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lundi 28 octobre 2013

Gravity, odyssée spatiale contemplative, le retour de la 3D

Les premières minutes, on est en contemplation, scotché dans son fauteuil, on s'abreuve de ces images jamais vues, avec cet effet de relief incroyable. Et parfois, la tentation d'attraper avec les mains des objets qui volent. Les deux astronautes évoluent dans ce bout d'infini, d'espace, avec une incroyable lenteur. Au fil des minutes, cela semble doux, suave, avec des sons étouffés. Alors que ce qui se trame est d'une certaine violence: les deux astronautes sont susceptibles, d'une minute à l'autre, d'être emportés par une pluie de débris. Dans cette odyssée spatiale, les longs plans-séquences succèdent aux chorégraphies spatiales, en passant par la reproduction visuelle de l'état d'apesanteur. On a le sentiment d’être, de flotter dans l’espace.

C'est un des films les plus étonnants en cette rentrée, thriller galactique, qui exploite de manière assez incroyable les potentialités de la 3D. Gravity, donc, réalisé par Alfonso Cuarón, est une sorte de blockbuster fantastique qui se déroule presque totalement dans l'espace. Durant 1 h 30, on y voit un huis-clos dans cet espace infini, avec deux personnages - et quelques autres, de simples voix par micros interposés, depuis la Terre. Le docteur Ryan Stone, experte en imagerie médicale, accompagne pour sa première expédition à bord d'une navette spatiale l'astronaute chevronné Matt Kowalsky. Mais alors qu'il s'agit apparemment d'une banale sortie dans l'espace, un violent rebondissement surgit : la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l'univers. Avec une menace - l'adversité propre à tout scénario hollywoodien - d'une réaction en chaîne entre les débris spatiaux en orbite autour de la Terre. Le tout dans ce silence assourdissant et velouté autour d'eux, où ils ont perdu tout contact avec la Terre. En s'enfonçant plus loin encore dans l'immensité de l'espace, ils trouveront peut-être le moyen de rentrer sur Terre...

Depuis sa sortie en France, mercredi dernier, Gravity y a réalisé 1 113 882 d'entrées en cinq jours - ce qui en fait le troisième meilleur démarrage de l'année derrière Iron Man 3 et Fast & Furious 6. Déjà aux Etats-Unis, il a réalisé 170 millions de dollars de recettes en 3 semaines

Je m'interrogeais il y a quelques temps sur l'avenir de la science-fiction: ici on frôle le genre, avec ce film hybride, film fantastique, pas vraiment de science-fiction, qui emprunte largement aux codes du space opéra. Gravity fait ainsi penser à l'immense 2001, l'odyssée de l'espace (l'aspect métaphysique en moins, porté dans le film de Stanley Kubrick par la musique, avec Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss en ouverture), tourné 15 mois avant la réussite d'Appolo XI, ou encore la fresque Silent running, réalisée en 1971 par Douglas Trumbull (concepteur des effets spéciaux de 2001).

Cinéma contemplatif et métaphysique

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Avec Gravity, peut-on réellement parler d'un film ? C'est à la fois du cinéma-spectacle et du cinéma contemplatif, où l'on se plonge dans l'infini de l'espace. Il y a un aspect très documentaire : le réalisme implique que, durant les premières minutes, on découvre cet univers. D'ailleurs, pour cette approche documentaire, le cinéaste a expliqué avoir soumis des situations à des astronautes, avoir discuté avec des physiciens, y compris sur le comportement des corps soumis à l’apesanteur.

Il y a un côté métaphysique à se plonger dans cet univers infini, où l'on est décidément que poussière. Ce qui explique peut-être en partie le succès de ce film, à en voir les photos de queues infinies devant les salles largement diffusées sur Twitter le weekend dernier. (Même si, certes, les esprits chagrins souligneront la relative faiblesse du scénario, la fin plan-plan et le faux suspense, etc). Un aspect parfaitement voulu.

