Mais si, la question est tout à fait sérieuse, et même cruciale (sans mauvais jeu de mots ;-), surtout pour moi qui adore les bons fromages - accompagnés d'un bon vin etc. (Très bon souvenir du camembert affiné au calva du 24 décembre au soir, au passage...).
Le sujet était abordé dans un passionnant documentaire avant-hier soir, "Ces fromages qu'on assassine", que France 3 a eu le courage de programmmer en prime time, en pleine période de fêtes... Voilà le postulat de ce docu, où un journaliste gastronomique, Périco Légasse, accompagné d'un jeune journaliste suédois (qui joue le rôle du candide) fait son tour de France des principaux producteurs de fromages : le leader européen de production de camemberts au lait cru, Lactalis (ex-Besnier, producteur des camemberts Président et Lepetit), mène un lobbying insensé, depuis quelques mois, pour imposer les fromages pasteurisés. Et pour que le lait cru ne soit plus un critère pour décrocher le sacro-saint label AOC. Pourquoi ce retournement de veste subit ? Tout simplement parce que le camembert au lait pasteurisé (chauffé jusqu'à 72°C, voilà pour les détails techniques) a pour immense avantage de pouvoir rester un mois dans les linéaires de grandes surfaces... contrairement au fromage au lait cru (cuisson à 35°C maxi), qui ne conserve qu'une dizaine de jours. Au grand bonheur du gourmet donc, mais la grande distribution s'estime perdante.
En montrant plusieurs producteurs indépendants un peu partout en France, le documentaire montre à quel point les fromages pasteurisés pourraient tuer l'originalité des "vrais" fromages, voire "pasteuriser les esprits" - comme le montre une séquence très révélatrice, où une formatrice de l'Université du goût de Tours souligne que le critère des futurs "goûteurs" est désormais de sélectionner "ce qui doit plaire au marché" - sic.
C'est un papier dans le Canard enchaîné de la semaine dernière qui avait retenu mon attention. Lors de la projection de presse du documentaire, le dircom' du groupe Lactalis aurait laissé entendre que son groupe pourrait sucrer le budget publicitaire annuel 2008 de Lactalis pour France Televisions (20 millions d'euros tout de même). Car Lactalis n'aurait pas supporté que le doc montre comment deux personnes ... et des robots se chargent du "moulage à la louche" de 250 000 camemberts par jour. Finalement, contrairement aux craintes du Canard, France 3 n'a pas déprogrammé le doc... Mais on a pu apprécier les 'bip" lors d'une interview - savoureuse - d'une pubeuse de l'agence DDB, qui expliquait le B-A BA des campagnes de pub autour du bip-Lactalis, le "grand cru du camembert" ;-).