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mercredi 18 janvier 2012

Le punk récupéré par la pub ?

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Des clichés captivants pris au cœur de la révolte punk dans les années 70, captés au sein de la scène US (Iggy and The Stooges, MC5, New York Dolls, Television et Richard Hell, les Ramones et les Cramps), anglaise (Sex Pistols, The Clash, The Damned, Siouxsie & the Banshees), allemande (Nina Hagen) ou encore française (Stinky Toys, Asphalt Jungle, Metal Urbain). C'est un des rares et plus riches exposés y étant consacrés que j'aie eu l'occasion de voir, avec 127 photos, des tirages parfois rares et connus, signés par 19 photographes. Ne cherchez pas, cette expo photo 100% punk n'est pas dans une galerie ou un musée, mais... un magasin.

C'est dans la boutique Renoma, au fin fond du très chic (et un peu mort) 16ème arrondissement de Paris, rue de la Pompe, que l'on peut voir cette expo photo. Inutile de vous dire ma surprise le jour où j'ai franchi le seuil de cette boutique, alléchée par quelques billets flatteurs sur cette "expo" qui promettait d'être exceptionnelle. On se retrouve dans un concept store (plutôt désert le jour où j'y suis allée ;) de vêtements pour hommes, scrutée par les quelques vendeurs. Les clichés, en grands tirages, sans légendes, sont exposés sur les murs, entre deux rayonnages de pulls et quelques piles de jeans pour hommes, avec par-ci par-là des "No Future!" sur les murs, des bouquins sur la culture punk disséminés dans des caisses par terre, histoire de nous rappeler que oui, on est bien censés être dans une expo photo so punk.

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Johnny Rotten et Sid Vicious des Sex Pistols photographiés à bord d'un avion en novembre 1977 / Bob Gruen/www.bobgruen.com

En tous cas, cette expo, célébrée dans un certain nombre de magazines de mode et fanzines/blogs lors de son lancement en octobre dernier, a de quoi surprendre. C'est donc le couturier Maurice Renoma qui s'est offert cette "expo", moyennant des tirages rares, dans sa propre boutique. Ses faits sont connus: le styliste, photographe et créateur de 70 ans, précurseur de la mode "yé yé" dans les années 60, vend maintenant jeans déchirés et blousons en cuir (pour faire court). On hésite entre y voir habile récupération et mélanges des genres, tout en se hissant sur la pointe des pieds pour voir de près ces précieux tirages photos, situés à 2 mètres au-dessus des T-shirts. Evidemment, on lit sur certains blogs le résumé de cette expo par ce mécène: "Le punk est rebelle. Or j’ai toujours aimé la révolte". Ça n'engage pas à grand-chose.

Car après tout, ça reste incroyablement branché d'être punk. Au point que l'on on a même entendu, certains jours, des patrons hativment qualifiés de "rebelles" et punks" (sic), par la simple grâce de leur look déjanté. Certes, ce mouvement nihiliste et anar s'est évaporé à la fin des années 70. Mais voilà: les ex-punks de cette époque, alors jeunes adeptes du "No future" sont, eux, toujours là. Et n'aiment rien autant que de se replonger dans cette époque, tenter de se rattacher par certains symboles à cette jeunesse perdue. Des ex-punks maintenant quadras... Souvent CSP+ et hyper-consommateurs. Ce que les marques ont parfaitement bien compris.

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Alors on n'y échappe pas. La mode et les marques récupèrent la musique - et les icônes - punk à longueur de campagnes publicitaires... Et captent ainsi d'autant plus l'intérêt des quadras-consommateurs. Rien que l'année dernière, une des ex-icônes punks, l'"iguane" Iggy Pop, n'a pas hésité à se commettre dans des campagnes pour SFR, avec un peu d'auto-dérision, chantant à tue-tête dans une voiture décapotable, (évidemment) torse nu, pour la compagnie d’assurance anglaise Swiftcover, ou encore sur les affiches des Galeries Lafayette, toujours torse nu, à la veille des fêtes de fin d'année. Et, en ce début d'année, on le verra poser pour le film du parfum Black XS L’Excès de Paco Rabanne, tourné par son ami Jonas Akerlund.

