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mercredi 21 novembre 2012

Du publireportage au "brand journalism"

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Je m'étais déjà essayée à l'exercice, notamment dans ce billet et cette enquête (et celle-ci) pour Stratégies. Soit passer en revue la nouvelle génération de publireportages qui se développent en presse écrite (avec notamment cette série de 6 "publis" d'anthologie pour Samsung publiés par Grazia), et leurs nouveaux dérivés, cette nouvelle génération de publicités très intégrées que l'on désigne par l'expression-valise "brand content" (littéralement "contenu de marque"). Et depuis peu, on commence à parler de brand journalism (si si) - en butinant un peu sur Google, on trouve même des agences montées des ex-journalistes qui proposent leurs services à des sites de marques.

En cette fin d'année, j'ai fait une nouvelle sélection d'opérations publicitaires parues ces dernières semaines. Car ces formes de publicités, parfois discutables, parfois spectaculaires, parfois ambiguës sur le plan déontologique, servent souvent de révélateur de l'état des médias qui les accueillent. Jusqu’à où aller? A partir de quel moment la frontière entre un contenu publié par une marque (encore une fois, on est donc bien loin de la simple publicité..) et un sujet (article, reportage vidéo...) diffusé par un média ?

Comment continuer d'exister, d’être (omni)présentes auprès des consommateurs dans une conjoncture difficile, où les budgets publicitaires ont fondu ? Dans les secteurs qui investissent le plus en publicité (traditionnellement les télécoms, l'automobile, le luxe...), plusieurs marques ont décidé de donner la prime au spectaculaire.

"Courts-métrages" publicitaires

Avec déjà la consécration, cette année, de fameux "brand content", notamment dans le secteur du luxe, où les marques n'ont pas hésité à produire des "court-métrages publicitaires" ou "films" de mode - admirez au passage la novlangue le vocable, directement emprunté à l'univers du cinéma... ça fait tout de suite plus chic, on se situe ainsi davantage dans la "création" presque cinématographique que dans la vulgaire promotion d'un produit.

Entre création artistique et nouvelle machine marketing, Prada, Vuitton, Dior... Se sont donc offerts des "court-métrages" publicitaires durant jusque parfois trois minutes, et diffusés sur le Net. Et donc beaucoup moins chers que s'ils étaient diffusés en télé. Ils empruntent parfois fortement à l'univers du cinéma: des réalisateurs, des acteurs (tel A therapy, court réalisé pour Prada par Roman Polanski avec Helena Bonham Carter et Ben Kingsley), la mise en ligne du making-of...

Forme de consécration pour ce nouveau format publicitaire aux atours parfois clinquants, le Centre Pompidou accueillait du 9 au 11 novembre un Festival de "court-métrages de mode", A shaded view of fashion film, organisé par la blogueuse mode Diane Pernet, comme le relatait M le mag.

pub VW

Côté opérations qui en mettent plein la vue, il y a eu aussi cette publicité Volkswagen sous forme d'affiche (!) dans le Journal du Dimanche du 4 novembre. Au milieu du journal, On trouvait une double page dépliable en une sorte d'affiche. L'annonceur s'est donc offert l'équivalent de 4 pages plus la double . A ma connaissance, c'est la première fois qu'une marque s'offre carrément un "format-affiche" dans un quotidien.

pub Vrai

Dans le très chic M le Mag daté du 10 novembre, avec ces 4 pages de rédactionnel et d'élégants portraits en noir et blanc, on aurait eu du mal à distinguer qu'il s'agissait d'une publicité (certes clairement mentionnée comme telle en haut à droite), pour la marque de produits laitiers bio Vrai. Avec donc un "article" très informatif sur l'histoire de l'entreprise familiale Triballat-Noyal, maison-mère de la marque Vrai, et des portraits de producteurs de lait qui revendent leur production à Vrai. Résultat: on a l'impression d'une marque transparente, et tellement authentique. Au passage, on découvre que les photos de Gwenaël Saliou ont fait l'objet d'un livre de portraits édité par la marque. Tout est dans tout...

Elle

Dans Elle de cette semaine, on découvre une opération qui mêle carrément publi-communiqué et cobranding. L'hebdo féminin a donc apposé sa marque sur une bagnole (ce qui n'est certes pas la première fois), la Nissan Micra. ce qui est relayé par un "communiqué" dans le magazine, qui met en scène la "Chronique d'une journée réussie" d'une certaine Liza B. On en est cette semaine au chapitre 3, ce qui laisse penser que c'est une série publicitaire (désolée, je ne lis pas régulièrement Elle...).

On nous raconte donc comment, grâce à sa voiture, elle mène à un bien un projet essentiel, passer "Noël, en famille et sans souci". Voilà voilà... Au passage, on notera les discrètes légendes en bas à gauche, avec les marques des vêtements qu'elles porte - exactement comme dans un article classique en rubrique mode, un étrange procédé que Elle a déjà utilisé pour un publi avec Volkswagen pour sa Golf, dont je parlais dans ce billet.

trois couleurs

Même dans le dernier numéro du mensuel culturel gratuit Trois Couleurs, diffusé dans la chaîne de cinémas parisiens MK2, on découvre ce publi pour CanalPlay (page de droite), dont la maquette le distingue bien peu d'un article classique (à gauche)... Même la typo de la légende en bas à droite est très proche de celle utilisée pour les fiches techniques en bas des pages des critiques de films.

