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jeudi 28 juin 2012

Le "body hacking", les prémisses de l'humain "augmenté" ?

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Une étrange discipline, à la croisée du hacking et du transhumanisme, qui consiste à transformer le corps humain en faisant appel à la technologie, en implantant dans le corps des composants artificiels: puce RFID, puce magnétique, caméra dans l'oeil... Bienvenue dans l'univers du "body hacking", où une poignée d'individus poussent la logique de liberté individuelle jusqu'à entreprendre sur leur corps des modifications physiques parfois radicales. Passant outre, du même coup, l'intermédiaire classique, l'autorité scientifique, qui cherche depuis quelques années à tirer parti du numérique, de l'électronique et de la robotique pour améliorer le quotidien de patients souffrant de pathologies sévères.

Le livre de Cyril Fiévet, journaliste et auteur (li fut entre autres de l'aventure de l'éphémère revue Pointblog au début des années 2000, pour ceux qui se souviennent...) , Body hacking (ed. FYP, 20 €), qui tient en 158 pages, est un condensé de cette tendance (culture?) naissante, où des individus "pirates du corps humain" mènent des expérimentations radicales (parfois dangereuses), dans une nouvelle forme de déclinaison du hacking et de transhumanisme, sur lequel j'ai écrit à plusieurs reprises ici (comme dans ce billet). Les divers témoignages de "body hackers" recueillis par l'auteur à travers leurs blogs et forums de discussion donnent un ensemble passionnant, sur plusieurs types d'expérimentations menées.

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Il ne s'agit nullement, ici, de présenter un récit de science-fiction : le livre nous laisse juste entrevoir des pratiques futures, de manières dont des individus pourront "augmenter" leurs corps de nouvelles fonctionnalités, avec des implants artificiels. Pour développer de nouveaux sens, augmenter les capacités humaines, parer à des handicaps ou déficiences (de la vue par exemple).... Et donc améliorer l'homme en en dépassant les limites fixées par la nature. Avec le spectre, pour les plus radicaux (ie les transhumanistes) de prolonger la durée de la vie. Vertigineux.... Le tout à l'aide rarement de la recherche scientifique traditionnelle ou des médecins, mais - c'est là une des ruptures induites par Internet - souvent par des "bidouillages" par des individus ayant eux-mêmes une expertise technologique plus ou moins importante, mais qui échangent avec d'autres individus qui ont le même centre d'intérêt.

Bien vu, Cyril Fiévet commence son ouvrage en citant les formes les plus répandues de "body hacking" - que beaucoup pratiquent ainsi déjà sans le savoir - le tatouage, le piercing, les scarifications, voire la chirurgie esthétique, qui ont pour point commun de s'être popularisées ces dernières années. Où l'on apprend que 40% des Américains de 26 à 40 ans sont tatoués, et 20% des Français sur la même tranche d'âge...Cette "génération Y" (l'auteur les qualifie de "Millennials") qui a grandi avec les ordinateurs, les jeux vidéos, les réseaux sociaux et Internet, où "tatouages et piercings feraient partie de leur culture décomplexée, où chacun affiche et revendique des signes distinctifs". Précisément, une génération "fin de siècle" qui a baigné dans les comics de super héros, la littérature cyberpunk et manga, les jeux vidéos, les films de science-fiction peuplés de cyborgs... Et n'est donc pas totalement insensible à cette idée d'"augmentation" par la technologie.

LA nouveauté, c'est donc que le hacking - cet art du bidouillage et du partage d'expériences né chez des informaticiens débrouillards et rebelles, comme évoqué dans ce billet - se transpose dans le domaine des sciences et de la biologie. Avec les débuts du DIY Biology ou body hacking , avec ses premières communautés, comme DIYbio.org, l'espace libre et non-lucratif Genspace, ou encore Biocurious, un "hackerspace dédié aux biotechnologies".

Voilà pour les initiatives "officielles". Mais l'auteur se penche surtout sur des initiatives individuelles, nées de chercheurs ou de particuliers (très) radicaux. Il revient ainsi sur les premiers exemples - souvent assez connus - d'implants corporels de puces RFID, comme par Kevin Warvick, professeur de cybernétique (avec des visées scientifiques), ou encore un entrepreneur américain, Amal Graafstra, avec des visées plus pratiques (ie être reconnu par la porte de son domicile, sa moto ou sa voiture !).

Mais il y a des démarches de body hacking plus radicales. Comme les implants magnétiques, ces pièces de métal introduites sous la chair relayée par le magazine BMEZine, dont l'implantation vise clairement à acquérir de nouvelles sensations, un "sixième sens", du fait que l'implant magnétique (qui est un aimant) réagit aux ondes et aux champs électromagnétiques, émises par divers objets (réveil, téléphone portable, chargeur électrique...). Et permet donc de percevoir physiquement des ondes invisibles, même au toucher, comme le montrent les témoignages assez fascinants. Certains imaginent même des dispositifs permettant de faire ressentir à celui qui le porte la direction du nord électromagnétique, comme dans le projet North Paw.

