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lundi 26 février 2018

Une série pour un Big Mac, le Menu Série de McDonald's, nouveau syndrôme du binge watching

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"McDo : Maxi Best of = 1 saison de série TV offerte". Trivial, mais efficace. Depuis quelques jours, le géant du burger low cost propose un plus-produit à priori inattendu, une série télé offerte pour un de ses menus-stars, comme le Maxi Best Of. Un rien provoc', Mac Donald's souligne, dans un de ses spots publicitaires aux faux airs de court-métrage, "Un épisode c'est bien, une saison intégrale c'est quand même mieux".

Jusqu'au 9 mars 2018, tout menu Maxi Best Of, Signature by McDonald's, ou une boîte à partager permet en effet de bénéficier d'une saison intégrale d'une série TV, téléchargeable ou en streaming, grâce à un code de téléchargement Rakuten joint au menu, compatible avec PC, Mac, Android, iOS, certains téléviseurs connectés, et les consoles de jeux vidéos Xbox 360 et One.

Au menu, une cinquantaine de séries TV sont éligibles, telles Preacher, How I Met Your Mother, Empire, Breaking Bad, Better Call Saul... MacDo n'a pas oublié son coeur de cible, les enfants, avec aussi une multitude de séries calibrées pour les moins de 12 ans, comme Le Petit Prince, Boule & Bill, Yakari, Babar.

Big Mac + une série, ue pizza + un match sur Bein Sport

Déjà il y a dix ans, le même McDo proposait des DVD offerts avec ses menus. Les technologies évoluent, le mode de fidélisation par plus-produit complémentaire reste le même. Dans la même veine, me signalait-on sur Twitter, Domino’s Pizza propose quant à lui une pizza... et un accès à la chaîne de sport Bein Sport pour visionner un match de foot pour 20 euros. Votre dîner bon marché avec en plus-produit un contenu télé, une série ou un mach de foot au choix, vive la vente couplée !

Mais au fond, derrière la ruse marketing, cette association n'est guère surprenante - le leader de la restauration low cost épouse ainsi un comportement de consumérisme culturel consacré par Netflix et son système d'abonnement pour visionner des séries en tout-illimité, le binge watching. Je l'abordais il y a bientôt trois ans - déjà ! - dans ce billet, lors de son arrivée explosive en France en septembre 2015, Netflix a servi de révélateur à cette nouvelle forme de boulimie audiovisuelle, où chacun découvrait sa capacité à ingurgiter d'affilée des épisodes de séries, sans attendre la rythme de diffusion hebdomadaire dicté jusque là par les (vieilles) chaînes de télévision. Il est vrai que les pirates du téléchargement illégal, puis du streaming (remember Popcorn Time) avait déjà cré ce type d'addiction (auquel j'ai déjà succombé, je vous rassure ;) chez les internautes - téléspectateurs.

Depuis 2015, insensiblement, on a assisté à une certaine netflixisation de la culture (affreux néologisme j'en conviens), où l'accès à des contenus ou services par abonnement, de manière illimité, s'est banalisé. Avec Spotify bien sûr, iTunes, la catch-up TV, mais aussi le "Netflix du jeu vidéo", Playstation Now, lancé par Sony en octobre dernier, XBox Game Pass, la presse avec son kiosque virtuel sur abonnement ePresse...

Ce comportement irrigue tous les pans de notre économie, au point que notre quotidien est désormais rythmé par ce mode de consommation par abonnement. Abonnez-vous pour votre TGVMax, votre voiture (cela viendra pour la Polestar de Volvo, attendue en 2019), votre PC dématérialisé (ce que propose la start-up Shadow)... A croire que Netflix a ringardisé la propriété. Ou celle-ci deviendra un luxe.

jeudi 16 avril 2015

De Netflix à Spotify, le nouveau consumérisme culturel en "tout-illimité"

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"Tous les épisodes dès maintenant !". "A regarder où et quand vous le souhaitez, seulement sur Netflix". L'argumentaire publicitaire était assuré et un rien arrogant, pour les pleines pages de pub qu'il s'était offertes dans le JDD dimanche dernier. Pour le lancement, le 10 avril, de Daredevil, sa dernière série originale-blockbuster, première série télé de super-héros, adaptation du comic book de Marvel. Sept mois après son lancement en France, Netflix, le trublion américain de l'audiovisuel n'a plus peur de grand-chose. Pas très rentable, pas encore très connu en France... Peu importe, l'essentiel tient dans le choc culturel qu'il a déjà provoqué. C'est lui qui a créé cette nouvelle habitude, le "binge watching", équivalent télévisuel du "binge drinking", où l'on s'abreuve de séries télé.

