Des clichés captivants pris au cœur de la révolte punk dans les années 70, captés au sein de la scène US (Iggy and The Stooges, MC5, New York Dolls, Television et Richard Hell, les Ramones et les Cramps), anglaise (Sex Pistols, The Clash, The Damned, Siouxsie & the Banshees), allemande (Nina Hagen) ou encore française (Stinky Toys, Asphalt Jungle, Metal Urbain). C'est un des rares et plus riches exposés y étant consacrés que j'aie eu l'occasion de voir, avec 127 photos, des tirages parfois rares et connus, signés par 19 photographes. Ne cherchez pas, cette expo photo 100% punk n'est pas dans une galerie ou un musée, mais... un magasin.
C'est dans la boutique Renoma, au fin fond du très chic (et un peu mort) 16ème arrondissement de Paris, rue de la Pompe, que l'on peut voir cette expo photo. Inutile de vous dire ma surprise le jour où j'ai franchi le seuil de cette boutique, alléchée par quelques billets flatteurs sur cette "expo" qui promettait d'être exceptionnelle. On se retrouve dans un concept store (plutôt désert le jour où j'y suis allée ;) de vêtements pour hommes, scrutée par les quelques vendeurs. Les clichés, en grands tirages, sans légendes, sont exposés sur les murs, entre deux rayonnages de pulls et quelques piles de jeans pour hommes, avec par-ci par-là des "No Future!" sur les murs, des bouquins sur la culture punk disséminés dans des caisses par terre, histoire de nous rappeler que oui, on est bien censés être dans une expo photo so punk.
Johnny Rotten et Sid Vicious des Sex Pistols photographiés à bord d'un avion en novembre 1977 / Bob Gruen/www.bobgruen.com
En tous cas, cette expo, célébrée dans un certain nombre de magazines de mode et fanzines/blogs lors de son lancement en octobre dernier, a de quoi surprendre. C'est donc le couturier Maurice Renoma qui s'est offert cette "expo", moyennant des tirages rares, dans sa propre boutique. Ses faits sont connus: le styliste, photographe et créateur de 70 ans, précurseur de la mode "yé yé" dans les années 60, vend maintenant jeans déchirés et blousons en cuir (pour faire court). On hésite entre y voir habile récupération et mélanges des genres, tout en se hissant sur la pointe des pieds pour voir de près ces précieux tirages photos, situés à 2 mètres au-dessus des T-shirts. Evidemment, on lit sur certains blogs le résumé de cette expo par ce mécène: "Le punk est rebelle. Or j’ai toujours aimé la révolte". Ça n'engage pas à grand-chose.
Car après tout, ça reste incroyablement branché d'être punk. Au point que l'on on a même entendu, certains jours, des patrons hativment qualifiés de "rebelles" et punks" (sic), par la simple grâce de leur look déjanté. Certes, ce mouvement nihiliste et anar s'est évaporé à la fin des années 70. Mais voilà: les ex-punks de cette époque, alors jeunes adeptes du "No future" sont, eux, toujours là. Et n'aiment rien autant que de se replonger dans cette époque, tenter de se rattacher par certains symboles à cette jeunesse perdue. Des ex-punks maintenant quadras... Souvent CSP+ et hyper-consommateurs. Ce que les marques ont parfaitement bien compris.
Alors on n'y échappe pas. La mode et les marques récupèrent la musique - et les icônes - punk à longueur de campagnes publicitaires... Et captent ainsi d'autant plus l'intérêt des quadras-consommateurs. Rien que l'année dernière, une des ex-icônes punks, l'"iguane" Iggy Pop, n'a pas hésité à se commettre dans des campagnes pour SFR, avec un peu d'auto-dérision, chantant à tue-tête dans une voiture décapotable, (évidemment) torse nu, pour la compagnie d’assurance anglaise Swiftcover, ou encore sur les affiches des Galeries Lafayette, toujours torse nu, à la veille des fêtes de fin d'année. Et, en ce début d'année, on le verra poser pour le film du parfum Black XS L’Excès de Paco Rabanne, tourné par son ami Jonas Akerlund.
Des ex-icônes elles-mêmes quadras (voire plus) qui n'hésitent donc plus à prendre la pause dans les symboles les plus forts de notre société de consommation - des publicités. Alors qu'eux-mêmes sont devenus des marques. J évoquais ici il y a quelques temps le lancement d'un parfum exploitant ainsi le nom Sex Pistols - avec l'accord des ayant-droits. Alors que John Lydon (alias Johnny Rotten, chanteur des Sex Pistols), dont le nom-marque figure sur de nombreux objets, des réveils-matin aux magnets pour frigos, Et s'est commis dans une pub télé pour une marque de beurre britannique. Ouch.
Punk Attitude, jusqu'au 21 janvier 2012, chez Renoma, 129 bis rue de la Pompe (Paris XVIe), prolongée jusqu'au 17 mars 2012.