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On est bien là dans cette perspective de l'humain "augmenté", qui acquiert de nouveaux sens, de nouvelles capacités, par des composants artificiels. Ce qui passe aussi par des projets impliquant des caméras ou webcams ajoutées au corps humain, parois avec des visées scientifiques (comme dans le projet 3rdi), ou encore l'ajout de ^prothèses, souvent pour combler un handicap physique, mais qui devient très bien assumé par son porteur (comme pour la top model / égérie de L'Oréal / sportive Aimee Mullins).

Pour les fans de Terminator et de Mission impossible 3 (avec la fameuse lentille de contact qui offre une vision "augmentée"...), la société Innovega a dévoilé le prototype de iOptic, où un projecteur associé à des lentilles de contact offre un effet de vision en "réalité augmentée" à son porteur.

Expérimentations de quelques doux dingues? Oui, mais cette idée d'interfaces hommes-machines, de produits destinés au grand public qui visent à interagir étroitement avec le corps humain, apparaissent déjà. Et l'auteur d'évoquer le casque audio MindWave de Neurosky, qui lit les "états mentaux" de son porteur, un appareil commercialisé par la société Emotiv, qui , porté sur la tête, permet de décoder les influx électriques du cerveau,et même des applications qui permettent de déchiffrer l'état émotionnel de l'utilisateur ! Ou encore iBrain de NeuroVirgil, qui réalise un encéphalogramme complet durant le sommeil...

Ce sont là les prémisses du quantified self (voir ce papier du Figaro), un business naissant porté par des joujoux appareils électroniques ((basés sur des capteurs) destinés à mesurer et influer sur le fonctionnement du corps humain, couplés à des applications mobiles ou services en ligne. Une forme de body hacking donc, là encore sans les intermédiaires traditionnels (médecins, cliniques, etc), même s'il n'y a pas l'idée ici de modification corporelle.

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Car pour les body hackers, l'idée-clé est bien celle de modifier son corps pour dépasser les limites de l'humain, comme Cyril Fievet l'a relevé à longueur de témoignages sur le forum Biohack.me, qui rassemble "une bonne part de la branche "dure" des body hackers", ou encore avec le témoignage de la transhumaniste Lepht Anonym sur son blog. Reste une question vertigineuse esquissée dans cet article de Fast Company, et à la fin de livre : et si, à l'avenir, certains étaient tentés d’abandonner leurs membres et organes biologiques au profit de machines sophistiquées, plus performantes ?

jeudi 9 juin 2011

Cyborgs, eugénisme génétique... Un homme presque (trop) parfait ?

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Elle est grande et élancée, à l'élégance classique, actrice, ex-athlète hors pair (demi-finaliste aux Jeux paralympiques d'Atlanta en 1996), mannequin pour Alexander McQueen depuis 1999, et une des ambassadrice de L'Oréal Paris depuis le dernier festival de Cannes, et thésarde. Au détour d'un article du ''Monde'' du 21 mai, elle avoue être "fan des escarpins", elle en a une centaine "pour aller avec mes quinze paires de prothèses de jambes". Aimee Mullins, Américaine de 34 ans, née sans péronés, revendique son port de prothèses.

Son discours est troublant, et militant. Il illustre ce passage étonnant du handicap à la "cosmétique augmentée", avec un discours radical. Après tout, "Nous avons déjà nos prothèses: nos portables, ordinateurs... Pamela Anderson a sans doute plus de prothèses (des implants issus de la chirurgie esthétique, ndcc) dans son corps que moi. Un jour, nous aurons des membres sous garantie avec option ,des prothèses au choix dans nos armoires", assure-t-elle. On sourit à l’évocation de la série L’Homme qui valait 3 milliards avec Lee Majors, où le héros se voyait poser des membres bioniques décuplant ses forces. Sûr, les robots ne nous remplaceront pas.

"Un homme diminué devient un homme augmenté". "Bienvenue dans un monde où votre corps sera réinventé"... Malgré des assertions qui flirtaient parfois avec les slogans accrocheurs, le docu diffusé jeudi soir sur France 2 était passionnant, nous poussant dans nos retranchements. "Un homme presque parfait" esquissait l'homme augmenté du futur, alors que la robotique, l'intelligence artificielle, la sélection génétique et la bionique débarquent dans les labos. Et suscitent nombre de fantasmes sur l'"humain augmenté" du futur, où le hasard n'aura plus sa place. Ce documentaire de Cécile Denjean nous plonge progressivement dans le trash technologinique du futur, ou comment améliorer les performances du corps humain par la technologie. Au détail près que l'on n'est plus seulement dans une univers à la George Orwell : le futur, c’est - presque - déjà maintenant. En le voyant, mes vieux démons sur la science-fiction et l'homme bionique du futur auquel rêvent les transhumanistes les plus fous m'ont rattrapée.

