Par Capucine Cousin le jeudi 30 décembre 2021, 15:51 - Médias
Tourisme dans Second Life
Comment se présente l'année à venir pour les géants des médias sociaux, les podcasts, la «nouvelle» réalité virtuelle, ou encore cette tendance à effacer toute personne gênante de notre vie (numérique) ? Une fois n'est pas coutume, je me suis livrée à des petites miscellanées en la matière.
Les NFT, une étoile filante ?
Si vous avez réussi à éviter toute mention de NFT (non fongible tokens, jetons non fongibles) en 2021, c'est que vous vivez dans une grotte. Le NFT permet de protéger chaque objet numérique (œuvre d'art, morceau de musique, accessoire de jeu vidéo), grâce à un certificat d'authenticité numérique qui lui a été attaché, le rendant ainsi unique, infalsifiable et non cessible. On a bien vu l'engouement que cela provoquait dans l'art: même Sotheby's et consorts y sont allés de leurs ventes aux enchères en ligne en NFT !
Certes, si les gens achètent des NFT parce qu'ils apprécient vraiment les œuvres d'art proposées, alors la ruée vers l'or pourrait s'avérer durable. Cela signifie que les NFT sont devenus un moyen populaire et légitime pour enregistrer la «propriété» de la blockchain d'une œuvre d'art numérique ou de souvenirs particuliers.
Mais s'ils achètent des œuvres d'art en NFT uniquement parce qu'ils pensent que cela fera grimper leur prix - sans que cela ne rende l'œuvre plus intéressante artistiquement ;) - cela va créer une surenchère factice, et beaucoup perdront gros. En outre, dans ce jeune phénomène, les acheteurs comme pour les vendeurs devront surveiller de près les frais de plateforme. Ceux-ci peuvent s'élever à des centaines de dollars.
Après les Spacs, les DAO ?
Vous n'avez pas pu y échapper, il y a pile un an, le nouveau buzzword qui alimentait les conversations dans les milieux financiers étaient les Spacs (Special Purpose Acquisition Company, ou société d'acquisition à vocation spécifique) est une société sans activité opérationnelle, soit une coquille vide pour réaliser une introduction en Bourse.
Les Spacs étaient donc une astuce pour aider une entreprise à être cotée en Bourse sans devoir passer par le processus long, coûteux et risqué d'un premier appel public à l'épargne (IPO). Une entreprise serait créée, collecterait des fonds, puis chercherait une start-up avec laquelle fusionner, en zappant de nombreuses étapes réglementaires. Seulement voilà, certains craignaient que cela sape les garanties conçues pour protéger les investisseurs réguliers.
Résultat: alors que plusieurs start-ups, dont BuzzFeed, sont devenues publiques via un Spac en 2021, la plupart d'entre elles ont sous-performé lors de leur entrée en Bourse, voire ont carrément perdu de l'argent.
Le Spac peut-être bientôt démodé, vive le DAO (Decentralized autonomous organization, ou organisation autonome décentralisée). Les DAO, une tendance montante parmi les enthousiastes de la blockchain, utilisent généralement leur propre crypto-monnaie pour créer une démocratie à une pièce et à une voix, collectent des fonds et cherchent à les utiliser à des fins prédéterminées.
Ce sont en quelque sorte des groupes de discussion (sur Discord, Telegram...), des communautés de passionnés d’art ou d’investissement régis par les membres eux-mêmes. Un peu comme un Facebook qui appartiendrait à l’ensemble de ses utilisateurs, et dont chaque nouvelle fonctionnalité serait soumise à un vote.
Les défenseurs considèrent les DAO comme l'avant-garde d'un nouvel Internet démocratisé. Les sceptiques y voient une perte de temps, seulement une illusion de décentralisation et de gros risques pour les investisseurs naïfs.
Le métaverse, pour remettre la VR au goût du jour
Ulrich Schrauth du festival du film de Londres porte un casque VR lors d'une présentation en 2020 au Southbank Centre.
Le danger lorsque quelqu'un dans la tech commence à utiliser les expressions «immersif» ou «vivre votre vie en ligne» est qu'il est presque inévitablement suivi par quelqu'un qui essaie de vous faire porter un casque – la tentative de Facebook de nous pousser vers le métaverse en portant leurs casques Oculus va dans le même sens.
