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dimanche 31 janvier 2010

Phonographe, 78 tours, 45 tours, cassette, CD, MP3... 100 ans de musique enregistrée

Cette semaine se clôturait à Cannes la 44ème édition du Midem, rencontre annuelle des professionnels de la musique et du disque. Rencontre professionnelle qui permet toujours de prendre le pouls d'un secteur économique - et de l'état de la création artistique qui en émane.Si, sur le second plan, la créativité des artistes n'a jamais donné lieu à autant de nouveaux-nés sur la scène musicale, sur le premier plan, clairement, l'industrie musicale ne se porte pas très bien. A voir, par exemple, les constats mitigés chez ElectronLibre et Slate.fr.

Le contexte est d'autant plus particulier que, on en a peu parlé, mais la musique enregistrée est centenaire ! Un siècle que se sont succédés différents supports : le phonographe de Thomas Edison en 1877, le gramophone à 78 tours par minute de l'Allemand Emile Berliner en 1887, le disque vinyle à microsillon à 331/3 tours par minute de Columbia en 1948, le vinyle à... 45 tours/minutes de RCA-Victor la me^me année (première guerre des formats !), la cassette audio dans les années 70, le premier CD (compact-disc) en 1982...

Des standards, des formats qui se succèdent, avec toujours les mêmes problématiques : comment trouver un support physique qui restitue le plus fidèlement possible le son initial, et soit le moins possible altéré par le temps ? Se succèdent aussi constamment la guerre des formats, les crises, la concentration des firmes musicales...

Mais dans les années 2000, une mutation de taille est apparue : Internet. Et l'émergence du format MP3. Pour la première fois, la musique a un support dématérialisé, abstrait. Lequel support - autre bouleversement - n'est pas un format initié et contrôlé par l'industrie phonographique. Les formats de fichiers numériques musicaux reproductibles permettent à tout un chacun de faire circuler sa musique, voire de s'autoproduire (avec les ordinateurs "multimédia" qui apparaissent alors), sans passer par le maillon traditionnel des maisons de disques.

Une problématique très bien résumée dans le livre d'Emmanuel Torregano (''Vive la crise du disque !'', ed. Les carnets de l'info, 21 € - que j'ai chroniqué pour L'Expansion.com) : les acteurs de la musique ont eu beaucoup de mal à prendre le virage du numérique. Après des années 90 florissantes, où les revenus avaient été multipliés par quatre !

Avec des indices significatifs : en 2001, l'Allemagne, les Etats-Unis et l'Angleterre étaient déjà en pleine crise du disque, les ventes plongeaient. Côté français, les ventes étaient soutenues par... les premières éditions de la Star Ac' et Pop Star, révèle Pascal Nègre, patron d'Universal France.

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D'où leurs tentatives de démultiplier les sources de revenus : plateformes de téléchargement, quitte à prendre des parts dans des sociétés de l'Internet, artistes parfois outrageusement porte-marques publicitaires, tournées aussi rentables que possible, voire concerts privés, plus-produits pour fans... Quitte à tenter de ressortir des supports vintage, comme le classique disque vinyle, que l'on vendra plus cher à un public averti (voir mon billet sur le sujet).

So, et maintenant ? La mission Zelnik a suggéré des pistes, diversement accueillies. Quelles pistes pour demain ? L'abonnement à une offre illimitée est souvent évoquée dans les discours qu’Emmanuel Torregano a retranscrits. Alors que la piste d'une "carte jeune" à 50 €, évoquée dans la mission Zelnik, fait son chemin.

Une chose set sûre : les artistes ne pourront plus penser la chronologie de leur production au rythme albums / tournées / compilations (so 80's...), mais autour de nouveaux modèles : coupler la vente sous deux formats différents (la vente de fichiers MP3 + CD; ou disques vinyles 'à haute valeur ajoutée' +MP3), la diffusion gratuite sur une plateforme payée par la publicité, des systèmes d'abonnements, les concerts (plus encore qu'avant)...

lundi 9 novembre 2009

Le retour du disque vinyle : la musique (re)matérialisée, le culte de l'objet collector et vintage

Ça a été une redécouverte. Le son légèrement irrégulier, en même temps profond, avec parfois des grésillements. Et mettre la musique, qui s'apparente à un petit cérémonial : sortir l'objet de sa pochette, en le faisant glisser délicatement, le poser sur la platine, appuyer sur 'Play', puis déposer progressivement le bras sur sa surface, pour que le diamant du lecteur l'effleure juste... Ensuite, musica.