Hommes bioniques "implantés"

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Bienvenue donc dans un monde du futur où tous vos gènes sont sous contrôle et soigneusement réinventés, et où le hasard n'a plus sa place. Dans cette enquête très documentée, Cécile Denjean est allée dans plusieurs labos en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, pour voir des chercheurs passionnés de cybernétique, ou qui flirtent avec l'euphorie eugéniste.

Premier exemple: cet Allemand, le "premier homme bionique d'Europe" : amputé des deux bras suite à une décharge électrique de 20 000 volts, il a accepté de se faire greffer une prothèse inédite. Grâce à une puce, son cerveau contrôle un bras artificiel avec des capteurs ultra-sensibles. Le premier pas vers le cyborg... Il cite d'ailleurs Schwarzenegger en mode Terminator comme modèle. De fait, il a participé à un programme, Revolutionize prosthetics. Oh, étrangement, un programme initié aux Etats-Unis par la DARPA( Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) au début des années 2000: destiné aux militaires qui rentraient amputés du front d'Irak, vante l'organisme sur sa page d’accueil. Mais cela esquisse aussi le soldat bionique du futur. Flippant.

Au fil du documentaire, on nous égrène ces exemples de particuliers qui acceptent de tester ces innovations scientifiques. Nathalie, qui "a été implantée il y a un an" (notez le nouveau vocable qui émerge) : ses électrodes à la clavicule et au cerveau sont destinées à mettre fin à des troubles obsessionnels compulsifs sévères. Elle se sent "normale, pas du tout bionique". Aux Etats-Unis, à Huston, des chercheurs ont implanté 100 électrodes dans le cortex moteur d'un paraplégique. Il peut ainsi faire des gestes virtuellement qui s'affichent sur un écran.

Castes technologiques

Mais par petites touches, la technologie réparatrice vire vers une technologie de tri. "Une science de plus en plus invasive pénètre au coeur de l'humain", avertit Cécile Denjean. La limite entre ceux qui soignent et ceux qui augment , transforment, remodèlent, est de plus en plus floue. Dans un univers où les publicités, affiches et icônes de papier glacé qui nous susurrent à l'oreille la nécessité d'avoir un corps svelte, jeune, non-soumis au vieillissement, parfait.

Eh oui, Bienvenue à Gatacca: ce film de où l'on distingue des "élus" à partir de leur patrimoine génétique, consciencieusement trié, préfigure une réalité qui n'est déjà plus vraiment de la science-fiction. Vous vous souvenez sans doute de cette séquence-culte où le généticien annonce aux futurs parents qu'il s'est "permis" d'éliminer quelques "gènes" supplémentaires. Promis, "c'est le meilleur de vous-même" qui a été retenue...

A Los Angeles et à Hollywood, temple de la chirurgie esthétique, vous avez déjà le choix : mères porteuses sur catalogue, incubateurs d'embryons, et même possibilité de choisir le sexe - et plus - de son enfant. De fait, quelques labos très privés proposent un diagnostic préimplantatoire à partir d'une biopsie sur les embryons. Le circuit est parfaitement organisé pour les couples en quête de l'enfant parfait, avec même... un service financier pour monter un emprunt sur mesure, montre le documentaire. Car la "facture" est salée: 18 490 dollars pour le diagnostic préimplantatoire pour choisir le sexe de l'enfant, et jusque 30 000 dollars pour choisir la couleurs des yeux ou des cheveux. "C'est le bien de consommation ultime, que nous aurons pour toujours", lâche un futur père dans le docu, avec une inconscience absolue. Brrr. La brèche est déjà ouverte: en Angleterre, des médecins ont accepté d'enlever des embryons qui auraient risqué de faire loucher l'enfant.

Il faut voir là d'inquiétantes prémices à un eugénisme génétique, qui posent de vertigineuses questions éthiques. Si on élimine la fin et le hasard, on élimine le sens de la vie, et donc de la mort.

