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mercredi 10 avril 2013

Bisou, féminin pop et post-ado

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Cela faisait longtemps que je n'avais pas fait de petit feuilletage de magazine ici, depuis la mémorable série de sorties de pouffe-mags, dont certains ont dépéri, fusionné (Be et Envy), ou ont plutôt bien persisté (Grazia). Un courant certes rattrapé par des des ousiders bienvenus, comme le prometteur Causette.

Là, déjà le nom, ''Bisou'' : on ne peut pas louper (parfaitement ridicule, casse-gueule, ou avec un certain second degré, au choix), à douter qu'il y ait eu une étude de branding... Et puis, la couv': titre écrit en rose flashy, titres où l'on sent une certaine désinvolture ("Sexe: un homme, une pipe, une question", "10 trucs qu'on portait mieux à 5 ans"), des références claires à l'univers des réseaux sociaux ("Hipsters: Qui sont-ils? Quels sont leurs réseaux?"), et ce dessin, qui préfigure un univers un peu bédéesque...

De fait, c'est le premier magazine féminin lancé par un éditeur de BD, Guy Delcourt. Il y a mis les moyens: tirage initial à 100 000 exemplaires pour ce bimestriel vendu 3,95 euros (un peu cher à première vue), vaste campagne de pub sur les façades de kiosques...

Audacieux. Comment se distinguer des Elle, Grazia et autres Glamour ? Comment être à mi-chemin entre la presse people, la presse féminine (déjà limite saturée), et alors que va débarquer un féminin gratuit, Stylist, ce printemps), et la presse pour ados ? Comment toucher la cible très attrayante (y compris pour les annonceurs) des jeunes femmes de 20 - 30 ans, voire, moins ?...

Au fil des pages, on voit comme l'éditeur s'essaie à un exercice d'équilibriste - parfois de manière limite, mais sans chute fatale, avec légèreté, humour (un peu) trash, et style trèèès djeuns (on en prend un coup de vieux) - où l'on échappe tout de même au style SMS.

Il y a déjà la page d'édito, inscrit dans un énorme cœur rose (sur fond jaune, le tout est un peu kitsch), où, déjà, on prend un petit coup de vieux... "(...) La vingtaine est une période compliquée. Quelle femme va-t-on devenir? Esr-ce que mon mec va me rappeler? Y a-t-il un moyen pour continuer à manger des Kinder Pengui sans prendre 5 kg chaque année?"...

Au fil des pages, la maquette aux couleurs criardes, parfois un peu imprécises, des titres trèèès simples suscite au départ une certaine perplexité.

Mais le mag s'en sort bien en respectant certaines règles obligées de la presse féminine (courrier des lecteurs, shopping, horoscope..) pour mieux les détourner.

Les pages mode d'abord: des fringues originales, une sélection de marques bon marché, et déjà une culture BD - geek qui ressort avec la sélection Comic strip.

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Avec la série de photos "Game of trom" (référence à Game of thrones, série TV de fantasy qui fait référence chez les ados et gamers), réalisée dans le métro parisien, rigolote, bien réalisée, on plonge un peu plus dans la culture geek.

Ensuite, l'interview de Norman (connu des ados pour ses drôles de vidéos tournées dans sa chambre, qui cartonnent sur YouTube - et déjà un bon sens du business ;): là, on commence à doute que le mag cible les jeune femmes de 20-30 ans. Questions posées en novlangue langage djeuns', simplettes ("Alors, il paraît que t'es un mec occupé?", "A moins d'un million de vues, tu pleures?"), avec heureusement une question bieeen acide qui vise l'honorable consoeur Elle ("(...) dans Elle, ils demandent toujours leur secret de beauté aux célébrités. Tu sais, ça permet de citer des produits, et après des marques t'envoient des cadeaux. C'est quoi ton shampoing?"). Même si la maquette (grosse étoile jaune en fond) me pique encore les yeux...

On poursuit ensuite dans des références culturelles imprégnées d'un univers geek et des médias sociaux: "petit précis d'hispterologie", ou de la culture djeuns, avec une interview de Booba, et poster spécial fans inséré (avec au verso un charmant chat - si, si).

Autre incontournable sur lequel le mag s'en sort plutôt bien, la rubrique psycho : Maïa Mazaurette (qui signe notamment dans GQ) signe un papier enlevé sur la nécessité de son confier à autrui - même à son chat ;)

Il massacre allégrement le marronnier de l'horoscope ("à lire à une fille que vous detestez").

