commentaires
La technologie 3D telle qu'on nous la propose aujourd'hui est encore trop jeune.
Au cinéma d'abord, j'ai pu voir le fameux Avatar en 3D, et techniquement, je n'ai vu aucune différence avec un film 3D vu au futuroscope 10 ans plus tôt : des éléments flous en arrière plan ou en avant plan, des animations saccadées...
Niveau télévision, on cherche à nous imposer des lunettes spéciales hors de prix - belle plus value pour les industriels qui ont évidement prix soin de ne pas mettre en place de standard commun.
Au final, les TV 3D qu'on nous propose en ce moment n'apportent rien de bien intéressant (sauf peut être pour les films X...)
Non, la vraie révolution ce sont les écrans 3D ne nécessitant pas de lunettes. Des écrans (ou tout autre appareil) qui permettraient à tous de voir les choses en vraie 3D.
Un peu comme ce qu'essaye de faire la 3DS de Nintendo.
Et pour finir, joli foutage de gueule sur "Hollywood était persuadé que le spectacle des films en 3D relancerait les entrées en salles, freinées par le home cinema et le téléchargement."
HAHA ! Cette même industrie se vante de nombre d'entrées records d'année en années, de chiffres d'affaire records pour les 1ers jours de sortie de ses block-busters, et ils prétendent encore souffrir d'un "ralentissement" à cause du piratage ????
Foutage de gueule magistral.
Mais bon, on va finir par en avoir l'habitude...