Et cela est déjà en route: des chercheurs ont réussi à concevoir un utérus artificiel, telle le professeur Hung-Ching Liu de l’université Cornell à New-York, qui annonce en 2002 qu’elle a réussit à implanter un embryon humain sur un utérus artificiel qu’elle avait préalablement créé. Le chercheur Thomas H Shaffer a mis au point un liquide amniotique artificiel permettant de sauver les bébés prématurés. Pour vérifier la viabilité de cet utérus artificiel, la scientifique y a implanté des embryons obtenus par Fécondation In Vitro (FIV). Ils ont bien accroché et ont commencé à se développer. La législation actuelle n’autorisant pas l’expérimentation sur l’embryon au delà de 6 jours, ceux-ci ont finalement été détruits. La polémique a été énorme. Mais la boîte de Pandore est ouverte: elle a ouvert la brèche à l’ectogenèse qu'avait imaginé Aldous Huxley: on sait que cela est faisable. Même si Valérie Pécresse, dans un rapport pour l’ information sur la famille et les droits des enfants, a clairement montré qu’elle était contre l’ectogenèse, la comparant au clonage.

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En Grande-Bretagne, Kevin Warwick, professeur de cybernétique à l'Université de Reading près de Londres, est devenu le premier cyborg après s’être implanté une puce dans le bras pour mieux comprendre les liens que pourraient à l’avenir tisser l’homme et la machine. Il s'est fait implanter une puce RFID dans son bras gauche pour s'identifier et commander la domotique de son labo, puis une seconde puce dans son bras, doté d'une main artificielle, qui est connectée à son système nerveux.

Après 6 semaines d’entrainement, pour que son cerveau et ses muscles apprennent à maîtriser le système, il a réussi à détecter des objets les yeux fermés quand ceux-ci étaient capables d’envoyer des informations à son capteur, à faire bouger une main robotique mimant les mouvements de la sienne à l’autre bout du monde, via l’internet, et à développer de nouvelles manières de communiquer, notamment avec sa femme, relate InternetActu.

Des dingues radicaux en rêvent déjà : les transhumanistes, qui croient dur comme fer en la capacité des technologies à améliorer l'être humain. Ils ont déjà leurs "centres de recherches", comme à la Singularity university, sur le campus de la Nasa dans la Silicon Valley. Alors qu'il y a une longue frontière - à ne pas franchir - entre science-fiction et science au service du business...

lundi 28 février 2011

"Nous sommes tous des cannibales"

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Lady Gaga qui se présente aux MTV Video Music Awards vêtue d'une robe de viande saignante, le succès auprès des ados de Twilight et des romans de vampires, les 33 mineurs qui "auraient songé au cannibalisme", sans compter de récents "faits divers" , telle la pulsion cannibale de Nicolas Cocaign, sur laquelle @AbstraitConcret est revenu récemment dans ce passionnant billet... Pas de doute, cannibalisme (qui "se pratique en groupe avec un rituel ou comporte tout du moins un tenant culturel", rappelle @AbstraitConcret) et anthropophagie (acte d’un individu isolé, dépourvu de cérémonie) sont plus que jamais omniprésents, aussi bien dans la création artistique pointue que l'entertainment.

Inhumanité et nihilisme

J'en suis ressortie hier midi secouée. La Maison rouge (la bien-nommée...) propose "Tous cannibales", une étonnante exposition sur la chair et le cannibalisme dans l'art. Des classiques comme Cranach aux artistes contemporains, 47 artistes sont mis en avant dans cette expo sauvage et violente, qui vous prend aux tripes - c'est parfaitement le but recherché. Qui montre que le cannibalisme peut être trash, provocateur, mais aussi profondément nihiliste. Car ce phénomène, particulièrement tabou en Occident, en dit long sur la nature humaine - et fascine, étant une forme de crime ultime à la lisière de l'inhumanité, de l'animalité.

Surtout, de tous temps, la représentation de la dévoration a permis aux artistes de dénoncer la violence de la société. Le sujet est d'autant plus omniprésent que l'"on vit dans une époque aseptisée, où l'on procède à la chirurgie esthétique, au clonage, on assiste au retour de l'anorexie ; on quitte son cors pour un autre. Et, dans le même temps, l'homme contamine son espace vital et ce dont il se nourrit (vache folle, biosphère..)", expliquait très justement Jeanette Zwingenberger, commissaire de l'exposition, dans une interview à Télérama cette semaine. Bref, à ses yeux, la femme bionique accro à la chirurgie esthétique, la fascination pour les tatouages, piercings et autres formes de scarification, voire le transhumanisme relèvent du même phénomène.

Ingestion, injection, greffe, transplantation

Y a-t-il une différence réelle entre ingérer le corps de l'autre et en introduire volontairement des parties ou des substances dans son propre corps, par injection, greffe ou transplantation ? Il existe peut-être d'autres formes de cannibalisme, sous d'autres formes, parmi nous, voilà ce que veut nous démontrer cette expo très provoc'. Et nous pousser dans nos retranchements.

