La résurrection du Photomaton, Polaroid: la photo de la nostalgie à l'ère du numérique
Par Capucine Cousin le mardi 13 mars 2012, 21:49 - Photo - Lien permanent
Le Photomaton, ses photos noir et blanc qui tirent vers le jaune, Polaroid, les photos instantanées avec le fameux liseré blanc... Elles avaient disparu depuis quelques décennies, les photos noir et blanc des années 50 - 60 ressurgissent à l'ère du numérique triomphant, sur Facebook, sur Twitter, sur Instagram. Deux pratiques photos d'un autre temps, à l'ère de l'argentique, qui trouvent paradoxalement une seconde vie grâce au numérique.
Photophones
Simple phénomène de mode vinage? Pas forcément. Paradoxe ou snobisme, mais pas anodin, car ces nouvelles pratiques et cette esthétique vintage se développent avec des smartphones toujours plus perfectionnés, des petites bombes d'innovation technologique... Y compris sur leurs fonctions de photos: on commence à parler pour certains de "photophones", appareils hybrides autant smartphones qu'appareils photos. Au point qu'ils grappillent des parts de marché sur les appareils photo compacts. Il y a 15 jours au Congrès mobile de Barcelone (résumé sommaire des principales tendances par ici), c'était assez frappant en voyant la surenchère photo sur certains joujoux technos: Nokia dévoilait son 808 Pureview, smartphone comportant un appareil photo avec une résolution de de 41 megapixels. HTC dévoilait sa gamme HTC One, qui intègre cinq niveaux de flashs différents, un logiciel de montage photo... Panasonic, sa gamme de photophones Lumix... qui portent le même nom que sa gamme-star d'appareils photos numériques.
Cabines Photomaton & collectifs
Prenez le Photomaton. Avec le passage au numérique, l'entreprise Photomaton, qui en possédait le monopole depuis 1936, avait bien remisé ses cabines, forcément obsolètes. Elles commencent pourtant à ressurgir, lentement. Les jeunes branchés adorent. Un papier de M le Mag l'évoquait la semaine dernière, des collectifs de passionnés commencent à ressusciter des vieilles cabines à Paris. Igor Lenoir et Camille Pachot, créateur de la bien-nommée La Joyeuse de la photographie, ont décidé de rétablir la photo d'identité à l'ancienne, en ouvrant 4 cabines dans des lieux-phares des branchés. Le collectif FotoAutomat a ouvert de vieilles cabines allemandes à la Cinémathèque et au Palais de Tokyo, respectivement haut lieu du cinéma d'antan et d'aujourd'hui, et de l'art le plus moderne - un lien du passé au présent. La nouvelle génération de cabines Photomaton, signées Starck, permettent d'envoyer sa photo sur Facebook.
Le mythique studio Harcourt, prisé des stars, a lui aussi ressuscité sous forme de cabine, installée dans le cinéma MK2 Bibliothèque, et dans certains cinémas Pathé et Gaumont en régions, pour permettre aux amoureux d'immortaliser leurs portraits. So romantic... A l'excellente expo "Tous fichés", dans la cour des Archives nationales à Paris, les visiteurs pouvaient aussi se faire tirer le portrait en Photomaton à l'ancienne, dans une cabinet Photomaton, estampillé "Terroriste", "Fille facile" ou "Poête".
Instagram, le Polaroid numérisé
Ce qu'illustre aussi Instagram, un de ces réseaux sociaux alternatifs aux Facebook et autres Twitter désormais trop maintream. Un réseau social de photo en soi doublé d'une fonctionnalité, qui permet de revêtir de simples photos prises avec son smartphone d'un vernis vinage, avec ce cadre blanc et ces couleurs passées, usées... Là encore, de quoi rendre n'importe quel paysage ou portrait quelconque empreint d'une certaine patine, qui serait presque touchante. Précisément, il surfe sur l'esthétique propre aux photos Polaroid, qui fut une des pratiques photographiques- stars des années 80, où (résumé pour les plus jeunes, qui n'ont pas connu cela ;) on pouvait prendre une photo avec son appareil Polaroid, et la tirer immédiatement sur papier avec ce même appareil).
Mais pourquoi cet engouement pour ces photos aux contours imparfaits, au grain parfois approximatif et au noir et blanc brut? Il y a comme un parfum de nostalgie, dans ces photos au petit goût de madeleine, au même goût un peu suranné que lorsque l'on regarde des anciennes photos de familles, ou des trésors dénichés chez les grand-parents, photos d'anciennes générations à l'ère des premiers appareils argentiques. Peut-être une manière de sacraliser un peu, de rendre intemporels ces clichés, ces traces numériques que l'on laisse sur la Toile, sur les réseaux sociaux.
Avec le numérique, les médias sociaux, tout va vite, toujours plus vite, c'est le triomphe de l'instantanéité, de l'immédiateté (une info ou photo trop "vieille" revêt très vite du statut maudit de "oooold"): on peut partager ses photos, liens et informations en temps réel avec ses contacts, "followers" sur Twitter" ou "amis" sur Facebook", en deux clics sur son smartphone. Alors bien sûr, à l'ère de l'immédiateté obligatoire, sur ces mêmes réseaux sociaux, ces photos patinées permettent de créer une illusion d'intemporel...
Commentaires
hormis la conclusion à coté de la plaque (je fais pas de polaroid par nostalgie, je fuis plutot le coté parfait atteint désormais par le numérique), le reste de l'article est cool.
Je pense qu'il y a une différence entre l'intention photographique lorsque l'on passe par Instagr.am et l'effet produit.
Effectivement on peut parler de nostalgie... mais seulement dans l'effet produit. Peut-être est-ce une manière d'interpréter le présent / passé.
Par ailleurs, dans l'acte lui même, je suis plutôt d'accord avec @Rod, pour moi il s'agit d'un acte de sublimation de la photographie, du réel.