Il n'y a pas à dire, Netflix a assuré le show pendant la pandémie, profitant du confinement pour élargir son audience. Logique, les investisseurs attendaient la suite du spectacle avec impatience, à coup de cornets de popcorn - les objectifs de cours parfois démesurés des banques d'investissement, telle Goldman Sachs en fin de semaine dernière. Le géant de la vidéo en ligne ne pouvait se permettre de les décevoir, dans un marché du streaming vidéo en pleine ébullition.
Las, en 24 heures, il a subi un sévère revers à Wall Street, après avoir annoncé hier des résultats trimestriels moins bons qu'attendu. Actuellement, son cours de Bourse chute d'environ 7%, après avoir perdu près de 10% dans les échanges post-clôture hier soir, alors qu'il stagnait les jours précédents.
Pour satisfaire les investisseurs, le groupe aurait dû réitérer l'exploit réalisé en avril avec un nombre record de nouveaux abonnés - qu'il avait engrangés grâce à l'effet confinement, comment avait alors prévenu avec prudence son patron, Redd Hastings, dans sa lettre aux actionnaires. Il avait gagné 15,77 millions de nouveaux abonnés payants durant le premier trimestre, contre 7 millions attendus, pour atteindre, courant avril, 182,9 d'abonnés payants dans le monde.
Certes, le géant du streaming vidéo a annoncé hier une forte croissance de son nombre d'abonnés grâce à l'élargissement de son audience pendant le confinement. Il compte maintenant 193 millions d'abonnés payants dans le monde.
Mais pas assez aux yeux des investisseurs. Netflix a conquis 10,1 millions de nouveaux abonnés payants sur la période d'avril à juin. C'est moins qu'au premier trimestre, mais honorable: les analystes anticipaient "seulement" un gain de 8,2 millions d'abonnés sur la période, et le groupe annonçait un objectif de 7,5 millions.
Pourtant, côté prévisions, le groupe a déjà prévenu: la croissance de son nombre d'abonnés ralentirait au second semestre après un premier semestre exceptionnel, marqué par un gain net de 26 millions d'abonnés payants. ''"En conséquence, nous prévoyons pour le second semestre une croissance moindre que l'année précédente"'', précise la lettre adressée aux actionnaires.
Garder son audience captive
Netflix s'essaie à de nouveaux formats, que ce soient les documentaires qu'il propose en exclu - tel The Last Dance, celui consacré à Michael Jordan, ex-basketteur et icône de la pop culture des 90s, a créé un nouveau précédent, comme j'en ai parlé ici sur BFMTV. Ou avec ses shows de télé-réalité, tels "Too Hot To Handle" et "Floor is Lava" ont diverti ses millions d'abonnés confinés à domicile et/ ou au chômage. La firme de Los Gatos a également sorti plus de trente films depuis mi-mars.Extraction, un film d'action autour d'un trafic de drogue au Bangladesh, a été regardé par 99 millions de foyers en 28 jours.
Reed Hastings l'a toujours dit, son objectif est de garder captifs ses abonnés le plus longtemps possible - comme la télé naguère... «Les abonnés pensaient d'abord à nous comme un endroit pour revoir les shows d'autres chaînes. Puis comme l'endroit pour voir nos contenus originaux. Maintenant, ils viennent pour un vendredi soir au cinéma, avec Netflix proposant les premières des plus grands films au monde», a-t-il déclaré hier.
Nouveaux concurrents
Le problème est que [Netflix|tag:Netflix] est confronté à une nouvelle donne colossale, qui rend les investisseurs encore plus exigeants: il va devoir ferrailler avec de nouveaux concurrents qui disposent - eux aussi - de moyens colossaux sur le marché de la télévision à la demande, comme [Disney+|tag:Disney+] (213 milliards de dollars de capitalisation boursière), [HBO Max|tag:HBO Max], filiale du géant des télécoms AT&T (216 milliards de capitalisation), et la plateforme d'Apple, Apple TV+ (Apple, pour mémoire: 1 670 milliards de dollars de capitalisation).
La concurrence continue de s'intensifier. La plateforme de streaming de NBCUniversal, Peacock, a été lancée cette semaine tandis que Walt Disney semble disposer d'un blockbuster potentiel avec sa comédie musicale ''Hamilton'', qui aurait dopé les téléchargements de son application de streaming Disney+.
Cet environnement n'a pas empêché son cours de Bourse d'enchaîner les records à Wall Street ces dernières semaines. Et de s'inscrire en hausse de près de 63% depuis le début de l'année. De quoi faire tourner la tête des investisseurs: vendredi dernier, son cours de Bourse a gonflé de 8%, parce que la banque Goldman Sachs anticipait une forte croissance des abonnés de Netflix : +12,5 millions sur le deuxième trimestre (à tort, donc). Goldman avait alors renforcé sa notation de l’action de Netflix à "achat" et augmenté son objectif de cours de l’action sur 12 mois de 540 à 670 dollars. Résultat de cette mini-bulle: sa capitalisation est aujourd'hui de 217 milliards de dollars, contre 241 milliards il y a encore une semaine.
Hollywood à l'arrêt
Et pour la suite, Netflix n'est pas non plus totalement immunisé contre les effets négatifs de la pandémie. La production télévisuelle et cinématographique - dont à Hollywood - reste à l'arrêt dans l'ensemble, d'autant que la pandémie semble connaître un regain aux Etats-Unis. Ce qui pourrait perturber ses projets futurs en matière de diffusion.
Netflix a réussi à se préserver jusqu'à présent : au moins 39 programmes originaux doivent être diffusés au cours du troisième trimestre, dont une nouvelle saison de la série ''The Umbrella Academy.'' Mais quid s'il ne peut reprendre ses tournages et post-productions?
Petite consolation pour Netflix, ses rivaux sont logés à la même enseigne. HBO Max a dû être lancé en mai sans son émission exceptionnelle "Friends Reunion Special", qui devait réunir les six héros de la série à succès ''Friends''.