"L’une des premières images que nous avions en tête était celle d’un astronaute dérivant dans le vide. Parmi les thèmes que nous voulions aborder dans un film d’action, il y avait l’adversité et la capacité des individus à affronter celle-ci pour enfin revenir à la vie. L’espace était l’endroit parfait pour accueillir les métaphores qui figureraient ces idées. Le personnage central était dès le départ une femme, nous voulions une présence maternelle qui fasse écho à celle de la Terre. Ryan Stone (Sandra Bullock) réapprend à vivre, c’est une renaissance. Autre point crucial, il fallait un traitement très réaliste, très proche d’un documentaire comme Hubble (Toni Myers, 2010) mais dans lequel la mission aurait dérapé", explique Jonás Cuarón, fils du réalisateur, dans une interview à Trois Couleurs.

Le retour de la 3D

Mais aussi, cela réhabilite de manière inattendue la 3D, que l'on croyait déjà has been, plus ou moins vouée à l'échec au cinéma, à part pour quelques rares blockbusters et dessins animés. Car malgré l'effet Avatar, le cinéma tout comme la télé 3D n'ont guère décollé, comme je l'abordais ici, ou dans cette enquête, celle-ci pour Mediapart. De fait, le film fait plus de 82% de ses recettes aux Etats-Unis dans les salles 3D, tout comme dans les autres pays où le film est sorti - certes, les spectateurs n'ont peut-être pas trop le choix, car la quasi-totalité des séances proposées en France sont en 3D.

Assurément, dans Gravity, la 3D est justifiée. Les premières minutes du film, on peut ressentir une nausée vertigineuse à l'image de ce noir infini, de la planète Terre qui est immense, avec ces bouts de vaisseau au premier plan.. Et il y a ces petits objets qui volettent. La 3D se justifie vraiment car c'est une des premières expériences visuelles spatiales aussi réalistes que l'on connaît de cette manière. On aurait presque l'impression d'être à bord d'un vaisseau. La 3D permet de littéralement découvrir visuellement l'espace, ces planètes en premier plan, ces météorites qui flottent parfois...

dimanche 13 janvier 2013

Robopocalypse, récit d'un putsch des robots

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Des machines devenues indispensables, des GPS des téléphones portables aux voitures à pilotage automatique, en passant par les robots-nurses, les robots-jouets pour enfants, ou jouets sexuels pour adultes esseulés (les love dolls), les robots de manutention... Ils se nomment Big Happy, Super Toy, Sappy, sont devenus omniprésents dans nos vies, nos foyers.

Et si les robots pouvaient se soulever, tenter de prendre le pouvoir dans un putsch parfaitement organisé ? C'est ce qu'a imaginé dans son premier livre, Robopocalypse (ed. Fleuve Noir), Daniel H. Wilson, 34 ans, chercheur en intelligence artificielle,

Blockbuster Sci Fi

Certes, le sujet est omniprésent dans la science-fiction, de Metropolis à i,Robot, en passant par la saga des Terminator. Mais ici, l'ouvrage reprend autant les codes du récit de science-fiction que du thriller, et même consacre le genre de la science-fiction avec des recettes dignes d'un blockbuster. Pas surprenant que ce récit très cinématographique soit susceptible de servir de base au prochain film de Steven Spielberg - même s'il vient d'annoncer repousser ce projet à gros budget initialement prévu pour 2014, crise oblige.

Daniel H. Wilson imagine donc ici le soulèvement des machines dans un futur proche. Des androïdes serviles qui fomentent une révolution... après tout, la notion d'esclavage est présente de manière subliminale dans la notion même de robot : étymologiquement, le terme robot est issu des langues slaves, et formé à partir de rabot (работа en russe) qui signifie travail, corvée, que l'on retrouve dans le mot Rab (раб), esclave en russe. Ce terme aurait été utilisé pour la première fois par l’écrivain tchécoslovaque Karel Čapek dans sa pièce de théâtre R. U. R. (Rossum's Universal Robots) en 1920, qui met en scène... un soulèvement des machines.

Robopocalypse, c'est avant tout un thriller high-tech mené tambour battant, au rythme un peu mécanique, comme les machines qui en deviennent les protagonistes, qu'on lâche difficilement, le long de ses 439 pages, tant qu'on ne l'a pas fini. Le décompte se poursuit au fil des chapitres: "Virus précurseur + 30 secondes", "Virus précurseur + 5 mois", "Heure zéro - 40 minutes"...