"Binge watching"

Chacun en a, un jour, fait l'expérience. Même les téléphobes absolus. Qui arguent du fait qu'ils peuvent choisir *leur* série favorite du moment, et la consommer regarder quand ils veulent, sans être soumis au rythme du diktat télévisuel "old school". Car c'est une des autres révolutions culturelles induites par Netflix, et les autres services de vidéo à la demande par abonnement (SVoD) : plus question d'attendre religieusement la diffusion au compte-goutte, chaque semaine, de quelques épisodes de sa série préférée. La faute, pêle-mêle, à ces services de SVoD, évidemment aux divers services de téléchargement (ou visionnage en streaming) parfaitement illégaux, telle l'appli de streaming gratuite Popcorn Time (qui porte bien son nom). Et bien sûr la montée en gamme, ces dernières années, des séries télé, terrain de plus conquis par des grands noms (acteurs et réalisateurs) du cinéma.

Oui, mais Netflix est en train de rendre ces usages mainstream, tout comme la télévision de rattrapage (catch-up TV). Même moi, qui n'ai jamais été fan des séries télé, je me suis parfois surprise à engouffrer plusieurs épisodes à la suite lors de longues soirées, ou lors des classiques crèves et grippes hivernales. Certes, la première série haut de gamme à m'avoir entraînée fut Mad Men (parce que j'entrais à Stratégies, cette série sur les débuts des grandes agences de pub sur l'Avenue Madison avait pour moi une valeur documentaire, mais aussi parce que j'ai adoré son élégance visuelle et d'écriture, comme j'en ai alors parlé ici). Mais ces derniers mois, j'ai dévoré Orange is the new black, Real Humans, Girls, Silicon Valley, Bloodline. Certaines diffusées chez OCS (l'offre de SVoD d'Orange), mais la plupart chez Netflix.

L'ergonomie même du service nous incite à enchaîner allègrement les épisodes : inutile de les télécharger, on peut les lire instantanément, puisque Netflix et consorts passent par notre box ADSL Internet Le premier épisode de la série achevé, le service de SVoD me suggère de lire le suivant, sans publicité qui m'inciterait à m'arrêter. Mieux: sans que je bouge un orteil de mon canapé, au bout de quelques secondes, il le lance automatiquement.

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Vous l'avez reconnu...

Et, tiens donc, Netflix, en nouveau trublion de l'audiovisuel, dicte ses règles. Son modèle : proposer les épisodes de ses nouvelles séries non pas de manière perlée, mais par saisons entières ! Il a révolutionné le secteur de la fiction télé par ce modèle, initié avec sa vénéneuse série politique House of cards. Et les autres chaînes de télé ont suivi ! Canal+, pour qui Netflix est l'ennemi juré, a malgré lui adopté son mode de diffusion : alors qu'il a décroché les droits exclusifs de diffusion de House of cards en France (Netflix France ne la propose donc pas), lors de la sortie de la très attendue saison 3 dans L'Hexagone, il n'a pas eu le choix : il a proposé d'un bloc toute la saison sur son service maison de SVoD, CanalPlay, en même temps que son lancement outre-Atlantique, sur Netflix US?. Les abonnés au Canal+ classique ont, eux, dû attendre quelques semaines pour la découvrir - par épisodes égrenés. Le téléspectateur a désormais la liberté de visionner "ses" séries à son rythme (dont de manière compulsive ;), et non plus au rythme dicté par le diffuseur.

Canal+ avait déjà expérimenté cette nouvelle offre : lors de la sortie des dernières saisons de Mafiosa et ''Engrenages'', ses séries-stars Made in France, , il proposait le même jour l'ensemble des saisons précédentes en VoD. Même la très sage France Télévisions se fait violence : à la veille de la diffusion sur son antenne de la saison 2 de la série britannique Broadchurch, France 2 offrait une séance de rattrapage en rediffusant la première saison de huit épisodes, en une salve, dans la nuit de dimanche 5 à lundi 6 avril, dès 0h05. D’ailleurs, le festival de séries télé Series Mania, qui commence ce weekend au centre Pompidou à Paris, annonce dans son programmes des séances "marathons" de séries, à s’engloutir plusieurs heures d'affilée.