Dans la dernière partie du mag, un tiers de la pagination est occupée par des BD. C'est bien sûr là que l'éditeur apporte sa patte, innove, et du même coup prend un risque, pariant que les jeunes lectrices accrocheront aux styles narratifs propres au Neuvième Art... Et ça fonctionne plutôt bien.

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Le mag ose même le roman-photo, version très second degré débridée, et bourrée des références djeun's: intitulé Les histoires ahurissantes de Monsieur Poulpe, il met en scène Bérangère Krief, comédienne révélée l'an dernier par la série "Bref", devenue culte chez les jeunes.

On découvre ainsi des prépublications d'auteurs confirmés, comme Margaux Motin, ou de jeunes bédéistes. Sous des traits différents, des styles différents, des femmes auteures y abordent des thématiques girly, mais souvent bien vues, et avec humour. Il fallait que je vous mette la planche la plus "directe"...

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Premier bilan : plutôt réussi. Reste à voir si le lectorat accrochera : j'ai l'impression que ce mag cible plutôt les ados... Il me rappelle assez Fluide Glamour, le hors-série (plus trash et sexy) BD et féminin qu'avait lancé Fluide Glacial au printemps 2010. Bisou est d'ailleurs piloté par Anaïs Vanel et Guillaume Prieur, deux jeunes journalistes qui y avaient travaillé. r

dimanche 28 février 2010

"Le chemin qui menait vers vous", premier roman-feuilleton pour iPhone

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(Les deux co-auteurs dudit roman... Eh oui, je leur ai fait prendre la pause ;) Crédit photo : C. C.

Un roman diffusé exclusivement sur l'iPhone, sous forme de feuilleton, par épisodes téléchargeables, interactif (donc ouvert aux commentaires), qui plus est écrit à 4 mains : il fallait oser. Dans une période où l'on est en plein bouillonnement créatif, avec de nouveaux contenus, de nouveaux formats qui émergent à l'heure de l'iPhone, des Readers, tablettes (et bientôt l'iPad....) et autres supports nomades, cette initiative ne pouvait pas passer inaperçue.

Il y a certes quelques précédents : des applis iPhone, comme Reader ou Stanza, permettent déjà de télécharger et lire des eBooks sur iPhone. Des start-ups s'essaient aussi au jeu du récit-feuilleton pour iPhone, que ce soit en BD (comme je l'évoquais dans ce billet), ou en diffusant des romans initialement "papier" sur iPhone, comme le propose SmartNovel avec des auteurs tels que Marie Darrieusecq.

William Rejault vient de publier avec Laurent Lattore, "Le chemin qui menait vers vous", un roman-feuilleton, donc, diffusé exclusivement par iPhone, via cette application. La story : un récit d'anticipation, situé en 2017, où la France vis un semi-chaos, alors que Nicolas Sarkozy vient de décéder, et que la pénurie d'essence et d'électricité (et donc de transports, d'Internet...) a contraint les populations à s'adapter. En fait, les co-auteurs ont été démarchés par la start-up Blüpan, un éditeur d'application pour iPhone, qui voulait, du même coup, lancer son appli idoine(et s'offre un joli coup de pub à cette occasion ;). Si William Rejault, initialement blogueur (initialement infirmier, il est auteur du blog Ron l'infirmier), qui vient de rejoindre LeFigaro.fr, a surtout une expérience d'auteur "classique" ("La chambre d'Albert Camus", ed. Privé, "Quel beau métier vous faites", documentaire "Maman est-ce que la chambre te plaît", et un "roman de gare" à paraître en septembre), l'exercice n'était pas pour lui déplaire.

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A la différence des manuscrits classiques, rendus intégralement à l'éditeur avant publication, là, les auteurs écrivent au fur et à mesure. "Nous avons le début et la fin du roman, deux/trois épisodes, et la trame générale. Nous nous retrouvons chaque démanche pour préparer un des épisodes à paraître", m'expliquait cette semaine William Rejault.

Roman-feuilleton pour iPhone... et pour iPad (et plus si affinités...)