Une première partie, “Incidents isolés”, relate les prémices du soulèvement aux quatre coins du monde ; “Heure zéro” raconte le basculement dans la guerre civile, avec pour déclencheur un chercheur qui conçoit un robot doué d'intelligence artificielle, appelé Archos, qui va mener la révolte des robots. Les deux dernières parties montrent comment s’organise la résistance, et décrit la possibilité d’une renaissance de l’humanité. Tout cela nous est rapporté du futur via une boîte noire, sorte de “cerveau" qui a enregistré les étapes de la révolution et l’éclosion de son leader, Archos.

Dystopie

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Le récit met donc en scène un monde qui frôle littéralement l'Apocalypse (en tous cas pour les humains). L'auteur ne s'attarde donc guère sur l'aspect récit d'anticipation, ce qui l'intéresse davantage, c'est le combat entre les humains survivants et des robots organisés. Un monde sombre, en déshérence, une dystopie en somme; un des genres littéraires propres à la science-fiction, une contre-utopie, qui dépeint un des pires mondes possibles qui puisse être envisagé, contre l'avènement de laquelle l'auteur entend mettre en garde le lecteur. Une forme de récit que l'on a déjà vue avec Le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley, 1984 de George Orwell, ou encore Fahrenheit 451 de Ray Bradbury.

Humains "augmentés"

Classique dans la science-fiction, Robopocalypse dénonce les risques d'extinction de la civilisation humaine et l’angoisse que génère la place croissante des machines dans notre société. "Les machines nous ont attaqués sans prévenir, elles ont bouleversé notre vie quotidienne, elles sont nées de nos rêves, mais aussi de nos cauchemars", constate un des survivants.

Mais il surfe aussi sur une vogue paranoïaque quant à ces machines et ces réseaux sociaux, qui nous entourent, et font de la vie privée, du secret, un luxe. “Il faut savoir qu’au tout début, l’ennemi ressemblait à des trucs ordinaires : voitures, immeubles, téléphones”, lâche un survivant dans Robopocalypse. Bref, méfiez-vous des portables qui vous géolocalisent, et des ordinateurs qui mémorisent ce que vous faites sur Internet...

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Image CC Flickr Roberto Rizzato

Côté anticipation, le chercheur en robotique met de manière tout à fait réaliste les avancées de la robotisation, des perspectives vertigineuses qu'ouvrent les interactions hommes-machines (j'en parle ici), et celles de l'humain "augmenté", déjà esquissées par Cyril Fiévet dans son remarquable livre sur le sujet. Les voitures sont désormais automatiques (ça vous rappelle quelque chose ?), et communiquent entre elles grâce à leurs "puces intravéhiculaires connectées", devenues obligatoires, grâce auxquelles les voitures "se débrouillent pour éviter les collisions"... Des humains combattants s'équipent d'exosquelettes...

Des humains "augmentés" d'appareils, tel cet ado qui a , greffée à son avant-bras, "une coque métallique graisseuse, terminée par deux lames", ou la jeune Mathilda, qui a, greffés sur le visage, des yeux "augmentés" lui permettant de voir en réalité augmentée. "Les machines nous ont transformés. Nous sommes à la fois différents... et pareils. Nous sommes les transhumains", dit l'un d'entre eux.

Mimer les émotions

Et Daniel H. Wilson soulève cette question (périlleuse): jusqu'où les robots pourront-ils mimer les comportements humains, dont les émotions? Seront-ils capables de s'attacher à leurs maîtres?... Plusieurs des robots mis en scène sont décrits, de manière troublante, avec des expressions humaines. Telle la love roll - androïde Kiko, qui, lorsqu'elle étrangle son maître, a "son visage qui se tord d'émotions. Des larmes jaillissent de ses yeux, le bout de son nez rougit, un air d'angoisse pure lui cisaille les traits. Elle est en train d'étrangler M. Nomura en pleurant".

