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mardi 29 décembre 2009

Les e-books et leurs menaces (potentielles) pour la vie privée

ebook

Les e-books pourraient-ils potentiellement porter atteinte à la vie privée de leurs utilisateurs? Car ces livres électroniques peuvent être chargés en contenus via diverses librairies en ligne, comme je l'évoquais dans ce billet. Problème : cela permettrait aux éditeurs de suivre littéralement à la trace les goûts de leurs lecteurs, puisqu'ils peuvent suivre quels ouvrages sont téléchargés, et même quel temps de lecture y est consacré.

MP3, e-books, DRM : même débat

C'est l’Electronic Frontier Foundation (EFF, ONG qui protège la liberté d'expression sur Internet) qui a tiré la sonnette d'alarme il y a quelques jours, en publiant un tableau très instructif, signalé et traduit par PC INpact, récapitulant à quelles informations peuvent accéder les constructeurs et éditeurs selon les différents lecteurs numériques disponibles sur le marché.

De fait, comme le pointe l'EFF, le livre numérique soulève des questions nouvelles, finalement assez proches de celles soulevées par le format MP3 à ses débuts - en termes de protection des données personnelles, de propriété intellectuelle, de droits d'auteurs, de partage de biens communs... "Les livres numériques commencent à transformer notre manière d’acheter et lire les livres de la même façon que les mp3 ont modifié la façon dont nous achetons et écoutons de la musique", constate l'EFF. Mais "la technologie présente de nouvelles et significatives menaces pour la vie privée".

L’EFF montre d'ailleurs les liens étroits qui lient les e-readers et les plateformes de contenus (soit les librairies en ligne telles que Google Books) pour les tenir informées des habitudes des utilisateurs, du circuit commercial, de leur localisation... Ne faut-il pas y voir une manière potentiellement dangereuse de cerner l’environnement culturel d’une personne, à un degré jamais atteint jusqu'à présent ?

Et dénonce le manque de transparence dans l’utilisation de ces données. Premier visé : le moteur de Google Book, qui enregistre chacune de vos recherches, les pages lues, combien de temps vous êtes restés sur tel document, les documents que vous lus par la suite… des données accompagnées de l’adresse IP. Un nouvel outil de suivi de l'internaute à la trace inespéré pour Google, en somme.

Amazon est aussi pointé avec son Kindle, qui repose sur un régime de licences couplées à des DRM. Ces DRM sont utilisées par Amazon pour empêcher de lire sur d'autres terminaux les livres électroniques conçus pour son Kindle. Mais elles lui permettent aussi de suivre au plus près les usages de ses lecteurs...

Mise à jour du 31décembre : j'ai consacré un article à ce thème, dans la lignée de ce billet, publié sur L'Express.fr : à consulter , avec un article complémentaire sur les eBooks au banc d'essai.

mercredi 14 octobre 2009

Livres numériques et Readers : bientôt mainstream ou réservés aux early adopters ?

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Etonnant : ce ne sont pas Livres hebdo ou Télérama qui en parlaient le plus aujourd'hui, mais la presse économique, qui consacrait des pleines pages à l'ouverture du Salon du livre de Francfort. Car l'édition est en plein bouleversement. Contrairement à ce que l'on croit souvent, le business demeure prolifique (avec une hausse des ventes de 4,2% fin septembre d'après l'institut GfK).

Mais... il est en pleine révolution technologique, qui débarquera peut-être (tout est dans ce 'peut-être') dans les usages demain. Le livre du futur pourrait être dématérialisé, numérique, en se présentant sous la forme d'une simple tablette. Sony, un des géants mondiaux de l'électronique, dévoilait il y a un an son Reader, un lecteur électronique qui permet de télécharger et lire divers ouvrages. L'Américain Amazon, lui ,va lancer en France son Kindle, le 19 octobre. Le petit poucet français (je sais, l'image est cliché...) Booken, quant à lui, a dévoilé aujourd'hui son nouveau Cybook Opus. Pour en savoir plus sur ce dernier, patience, je vous livrerai une interview vidéo ces prochains jours... Il y en a d'autres, comme l'iRexEt d'autres constructeurs se préparent : Samsung plancherait sur son propre 'Reader', Apple pourrait y venir en embuscade (les blogs en frémissent déjà), et il y en a sûrement d'autres...