14 couv' de Conde Nast aux couleurs de Windows 8

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Autre exemple intéressant, cette opération du groupe Conde Nast, signalée par Advertising Age (et un grand merci au passage à Delphine Soulas pour le repérage), presque un publi géant - même s'ils affirment que Windows n’a rien payé. 14 titres US de Conde Nast datés de décembre, dont Wired, The New Yorker, Vogue et Glamour, auront des couv' semblables aux écrans d'accueil d'appareils sous Windows 8; Une initiative de Microsoft "pour informer les lecteurs des contenus disponibles sur sa nouvelle plateforme", explique benoîtement Conde Nast à Ad Age.

Ici, on franchit un cap. Pour promouvoir à l'échelle mondiale son nouveau système d'exploitation, Microsoft va bien plus loin que la traditionnelle surcouverture publicitaire qui tend à se développer pour certains journaux. Ici, la marque s'insère dans ce qui est au coeur d'un journal, sa couverture, sa Une. Elle impose son propre design, son identité, au média.

Pour sa couv' "sponsorisée par Windows 8", Glamour pousse ici le réalisme jusqu'à mettre en scène les fonctionnalités qu'offre la page d'accueil de Windows 8 (affichage d'un tweet, de l'heure, de grandes photos...). "Les éditeurs évitent traditionnellement d'être impliqués dans les opérations publicitaires, pour montrer à leurs lecteurs qu'ils ne sont pas sous la coupe des marketeurs. Les publicités payantes fixées à la couverture des magazines doivent généralement être signalées comme publicités, selon le code de l'American Society of Magazine Editors", souligne Ad Age. Code qui n'inclut évidemment pas le cas des écrans d'accueil d'ordinateur. Une manière, pour Conde Nast, d'exploiter un vide juridique...

"Brand journalism" chez Coca Cola

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Enfin, pour finir en beauté, ce cas d'école de "brand journalism" (nous y voilà...). Coca Cola a dévoilé il y a quelques jours (merci ici @ziadmaalouf) son magazine en ligne, "Coca-Cola Journey", du nom de l’ancien magazine interne du groupe. Tel un magazine, il comporte plusieurs rubriques: l'entertainment, l’environnement, la santé, l’innovation... On y trouvera donc l’interview d’un chef cuisinier, une tribune de la vice-présidente de General Motors sur l’innovation automobile, des articles sur la lutte contre l’obésité.. Avec, sans surprise, très souvent l'évocation de marques du groupe Coke, ou des prises de position relevant d'une sorte de "healthwashing" sur des sujets trèèès sensibles pour le groupe (comme l'obésité).

Voilà. Cette fois encore, ces repérages ne sont que quelques exemples, si vous en avez d'autres à m'envoyer, n'hésitez pas... Cette série se poursuivra dans des billets ultérieurs.

mardi 30 septembre 2008

Buzz the Brand : 4 questions à propos du buzz marketing

Gregory Pouy de l'agence Buzz Paradise a posé 4 questions sur le buzz marketing à plusieurs blogueurs, dans le cadre du salon Buzzthebrand (programme ), consacré au marketing viral, organisé par Stratégies et Vanksen, qui aura lieu du 20 au 24 octobre à Paris.

Dans la foulée, on notera le lancement conjoint du Festival du Film Viral le 21 octobre au soir, qui récompensera les meilleurs films viraux de l’année.

Comme les quelques autres blogueurs sollicités pour l’occasion, je me suis pliée au jeu du questions-réponses…

1/En quoi une communauté peut elle renforcer une marque ?

Une communauté en ligne constitue une base de clients bien informés, et/ou qui ont une expertise sur le sujet, la marque. Donc ils apportent une certaine crédibilité à la marque. Etant à la fois consommateurs et experts, ils rassureront le client.

Une des bases du Web 2.0 consiste en la co-création de contenus et d’idées (ou crowdsourcing): en gros, des marques ont bien compris l’intérêt de faire travailler les internautes pour elles ;). Les outils permettant ce partage de contenus sont légions : je pense aux blogs de marques bien sûr, mais aussi aux plateformes de blogs, ouvertes par une marque, sur un thème précis. Cela permet de fédérer une communauté d’internautes sur un thème précis – communauté qui deviendra idéalement une communauté d’early adopters, faisant référence. Je pense notamment à la plateforme de photoblogs MyPhotos.fr, dont je parlais  : ouverte par Samsung, les internautes y commentent eux-mêmes l’usage qu’ils font de leur matériel photo Samsung… Autre outil très en vogue, les plateformes Digg-like, ou les internautes-clients proposent carrément leurs idées pour améliorer les services de l’entreprise. Les autres internautes peuvent commenter ces idées, ou voter pour elles. Un système de plébiscite faire ainsi remonter en tête de classement les idées les plus populaires. A ce titre, la tentative de la Sncf avec Debats-Sncf.com est particulièrement réussie, tout comme celle de Starbucks, avec Starbucks Ideas. Ce dernier exemple (que j’analyse dans cet article pour Les Echos) est révélateur, alors que Starbucks connaît une chute de fréquentation depuis le début de l’année… Autres outils, les wikis, ou encore une page / un groupe / une rubrique « fan de » dans Facebook… qu’un administrateur devra veiller à entretenir régulièrement.