Plus loin, vers la fin des combats, l'auteur fait s'exprimer au style direct un robot, Rob : "Bizarre. Je prends enfin conscience que je veux vivre au moment où ils (les humains) veulent me tuer. je décolle les bras de ma poitrine et j'appuie mes deux coudes sur le fond de la caisse". (...) Plus loin, "il appelle des humains à l'aide, rectifiant : "Tu es cassé ? Négatif. Je suis vivant. (...) Aujourd'hui, je suis libre - vivant. Et je souhaite le rester". "Immédiatement après avoir pris conscience d'eux-mêmes et de leur liberté, les membres du Freedom Squad ont fait preuve d'une détermination à ne plus jamais tomber sous l'entité d'une emprise extérieure", raconte un des narrateurs. On remarquera ici toutes les capacités d'émotions on ne peut plus humaines qui sont prêtées aux robots: tristesse, prise de conscience, réflexe de survie...

Théorie de l’information et intelligence artificielle

Une réflexion cybernétique qui a nourri de manière plusieurs ouvrages récents. Aurélien Bellanger, évoque à plusieurs reprises dans sa Théorie de l’information l’intelligence artificielle et à sa capacité à surpasser son concepteur, l'humain. Et émet l’hypothèse d’une déshumanisation qui s’attaquerait au langage et aux affects.

Déjà le jeu vidéo, "expérience anthropologique radicale, confronte, pour la première fois, l'homme à sa nature brute. (...) L'homme est une machine qui explore à l'aveugle les circuits compliqués de son propre cerveau, un labyrinthe de plaisirs et de peines, de récompenses et d'obstacles. (...) Jouer, c'est plonger son corps dans un acide qui en dissout, couche après couche, tous les tissus et membranes, toute la nature organique et sensible, jusqu'à ce que le cerveau soit mis à nu, comme machine électrique autonome et comme réseau logique terminal".

Facebook même le préfigurerait, "monde conclave et bouclé. Coupés du sol, les branchages algorithmiques de Facebook formaient pourtant une résille capable de capturer la vie. Les hommes étaient devenus des robots calculateurs, susceptibles et sociaux. (...) Les êtres humains, privés de leurs organes biologiques, n'y échangaient plus que des informations. La touche 'J'aime' était froide. Facebook s'était transformé en inconscient collectif, puis en tribunal du Jugement dernier".

mardi 20 février 2007

TouchScreen, Digitable... Ecrans tactiles interactifs

Dans Minority Report, un des meilleurs films de science-fiction de Spielberg, le héros (Tom Cruise) utilise un écran tactile géant, proposant une image en 3D. Ce n'est peut-être plus tout à fait une fiction. Cette vidéo circule sur YouTube depuis presque un an : la société Perspective Pixel a développé TouchScreen, un écran avec lequel on peut interagir en l'effleurant des doigts, regardez la vidéo, le résultat est fascinant...

Les chercheurs français ne sont pas loin de cette prouesse technologique. J'ai eu la chance d'assister à une démo dans les labos du Limsi d'Orsay, dans le cadre d'un papier que j'y ai consacré pour "Les Echos " (ici, accès payant pour les non-abonnés, sorry...). Pour résumer, la __DigiTable__, projet doté d'un budget d'1 million d'euros(partenaires, France Télécom R&D, Laboratoire d'informatique pour la mécanique et les sciences de l'ingénieur (Limsi) d'Orsay, Ecole nationale des arts et métiers (Ensam) et Intuilab, spécialiste des interfaces homme-machine, consiste en une table dotée d'une surface tactile, sur laquelle on peut interagir avec les doigts. Différents types de documents peuvent être projetés : fichiers bureautiques aux formats Word, Excel ou PowerPoint, de photographies ou de copies de feuilles de papier. Une barre d'outils est placée face à chaque utilisateur : un stylo et un gomme servent à souligner, corriger ou annoter un document. France Télécom R&D mise aussi sur la mise en relation de plusieurs DigiTables à distance. Cela pourrait déboucher sur un outil d'aide aux réunions pour des collaborateurs disséminés. Pour l'heure, il est possible de connecter deux tables distantes. Pour le grand public, le jeu est également une piste prometteuse. On peut imaginer que des joueurs s'affrontent autour d'une même table où à distance, par exemple pour des parties de poker ;).

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