"Nous sommes tous des cannibales. Après tout, le moyen le plus simple d'identifier autrui à soi-même, c'est encore de le manger". Voilà ce qu'écrivait Claude Levi-Strauss dans La Repubblica en 1993, pour qui l’anthropophagie des peuples indigènes d’Océanie ou d’Afrique était un équivalent à l’eucharistie ou aux transferts d’organes pratiqués en Occident.

Il y a d'abord, bien sûr, les mythologies les plus anciennes de la dévoration: depuis la déesse Kali,Tantale et Polyphème qui font acte d'anthropophagie, ou Saturne (Chronos dans la mythologie romaine) qui dévore ses enfants à leur naissance, pour éviter que ne s'accomplisse la prédilection selon laquelle il serait détrôné par l'un d'eux...

De ce masque rouge de Giovanni Battista Podesta, une représentation du diable peu éloignée de celles du Moyen-Age, en passant par une gravure de Lucas Cranach L'Ancien du loup-garou, où l'homme dévore ses semblables,en passant par celle du sabbat des sorcières, où celles-ci se livrent à des rites et des orgies et s'abreuvent de sang (Goya s'en inspirera) - jusqu'au XVème siècle, l'anthropophagie est représentée comme une pulsion aux origines maléfiques, qui menacent la société et l'Eglise.

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Même dans des gravures d'époque, le Gargantua de Rabelais est représenté s'empiffrant joyeusement de bonshommes...

Sans compter le (faussement) univers des contes pour enfants, d'Hansel et Gretel et l'ogre dévorant ses enfants, au Petit Chaperon Rouge...

Une autre vision du cannibalisme succède au XVème siècle, lors des grandes explorations: des Antilles à l'Amérique, puis sur les premières photos du XXème siècle: des photos de "sauvages" primitifs, où le cannibalisme est assimilé à un instinct primitif, proche de l'état animal: une vision colonialiste que véhiculent alors les photos "ethnographiques", dont celles prises par les frères Dufty sur les îles Fidji.

Au XVIIIème siècle, la cannibale prend aussi la figure du buveur de sang: vampire popularisé par les contes et légendes populaires, depuis les contes pour enfants pour Grimm, et par Bram Stoker - repris à l'infini au cinéma, depuis le puissant muet Le Vampire de Murnau au gothique Dracula de Francis Ford Coppola.

Société de consommation

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Mais l'expo va bien plus loin qu'un passage en revue de l'art classique. Elle montre l'omniprésence du cannibalisme dans l'art contemporain - les artistes en font un relais destroy de messages non moins percutants. En 1987, Jana Sperbak revêt cette robe de chair (concept récemment repompé par Lady Gaga, comme je le disais plus haut), parure comestible et périssable, à notre image.

Avec le moulage d'un corps obèse qui se vide sur le sol, "Fatman", John Isaacs représente toute la cruauté de la société de consommation.

A coup sûr, le cannibalisme permet de remettre en cause des piliers sociaux - dont l'Église, bien sûr. La commissaire de l'expo a ainsi choisi d'inclure la tétée: le petit dévorant sa mère. Une manière de voir les choses... Côté classique est ainsi exposée une Vierge à l'Enfant d'un atelier de l'Europe du Nord du XVème siècle, qui nourrit l'enfant Jésus.

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Œuvre côtoyée par des cousines plus trash: une photo de Cindy Sherman représente une madone sans enfant qui tend un sein, étrange prothèse à l'artificialité évidente. Quelques mètres plus loin, une photo ("Lait miraculeux") de Bettina Rheims de sa série «Chambre close» de 1992, où l'on voit une jeune femme coiffée d'un voile noir et habillée d'un soutien-gorge d'allaitement, offrant au regard un sein volumineux dont coulent quelques gouttes de sang...

dimanche 13 février 2011

«Elle», ou la chirurgie plastique pour les nulles

Je vous parlais cette semaine de transhumanisme, il y a une certaine continuité avec le sujet ci-dessous. Prémisse possible à la femme bionique du futur, dont la quête de la perfection physique passe par le recours à la science - au bistouri donc.

Cela tombe bien, Elle de la semaine dernière y consacrait un (effrayant) dossier. Avec pour point de départ un marronnier ("Spécial rajeunir"), sur une vingtaine de pages, Elle nous laisse à penser que le recours à la chirurgie esthétique est la norme - eh non, vous n'y échapperez pas !

Étonnamment (enfin non...), dans ce numéro, les publicités pour les crèmes et sérums anti-âge sont surreprésentées: une dizaine de pubs (contre 3 dans le Elle suivant). Ah, et également, une pub pour la solution d'acide hyaluronique Juvéderm (labo Allergan). Bien sûr, il n'y a pas de pubs pour des labos ou les cliniques spécialisées en chirurgie esthétique - le Code de Déontologie Médicale le leur interdit... On imagine d'autant mieux la satisfaction des ((nombreux) médecins, chirurgiens et autres dermatos spécialistes à être cités comme "experts" dans Elle !

