Un pas de danse est-il brevetable ?

moonwalk

La réponse, à première vue évidente, serait non. Et pourtant... si. C'est le blog de Breeze consacré à la propriété intellectuelle qui a lâché l'info, énorme, la semaine dernière.

En 1993, Michael Jackson, certes artiste talentueux / excentrique / controversé (rayez la mention inutile...), mais surtout homme d'affaires avisé, a breveté "son" pas de danse, le moonwalk. Avec cette définition: ''"A system for engaging shoes with a hitch mans to permit a person standing on a stage surface to lean forwardly beyond his or her center of gravity, comprising:Moonwalk At least one shoe having a heel with a first engagement means, said first engagement means comprising a recess formed in a heel of said shoe covered with a heel slot plane located at a bottom region of said heel, said heel slot plate having a slot formed therein with a relatively wide opening at a leading edge of said heel and a narrower terminal end rearward of said leading edge, said recess being larger in size above said terminal end of said slot than is said terrminal end of said slot; and..."''

brevet MJ

Le truc étant que MJ est loin d'être l'inventeur du moonwalking : comme le rappelle cette simple définition sur Wikipedia, d'autres ont pratiqué avant lui ce pas de danse à reculons, comme James Brown. D'ailleurs, il n'aurait jamais prétendu en être l'inventeur, d'après cette même source.

So ? Ce qui me gêne est que, dans ce cas, MJ (certes sans doute très bien "conseillé") a breveté quelque chose dont il admet ne pas être l'inventeur (alors qu'un brevet protège une invention, et il est déposé en général... par son inventeur). Et quid du principe d'antériorité ?

Poussons le raisonnement un peu plus loin : dans ce cas, est-ce que tout est brevetable ? En France, ce sont les marques, dessins et modèles que l'on protège par un brevet. Pas des oeuvres de l'esprit, des oeuvres d'art, encore moins des gestes et mouvements. Mais comme me le rappelait un confrère, le brevet de MJ relève du droit américain, qui n'a rien à voir avec le nôtre...

Cela nous mène à des questions de fond passionnantes, sur ce qui est brevetable - ou pas. Le débat fait rage outre-Atlantique, et porte sur à peu près tout. On se souvient, ici, des débats sur le brevet logiciel (voir ce dossier que j'y avais consacré en 2004 pour TerraEco - accès payant hélas). Le brevet déposé sur le "paiement en un clic" par Amazon ("one click", un dispositif permettant à l'internaute d'acheter un produit sur le Web grâce à un unique clic de souris) est devenu une légende.

Aujourd'hui, un des champs potentiellement brevetables qui fait débat est celui de l'homéopathie, alors que des labos pharmaceutiques rêvent de s'emparer de recettes ancestrales et de les breveter. Par la biopiraterie, ils s'empareraient ainsi de savoirs ancestraux, qu'ils privatiseraient par le biais de brevets, comme le souligne ce collectif. Je me souviens avoir visité en août 2008 un labo de plantes médicinales mexicain qui lutte contre cela.

Le sujet est passionnant et effrayant : est-ce que tous les pans du savoir, qui relèvent du bien commun, seront un jour privatisables, brevetables ?

Commentaires

1. Le mardi 11 août 2009, 11:51 par Laurent

Pour des raisons évidentes, je ne peux que réagir à cet article !!!!

En réalité, il ne s'agit pas du pas de danse en lui même mais du modèle de chaussure permettant d'effectuer ce pas de danse qui a été breveté (Et oui MJ était tout de même bien conseillé). En effet, une des conditions essentielles de brevetabilité est que l'objet pour lequel est demandée la protection doit être industrialisable et il ne peut s'agir d'une méthode artisanale.

Cela étant, on peut très bien protéger un pas de danse !
Il ne s'agit pas là de déposer un brevet mais de se protéger au titre du droit d'auteur. En effet, la protection au titre du droit d'auteur est très large (et parfois un peu floue, il faut l'avouer !).
Pour faire simple, tout œuvre née de l'esprit de son auteur et reflétant sa personnalité fait l'objet d'un droit inaliénable dit "droit d'auteur". Ainsi, le public identifiera des statues représentant des femmes rondes et bigarrées de couleurs vives à Niki de saint phalle ou une sérigraphie de boite de soupe Campbell's à Andy Warhol.
Dans cet esprit on peut donc à priori considérer le moonwalk comme une œuvre de l'esprit de MJ et qu'à ce titre il bénéficierait d'un droit d'auteur (sauf si quelqu'un venait à prouver une antériorité).

Rectificatif à l'article : les marques dessins et modèles sont des titres de Propriété Industrielle distincts du brevet :

- Un marque est un signe distinctif et peut être illustrative et/ou verbale
- Un dessin et modèle est esthétique et ne peut avoir de caractéristique technique (il peut également faire l'objet d'un droit d'auteur)
- Un brevet concerne une invention technique, industrialisable, nouvelle et inventive

2. Le jeudi 13 août 2009, 12:43 par martin

Rectificatif au rectificatif de laurent ;) :

Ce ne sont pas des chaussures pour faire le moonwalk. Ce sont des chaussures pour que l'utilisateur puissent se pencher au dela de son centre de gravité. Figure que MJ faisait dans ses shows mais à distinguée du moonwalk. (voir la page 3 du brevet pour le croquis - figure 6 : http://www.google.com/patents?id=MA... )

3. Le vendredi 14 août 2009, 17:37 par monbouquet

Un brevet permet de protéger une solution technique à un problème technique.
Par ailleurs, il ne faut pas que cette solution ait été rendue public avant la demande de brevet.

donc non, tout n'est pas brevetable ;)

4. Le dimanche 16 août 2009, 15:13 par greg

Ca laisse un potentiel énorme sur tous les trucs qu'on pourrait breveter ca ! hum...je vais faire ma petite recherche :p

5. Le mardi 18 août 2009, 11:08 par monbouquet

j'avais l'impression d'avoir oublié quelques choses ...

il faut ajouter une petite explication par rapport au brevet.

Dans bien des services de dépôts de brevet (en France notamment), les examinateurs sont payés au nombres de brevets... donc ils leur arrivent souvent de valider des brevets sans trop rechigner à la tache.

C'est pour cela que l'on considère qu'un brevet est solide une fois qu'il a été contesté devant la justice et qu'il a gagné.

La valeur d'un brevet non contesté est bien moindre, si ce n'est nulle dans certains secteurs.

@Greg, pour tes recherches je te conseille http://www.wipo.int/pctdb/en/ qui permet de faire une recherche dans une des principales bases des brevets internationaux.