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dimanche 29 août 2010

"USA Today", sa réorganisation en "cercles de contenus", ses 130 emplois supprimés...

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L'appli iPad de USA Today - source image

La nouvelle est tombée hier soir: le groupe Gannett a décidé de restructurer un des principaux quotidiens nationaux américains, USA Today, en réorganisant ses services... et en sacrifiant du même coup 130 emplois, soit 9% de ses effectifs (1 500 salariés en tout). Rien que cela. Principal motif évoqué par le groupe de presse ? La nécessité d'amorcer le virage du numérique.

Anticipation sur les nouveaux revenus issus des abonnements via les applis

Le groupe Gannett justifie cette décision radicale par la nécessité de s'adapter à l'ère du numérique. Les lecteurs lisent de plus en plus les journaux sur le Web, mais aussi sur les smartphones, de plus en plus via des applications mobiles dédiées, dans la lignée des applis iPhone, ou encore sur des tablettes - l'iPad, et bientôt sur la myriade de tablettes concurrentes qui devraient être lancées à l'occasion des fêtes de fin d'année. Autant de sources potentielles de recettes par abonnement pour le groupe.

Certes, le journal papier constitue encore l'essentiel des revenus de USA Today. Mais plus pour longtemps, estiment ses dirigeants. "Nous nous concentrerons moins sur le papier et plus sur la production de contenus pour toutes les plateformes (Web, mobile, iPad et autres formats numériques)", précise-t-il dans le document interne que s'est procuré l'agence de presse AP, cité par la journaliste Marie-Catherine Beuth dans ce billet. D'ici fin septembre, le groupe doit d'ailleurs décider s'il rend ou pas son appli iPad payante.

En creux, USA Today souffre aussi d'un effondrement des ventes de son journal papier - d'où la nécessité de trouver de nouvelles formes d'abonnement. Mais aussi de rentrées publicitaires en berne - "il a ainsi vendu 520 pages de publicité au deuxième trimestre contre 602 l'année passée à la même période", d'après AP. D'où cet argument techno/numérique assez rassurant pour faire passer la pilule de 9% (!) de suppressions de postes.

Et en France?

Une problématique qui concerne aussi de très près les groupes de presse français, notamment les quotidiens. Alors que d'après mes informations, un des principaux quotidiens français a vu sa vente en kiosques chuter de 10% depuis le début de l'année...

En tous cas, tous les groupes de presse s'y préparent déjà. Les journalistes sont déjà amenés à écrire ponctuellement pour le site web de leur titre, en plus du journal papier. Cela entre déjà dans la pratique: pour diffuser des scoops, des news inédites, quitte à ce que cela constitue un avant-papier annonçant ce qui sera publié dans leur quotidien (ou leur hebdo, ou mensuel) - une chronologie des médias assez idéale. Ils se doivent d'adapter une "écriture web" adaptée, plus ramassée, et en pratiquant le journalisme de lien avec des liens hypertextes. Est-ce que l'on verra apparaître un jour des articles ou news écrites spécialement pour être diffusées sur les smartphones ou tablettes? Ce n'est pas impossible...

Comment va se concrétiser se passage à l'ère du journalisme bi-média en France ? En presse nationale comme en PQR, certaines rédactions ont commencé à amorcer le mouvement en lançant d'ambitieux plus de formations, pour que les journalistes papiers se familiarisent avec les nouveaux formats propres au web (écriture web, mais aussi vidéos, partage de l'info via des réseaux sociaux...). Comme par exemple le groupe Express-Roularta, qui a lancé il y a quelques mois un plan de formation destiné à l'ensemble de son personnel, avec l'organisme WAN-IFRA (et les journalistes-formateurs Cyrille Frank et Cédric Motte, qui dresse ce bilan de la formation qu'il vient de boucler au sein du Groupe Express).

Cela risque aussi de générer d'importantes réorganisations des rédactions. Pour l'instant, en France, il y a encore une séparation nette entre les rédactions web et papier. Au sien des rédactions web, l'organisation est claquée sur celle du print: les journalistes sont, chacun, chargés de suivre un secteur précis (économie, politique, culture, high-tech...).

Réorganisation autour de "pôles de contenus"

Mais la réorganisation annoncée par USA Today annonce peut-être un mode d'organisation futur: là, les journalistes (bi-média, s'entend) ne seront plus répartis entre 4 départements d'information (actualité, argent, vie pratique et sport). Mais seront dispatchés entre 13 "cercles de contenus" (sic), Votre vie, voyage, actualité brûlante, investigation, national, Washington/économie, international, technologies, environnement/sciences, divertissement, aviation, finances personnelles ou encore automobile). Ces "cercles" produiront des contenus aussi bien pour les supports numériques que le support papier, détaille Marie-Catherine Beuth. Chaque newsroom ainsi créée sera dirigée par un éditeur prochainement recruté, d'après AP.

On notera déjà la novlangue l'évolution sémantique, très en vogue - et incroyablement agaçante : les journalistes deviennent des "producteurs de contenus" destinés à différents "supports" (on ne parle plus de médias).

Le découpage des rubriques à couvrir est lui aussi surprenant, peut-être symptomatique des rubriques qui réalisent le plus d'audience sur les sites web (cela se vérifie en France sur certains sites d'infos généralistes ;): l'entertainment et le côté vie pratique sont privilégiés (cf "Votre vie", "voyage", "divertissement", automobile"...) au détriment de l'actu (on compte 5 rubriques "sérieuses"). On notera au passage l'apparition à USA Today d'éditeurs (sortes de chefs de rubriques 2.0), un nouveau métier qui commence aussi à apparaître dans certaines rédactions web françaises.