Peut-être un petit snobisme de mélomanes, de nostalgiques d'une autre période, une envie de retour à la musique matérielle, qui se concrétise par un objet que l'on manipule : il s'agit donc bien du disque vinyle, donné pour mort dans les années 80, lors de l'arrivée en force du CD ('compact disc', disaient alors les pubs, mais qui effectue un joli retour en force depuis quelques années. Pour ma part, trentenaire mélomane, aux goûts musicaux qui se confirment avec les années, je viens de me faire offrir une platine vinyle. Mon père était trop content de pouvoir la choisir de manière avertie. Eh oui :)

La "faute" aux DJs, dans un premier temps, qui ont ressorti de classiques vinyles 33 tours et 45 tours pour effectuer de savants mixages.. Chacun ayant sa propre collection de vinyles, qu'ils ont donc remis au goût du jour... Y compris au sein d'une tranche de mélomanes avertis, y compris les trentenaires nostalgique de cet objet représentatif de générations précédentes de mélomanes. Ou, de façon plus basique, bon nombre ont racheté une platine après avoir hérité de la collection de vinyles de leurs parents ;)

Déjà, il y a le plaisir littéralement sensuel au simple fait de mettre un vinyle (je vous renvoie au 1er § :) sur une platine microsillon, en effleurant le disque, et en pouvant apprécier les photos et textes grand format de la pochette (ça change des livrets lilliputiens des CD). Un véritable plaisir retrouvé, à l'ère du dématérialisé, où la musique en format mp3, abstraite, au son trop parfait, se déshumanise.

Surtout, cela permet à nos générations de (re)découvrir des musiques qui ont marqué notre enfance ou notre adolescence (et nos premières soirées...). Sur une brocante près de chez moi, je me suis acheté des vinyles d'occasion qu'il ne me serait pas venu à l'idée d'acheter en CD, ou même de télécharger : Georges Michaël, Tina Turner, les Who, un petit inédit de Mike Jagger en solo (et tout jeune)... Chez mes parents, j'ai eu le plaisir de découvrir ce magnifique double live de David Bowie en 1974 (époque dope donc, comme on le voit sur les photos intérieures...).

Bowie

En tous cas, le business redevient prometteur. Il représenterait actuellement 10% de la musique vendue au niveau mondial. Et les professionnels de la musique l'ont bien compris. A l'heure où la vente d'albums en CD ou en téléchargement légal dégringolent, paradoxalement, celle de vinyles importés ou d'occasion se porte bien. Quelques boutiques spécialisées ouvrent leurs portes, et encore dernièrement, à une brocante, un particulier m'expliquait avoir liquidé sans problème tous ses vinyles le matin même. Sa clientèle : des 20-30 ans.

Majors musicales et groupes repensent même le vinyle comme un bel objet collector.... susceptible d'être vendu plus cher ;) quitte à y ajouter des plus-produits pour satisfaire le fan de base devenu adulte. Du coup, les éditeurs commencent à sortir un nouvel album *aussi* en format vinyle. Ils n'y sont pas forcément perdants : un vinyle neuf se vend actuellement 20 à 30 €, un poil plus cher qu'un CD donc... et bien plus qu'un vinyle dans les 80's. Surtout lorsqu'ils jouent sur le côté série limitée. Les majors sont inventives en la matière : je me suis vue offrir le dernier album de PJ Harvey en vinyle. Comme vous le voyez, outre le vinyle, on me propose à l'intérieur un poster, et... un code m'offrant la possibilité de télécharger le même album en format mp3, légalement. Bien vu, non ?

PJHarvey

Il y a une autre explication : le besoin pour le public d'archiver, sur support matériel, des musiques qui se rattachent à sa propre histoire. Quand bien même le vinyle résiste moins bien aux outrages du temps que les supports numériques... Et ce alors qu'il devient de plus en plus difficile de trouver des "classiques" de la musique sur les sites de téléchargement (légal ou pas) pour (re)constituer son répertoire perso.

On peut aussi rattacher cela au retour du rock alternatif, depuis le début des années 2000, les Strokes, Libertines, et autres Arctic Monkeys (tous proposés à la Fnac en vinyle - ça tombe bien...) nous donnant envie de revenir à nos classiques de la culture rock, sur le format classique - le vinyle, donc.

Côté high-tech, le business est tout aussi prometteur. On a vu débarquer il y a 3-4 ans des lecteurs vinyles 'mixtes', avec une sortie USB permettant de numériser ses disques en format mp3, ou encore un dock pour iPod. Pour les plus malins, des logiciels informatiques permettent (si tant est qu'ils ont une chaîne hifi dotée d'une sortie mp3 ou idoine pour un câble) de numériser leurs vinyles avec un logiciel ad hoc.

Les platines 2009, dans leur design, sont ainsi présentées "façon vintage, futuriste, pop art, ou accompagnée d'une fonction de numérisation des disques pour les convertir en fichiers MP3", souligne Didier Sanz dans ce bon papier du Figaro. Les marques présentes sur ce marché en plein revival ? "Même des fabricants qui n'ont jamais fait de vinyle, comme Denon, Marantz ou encore Goldmund, spécialiste du numérique chic, s'y mettent", d'après le Fig'.

Alors, nouvelle tendance de conso de fond ? A voir. Rendez-vous après Noël...