Julian Casablancas, du rock à l'icône publicitaire (parfumée)
Par Capucine Cousin le dimanche 21 août 2011, 19:11 - Marketing & conso - Lien permanent
Eh oui, j'ai (lâchement) déserté les pages virtuelles de ce blog durant un mois (un record, en un peu plus de 4 ans d’existence !) pour d'autres activités autrement plus concrètes et essentielles, à la faveur de la trêve estivale. Pour renouer en douceur avec mon clavier, il me fallait un sujet qui reste empreint d'une certaine légèreté estivale (je vous rassure, le prochain billet sera plus charpenté ;). Cette petite actu, qui mêle marketing et actu musicale - et qui concerne un de mes groupes préférés depuis 10 ans, arrivait à point nommé. Dans quelques jours, à la faveur de la rentrée (ça y est, j'ai lâché le mot maudit ;), vous n'y échapperez pas: pub en presse écrite, en affichage, dans les parfumeries, et sur Internet... avec même un clip dédié.
Pour lancer son nouveau jus pour hommes, Decibel (Db), Loris Azzaro s'est en effet offert une égérie de choix, le chanteur des Strokes, Julian Casablancas. Le design du flacon, en forme de micro, est à l'avenant. Rien de tel qu'un leader du revival rock, jeune mais pas trop, pour incarner la rébellion, la liberté etc. , et donc ce parfum censé incarner ces valeurs. Un casting d'autant plus habile que les Strokes, qui viennent de sortir leur 4ème album (le subtil et inégal "Angles"), symbolisent à la perfection le retour en grâce d'un rock sexy, post-punk, avec jeunes mecs en jeans cigarette, perfectos en cuir et cheveux mi-longs. Rappelez-vous, il y a dix ans, l'album "This is it", fesse recouverte d'une main gantée en latex sur la couv', faisait une arrivée fracassante en tête des charts. Et inauguraient le retour en grâce du rock, avec un son léché, que les médias avaient tôt fait d'opposer aux salles gosses des Libertines. Une identité rock reprise par la suite par des groupes (The Klaxons, The Wombats), parfois disparus depuis (the White Stripes).
Loin du parfum au message outrancièrement bling-bling One Million de Paco Rabanne, Azzaro cible donc non plus les minets et play-boys avec cette nouvelle fragrance, mais les djeuns imprégnés de l'esprit rock (ou qui espèrent l'être ;). Outre la campagne publicitaire annuelle, le jus d'Azzaro fera l'objet d'une chanson inédite dédiée, attendue pour début septembre, conçu par Julian Casablancas, d'après ce papier de Paris-Match (où Casablancas semble ne pas trop l'assumer). On sera rarement allés aussi loin en termes de marketing musical...
Mise à jour 04/09 : donc voici la fameuse vidéo, sur les écrans depuis le 1er septembre... Seule la version courte est disponible en ligne, il me semble que spot TV est plus long (30 secondes). Visuellement, le clip est bien ficelé: noir et blanc élégant, on mise sur le côté rock-star iconique de Casablancas, et la musique des Strokes parfaitement identifiable. On l'y voit donc chanter d’abord face à la caméra avant de se jeter dans la foule. A cette occasion, il a composé une nouvelle chanson intitulée I Like the Night.
La conversion de Julian Casablancas, le temps d'une campagne, en égérie d'un parfum, est d'autant plus savoureuse que ce rebelle version papier glacée est le fils du fondateur de l'agence de mannequin Elite. La boucle est bouclée... L'histoire veut qu'il a rencontré les autres membres des Strokes dans un très chic pensionnat en Suisse. Mmmm, pas très rebelle tout ça ;) Sans sombrer dans quelque couplet moralisateur, nul doute que l'appât financier n'est pas étranger ce choix de Julian Casablancas. Même si, certes, les Strokes avaient déjà cédé à plusieurs reprises à l'appât publicitaire, avec la reprise de certains de leurs morceaux dans des campagnes de pub (comme The end has no end reprise dans une pub EDF).
Passage forcé par la case publicité pour les rockers ?
Certes, il y a eu de nombreux précédents, où des chanteurs et starlettes ont cédé à l'appel de marques de luxe, et négocié leur notoriété : Justin Timberlake pour Play de Givenchy, Keith Richards dans une campagne de Vuitton, sans compter des starlettes, telles Rihanna et Jennifer Lopez, qui ont lancé leur propre jus, stratégies de produits dérivés oblige, ou encore Lady Gaga, elle-même devenue une marque, qui a consacré l'industrialisation musicale (voir cette enquête que nous avons publiée dans Stratégies en juillet dernier).
A voir les derniers précédents, parfois surprenants, on se prend à penser que les ventes de disques et les tournées ne suffisent plus aux chanteurs, contraints un jour ou l'autre de passer par la case publicité. Tel Jamie Hince, leader de The Kills (et Mr Kate Moss en voie de peopolisation accélérée), qui posait l'an dernier pour la nouvelle campagne pub automne 2010 de Zadig & Voltaire, ou "dessinent" des lignes de vêtements pour une marque (et leur apportent ainsi leur propre empreinte rock), tels (feue) Amy Winehouse pour la marque (un temps emblème des mods et des punks) Fred Perry, et Pete Doherty, qui a conçu une collection-capsule pour The Kooples pour cet automne...