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jeudi 26 novembre 2015

Quand Facebook, Google & co deviennent fournisseurs d'accès à internet

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Facebook est-il en train de devenir un fournisseur d'accès à internet (et/ou un opérateurs télécom, au choix) ? L'info, tombée cette semaine, est passée inaperçue en ces temps pour le moins troubles. Et pourtant, loin d'être anecdotique, elle traduit très bien cet idéal un brin messianique, commun à plusieurs des GAFA, et géants de l'industrie tech américaine.

Il y a cette initiative ambitieuse de Facebook, Internet.org, de fournir des services d'accès à internet gratuits aux pays en développement. Elle est maintenant disponible pour l'ensemble des Indiens avec le Free Basics app du réseau Reliance Communication. Reliance Communications est donc accessible à l'ENSEMBLE des Indiens, "1 milliard de personnes sans accès à internet" selon Facebook - sachant que l'Inde compte 1,2 milliard d'habitants! Reliance Communications est ainsi devenu le quatrième plus gros opérateur d'Inde: il comptait déjà 110 millions d'abonnés en juin, raconte Techcrunch.

Concrètement, Free Basics permettra aux Indiens d'accéder - oh surprise - à Facebook et Facebook Messenger (ce service de messagerie instantanée est essentiel, j'y reviens), et une multitude de sites tels que Wikipedia, BBC News, Bing, et des services locaux.

Alors oui, bien sûr, Mark Zuckerberg nous raconte sur la page (Facebook) dédiée, dans un post daté du 23 novembre, cette belle histoire de Ganesh Nimbalkar et son épouse Bharati, "qui subviennent aux besoins de leur famille en cultivant une terre de 5 acres depuis des générations à Maharashtra". Et comment grâce à Free Basics et internet, il a découvert des services tels que AcuWeather, pour mieux gérer la saison de la mousson, qui lui ont (un peu ) changé la vie.

Philanthropie supposée

Mais est-ce là vraiment le rôle de Facebook, à l'origine d'un réseau social devenu mondial, de devenir FAI ? Peut-on vraiment croire en la philanthropie supposée d'une des plus puissantes entreprises tech mondiales ? Ses détracteurs lui reprochent de ne proposer via Internet.org qu'une sélection de services, privilégiant ses partenaires (certains médias, etc), et rompant ainsi allègrement la neutralité du Net.

Qu'une société aussi puissante que Facebook contrôle ainsi des millions de nouveaux utilisateurs d'internet pose question. Free Basics a déjà étendu sa toile, outre l'Inde, à 30 pays à travers l'Afrique, l'Asie du Sud et du sud-est, et l'Amérique Latine. Ce projet, lancé en août 2013, vise tout simplement à élargir l'accès à Internet à 5 milliards de personnes de plus dans le monde. Encore en octobre dernier, Facebook annonçait avec Eutelsat le lancement d'un projet d'accès à internet (carrément) en haut débit par satellite pour l'Afrique, grâce à ses satellites géostationnaires.

D'autant que, en leur proposant un accès internet et, dans les services par défaut, la messagerie instantanée Facebook Messenger, Facebook se substitue à un opérateur. Comme nous l'avons déjà découvert en Europe, FB Messenger permet - ô surprise - de téléphoner gratos, au nez et à la barbe des opérateurs classiques, comme j'en parlais dans cet article..

Qu'est-ce qui motive Mark Zuckerberg ? Comme je l'écrivais en 2013, cette initiative venait à point nommé pour les partenaires industriels de Facebook (Nokia, Samsung, Ericsson, Qualcomm...): les marchés matures étant saturés, les zones pauvres comme l'Afrique, l'Amérique latine et certains pays d'Asie sont des réservoirs de nouveaux clients.

Messianisme des Gafa

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Couv' de The Economist, janvier 2010

Cela répond à un certain idéal messianique à l'américaine pour Facebook. Oui, c'est sûr, les technologies, le Réseau, vont changer la vie des gens, l'humanité. Tout comme Apple a toujours estimé fabriquer des produits qui vont changer la vie des gens (voir cette profession de foi de Tim Cook dans cet extrait de Inside Apple de Adam Lashinsky, "Nous pensons que nous sommes sur Terre pour fabriquer de grands produits. (...) Nous sommes constamment focalisés sur l'innovation. Nous croyons à la simplicité, on à la complexité") , Google prétend rendre le savoir accessible à l'Humanité via son moteur de recherche, et même changer le monde ("Notre ambition est de créer le meilleur des mondes", conclut Eric Schmidt dans The new digital age - coucou Aldous Huxley), Amazon faire des livres des biens de consommation courante...

Messianisme, mégalomanie ? En août 2013, Zuckerberg revendiquait ainsi un certain droit commun à la connexion, déclarant: "Tout ce que Facebook a fait jusqu'à présent est de donner aux gens à travers le monde l'opportunité de se connecter". Certes. Mais Facebook dépasse ainsi allègrement son rôle d'éditeur du plus grand réseau social au monde.

Opérateurs telcos

Il n'est plus le seul à s'improviser opérateur telco mondialiste. Dès 2010, Google annonçait le déploiement de Google Fiber, un service de fibre optique (ultra haut débit donc). Début 2014, il publiait déjà une liste de 34 villes américaines susceptibles d'être raccordées en 2015! En avril 2015, la firme de Mountain View provoquait frontalement les "vieux" opérateurs avec son premier service de téléphonie mobile (s'associant, quand même, à Sprint et T-Mobile US pour l'occasion), Project Fi, accessible uniquement sur invitation. Il permet aux utilisateurs de se connecter au réseau le plus rapide. Proposé 20 dollars par mois, surprise, il n'est utilisable avec un seul smartphone, le Nexus 6, développé... par Google, avec Motorola.

Même Apple envisagerait de se lancer comme opérateur mobile virtuel. Après tout, il dispose déjà d'une carte maîtresse, l'Apple SIM, une carte SIM "universelle", déjà fournie avec l'iPad Air 2 cellulaire aux États-Unis et en Grande-Bretagne (nooon, pas en France, les opérateurs ne le tolèreraient nullement).