La lecture de ce roman-feuilleton particulier (avec au compteur 20 000 téléchargements, d'après les auteurs) est une expérience en soi : pour ma part, j'ai trouvé un peu déstabilisant de lire les chapitres sur le petit écran d'iPhone. Le récit (passionnant et accrocheur, on se laisse facilement prendre par l'histoire) perd un peu en fluidité avec cette lecture hachée induite par le petit format de l'écran. Il faut souvent faire défiler les pages (l'aime bien le bruit de la page "papier" tournée, à chaque page), chaque épisode représentant environ 10 minutes de lecture. Ce qui est passionnant est que cela induit de nouvelles formes de lecture : dans le métro, les transports en commun, durant des temps d'attente...

Une autre des grandes nouveautés : les auteurs revendiquent une écriture interactive ! Dans une véritable logique de crowdsourcing / co-création, ils se nourrissent des commentaires des lecteurs, tant sur le fond que sur la forme. Avec parfois un esprit critique impitoyable, que ce soit pour pointer les erreurs factuelles du roman ou le style (comme sur les "cliffangers", concept issu des séries télé, avec des chutes à suspense de fins d'épisodes censés servir d'accroche pour l'épisode suivant).

De fait, en testant l'appli iPhone, outre les chapitres, une fonctionnalité "Partage" permet de laisser son avis, que l'on envoie par mail vers le site, ou que l'on laisse sur la page Facebook dédiée, ou sur le fil Twitter.

Une autre innovation me semble intéressante : le concept de roman co-écrit à 4 mains, inhabituel dans les romans. Indéniablement, le format d'épisodes interactifs facilite l'exercice. Mais comment empêcher que le style d'un des auteurs n'empiète sur l'autre, et éviter toute guerre des égos (j'ai connu cela moi-même avec un co-auteur potentiel ;) ? "Parfois, le style de William ressort, à d'autres moments; il s'efface derrière nous. Car le principal, pour nous deux, reste de porter le livre, l'histoire. Souvent, l'un écrit un épisode, le deuxième rajoute, réécrit avec ses propres éléments par-dessus", estime Laurent Lattore.

Le business-model est simple : un nouvel épisode est publié en moyenne une fois par semaine sur l'AppStore d'Apple.Les 6 premiers sont gratuits,puis le lecteur paiera 0,79 centime d'euro par pack de 3 épisodes. Avec un total de 30 épisodes, "cela reviendra à 7,90 €au lecteur", précise William Rejault. Le prix d'un livre de poche, l'interactivité et la "portabilité" en plus, pour résumer...

Le vrai enjeu derrière tout cela, bien sûr - les co-auteurs l'avaient en tête dès le début du projet - sera la déclinaison de ce roman-feuilleton sur d'autres supports mobiles. Avec au premier chef, bien sûr, la tablette iPad d'Apple (sur laquelle les applications iPhone sont parfaitement compatibles). Parce que le format, plus grand, se prête davantage à la lecture numérique. Et du coup, la mise en page va gagner en esthétique : ils prévoient déjà d'insérer des illustrations, des photos, pour la version iPad de leur roman.

Autre aspect, qui est loin d'être accessoire : "c'est notamment la technologie qui nous a permis d'être publiés",estiment les deux auteurs. En clair, ces nouveaux supports, émancipés des circuits classiques des maisons d'édition, pourraient constituer un nouveau circuit pour des auteurs d'un nouveau genre.

Màj : merci à Owni, ElectronLibre, et Lsdi (Italie) pour les reprises :)

dimanche 31 janvier 2010

BD numériques lisibles sur iPhone (et bientôt sur iPad) à Angoulême

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Le Festival de Bande dessinée d'Angoulême se déroule cette année dans un contexte particulier : comme j'en parlais déjà l'an dernier dans ce billet et celui-ci, quelques start-ups commencent à s'associer des maisons d'édition pour lancer des "BD numériques", dont les planches sont lisibles sur ordinateur, voire sur iPhone via une application dédiée.

L'innovation étant que, bientôt, ces "BD numériques" seront lisibles sur de nouveaux supports nomades : les Readers, mais aussi... l'iPad, la tablette numérique d'Apple tant attendue, annoncée cette semaine. Elle sera compatible avec le format ePub (le standard pour les livres numériques), et acceptera les applis iPhone.

Or, les éditeurs BD, comme Aquafadas, Manolosanctis, Tekneo (avec Nomadbook)... rivalisent d'idées innovantes pour valoriser leurs récits sur ces nouveaux supports. Et prendre le virage du numérique, en mêlant différents formats. Je les ai passés en revue dans ce diapo en images, que j'ai publié cette semaine. Plusieurs misent sur l'audio, qui leur permet d'accompagner de commentaires des auteurs certaines planches de leurs BD. Les internautes peuvent parfois laisser des commentaires écrits à certaines BD.

