On pourrait y voir la nouvelle marotte des politiques, un des outils (joujoux ?) tech qu'il est de bon ton d'exhiber. Parce que l'outil de microblogging Twitter est un peu moins connu que Facebook - "en être" vous classe d'emblée dans la catégorie des avant-gardistes. Mais son utilisation même fait débat chez les politiques.
Ce matin encore, sur France Inter, François Hollande ne voyait pas trop de problème à ce qu'un député rompe le huis-clos d'une séance en commission parlementaire par tweets interposés.
No tweets sur les retraites cette semaine
Parce que justement, hier, c'était le branle-bas de combat: l'UMP et le Parti socialiste réaffirmaient vouloir garantir un débat à huis-clos sur les retraites, sans Twitter. Pas question que, en plein débat sur le polémique projet de loi sur les retraites, quelque élu s'avise de raconter minute par minute ce qui se disait dans la Commission des Affaires sociales de l'Assemblée...
De fait, hier, le président de la commission des Affaires sociales, Pierre Méhaignerie, a décrété le huis-clos sur la réforme des retraites, pour préserver le sérieux et le "naturel" des débats sur les retraites.
Pour rapporter la teneur des débats, censés durer jusqu'à vendredi, 3 points de presse sont prévus chaque jour par la majorité et l'opposition. Une forme de communication classique, donc.
Et c'est promis, les députés ne tricheront pas en twittant. Le groupe socialiste a bien débattu de cette option, "et nous avons décidé de ne pas le faire", a déclaré mardi matin la députée PS Marisol Touraine. Et d'ajouter: "Je ne sais pas si des individualités s'affranchiront de notre décision collective mais, nous, ça nous semble relever du gadget et nous tenons à ce qu'il y ait une discussion de fond entre deux projets", relevait l'agence Reuters.
Rompre ou pas le sacro-saint huis-clos parlementaire ?
A première vue, c'est logique. Le huis-clos est un des fondements démocratiques et une des bases des règles de fonctionnement de l'Assemblée.
Dans le cas du débat sur les retraites, est-ce une bonne idée ? La réforme des retraites touche à l'avenir de notre système de retraite, de notre société, de la nécessité de trouver un système juste pour tous... Après tout, le gouvernement ne s'est pas privé de s'offrir de pleines pages de pub dans les principaux quotidiens nationaux pour vendre "son" projet de réforme, avant même qu'aient commencé les débats parlementaires.
Certes, les 50 heures de débats publics seront ouverts à la presse. Le débat à huis-clos, sur les amendements, " a toujours été sans présence de la presse, rien n'a changé", expliquait Pierre Méhaignerie sur LCI. A l'inverse, le député UMP Lionel Tardy a dénoncé un procédé "anti-démocratique".
Du coup, faut-il craindre les SMS et autres messages Twitter pendant ces trois jours de débats? "Ce n'est pas incompatible avec le huis clos", a reconnu Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée. Et de glisser: "désormais tout ça est totalement à la mode".
La tentation du piratage
En clair, il y a un certain vide juridique. Et il y a fort à parier que certains médias cèderont à la tentation de suivre une séance en huis-clos par un de ces moyens électroniques... Avec la complicité active de parlementaires, trop heureux de jouer les pirates par la même occasion.
Dommage pour Marisol Touraine, plusieurs députés socialistes ont joué les rebelles en tweetant furieusement, Sandrine Mazetier (@S_Mazetier) et Gaëtan Gorce (@GGorce) en tête - on remarquera que ce dernier est inscrit sur Twitter depuis... hier, le 20 juillet ;) - racontant dans les moindre détails les débats animés entre le ministre du Travail, Eric Woerth, et l'opposition .
La mode de la transparence ?
Pour quelle raison ? Cela permet aux députés de se distinguer, de prendre une posture "rebelle", au nom de la "transparence". Une vertu un peu éternelle, récurrente, et délicieusement hypocrite en politique, pour laquelle Twitter devient un nouveau support, comme le montre très bien Olivier Cimelière dans ce billet publié sur ''Owni''.
C'est sûr que Twitter a effectué une irruption en force dans les travées et les réunions de l'Assemblée, permettant à des parlementaires de rendre public ce qui était censé être privé. Le phénomène s'amplifie, au-delà des coups d'éclats individuels qu'ils constituait, pour les premiers députés qui s'y risquaient. Comme le 30 juin dernier, lorsque le député UMP Yannick Favennec a relayé l'annonce par le chef de l'Etat d'un remaniement ministériel en octobre.
Ou lors de l'audition de Raymond Domenech après la déroute des Bleus au Mondial. Là le député UMP Lionel Tardy, blogueur et twitterer invétéré (désolée, j'ai encore du mal à employer le terme "twittos"), a tweeté... Avant d'être contraint de s'interrompre, au bout de quelques minutes, étant relayé par le député Yvan Lachaud. Mais l'objectif était atteint: il ont pu lâcher quelques tweets.
Source d'un nouveau genre pour les médias
Du même coup, ces tweets non-autorisés devienne une source d'un nouveau genre pour les médias. Qui y trouvent parfaitement leur compte. Lors de l'audition de Domenech, LeMonde.fr a repris les tweets des deux députés, ce qui lui a permis de présenter une sorte de ''live'' de cette audition. Au grand dam de ses concurrents - les journalistes du service sport de 20 Minutes n'étaient pas ravis ce jour-là...
Encore hier, Le Monde a mis en ligne sur son site des extraits de transmissions sauvages, grâce à un membre de la Commission qui avait bien voulu laisser son portable branché.
Provoc'? Carrément. Aucun scoop dans ces bribes d'échanges de la Commission. C'est juste une manière de monter aussi que cela reste possible - pour l'heure, le quotidien n'a pas été poursuivi ou sermonné.
Dans ces deux cas, il s'agit d'éléments bruts portés à la connaissance du lecteur. Pas grave s'il y a peu de révélations, comme je le disais plus haut, cela permet au média de monter qu'il a pu le faire. Si c'est une vraie info, il y aura tout de même le travail de recoupement derrière: Une info reprise peu après dans une "alerte" de l'AFP avant d'être recoupée et confirmée par d'autres députés ayant participé au déjeuner. Dès lors, Twitter s'imposait comme possible source d'informations pour les journalistes - à condition qu'ils ne la recoupent par la suite. Le tweet de Yannick Favennec a ainsi été repris peu après dans une "alerte" de l'AFP avant d'être recoupé et confirmé par d'autres députés ayant participé au déjeuner.