Bataille des contenus

Pour les contenus, on le sait, la bataille (électronique) est engagée : Google s'est lancé, à marche forcée, parfois au grand dam des acteurs classiques du secteur : je me souviens d'interviews mémorables de Jacques Attali et de Jean-Noël Jeanneney à ce sujet en 2003. Kindle a déjà sa propre "bibliothèque virtuelle", et d'autres, comme Sony, nouent déjà des partenariats avec des éditeurs, qui ont trop peur de rester en reste sur cette bataille naissante. Les Echos d'aujourd'hui aborde d'ailleurs cette préparation des éditeurs dans un long papier, qui pose de nombreuses questions : quel modèle économique ? Le prix de la création éditoriale risque-t-il de chuter, si elle est numérisée ? Est-ce que cela va donner le coup d'envoi massif de l'autoédition, autre micro-business prometteur (auquel j'avais consacré ce papier pour ZDNet) ?... De nombreuses craintes surgissent déjà : la quasi-hégémonie de Google et d'Amazon (lequel commercialise ces nouveautés en format numérique à 9,99$, d'après Les Echos) pourrait aboutir à un commerce d'e-books en low-cost. Les éditeurs français ont refusé de traiter avec eux pour maîtriser leur prix de vente, mais jusque quand ?

Mainstream ou pour early adopters ?

Surtout, la question est de savoir si cela sera adopté par le grand public, et quand ? 3% des livres se vendraient en édition numérique aux US (en volume). Mais...Le Reader de Sony, en un an, ne s'est écoulé qu'à 10 000 exemplaires. Chiffre à pondérer, certes, alors que le Reader V2 attendu pour cet automne, que j'ai testé, est déjà très amélioré, avec une interface tactile... La prochaine version pourrait même être wifi.

Pour ces Readers, vendus en moyenne 200 $, on ne compte en France que 0,1% des livres vendus en format e-book. Alors certes, cela pourra décoller au gré de l'élargissement de l'offre de livres à télécharger, voire à d'autre contenus, y compris adaptés à l'univers professionnel : pourquoi pas des abonnements à des journaux en version électronique (Les Echos a testé cela,même s'il ne semble pas avoir tt-à-fait abandonné, ce que j'écrivais alors , tout comme, naguère, Orange). Autre contenu intéressant, les nombreux livres et articles déjà disponibles sous le format Scribd. Parailleurs, certains lisent les formats Word et PDF.

Autre point qui joue en leur faveur, je crois que l'énorme popularité de l'iPhone habitue les utilisateurs à lire sur ce genre de supports : smartphones, bientôt tablettes, et donc readers. Des start-ups y testent d'ailleurs des livres téléchargeables, comme la BD, ou des romans-feuilletons, ce que propose la start-up SmartNovel (voir interview et démo vidéo par là).

Autre question de fond, sur les usages, mais aussi sous un angle plus historique, on peut espérer qu'avec le numérique, chaque livre aura sa chance. Dans un monde idéal, chaque livre pourra être publié sous format numérique. Voire, l'auteur pourra s'autopublier en mettant lui-me^me en ligne son ouvrage, et n'ayant plus besoin d'un intermédiaire (donc d'un éditeur). La bibliothèque numérique, accessible à tout endroit de la planète et 24 heures sur 24, en ce sens, est une "utopie séduisante", écrivait récemment Télérama.

Mais gardera-t-on l'usage de l'archivage à l'ère du numérique ? Saura-t-on faire le tri dans ce qui est archivable ? Le numérique pousse à tout archiver, de manière disparate, sans faire le tri, ce que souligne Emmanuel Hoog, PDG de l'INA, dans un essai sur le sujet, "Mémoire année zéro" (Seuil).