Certains, comme Manolosanctis ou Sandawe, proposent carrément aux internautes de sélectionner leurs BD favorites, celles qui sont plébiscitées étant publiées, voire co-financées par des internautes, selon le principe du crowdraising, déjà appliqué chez Mymajorcompany ou Peopleforcinema.

Clairement, les plateformes numériques ont essaimé sur la Toile : BD Touch, Digibidi.com, Relay.com, Lekiosque.fr, Mediatoon, MobiLire... Il leur restera à trouver leur business model, et les services ++ qui leur permettront de se distinguer.

dimanche 8 novembre 2009

Maison d'édition de BD communautaire

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Dans la lignée de l'affluence de blogs BD existant en France, la maison d'édition Manolosanctis a (enfin) eu l'idée de se lancer sur le mode Web communautaire.

Le concept : de la même manière que des sites comme MyMajorCompany pour la musique et Touscoprod pour le cinéma, les internautes inscrits peuvent s'improviser critiques de BD, suite à quoi les jeunes auteurs remarqués par cette communauté d'internautes-critiques auront peut-être la chance d'être publiés. Tous les mois, des albums parmi les plus populaires du site sont choisis par le comité de sélection pour être édités en version papier. Ouvert à tous (dessinateurs, amateurs ou professionnels), le site est aussi un bon moyen pour l'auteur d'apprécier la qualité de son œuvre : en publiant quelques planches, il pourra observer les premiers retours du public. Actuellement en version beta, Manolosanctis affiche environ 150 albums d'un niveau professionnel, sans qu'aucune sélection soit effectuée avant leur mise en ligne.

Bonne initiative, qui esquisse un nouveau modèle économique dans la publication culturelle, dans la lignée de ces diverses tentatives d'édition/publication réalisées avec des soutiens individuels, en contournant les majors du secteur...

dimanche 5 juillet 2009

Des BD sur un mobile

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J'aime bien cette initiative innovante d'Ave!Comics, qui propose aux fans de BD de les adapter pour qu'ils les lisent... sur leur téléphone mobile ou leur ordinateur. Le service est proposé pour les principales marques de mobiles (iPhone, iPod Touch, HTC, Blackberry, Nokia, Sony Ericsson). On peut y lire les BD, et zoomer si on le souhaite sur les images. La solution a été développée avec la start-up Aquafadas, initialement un éditeur de logiciels sur Mac. A la clé : la lecture digitale de la BD, et surtout,une plateforme de vente et de téléchargement de BD : la BD devient un nouveau contenu, qui s'ajoute aux textes, musiques, vidéos... Le business moddel est imparable : Aquafadas pourra faire payer aux éditeurs de BDs la prestation technique (l’”encodage” !) de conversion au format numérique.

Pour éviter une lecture de BD case par case, et donc trop fragmentée,Ave!Comics propose un lecteur qui permet de voir plusieurs cases de BD d'un coup d'oeil, et de zoomer sur certaines. Mais cette déclinaison est visiblement disponible seulement pour l'ordinateur.

Du coup, je me demande ce que donne la lecture sur son mobile, où il faut lire la BD case par case pour que l'affichage soit assez grand. Il faudra que l'oeil s'habitue à ce mode de lecture particulier : sur le papier, on passe rapidement de case en case sur une page. Je ne sais pas si, avec ce mode de lecture sur mobile, le lecteur si laissera aussi facilement porter par le fil de l'histoire ? A vrai dire, est-ce que tout les formats sont déclinables sur mobiles ? Aquafadas a trouvé la parade: une technologie pour transformer une BD papier en film d’animation que l’on regarde sur son mobile. J'ai testé, en téléchargeant le dernier 'Lucky Luke,' et il vrai que le passage au mobile n’enlève rien (ou presque...) par rapport au papier, grâce à la scénarisation de l’album.

En tous cas, pour assurer son lancement, Ave!Comics a noué un partenariat avec l'éditeur Les Humanoïdes associés pour distribuer vingt de ces séries phares depuis l'application d'Aquafadas sur téléphones portables, notamment la saga SF de Moebius, L'Incal. Par ailleurs, avec les éditions Dargaud, ils ont sorti une version numérique du dernier Lucky Luke, en vente à 4,99 € sur iTunes.