Squid Game, un phénomène audiovisuel, un manifeste, une marque
Par Capucine Cousin le mardi 5 octobre 2021, 11:41 - Culture numérique - Lien permanent
Ce sera le sujet de ma chronik de cette semaine, parce que c'est encore un de ces phénomènes audiovisuels que Netflix a créés - bien malgré lui. C'es une série sud-coréenne, parfois sanglante, parfois gore, qui pourrait devenir le plus gros succès de la plateforme américaine
La série Squid Game est diffusée depuis le 17 septembre sur la plateforme de streaming, et les premiers chiffres et estimations donnent le tournis : n°1 dans 82 pays (§) dans le monde dont la France, d'après FlexPatrol, qui l'affiche dans son Top 10 mondial, plus de 16 milliards de vidéos avec le hashtag #squidgame vues sur TikTok...
Le 27 septembre dernier, le co-président de Netflix, Ted Sarandos, l'a dit lui-même, lors d'une rencontre professionnelle, le Code Conference: Squid Game pourrait bien devenir le plus gros succès de la plateforme de streaming vidéo.
L'histoire: Seong Gi-hun (Lee Jung-jae), un quadra très modeste, chômeur, joueur invétéré, en passe de perdre le droit de garde partagée de sa fille, qui va accepter un étrange marché avec un recruteur croisé dans une gare, après avoir joué à quelques parties de ddakji : participer à un jeu grandeur nature. Il se retrouve dans un lieu isolé avec plus de 400 autres personnes. Une voix provenant d'un haut-parleur leur explique qu'ils devront se battre pour remporter une grosse somme d'argent (soit une cagnotte de 45,6 milliards de wons sud-coréens, environ 33 millions d'euros), en jouant à des jeux d'enfants - en version horrifique.
Si la série de neuf épisodes se déroule dans la Corée du Sud d'aujourd'hui, elle a une dimension dystopique - en mettant en scène une situation irréaliste - et férocement engagée, en mettant en scène des (très) pauvres Coréens tués par une poignée de ploutocrates anonymes;.Dans une tonalité parfois humoristique, avec des personnages attachants, d'une manière qui rappelle le phénomène Parasite - film sud-coréen au succès mondial, Palme d'or à Cannes en 2019 et Oscar du meilleur film en 2020.
Son réalisateur Bong Joon-ho est en outre de la même génération que le créateur de Squid Game, Hwang Dong-hyuck. On retrouve des points communs entre les deux : dénonciation de l'abîme entre riches et pauvres de la société sud-coréenne, en mettant en scène des individus au bord de la misère, et en l'appuyant par des scènes d'horreur sanglante (remember le final de Parasite, une réception chic avec barbecue qui dévie...) ; humour macabre ; idées originales dans la mise en scène ; des sujets qui touchent à la culture sud-coréenne (les jeux d'enfants typiques constituent le fil rouge à Squid Game)... Hwang Dong-hyuck puise dans la culture populaire sud-coréenne pour dresser, en creux, un portrait sombre de la société (de l'humanité ?).
Hwang Dong-hyuk dénonce aussi les rites de la télé-réalité, dans un ton qui rappelle Hunger Games et le film d'horreur Battle Royale de Kinji Fukasaku. Au fil des épisodes se distinguent une poignée de personnages, tous touchants, qui vont faire équipe pour tenter de (sur)vivre aux épreuves "jeux" successifs: autour de Seong Gihun, une jeune Nord-coréenne qui veut rapatrier sa famille, un vieil homme atteint d'un cancer du cerveau, un financier véreux poursuivi par les huissiers, un chef de gang...
La série commence à devenir, dans la vraie vie et sur les réseaux, un phénomène: consacrée par les mèmes et scènes détournées, notamment sur Twitter, et avec des événements éphémères dans la vraie vie: samedi et dimanche derniers, une boutique éphémère Squid Game était ainsi ouverte dans le centre de Paris - j'ai peu y voir une très longue file de jeunes gens, prêts à attendre plusieurs heures pour y entrer...
Côté merchandising, dans sa boutique de produits dérivés en ligne Netflix.shop, ouverte en juin dernier, Netflix commence déjà à proposer des T-shirts et hoodies Squid Game. Qui devient donc une marque.