J'ai demandé à une de mes collègues, Delphine Le Goff, journaliste médias à Stratégies, qui avait elle aussi quelque peu halluciné en feuilletant Elle, d'analyser avec son regard la ligne éditoriale adoptée par le féminin sur ce sujet. Cela tombe bien, "Magazine junkie", elle revendique "une addiction au papier glacé". La presse féminine, française ou anglo-saxonne, faisant partie de ses plaisirs coupables. Je lui laisse la parole...

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Elle

C’est un grand classique de la presse féminine, comme les «Spécial Mode» et les «Spécial Maigrir». Mais cette année, Elle a franchi un cap avec son numéro « Rajeunir », sorti le 4 février dernier. Déjà, le discours a subtilement changé. Là où, jadis, on promettait aux lectrices mille sortilèges afin de «rester jeune», là, il s’agit carrément de «gagner au moins dix ans»...

Dès la couverture, on a du mal à s’empêcher de rire : c’est Demi Moore qui a les honneurs de la «Une». «Je vis les plus belles années de ma vie», déclare l’actrice de 48 ans. On l'espère pour elle : l’actrice est connue pour être refaite du sol au plafond avec, paraît-il, 250 000 euros de chirurgie esthétique ! Le portrait consacré à l’actrice reste extrêmement discret sur ce point : « Si retouches il y a (elle refuse d’en parler), elles sont nickel. Son front est lisse, mais quelques petites rides, qui plissent joliment autour de ses yeux mordorés et une microcicatrice sur la joue montrent qu’elle maîtrise les limites du genre dans un milieu où la chirurgie et le Botox sont des drogues ».

Un peu plus loin, Demi nous donne gentiment les secrets de sa jeunesse éternelle : « Je souris beaucoup : ça rehausse le visage et l’être en général. Je me nourris bien, j’évite les sucreries, je bois énormément de lait de coco et je fais du sport ». Merci du tuyau, Demi.

«Réflexes esthétiques», ou comment faire de la chirurgie une norme

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Mais si on en croit les pages du dossier « Spécial Rajeunir » qui suivent, le sourire et le lait de coco, ça ne va pas suffire. Les sujets ont quasiment tous des relents de salles d’opération. A la question «Le "liquid lift" va-t-il tuer le lifting ?», la réponse semble être non, avec cet argument savoureux: «le lifting n’est pas si cher. Il coûte 5 000 euros, mais les injections c’est non-stop !».

Plus loin, dans l’article « Crèmes, piqûres : ce que les médecins choisissent pour elles », des dermatologues et des chirurgiennes esthétiques exposent leur propre traitement anti-âge. Tiens donc ! Elles passent quasiment toutes par la case «lifting dans quinze ans», «Toxine botulique trois fois par an» ou «chirurgie des paupières».

Une série de portraits intitulée « Elles ont tout compris ! » montre des femmes de 36 à 66 ans et leurs «réflexes esthétiques ». Là aussi, on est noyé sous la toxine botulique, la toxine hyaluronique (à ne surtout pas confondre, semble-t-il) et les projets de chirurgie. Dans ce numéro qui pourrait s’intituler « La chirurgie plastique pour les nulles », on nous explique même comme lire un devis d’acte esthétique avant ravalement, avec un glossaire «Spécial débutantes» pour bien faire la différence entre laser antitâche, laser fractionné, peeling moyen, méso-réjuvénation…

Pacte faustien

Elle essaie bien de nuancer son propos, avec un papier sur les ratés de la chirurgie («Ça devait me rajeunir, ça me vieillit», ah oui, c’est fâcheux !) et cette question, aux accents quasi-métaphysiques : «Le Botox rend-il heureuse ?». Soulagement pour l’accro aux injections : aux Etats-Unis (grande patrie de la chirurgie et du Botox) certains médecins affirment que la toxine botulique, qui a décidément tout pour plaire, est un remède contre la dépression…

En attendant, ce qui est vraiment déprimant, c’est la lecture de ce numéro, anxiogène au possible. Est-il possible de vieillir sans passer par le billard, et sans débourser des milliers d’euros ? Etrange pacte faustien que celui de Elle, qui en adoptant ces injonctions à la jeunesse éternelle, semble avoir vendu son âme aux chirurgiens plastiques. On ne peut s’empêcher de penser à la scène mythique du film Brazil, où la mère du héros, obsédée par son apparence, se fait étirer exagérément le visage. C’est peut-être cette femme, en fait, que Elle aurait du mettre en couverture…

Delphine Le Goff

vendredi 11 février 2011

Même pas mort dans ma deuxième vie numérique !