Des ex-icônes elles-mêmes quadras (voire plus) qui n'hésitent donc plus à prendre la pause dans les symboles les plus forts de notre société de consommation - des publicités. Alors qu'eux-mêmes sont devenus des marques. J évoquais ici il y a quelques temps le lancement d'un parfum exploitant ainsi le nom Sex Pistols - avec l'accord des ayant-droits. Alors que John Lydon (alias Johnny Rotten, chanteur des Sex Pistols), dont le nom-marque figure sur de nombreux objets, des réveils-matin aux magnets pour frigos, Et s'est commis dans une pub télé pour une marque de beurre britannique. Ouch.

Punk Attitude, jusqu'au 21 janvier 2012, chez Renoma, 129 bis rue de la Pompe (Paris XVIe), prolongée jusqu'au 17 mars 2012.

dimanche 10 octobre 2010

"Kiss the past hello", les ados éternels de Larry Clark

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C'est sans doute la photo qui illustre le mieux l'expo de Larry Clark, qui s'ouvrait hier au Musée d'Art Moderne à Paris. Ils sont jeunes, ils sont magnifiques, et il y a un discret érotisme qui émane de cette photo, pas loin d'un Botticelli, qui nous renvoie tous à nos premiers ébats.

J'ai vu l'expo Larry Clark, qui ouvrait ses portes vendredi au Musée d'art moderne de Paris. Et non, je ne vais pas vous parler ici de la polémique autour de son interdiction aux moins de 18 ans (que je trouve absurde çà titre perso... C'est une expo sur les ados et avant tout pour les ados, comme le dit très bien Larry Clark dans cette interview au Monde), mais retour ici à l'essentiel, l'art. Que valent ces photos ?

Kiss the past hello ("Dis bonjour au passé", détournement du dicton Kiss the past goodbye - "Fais table rase du passé", référence punk qui colle assez bien à Larry Clark...), avec 300 photos et 2 films inédits, montre plusieurs représentations de la jeunesse vue par Larry Clark, en 40 années de photo. La jeunesse plutôt rock, plutôt trash, qui cherche à tester les limites de la liberté, voire qui fraye avec les bas-fonds et la marginalité. Loin des polémiques un peu stériles sur une supposée complaisance (ou des photos qui revêtiraient un caractère "pornographique"), on y voit surtout des portraits d'ados que Larry Clark a suivis, succédanés des dernières décennies.

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Et cela nous touche follement, parce que cela nous renvoie à notre propre adolescence (censée être "le bel âge"), à nos excès, aux frontières que l'on a failli franchir. Un véritable uppercut, même si j'aurais sans doute été encore plus touchée si j'avais été un mec - Kiss the past hello est l'adolescence vue par un homme photographe, donc de manière avant tout masculine (nombreux portraits de jeunes mecs), avec une sensibilité bien plus personnelle des années 60 aux années 80. Lorsque Larry Clark était encore lui-même proche de l'adolescence...

Qu'est-ce que l'on y voit ? Des années 60 à Tulsa (Oklahoma) aux années 2000, on y voit son regard sur la jeunesse américaine. On y voit la drogue, le sexe, mais aussi des bandes de potes, au sein desquels Larry Clark a travaillé en immersion, en allant jusqu'à suivre certains ados durant des années, pour montrer leur évolution. Au-delà du cinéaste provoc' habitué aux scandales (cf la sortie de Kids en 1995), on découvre là un photographe qui a une p/ù^$* de sensibilité, dans les prises de vues, la lumière, ce qui ressort de ses très nombreux portraits d'ados.

Organisée de manière chronologique, l'expo donne à voir, en creux, les formes de contre-cultures portées par les ados au fil des décennies.

Premier uppercut, les quelques photos de sa mère, Frances Clark, reflets d'une Amérique idéalisée, qui tranchent avec la première partie de l'oeuvre de Larry Clark. Le portfolio Tulsa, qui couvre les années 60 (qui avait donné un livre éponyme) révèle la vie quotidienne du jeune artiste. Entre l'ennui et la violence dans les suburbs de Tulsa, il y photographie ses potes zonards.

Alors oui, là la pauvreté va de pair avec les premiers shoots, qu'il photographie dans son entourage, avec parfois des photos très crues: une femme enceinte qui se pique, un ado qui joue avec un revolver, le visage tordu de douleur de cet homme, le premier shoot de la girlfriend, des scènes qui mêlent piqouze et sexe... Il y a aussi les dates de décès de certains potes de Larry Clark partis bien trop tôt...