Attention, laisser la libre parole à une communauté entraîne plusieurs contraintes pour une marque :

- accepter de déléguer, avec les risques que cela implique : ce n’est plus le service marketing ou pub qui prend la parole, mais les consommateurs. Vous essuierez peut-être des critiques, mais gagnerez en terme d’image de marque par votre transparence affichée Bref, vous ne contrôlerez pas autant votre communication que lors que vous la blindez en interne.

- la nécessité d’assurer un suivi des propositions émises par votre communauté. Par exemple sur une plateforme Digg-like, les contributeurs attendent de savoir ce que sont devenues concrètement leurs propositions. Starbucks Idea distingue ainsi les idées under review par son équipe de recherche.

- ne pas en faire trop dans la gadgétisation : inutile de vous doter du dernier « outil social » à la mode ou de les multiplier si vous ne savez pas les utiliser. Surtout, il faut savoir clairement dès le début pourquoi on se dote de tel outil, et à quoi va nous servir une communauté : relayer un message ? Tester des idées de futurs services ?...

2/ Le marketing viral nouvel eldorado ?

Peut-être… Probablement parce que des agences de pub spécialisées cherchent à vendre cela comme un nouveau format publicitaire indispensable. Il y a eu ces précédents où l’on a vu des marques se lancer dans une campagne de buzz sans y être préparées (comme cette marque qui a lancé ses produits laitiers frais ce printemps auprès des blogueurs… mais a paniqué face aux premières questions de la presse économique ;). Probablement parce que des marques habitués à communiquer de façon classique, convaincues de se lancer par leur agence de pub, ont plongé dans le bain sans se préparer. On m’a souvent évoqué ces derniers mois, ces marques qui cèdent à cette mode de prêter des produits à quelques blogueurs, en estimant que cela constituera un bon buzz préalable à leur campagne de pub.

Or, la campagne de marketing virale (= envoi d’un buzz-kit auprès de quelques blogueurs « influents » + organisation d’un event avec ces blogueurs + diffusion d’une vidéo virale sur YouTube et Dailymotion…) commence à devenir un format publicitaire qui perd en originalité. Du fait que trop de marques ont voulu y recourir.

En cas d’école de bad buzz, je citerais celui autour du téléphone mobile Samsung M110 Solid, en février 2008, que je décrivais dans ce billet. En résumé, l’envoi de morceaux de viande ( !) a résumé la campagne à un effet de provoc’ de mauvais goût. La campagne a été de facto "détruite" par les blogueurs eux-mêmes.

3/ Pourriez-vous donner 3 conseils pour bien utiliser les nouveaux outils du marketing alternatif ?

- Réfléchir d’abord à l’objectif de cette campagne : recruter de nouveaux clients, se faire connaître auprès de certaines catégories (early adopters ou consommateurs lambda) ? Tester de nouvelles idées ? Imposer un nouveau produit ?... Et accessoirement, au budget que l’on y mettra.

- Réfléchir à quels outils « alternatifs » on recourt, et pourquoi. Car il y a une multitude de nouveaux supports marketing : street marketing, supports hors-médias (des agences spécialisées comme Tapage Media proposent même des emplacements publicitaires sur des tables de bistrots, des cartons à pizzas…), vidéo virale, blog temporaire, page Facebook ou MySpace (comme celle de Cartier)…

- Utiliser ces outils de marketing alternatif dans une campagne marketing globale. La campagne doit être cohérente, idéalement doublée d’une campagne de pub classique (affichage publicitaire, print, etc).

4/ En qualité de blogueurs qu'attendez vous d'une marque qui souhaite vous approcher ?

Qu’elle sache cibler ses blogueurs, et leur parler de façon personnalisée. Le tout consiste à effectuer un mix blogueurs « influents » + blogueurs « généralistes » (à grosse audience) + blogs spécialisés, qui ont une expertise sur un sujet donné (et sont lus pour cela). Mieux vaut sélectionner quelques blogueurs. Ensuite, elle devra leur exposer le projet de marque de manière personnalisée : rien de pire qu’envoyer un mail-type à tous les blogueurs, sans tenir compte des sujets qu’il traite et de la nature de son audience.

5/ Pourquoi les annonceurs doivent-ils participer aux conférences Buzzthebrand ?

Pour acquérir les compétences nécessaires à ce type de campagne, qui doit être tout aussi structurée et professionnelle qu’un autre type de campagne. Et pour avoir de bons contacts, connaître les spécialistes du marché, assister à des études de cas...