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Avez-vous déjà songé à ce que pourront devenir vos mails, vos tweets, votre page Facebook ou votre blog une fois passé à trépas ? Le fantôme de votre double numérique continuera-t-il à hanter le cyberespace à coup de posts automatiques et de "c'est votre anniversaire" sur le "Social Network"? Votre compte Twitter continuera-t-il à vivre alimenté par des posts en 140 signes robotisés ou sera-t-il usurpé par un proche ou un inconnu entretenant l'illusion pour vos 4000 followers ? Sans y penser, vous semez chaque jour, à chaque heure, parfois à chaque minute les traces de votre existence et de vos pensées sur les dizaines de milliers de serveurs qui font battre le cœur du Réseau. Et vous assurez ainsi une postérité numérique, une forme d'immortalité sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Demain, à partir de cet ADN digital, vos descendants pourront peut-être recréer votre personnalité sous la forme d'un avatar "3D" doté d'une intelligence artificielle avec qui ils pourront conserver: "C'était comment mon Aïeul au début du XXIème siècle ? Et qui était cette femme que tu as tant aimé ?".

Encore plus fou, n'avez-vous jamais rêvé (ou cauchemardé) de renaître à la vie par la grâce d'une manipulation de votre ADN biologique cette fois, cloné par quelque savant fou qui donnerait naissance à un Golem de chair qui serait un deuxième vous-même ? Et si d'aventure il était possible un jour de "sauvegarder" votre conscience, ce pur esprit que les croyants appellent l'âme, pour la télécharger sur un disque dur et ressusciter des morts tel Lazare sous la forme d'un homme-machine que l'on appelle Cyborg ?

Le sujet est troublant, dérangeant. Pourtant, il faudra bien se pencher dessus, alors qu’un business commence à émerger autour de la gestion de votre vie numérique, de l’archivage de votre vie numérique, avec notamment le projet Total Recall ourdi par un Docteur de Mabuse de Microsoft. Votre vie numérisée pour l'éternité, l’immortalité digitale, la transcendance de l'humanité et son "augmentation" par la machine...Justement, il en était question au cours de la soirée #jesuismort , organisée mardi à La Cantine par nos amis de L'Atelier des Médias de RFI, Silicon Maniacs et Owni. Une soirée-débat particulière, avec des invités étranges (entre autres un président de l'Association Française Transhumaniste, un membre de la Singularity University...) où l’on a beaucoup causé immortalité et transhumanisme, cette mouvance culturelle qui prône l'usage des sciences et des techniques pour améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains.

Un truc de doux dingues ? Pas si sûr quand Eric Schmidt de Google s'y met: "Ce que nous essayons de faire c'est de construire une humanité augmentée, nous construisons des machines pour aider les gens à faire mieux les choses qu'ils n'arrivent pas à faire bien"...

Cela faisait donc longtemps que nous voulions nous pencher sur ce sujet existentiel et vertigineux avec mon confrère blogueur et journaliste Jean-Christophe Féraud. A la faveur de l'évènement #Jesuismort, nous avons donc décidé d'écrire ce billet en commun et de l'accueillir sur nos blogs respectifs (vive les billets co-brandés ;)

Cimetière post-mortem

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Nos traces numériques esquissent déjà des prémices à notre postérité digitale. Vous êtes peut-être déjà tombés, au gré de vos pérégrinations sur Facebook, sur des pages de personnes décédées. J'ai déjà atterri par hasard sur la page Facebook du frère d'un ami, disparu en mer. Son wall était resté ouvert, en accès libre, ses amis et sa famille continuaient à y déposer des messages d’hommage post-mortem. Jean-Christophe a connu la même expérience suite à la mort soudaine d'un vieil ami journaliste...Troublant : Facebook devient alors un cimetière, où les gens développent des rituels funéraires virtuels.

Justement, mardi soir à #Jesuismort, Tristan-Mendès France, un temps assistant parlementaire, maintenant blogueur, documentariste et chargé de cours au Celsa, nous a longuement parlé de cela – ces rites funéraires qui commencent à se développer dans des mondes virtuels. La première fois, que cela s’est produit c'était dans le jeu en réseau "Word of Warcraft" en 2005 : suite au décès d’une gameuse, un véritable rituel funéraire a été organisé dans le monde de Warcraft pour lui rendre hommage…

Pour Tristan, c’est sûr, on est face à un véritable « cimetière virtuel » sur Facebook, qui compterait 5 millions de morts (ou plutôt de profils de personnes décédées), laissés ouverts, volontairement ou pas, par les familles. Et de fait : c’est un peu affolant, mais rien n’a été prévu par les Facebook, Twitter, LinkedIn et autres réseaux sociaux pour supprimer le profil d’une personne décédée ! Idem pour les plateformes de blogs, les moteurs de recherche… Au niveau juridique, c’est la jungle. Au point que quelques sociétés imaginent sûrement des solutions de marchandisation post-mortem. Imaginez : bientôt, à défaut d’être immortel physiquement, vous pourrez sans doute vous acheter une immortalité digitale, garder une présence en ligne, sous la forme d'une concession virtuelle éternelle ou réduite à 20, 30 ou 50 ans...

