Par Capucine Cousin le mercredi 14 octobre 2009, 22:52 - R&D, innovations
Etonnant : ce ne sont pas Livres hebdo ou Télérama qui en parlaient le plus
aujourd'hui, mais la presse économique, qui consacrait des pleines pages à
l'ouverture du Salon du livre de Francfort. Car l'édition est en plein
bouleversement. Contrairement à ce que l'on croit souvent, le business demeure
prolifique (avec une hausse des ventes de 4,2% fin septembre d'après l'institut
GfK).
Mais... il est en pleine révolution technologique, qui débarquera
peut-être (tout est dans ce 'peut-être') dans les usages demain. Le
livre du futur pourrait être dématérialisé, numérique, en se
présentant sous la forme d'une simple tablette. Sony, un des géants mondiaux de
l'électronique, dévoilait il y a un an son Reader, un lecteur
électronique qui permet de télécharger et lire divers ouvrages. L'Américain
Amazon, lui ,va lancer en France son Kindle, le 19 octobre. Le
petit poucet français (je sais, l'image est cliché...) Booken, quant à
lui, a dévoilé
aujourd'hui son nouveau Cybook Opus. Pour en savoir plus
sur ce dernier, patience, je vous livrerai une interview vidéo ces prochains
jours... Il y en a d'autres, comme l'iRexEt d'autres constructeurs se
préparent : Samsung plancherait sur son propre 'Reader', Apple pourrait y
venir en embuscade (les blogs en frémissent déjà), et il y en a sûrement
d'autres...
Bataille des contenus
Pour les contenus, on le sait, la bataille (électronique) est engagée :
Google s'est lancé, à marche forcée, parfois au grand dam des acteurs
classiques du secteur : je me souviens d'interviews
mémorables de Jacques Attali et de Jean-Noël Jeanneney à ce sujet en 2003.
Kindle a déjà sa propre "bibliothèque virtuelle", et d'autres, comme Sony,
nouent déjà des partenariats avec des éditeurs, qui ont trop peur de rester en
reste sur cette bataille naissante. Les Echos d'aujourd'hui aborde
d'ailleurs cette préparation des éditeurs dans un long papier, qui pose de
nombreuses questions : quel modèle économique ? Le prix de la
création éditoriale risque-t-il de chuter, si elle est numérisée ? Est-ce
que cela va donner le coup d'envoi massif de l'autoédition, autre
micro-business prometteur (auquel j'avais consacré ce
papier pour ZDNet) ?... De nombreuses craintes surgissent
déjà : la quasi-hégémonie de Google et d'Amazon (lequel commercialise ces
nouveautés en format numérique à 9,99$, d'après Les Echos) pourrait
aboutir à un commerce d'e-books en low-cost. Les éditeurs français ont refusé
de traiter avec eux pour maîtriser leur prix de vente, mais jusque
quand ?
Mainstream ou pour early adopters ?
Surtout, la question est de savoir si cela sera adopté par le grand public,
et quand ? 3% des livres se vendraient en édition numérique aux US (en
volume). Mais...Le Reader de Sony, en un an, ne s'est écoulé qu'à 10 000
exemplaires. Chiffre à pondérer, certes, alors que le Reader V2 attendu pour
cet automne, que j'ai testé, est déjà très amélioré, avec une interface
tactile... La prochaine version pourrait même être wifi.
Pour ces Readers, vendus en moyenne 200 $, on ne compte en France que 0,1%
des livres vendus en format e-book. Alors certes, cela pourra décoller au gré
de l'élargissement de l'offre de livres à télécharger, voire à d'autre
contenus, y compris adaptés à l'univers professionnel : pourquoi pas des
abonnements à des journaux en version électronique (Les Echos a testé
cela,même s'il ne semble pas avoir tt-à-fait abandonné, ce que j'écrivais alors
là,
tout comme, naguère, Orange). Autre contenu intéressant, les nombreux livres et
articles déjà disponibles sous le format Scribd. Parailleurs, certains lisent les formats
Word et PDF.
Autre point qui joue en leur faveur, je crois que l'énorme popularité de
l'iPhone habitue les utilisateurs à lire sur ce genre de supports :
smartphones, bientôt tablettes, et donc readers. Des start-ups y testent
d'ailleurs des livres téléchargeables, comme la BD, ou des romans-feuilletons,
ce que propose la start-up SmartNovel (voir interview et démo vidéo
par là).
Autre question de fond, sur les usages, mais aussi sous un angle plus
historique, on peut espérer qu'avec le numérique, chaque livre aura sa chance.
Dans un monde idéal, chaque livre pourra être publié sous format numérique.
Voire, l'auteur pourra s'autopublier en mettant lui-me^me en ligne son ouvrage,
et n'ayant plus besoin d'un intermédiaire (donc d'un éditeur). La bibliothèque
numérique, accessible à tout endroit de la planète et 24 heures sur 24, en ce
sens, est une "utopie séduisante", écrivait récemment
Télérama.
Mais gardera-t-on l'usage de l'archivage à l'ère du numérique ?
Saura-t-on faire le tri dans ce qui est archivable ? Le numérique pousse à
tout archiver, de manière disparate, sans faire le tri, ce que souligne
Emmanuel Hoog, PDG de l'INA, dans un essai sur le sujet, "Mémoire année
zéro" (Seuil).