La pub entre entertainment, brand content et prime à l'innovation
Par Capucine Cousin le mercredi 29 juin 2011, 15:12 - Pub - Lien permanent
Comme évoqué dans mon billet précédent, je me devais de revenir sur le Festival de la Créativité de Cannes (l'équivalent du festival de Cannes du cinéma, en presque aussi glamour ;) grand-messe annuelle du petit milieu des agences de pub qui se tenait à Cannes la semaine dernière. Laquelle tient aussi bien de la compilation de séminaires et tables rondes avec leurs stars (d'Ariana Huffington qui a confirmé le lancement prochain en France du Huffington Post à Robert Redford - sic) que du marché de la pub, networking à la clé. Mais également, une série de prix (les Lions). Cela faisait longtemps que je n'avais pas parlé publicité ici, mais cela permet de donner un coup de sonde sur les tendances publicitaires, aussi bien en termes de créativité que de plan média. Et donc comment celle-ci s'insère de manière inédite dans les media.
M-commerce + tags 2D dans le métro: prime à l'innovation technologique
Cette année, on y a donc vu l'avènement des Microsoft, Google et autres Yahoo! aux côtés des Publicis, Ogilvy et autres agences de pub. Une nouvelle toute-puissance symbolisée par leurs éphémères "plages" personnalisées sur la Croisette. Mais également de la montée en puissance des innovations technologiques dans les plans de communication. Pour preuve, dans la catégorie Media, l’agence Tesco a raflé le Grand Prix grâce à une campagne déployée par l'agence Cheil Worldwide qui proposait aux consommateurs sud-coréens de faire leurs courses en ligne en scannant, avec leurs smartphones via des tags 2D, des affiches semblables à des rayonnages sur les quais de métro. Bien sûr, cela se passe en Corée du Sud, pays ultra-précurseur comme le Japon, où les utilisateurs font tout ou presque avec leur smartphone. Mais ces usages pourraient débarquer, un jour, en France...
Musique, entre pub et entertainment
Cette année fut aussi la consécration de l'advertainement (rappelez-vous, on en parlais pour les jeux vidéos il y a une dizaine d'années... On peut le remplacer aujourd'hui par le mot-valise plus branché "brand content"), ou comment les marques cherchent à produire des contenus de plus en plus éditorialisés - qui restent de la publicité. Ce qui leur permet de glisser de plus en plus vers l'entertainment, à la faveur du développement des médias sociaux et du digital.
Un exemple ? On a vu l'association de plus en plus rapprochée entre la musique et la publicité. Comme avec ce clip d'Arcade Fire, "The wilderness downtown". Visuellement, c'est magnifique, et musicalement envoûtant. En utilisant le navigateur Google Chrome, une fois son adresse postale entrée, l'internaute se rend sur la page dédiée où s'affiche le clip personnalisé. Les fenêtres multiples s'ouvrent et se ferment en rythme avec la musique et (certainement la partie la plus belle de la démonstration), votre navigateur incorpore des images Street View la ville choisie. Ces multiples images de vues aériennes et de paysages urbains apportent une certaine grâce à la ville. Seulement voilà: est-ce un clip ou une pub ?
Autre fait significatif, l'organisatrice de soirées Cathy Guetta (très bonne incarnation de l'avènement de l'industrialisation de la musique par ailleurs) lançait à Cannes, avec Raphaël Aflalo, un ancien du groupe d'achat médias OMG (Omnicom), une structure de conseil dans les contenus musicaux pour les marques, Be my guest, qui a déjà signé avec HP et Renault.
Court-métrage publicitaire
Autre tendance, celle du court-métrage publicitaire, où l'on oublie presque la marque, le produit, au profit des valeurs, d'un univers que cette dernière est censée incarner. C'était le cas avec le pharamineux spot de Nike "Write the Future", diffusé dans une trentaine de pays, d'un budget évalué à 20 millions de dollars, qui a décroché le Grand Prix dans la catégorie-star, celle des Films. Une pub-clip de trois minutes d'inspiration cinématographique, très écrite, et un montage serré, où alternent scènes grandioses de matchs et de liesse dans les stades, les bars, les foyers, avec même une séquence des Simpson. La marque est à peine citée, un simple swoosh clôt la pub.
Lequel Nike diffuse d'ailleurs dans les salles du réseau MK2 une longue publicité-clip de plusieurs minutes autour de l'univers de la glisse et du skate, qui promeut les valeurs qui vont avec - liberté, créativité, absence de craintes... Une pub co-produite par MK2.
Crowdfunding et webdocus pour les ONG
Les ONG s'efforcent quant à elles d'être avant-gardistes. Greenpeace a été primé avec son bateau virtuel en 3D, avec une opération de collecte d'un nouveau type par crowdfunding, en acquérant sur un site dédié (fermé depuis, je vous mets le lien juste par conscience professionnelle ;) des pièces d'un bateau virtuel (dont on pouvant consulter en ligne les plans et une représentation en 3D), en vue de la construction - bien réelle, elle - du futur bateau Rainbow Warrior III.
Mais de manière plus générale, même si des campagnes de ce type n'étaient étonnamment pas présentées à Cannes, plusieurs agences s'essaient au webdocumentaire pour le compte d'ONG clientes, comme j'en parlais dans cette enquête.
Publis d'un nouveau genre
De manière immanente, au vu de divers projets dans les cartons dont j'ai entendu parler la semaine dernière, une nouvelle génération de publis et autres "contenus éditoriaux" devrait voir le jour en presse écrite. Le virage est déjà amorcé. Ce printemps, pour le lancement de la console 3DS de Nintendo, l'agence media avait prévu en presse mag *uniquement* des publis-communiqués en presse mag. Ou la charte graphique était parfois bien peu éloignée des pages d'articles...
Dans un autre genre, on a vu dernièrement Libération aux couleurs de Jean-Paul Gauthier, opération certes sympathique où la rédac était sapée en JPG version papier journal... Et où ledit couturier était presque le seul annonceur. Quelques semaines avant, Libé avait pour seul annonceur Orange. Et encore un pas a été franchi avec la publication, ce 24 juin, du gratuit Direct Matin en format carré, littéralement au format et aux couleurs de la campagne des "forfaits carrés" de SFR ! (seul annonceur dans ce numéro, cela va sans dire). Cela pose de nouvelles questions, autant sur le modèle économique des médias, les nouveaux formats publicitaires que les limites déontologiques. La brèche est ouverte...