"Uberisation" de la culture

Ce qui est d'autant plus vertigineux est que ce modèle Netflix de consumérisme culturel semble contaminer d'autres secteurs culturels, comme le relatait récemment cet excellent article de GQ. Cela faisait longtemps que je voulais écrire sur cela, parce que je m'aperçois que ce nouveau type d'offres influe directement sur la manière dont je me cultive, je me divertis, dont j'acquiers des biens culturels.

Je m'en aperçois dans mon quotidien : de plus en plus de services me proposent des offres "à la demande" c'est-à-dire non pas à l'unité, mais par un abonnement (souvent mensuel) qui me donne un accès illimité à ces contenus et services. Au nez et à la barbe des acteurs classiques du secteur. Une forme d'"uberisation" de la culture, en somme. Evidemment, cette consommation dématérialisée est devenue possible avec ces nouveaux modes d'abonnement, mais surtout nos nouveaux joujoux, ces smartphones et tablettes que nous avons tout le temps avec nous.

Mon abonnement Netflix (ou OCS, CanalPlay...m'a donc habituée à engloutir des épisodes de séries, plutôt que de les déguster progressivement, épisode par épisode. Mais je m'habitue à ce mode de consommation dans d'autres secteurs : en musique, avec mon abonnement Spotify (ou Deezer, ou Beats Music, service racheté à prix d'or par Apple l'an dernier): qui me permet d'écouter des singles ou l'intégralité d'albums, classiques ou tout juste sortis, de manière illimitée. Je n'achète presque plus de disques physiques: pas grave, j'estime compenser en payant ma place de concert, ou en acquérant l'album physique lorsqu'il me plaît rainent, de préférence sous forme de vinyle (le bel objet que je conserverai - preuve que le vinyle a repris).

Les jeunes stars de la musique ont bien remarqué ce nouveau mode de consommation "à la Netflix". Beyoncé publiait d'un coup sur iTunes, en décembre 2013, l'intégralité des 17 clips de son dernier album fin 2013. Et ce sans promotion préalable ni teasing autour de l'album, intitulé en toute simplicité Beyoncé.

"Netflixisation" du jeu vidéo, du livre, du porno...

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Dans les jeux vidéos, des offres en illimité émergent aussi, telle Playstation Now . Évidemment, l'industrie du X s'est elle aussi engouffrée dans la brèche: à la manière de Netflix, avec PornEverest.com, qui promet "le porno illimité en streaming et téléchargement HD. Vous en avez marre des sites pornos où vous passez plus de temps à chercher des vidéos plutôt que vous faire plaisir ? Porneverest est là ! Grâce à ses filtres, le site vous suggère des films à la chaîne en haute définition correspondants à vos goûts. Vous n'avez plus besoin d'avoir les mains prises et pouvez vous adonner à votre activité favorite", souligne finement le site.

Pour lire la presse aussi, je me suis habituée à ce mode d'abonnement (presque) illimité. Avec un de ces kiosques numériques, tel Le Kiosk, qui me permettent de télécharger et lire sur ma tablette, sur abonnement (en moyenne 10 euros par mois pour 10 magazines), la version numérique des derniers magazines ou quotidiens. Sans possibilité de les annoter, les surligner, les imprimer ou de déchirer des pages. Là encore une expérience devenue immatérielle.

Pas beaucoup de place chez moi pour stocker des livres : de toute façon, les romans sont devenus éphémères, on lit celui qui "fait l'actu" avant de passer à un autre... Des services d'abonnement me permettant de lire sur ma tablette les dernières sorties littéraires apparaissent, telle Kindle Unlimited. Sans compter les services qui répertorient les classiques de la littérature tombés dans le domaine public. Et, de nouveau, les sites pirates.

"Tout-illimité"

Cette culture du "tout-illimité" consacrée en modèle économique débarque même dans les offres de services d'acteurs plus classiques. Tels les opérateurs télécoms. Des offres commencent à proposer des abonnements avec une consommation de datas en illimité. Le 11 novembre dernier, Bouygues Telecom proposait ainsi à ses abonnés "un week-end de datas illimitées". Et "se congratulait sur Twitter, via son PDG Olivier Roussat, du nouveau record de consommation de données (920 gigas !)" que venait d'atteindre un de ses clients, rapporte GQ.