Parallèlement, des futurologues, gourous du transhumanisme, tels Raymond Kuzweil, Aubrey de Grey, et autres doux dingues le jurent: la mort est un phénomène dont on peut guérir. Certains prédisent l’immortalité dans 15 ou 20 ans grâce au séquençage du génome humain, entre autres évolutions technologiques. Lisez plutôt le Manifeste des Extropiens, une nouvelle religion conceptualisée par le bon docteur Max More :

"Nous mettons en question le caractère inévitable du vieillissement de la mort, nous cherchons à améliorer progressivement nos capacités intellectuelles et physiques, et à nous développer émotionnellement. Nous voyons l'humanité comme une phase de transition dans le développement évolutionnaire de l'intelligence. Nous défendons l'usage de la science pour accélérer notre passage d'une condition humaine à une condition transhumaine, ou posthumaine. Comme l'a dit le physicien Freeman Dyson, 'l'humanité me semble un magnifique commencement, mais pas le dernier mot" (Introduction à "Principes extropiens" 3.0).

Un délire de l’humain parfait flirtant dangereusement avec l'eugénisme et l'homme nouveau national socialiste qui a été abondamment inspiré la Science-Fiction d'avant et d'après guerre, du "Big Brother" d'Orwell au Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley. Et que l'on a vu recyclé dans plusieurs films, notamment « Bienvenue à Gattaca » où des jeunes gens au patrimoine génétique parfaits étaient programmés pour partir à la conquête de l’espace…Pour mémoire, voyez plutôt ce petit extrait:

Etranges concepts

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C’est là, que défilent d’étranges concepts survolés lors de la soirée #Jesuismort. On a brièvement parlé de cryogénisation (vous savez, cette théorie – très en vogue il y a une dizaine d’années – consiste à se faire congeler pour ressusciter dans un futur proche ;) : déjà has been. Il fut aussi question d’ "uploading de l’esprit" ou comment transférer le contenu d'un cerveau sur disque dur, en l'ayant préalablement numérisé. Un ordinateur pourrait alors reconstituer l’esprit par la simulation de son fonctionnement, sans que l'on ne puisse distinguer un cerveau biologique « réél » d'un cerveau simulé...Totalement naïf et délirant vous diront tous les neurologues vu la Terra Incognita que reste notre cortex pour la science. Le concept apparaît pourtant dans "Matrix" et ses suites, mais aussi dans La Possibilité d’une Ile de Michel Houellebecq, où le "mind uploading" est évoqué comme un composant de la technique permettant de vivre, jeune, plusieurs vies successives avec un corps et un esprit identiques. De vaincre enfin l'obsolescence de l'humanité...

Les tenants du transhumanisme y croient dru comme fer: en plein débat sur la réforme de la loi sur la bioéthique (le texte est en débat au Parlement en ce moment), ils ne jurent que par les propositions « technoprogressistes ». Comme par exemple, « autoriser le libre choix de la gestion pour autrui, notamment dans le cas des mères porteuses », expliquait mardi soir Marc Roux, étrange président de l’Association Française Transhumaniste. Pour lui, c’est simple, « le législateur est très en retard sur ces sujets ».

Ces délires scientistes autour du transhumanisme connaissent déjà quelques prémisses. Vous voulez savoir si d'aventure vous n’avez pas quelques prédispositions pour avoir un cancer ou la maladie Alzheimer ? Une kyrielle de start-ups pullulent sur le Net, et vous proposent déjà d’analyser votre ADN, telle 23AndMe (oh tiens donc, fondée par l’épouse de Sergey Brin, un des fondateurs de Google…on y reviendra), d’explorer votre patrimoine génétique, ou plus prosaïquement de faire un test de paternité. Quitte à conserver dans leurs bases de données ces précieuses données très intimes vous concernant… au risque de les revendre dans quelques années.

"J'ai vu tant de choses que vous humains ne pourrez pas croire. De grands navires en feu surgissant de l'épaule d'orion. J'ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l'ombre de la porte de Tannahauser.Tous ces moments se perdront dans l'oubli. comme les larmes dans la pluie...", déclamait Roy, le répliquant de "Blade Runner" qui, comme nous pauvres humains, ne voulait pas mourir. Il s'est trompé peut-être...

Pour conclure, voici un extrait de ce bouleversant monologue de Fin:

Capucine Cousin et Jean-Christophe Féraud