Mais aussi un film muet de 16 mm de 1964, où l'on voit un jeune mec qui se shoote - film touchant et d'une tristesse absolue, qui s'affiche progressivement sur le visage de sa copine, au fur et à mesure du shoot.

Lust for life

Les années 70 donnent à voir là encore des portraits en noir et blanc d'une jeunesse qui découvre le sexe, l'amitié, parfois la drogue... Mais déjà prédominent les portraits magnifiques de ces ados, des jeunes mecs dont on se dit juste qu'ils sont beaux et sereins. Et dont on devine qu'ils ont déjà beaucoup vécu. Il y a aussi ces photos de couples, s'adonnant à l'amour (voire au triolisme) ou à la drogue, ces scènes d'ados découvrant le sexe, entre fraîcheur et expériences déjà hard..

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Pour les années 80 (portfolio intitulé avec un certain sens de la provoc' Teenage Lust - "luxure d'ados") , Larry Clark a adopté ce qui constituera la sève de son travail: il réalise des portraits au sein de groupes de jeunes dont il parvient à se faire adopter, ou avec des prostitués de la 42e rue de New York. Là, ce sont les années punks: jeunes mecs au crâne rasé et aux jeans moulants.

A partir des années 90, il s'intéresse aux jeunes skaters. Ce seront les prémices de son film "Wassup Rockers". Là, ses photos changent, on voit une jeunesse presque plus sereine. Dans ces portraits grand format, aux couleurs saturées, on y voit des jeunes punks skaters latinos qui prennent la pose, avec fierté et provocation (superbe photo de cet ado qui porte un T-shirt avec pour slogan "Let's start a war" en 1992, en pleine guerre d'Irak...).

Mais aussi, en toile de le fond, là encore la pauvreté absolue: comme ce jeune mec de 12/13 ans qui pose à poil, la clope au bec, près de son père, qui a la bouteille et son dernier-né sur les genoux... Et là, on se demande : quel avenir pour ces ados ?

mercredi 25 août 2010

Les Sex Pistols, du groupe punk à la marque (de parfum)

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Photo: Etat Libre d'Orange

C'est au mieux amusant, vintage, au pire, pathétique. Plusieurs blogueurs ont relayé l'info ces derniers jours, comme ici, , ou encore la campagne d'affichage : les Sex Pistols viennent de lancer leur parfum, disponible en France à partir de septembre.

Eh oui, vous avez bien lu. Un des meilleurs groupes punk des années 70 lance un de ses premiers produits dérivés, du parfum... Dans un packaging qui rappelle celui d'une bouteille de lait et une bouteille d'alcool, orné du tissus écossais et de photos de la Reine d'Angleterre issus de leur cultissime album de 1977, God save the Queen, le groupe vend donc "son" jus, "The Spirit of Punk", aux fragrances de citron, de poivre noir et de cuir paraît-il. Pour cela, il a collaboré avec la marque française Libre d'Orange, d'après le blog Popcrunch. Le slogan est limite téléphoné: "Réveille le rebelle qui est en toi".

Contre-nature

Alors bien sûr on peut trouver l'initiative amusante, second degré... Et après tout, ce n'est pas la première fois qu'un groupe de musique accepte d'être décliné sur des produits dérivés pour fans, et de monter des opérations de co-branding avec des marques.

Ce type de récupération est d'ailleurs devenu monnaie courante dans l'univers de la mode, qui s'approprie ainsi les valeurs qu'incarne le rock (la liberté, le refus du conformisme). Certaines s'y sont prêtées avec plus ou moins d'habileté, telles Sandro, The Kooples, Zadig & Voltaire, ou, un cran largement au-dessus, Ben Sherman, qui lançait en début d'année une ligne (jusqu'aux boutons de manchettes !) en hommage aux Beatles. Mais l'ex-marque phare des punks avait l'historique qui la légitimait pour cela...

Là, cette initiative avalisée par Johnny Rotten, leader des Sex Pistols l'initiative a un petit arrière-goût amer, voire est contre-nature par rapport aux valeurs qu'incarnait le groupe dans les années 70 - la contre-culture, l'anarchie, la remise en cause de la royauté. Et réduit la rebel attitude du groupe keupon à une attitude très mercantile... Pire, les Sex Pistols deviennent une marque. Et se plient aux mêmes pratiques bassement marketing que des Céline Dion, Beyonce et autres Jennifer Lopez, qui ont toutes lancé leur ligne de parfum. Sid Vicious doit s'en retourner dans sa tombe...