Même dans les transports: la SNCF a lancé en février ses premiers abonnements "illimités", avec le forfait IDTGV Max, qui permet aux utilisateurs de voyager de façon illimitée sur l'ensemble du réseau iDTGV. Une sacrée rupture, alors qu'au fil des années, pour chaque trajet en train, on a pris l'habitude de faire joujou sur Voyages-Sncf.com pour décrocher les trajets les moins chers... Mais le tout-illimité couplé au low-cost à ses limites: l'effervescence passée, des utilisateurs ont rendu leur carte. Découvrant le manque de destinations, puisque le réseau iDTGV ne relie que une cinquantaine de destinations en France.

Et bientôt, les casques de réalité vituelles, tel le Oculus Rift, nous permettront de naviguer sans limites dans un monde virtuel; Sans limites.

jeudi 23 février 2012

Quand les candidats dévoilent leurs playlists

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Comment montrer que l'on est branché, familier avec les technologies, les réseaux sociaux et les nouvelles formes de consommation culturelle, tout en donnant l'impression de livrer - un peu - sa culture musicale ? Barack Obama a inauguré cette nouvelle tendance au début du mois, en dévoilant le 8 février sur son profil Twitter sa playlist musicale sur Spotify. Un coup de pub inespéré au passage, pour la start-up suédoise de streaming musical, qui ne boudait pas son plaisir le jour-même, et se fendait d'un communiqué de presse.

Une playlist d'une trentaine de titres, très... politique, avec un équilibre entre les groupes pour teenagers (No Doubt), indépendants (Arcade Fire, Sugarland), pop-rock 80s (U2, Bruce Springsteen)... Très majoritairement US, pas de world music ou de musique classique. Et une symbolique aussi très politique de certains titres ("Raise Up", "Stand Up", "No nostalgia", "Everyday America", "Home", "My town")...

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En tous cas, les deux principaux candidats français ont tôt fait de reprendre le concept. Après tout, Barack Obama a été à la pointe de la communication politique sur Internet en 2007, autant reprendre ses recettes... Nicolas Sarkozy annonçait ce matin sur son fil Twitter que ses "classiques sur Deezer" (on remarque ici le recours à une boîte française de streaming musical), dévoilés sur sa page Facebook. Au programme, 9 titres, tous français, excepté le classique du rock'n roll "Love Me Tender" d'Elvis Presley. Sinon, du Brassens, Enrico Marcias, Julian Clerc, Aznavour, et - seule femme - Carla Bruni (forcément). Mention spéciale pour les titres très France profonde ("Chanson pour l'Auvergnat", "Les gens du Nord").

Au passage, l’internaute curieux découvrira les goûts cinématographiques du locataire actuel de l'Elysée, qui ne prend guère trop de risques: il est (forcément) fan des films à succès Une séparation, Intouchables, l'oscarisable The Artist, Des hommes et des dieux...

Quant au candidat François Hollande, comme l'a relevé Vincent Glad sur Twitter aujourd'hui, il a été amené à dévoiler sa propre playlist, sollicité par le blog skeudsleblog. Au programme ici, 10 titres, eux aussi presque tous français (à la seule exception du tube "Rolling in the deep" d'Adele - fédérateur et sans risques...). La moyenne d'âge des chanteurs est bien plus jeunes que la playlist précédentes, et on admirera l'effort d'avoir une palette variée, entre classique 80s (Jean Louis Aubert, "Temps à Nouveau"), voire très classique (Léo Ferré, "Jolie Môme"), plus contemporain mainstream (Olivia Ruiz, "Elle panique", Nolwenn Leroy, "Ohwo"), avec forcément une dose de titres engagés (le fameux "Chant des partisans" repris par Les Motivés en 2007, ou émouvants - terriblement bobo ("Pourquoi battait mon cœur" d'Alex Beaupain, issu de la B.O. des Chansons d'amour du très parisien Christophe Honoré).

Une nouvelle arme de com' politique assez habile: rien de tel que des titres ou groupes connus pour fédérer, des internautes-électeurs sensibles à ce côté "je livre mes goûts perso, ce que j'écoute sur mon lecteur MP3". Mais peut-être et surtout le gadget politique absolu, et finalement très secondaire. Affligeant, très léger, simple accessoire séduisant. A prendre donc au second degré...