Par Capucine Cousin le dimanche 25 octobre 2009, 21:29 - Journalisme
Cette semaine, dans le cadre des deux journées de conférences Buzz the brand organisées par le mag
Stratégies et l'agence Vanksen, j'ai eu le plaisir de participer à la table
ronde sur le thème "Impacts des médias sociaux sur les médias traditionnels",
pilotée par François Kermoal, directeur de la rédac' de Stratégies. Le débat
fut assez riche, animé... J'avais préparé quelques notes au cas où, je me suis
dit que tant qu'à faire, je pouvais en partager avec vous la substantifique
moëlle !
Médias sociaux / médias traditionnels : les nouveaux
enjeux
- Impact de ces 'nouveaux médias' (en l'occurrence les blogs, les réseaux
sociaux tels que Twitter et Facebook). Ce qui me semble essentiel et assez
nouveau est que ces 'nouveaux media' changent la chronologie de
l'information, et imposent plus de réactivité, de rapidité aux
journalistes sous peine d'être dépassés. Dépassés par d'autres médias certes
loin d'être toujours aussi légitimes, mais qui, indéniablement, ont habitué le
lecteur/internaute à avoir l'info de manière presque instantanée... Du coup, on
commence à voir ce phénomène par exemple en presse quotidienne ou en presse
hebdo : lorsqu'un journaliste a une info importante, il la sort d'abord
sur le site web de son média, sous forme d'un indiscret un d'un article assez
bref. Si les délais de décalage avec la parution papier ne sont pas trop
importants, il y consacrera un article plus développé, plus léché, dans son
journal papier. Les réseaux sociaux impliquent par ailleurs que l'info
doit être marketée, donc valorisée, relayée par ces mêmes réseaux
sociaux...
Exemple intéressant de ce changement de chronologie, on a vu récemment une
journaliste dévoiler un scoop directement sur son fil Twitter. Mi-octobre, un
twitt de Fabienne Schmitt de la corres' de la presse annonçait que Martin
Bouygues avait convoqué Nonce Paolini et Axel Duroux pour arbitrer leurs
conflits. Résultat : l'info a été reprise partout avec citation de son
twitt comme source, elle a été interviewée par Canal + et RTL... Et elle s'est
vérifiée par la suite, comme on le sait, avec le départ quelque peu précipité
d'Axel Duroux cette semaine...
Autre fait, des journalistes commencent à cultiver leur
"auto-marketing" (ou personal branding), et du coup émergent
hors-rédaction : que ce soit avec leur fil Twitter perso, ou leur blog...
Les media sociaux sont d'autant plus bienvenus pour les journalistes
indépendants, qui acquièrent ainsi une visibilité plus importante grâce à ces
nouvelles vitrines. Dans les rédacs, ces nouvelles vitrines gênent parfois aux
entournures certains rédacs chefs, d'autant qu'un journaliste qui blogue a de
facto sa propre tribune, il devient en quelque sorte éditorialiste, et peut
publier des billets sans le filtre d'un rédacteur en chef...
Mais clairement, quelques journaux prennent en compte ces nouveaux usages,
et ouvrent leur propre plateforme de blogs sur leur site web, où les
journalistes sont invités à bloguer. Je citerais au premier chef le groupe
Express-Roularta (mon employeur donc), avec notamment la plateforme de blogs de
L'Express.fr, mais aussi Le Nouvel Obs, Challenges, Les Echos (dans ce dernier
cas, ce sont surtout les éditorialistes qui bloguent)...
En revanche, les rédactions commencent à réfléchir, parfois, à des
guidelines. Dans mon groupe, j'ai rédigé une ébauche de
'charte des blogs' (destinée aux blogueurs externes et internes). On
voit aussi fleurir en ligne des guides, comme ce "Guide
de déontologie des médias sociaux pour journalistes" mis en ligne
par la journaliste et blogueuse Gina Chen, ou encore les très avisés
"22
conseils pour les journalistes à l'heure du web" par Dan Gillmor
(auteur de "We are media"), publiés dans le Guardian.
Dans un genre plus extrême, il y a ce précédent du Washington
Post, où les journalistes se sont vus édicter
des règles très strictes quant à leur utilisation de Twitter (en gros, ils
ne doivent pas y émettre d'opinions perso ou politique en tant que membres du
journal), parce qu’un des rédacteurs en chef
donnait trop son opinion sur son compte Twitter
Comment les médias classiques peuvent intégrer ces médias sociaux
dans leur offre (en clair, y a-t-il un business ?)
La table ronde a le plus pêché sur ce point : y a-t-il un
business model qui s'esquisse autour de cette dose de médias
sociaux à la sauce 2.0 ? Pour ma part, j'ai cité une des nouvelles
tentatives, dans la presse éco et financière, avec les aventures Wansquare et
LeCrible.fr, que j'évoquais
dans ce billet.
De manière générale, je pense que les journaux ont tout intérêt à
valoriser leurs contenus et leurs archives, donner à leurs
lecteurs la possibilité de les trier de manière personnalisée. Le New
York Times a par exemple lancé un outil qui permet au
lecteur de
trier les articles disponibles en ligne par tags et par mots-clés, et de
générer ses flux RSS personnaliséés. Mais le problème est toujours le
même : faut-il faire payer ces services ? Le NY Times est peut-être
le média qui a le plus innové en ligne avec ce genre d'outils... Mais cette
semaine encore, il annonçait 100 départs de journalistes, rappelait Stéphane
Zibi (Spread Factory) lors de la table ronde. Dans la même veine, le
Financial Times a lancé Newsift, un
moteur de recherche sur les entreprises et secteurs d'activités, qui permet
de faire remonter ses articles sur une base sémantique.
Autre possibilité à explorer par les journaux, proposer des flux
d'informations hyperlocaux : ce que propose le Huffington Post,
pais aussi, en France, des titres de PQR tels que Paris-Normandie, ou encore Le
Télégramme, comme je l'expliquais dans ce
billet.