Les utilisateurs ont généralement évité la réalité virtuelle. Les casques lourds, le contenu médiocre et le côté trop nerd de la réalité virtuelle rebutent presque tout le monde - pourtant, même moi j'y ai cru par le passé ;). Mais le métaverse, un Internet immersif qui, nous en sommes assurés, fonctionnera correctement cette fois, est la nouvelle fixette des Big Tech, Facebook suivi par Ubisoft entre autres. Attendez-vous à voir une nouvelle vague de battage médiatique VR très bientôt.
La bulle des podcasts n'éclatera pas
Soyez rassurés, vous pouvez à nouveau accéder à votre application de podcast en toute sécurité. Vous resterez au sommet de la hype. Tous ces podcasts faits maison lancés par des potes ont commencé à s'imposer.
Les grands diffuseurs professionnels et les maisons de production font des séries podcasts à gros budget, il y a toujours une scène indépendante animée. Les contenus sont plus divers qu'avant - ont ne se limite plus aux seuls podcasts sur des sujets intimes. On voit aussi des signatures issues d'«anciens» médias audiovisuels - radio notamment - qui lancent leur propre podcast, où ils exploitent au mieux leur expertise sur leur sujet tout autant que leur marque - je pense par exemple à Jérôme Colombain, qui a quitté Radio France pour lancer son podcast tech, Monde numérique.. La monétisation, entre insertions de spots publicitaires et podcasts sponsorisés, décolle. fonctionne maintenant. Les podcasts sont une histoire à succès et nous devrions remporter la victoire.
…mais le soufflé de la newsletter pourrait retomber
À première vue, les newsletters connaissent un triomphe similaire, mais il y a des nuages à l'horizon. La plupart des newsletters hébergées par Substack ne réussissent pas à s'imposer comme échappatoire à Twitter pour les auteurs.
Un plus gros problème est le prix. Si vous vous abonnez à une newsletter, 4,99 dollars par mois environ semblent raisonnables. À quatre ou cinq ans, vous payez trois ou quatre fois plus pour les newsletters que pour le New York Times. Les gens coupent leurs abonnements et se demandent à haute voix s'il pourrait y avoir, disons, un abonnement fusionné à un prix inférieur pour plusieurs newsletters. Peut-être pourrions-nous l'appeler… un magazine ?
Le ghosting (dans la vie numérique), une tendance persistante
Imaginez que vous cessez brutalement toute communication avec quelqu'un que vous connaissez bien, voire depuis longtemps. C'est du vécu: une personne que vous connaissez depuis 20 ans, qui ne donne plus de nouvelles, ignore une invitation, nos SMS, puis vous répond piteusement que, si, elle a bien envoyé un SMS - évidemment jamais reçu (ah, ton téléphone déconne, c'es dommage).
C'est violent, et ce phénomène de ghosting, où l'on zappe quelqu'un du jour au lendemain, s'est généralisé au gré des confinements. Le phénomène était initialement apparu sur les sites de rencontres, où l'on pratique précisément le zapping amoureux pour rencontrer la personne la plus «parfaite» possible.
Le phénomène s'est accentué au gré des nos vies numériques - plus facile d'ignorer un SMS, un appel ou un like sur un réseau social que de claquer physiquement la porte au nez de quelqu'un. il s'est étendu de l'amant d'un soir à des amis de longue date, voire de la famille. Sans doute aussi que, depuis deux ans, avec la pandémie et les nouveaux sujets de friction qu'elle a engendrés - antivacc', anti-masques, pro- et anti-télétravail - nous nous sommes confortés dans nos opinions.
Plus encore parce que nous sommes confinés dans nos bulles depuis deux ans: nous fréquentons les mêmes gens, entre télétravail et réseaux sociaux, et les bulles de filtres des algorithmes nous ont empêchés de nous frotter à des opinions divergentes. La pandémie les a renforcés, en limitant nos contacts quotidiens avec le «vrai» monde. Les repas de famille auront peut-être permis, durant les fêtes, de redécouvrir l'altérité.
Ce phénomène envahit même le monde du travail: les employeurs potentiels qui ghostent un candidat du jour au lendemain, mais aussi, fait nouveau, l'inverse, des jeunes candidats qui changent d'avis du jour au lendemain et se volatilisent sans plus mettre les formes auprès de leur contact.