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dimanche 15 novembre 2009

Un reportage du New York Times payé par des internautes

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Cette semaine, le New York Times a publié dans sa rubrique Sciences un article un peu particulier : il retrace l'histoire d'un amas de déchets flottant dans l'océan Pacifique. Mais surtout, il est signé par une pigiste pigiste... "payée par la foule" dans le cadre d'une initiative inédite.

Les frais engagés par la journaliste Lindsey Hoshaw pour réaliser son reportage lui ont été réglés d'avance non pas par le commanditaire de cet article, le NY Times, mais par des centaines de donateurs, via Spot.Us, qui se définit comme "un projet à but non lucratif visant à être pionnier du journalisme payé par la communauté". Sur son site Internet, Spot.Us déclare d'ailleurs vouloir permettre au public "de lancer des enquêtes avec des donations déductibles fiscalement, sur des sujets importants et peut-être négligés (sous-entendu par les rédactions classiques)". A ce jour, le reportage de Lindsey Hoshaw a récolté 6 000 dollars de dons.

Un peu sur le modèle des sites musicaux où les internautes peuvent plébisciter et financer en ligne, et donc permettre aux artistes de se faire produire par des internautes (tels Akamusic.com ou MyMajorCompany), SpotUS propose aux internautes de choisir le sujet d'article (leur story favorite) qui les intéresse le plus, parmi les pitch présentés sur le site, et visiblement postés par des journalistes freelance (équivalent aux journalistes-pigistes ici). Il y a plusieurs tarifs présentés selon le type de reportage prévu (investigation, reportage sur une entreprise). L'internaute qui finance un reportage peut en connaître la progression via le blog du journaliste. C'est donc une sorte de place de marché, où l'internaute peut choisir de financer des sujets de reportages qui l'intéressent, ou qui lui semblent peu traités par les médias.

L'initiative de SpotUS me laisse quelque peu perplexe. Le NY Times surfe ainsi sur la vogue (quelque peu dépassée d'ailleurs) du journalisme participatif (dont je me souviens avoir parlé en 2007). Un site comme Newsassignment.net proposait déjà à sa communauté d'internautes de contribuer à la rédaction d'articles.

Certes, c'est un moyen de financer des reportages aux coûts (déplacements, etc) parfois élevés, surtout pour des journalistes indépendants, qui doivent habituellement avancer les frais avant de les voir (éventuellement) couverts par la rédaction qui publiera leur papier. Qui plus est, cela donne au journaliste le temps d'enquêter en profondeur. Du temps et des moyens, une denrée qui se raréfie d'ailleurs pour les journalistes dans les rédactions.

Le truc étant que le modèle de relation classique entre les rédactions et les journalistes indépendants qu'elles font travailler repose sur une commande, puis une rémunération directe par la rédaction au journaliste. Là, SpotUS se pose en intermédiaire (et prélève une commission ?). Normalement, l'article finalisé est publié sous licence Creative Commons, et donc reexploitable gratuitement par autrui. Là, le NY Times avalise ce modèle en publiant dans ses pages un article commandé et "produit" par SpotUS, et financé par des internautes.

Est-ce que l'on verra un jour ce modèle importé en France ? Où se distinguent déjà des intermédiaires entre rédactions et journalistes indépendants, comme la Nouvelle Agence Centrale de Presse (ACP), qui suscite déjà beaucoup de débats... Et vous, qu'en pensez-vous ?

Mise à jour : Quelques compléments à partir d'infos ben intéressantes que m'ont fait parvenir des internautes (que je remercie :): - Dans la lignée de Spot.US, en France, on trouve le projet Glifpix qui repose sur le même principe. Parmi ses fondateurs, on trouve un ancien rédacteur en chef du Monde, Patrick Jarreau, un transfuge de Mopndadori France, Bertand Paris, Eric Scherer, directeur de la stratégie et des partenariats à l’AFP... - Le photojournaliste Cyril Cavalié (qui vient de publier cet excellent bouquin, dont j'ai parlé ici) m'indique qu'il a eu (et bénéficié de) la même idée : "en début d'année, et le don de quelques internautes des réseaux Facebook, Twitter et Flickr qui connaissaient mon travail, m'avait permis de partir à Washington sans commande pour couvrir l'investiture de Barack Obama".